ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
2 mai 2022 ( *1 )
« Recours en annulation – Dumping – Importations de produits extrudés en aluminium originaires de Chine – Acte imposant un droit antidumping définitif – Importateur – Acte réglementaire comportant des mesures d’exécution – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »
Dans l’affaire T‑328/21,
Airoldi Metalli SpA, établie à Molteno (Italie), représentée par Mes M. Campa, M. Pirovano, D. Rovetta, G. Pandey, P. Gjørtler et V. Villante, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. G. Luengo et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
composé de M. S. Gervasoni (rapporteur), président, Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,
greffier : M. E. Coulon,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 septembre 2021,
– les observations de la requérante sur l’exception d’irrecevabilité déposées au greffe du Tribunal le 14 novembre 2021,
rend la présente
Ordonnance ( 1 )
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Airoldi Metalli SpA, demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2021/546 de la Commission, du 29 mars 2021, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de produits extrudés en aluminium originaires de la République populaire de Chine (JO 2021, L 109, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).
[omissis]
En droit
[omissis]
Sur l’existence de mesures d’exécution du règlement attaqué
[omissis]
19 Il est de jurisprudence constante que l’existence de mesures d’exécution du règlement attaqué, au regard de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, doit être examinée à la lumière de l’objectif que cette disposition poursuit, à savoir permettre à une personne physique ou morale d’introduire un recours contre des actes de portée générale qui ne sont pas des actes législatifs, la concernant directement, et qui ne comportent pas de mesures d’exécution, en évitant ainsi les cas où une telle personne
devrait enfreindre le droit pour avoir accès à un juge (ordonnance du 21 janvier 2014, Bricmate/Conseil, T‑596/11, non publiée, EU:T:2014:53, point 66 ; voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2018, Internacional de Productos Metálicos/Commission, C‑145/17 P, EU:C:2018:839, point 49).
20 Il convient donc d’examiner si l’acte réglementaire de l’Union est mis en œuvre par un autre acte, qui est susceptible de faire l’objet d’un recours de la part de son destinataire soit devant le Tribunal, soit devant les juridictions des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2018, Internacional de Productos Metálicos/Commission, C‑145/17 P, EU:C:2018:839, points 50 et 51, et ordonnance du 21 janvier 2014, Bricmate/Conseil, T‑596/11, non publiée, EU:T:2014:53, point 67).
[omissis]
23 Il convient ainsi de déterminer en l’espèce, conformément à la jurisprudence selon laquelle il y a lieu de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours et de se référer exclusivement à l’objet du recours (arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, points 30 et 31, et ordonnance du 12 janvier 2017, Amrita e.a./Commission, C‑280/16 P, non publiée, EU:C:2017:9, points 36 et 37), si le règlement attaqué, dont l’objet est d’imposer des droits
antidumping qui devront être payés par les importateurs, comporte des mesures d’exécution à l’égard de la requérante, laquelle est une importatrice du produit concerné.
24 Or, il ressort d’une jurisprudence constante, initiée sur le fondement des dispositions du code des douanes communautaire datant de 1992 [règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié, ci-après le « code des douanes de 1992 »] et reprise en application des dispositions du code des douanes de l’Union de 2013 [règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013,
établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1), tel que modifié, ci-après le « code des douanes de 2013 »], applicable en l’espèce, que les règlements imposant des droits antidumping définitifs comportent des mesures d’exécution à l’égard des importateurs débiteurs de ces droits consistant en la communication ou en la notification à l’importateur de la dette douanière résultant de ces droits (arrêt du 18 octobre 2018, Rotho Blaas, C‑207/17, EU:C:2018:840, points 38 et 39 ;
ordonnances du 5 février 2013, BSI/Conseil, T‑551/11, non publiée, EU:T:2013:60, point 53 ; du 21 janvier 2014, Bricmate/Conseil, T‑596/11, non publiée, EU:T:2014:53, point 72 ; du 7 mars 2014, FESI/Conseil, T‑134/10, non publiée, EU:T:2014:143, point 33 ; arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278, point 116, et ordonnance du 14 septembre 2021, Far Polymers e.a./Commission,
T‑722/20, non publiée, EU:T:2021:598, point 66).
25 En particulier, pour mettre en œuvre l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base, en vertu duquel les droits antidumping définitifs sont perçus par les États membres, l’article 101, paragraphe 1, du code des douanes de 2013 prévoit que « [l]e montant des droits à l’importation ou à l’exportation exigibles est déterminé par les autorités douanières compétentes pour le lieu où la dette douanière a pris naissance » sans que soit prévue à cet égard d’exception pour les droits antidumping
définitifs. En outre, conformément à l’article 104, paragraphe 1, de ce code, les autorités douanières visées à son article 101 prennent en compte, conformément à la législation nationale, le montant des droits à l’importation ou à l’exportation exigibles déterminé conformément à cette dernière disposition. Enfin, l’article 102 dudit code dispose, en son paragraphe 1, que la dette douanière est notifiée au débiteur par les autorités douanières, sous la forme prescrite au lieu où la dette
douanière est née, et précise, en son paragraphe 2, que, lorsque le montant des droits exigibles correspond au montant mentionné dans la déclaration en douane, l’octroi de la mainlevée des marchandises par les autorités douanières vaut décision notifiant la dette douanière au débiteur.
26 Contrairement à ce que prétend la requérante, il ne saurait, dès lors, être déduit de la modification de la réglementation douanière que, sous l’empire du code des douanes de 2013, applicable en l’espèce, les règlements imposant des droits antidumping définitifs ne comportent plus de mesures d’exécution à l’égard des importateurs. Il en est d’autant plus ainsi que les dispositions du code des douanes de 2013, rappelées au point 25 ci-dessus, ne diffèrent guère de celles antérieurement en vigueur.
En effet, la détermination des montants des droits par les autorités douanières nationales, la communication de ces montants au débiteur par lesdites autorités ainsi que la circonstance selon laquelle l’octroi de la mainlevée des marchandises vaut communication de la dette douanière au débiteur en cas de correspondance entre le montant de cette dette et celui déclaré par l’importateur étaient déjà prévues par les articles 217 et 221 du code des douanes de 1992.
27 Ces considérations ne sont pas remises en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle une telle analyse ne tiendrait pas compte de l’introduction par le titre IX du code des douanes de 2013 de « systèmes électroniques » aux fins de mise en œuvre dudit code.
28 Il ressort certes des dispositions du titre IX du code des douanes de 2013 et des dispositions adoptées par la Commission en application de ce titre IX que les « échange[s] d’informations, telles que des déclarations, demandes ou décisions entre les autorités douanières et entre les opérateurs économiques et les autorités douanières […], en vertu de la législation douanière, sont effectués en utilisant un procédé informatique de traitement des données » (article 6, paragraphe 1, du code des
douanes de 2013).
29 Toutefois, ainsi qu’il ressort des termes mêmes de cette disposition et ainsi qu’il résulte également des dispositions du code des douanes de 2013 mentionnées au point 25 ci-dessus, cette informatisation concerne les échanges entre les opérateurs économiques et les autorités douanières et n’implique pas en tant que telle, en tout état de cause, que l’importation des produits et le paiement des droits antidumping fassent désormais uniquement intervenir les opérateurs économiques sans intervention
ultérieure des autorités douanières nationales.
30 Les pièces fournies à cet égard par la requérante ne font que conforter une telle interprétation. En effet, d’une part, il résulte de la description, par un commissionnaire en douane, du processus de déclaration en douane et de détermination des droits à payer, communiquée par la requérante en annexe à ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, que, à la suite de l’introduction dans le système douanier électronique, dont il n’est pas contesté qu’il relève de la responsabilité des
autorités douanières nationales, de la déclaration en douane comportant notamment l’évaluation du montant des droits effectuée par l’importateur, ce système génère une décision d’acceptation sous la forme de l’attribution d’un code valant octroi de la mainlevée et permettant la mise en libre pratique des marchandises concernées. D’autre part, il convient de relever que les déclarations en douane communiquées en annexe aux observations de la requérante sur l’exception d’irrecevabilité sont
accompagnées de documents établis par les autorités douanières italiennes (Agenzia Dogane Monopoli) comportant notamment plusieurs codes.
31 Il en résulte que le règlement attaqué ne peut déployer ses effets qu’à la suite d’une déclaration en douane établie par l’importateur (voir, a contrario, arrêt du 14 janvier 2016, Doux/Commission, T‑434/13, non publié, EU:T:2016:7, points 60 à 64), elle-même nécessairement suivie d’une mesure adoptée par les autorités douanières nationales. Il est vrai que celle-ci se borne, le plus souvent et en l’absence de contrôle, à la communication électronique susmentionnée et que l’intervention desdites
autorités sous la forme d’un contrôle, suivi dans ce cas d’une communication des résultats de la vérification et d’un éventuel montant rectifié des droits à payer, est plus occasionnelle. Toutefois, même lorsque l’action des autorités nationales se limite à ladite communication électronique, il n’en demeure pas moins qu’un acte est ainsi adopté par ces autorités. L’absence de contrôle des marchandises de la requérante, que cette dernière fait valoir en l’espèce, est, dès lors, dépourvue de
pertinence.
32 Est également indifférente la circonstance, alléguée par la requérante, selon laquelle les autorités douanières nationales ne disposent d’aucune marge d’appréciation dans leur mise en œuvre du règlement attaqué dans l’hypothèse où elles n’opteraient pas pour un contrôle. Outre le fait qu’une telle allégation pourrait être considérée comme traduisant la reconnaissance d’une nécessaire exécution par les autorités nationales, il y a lieu de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante,
l’absence de pouvoir d’appréciation est un critère qui doit être examiné afin de constater si la condition de l’affectation directe d’une partie requérante est remplie, laquelle constitue, conformément au libellé de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une condition distincte de l’exigence d’un acte ne comportant pas de mesures d’exécution (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2018, Internacional de Productos Metálicos/Commission, C‑145/17 P, EU:C:2018:839, point 54 et jurisprudence citée, et
ordonnance du 21 janvier 2014, Bricmate/Conseil, T‑596/11, non publiée, EU:T:2014:53, point 74 et jurisprudence citée).
33 En outre, déduire de l’automatisation instaurée par le code des douanes de 2013 que le règlement attaqué ne comporte pas de mesures d’exécution reviendrait à subordonner l’appréciation du critère juridique de l’absence de mesures d’exécution d’un acte à des circonstances purement techniques. Or, une telle simplification d’ordre matériel, au demeurant justifiée par l’absence de marge d’appréciation des autorités nationales, ne saurait produire de telles conséquences (voir, en ce sens, ordonnance
du 5 février 2013, BSI/Conseil, T‑551/11, non publiée, EU:T:2013:60, point 49).
34 Il convient de relever, au demeurant, qu’il ressort de l’article 44 du code des douanes de 2013, comme d’ailleurs des dispositions antérieurement en vigueur (articles 243 à 245 du code des douanes de 1992), que les décisions relatives à l’application de la législation douanière prises par les autorités douanières peuvent faire l’objet d’un recours, conformément à la procédure instituée à cette fin par l’État membre en cause en application de cette disposition, et en excipant, le cas échéant, de
l’illégalité du règlement instituant les droits antidumping devant les juridictions nationales, qui pourraient recourir, avant de statuer, aux dispositions de l’article 267 TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 14 septembre 2021, Far Polymers e.a./Commission, T‑722/20, non publiée, EU:T:2021:598, points 67 et 68 et jurisprudence citée).
35 Il résulte de tout ce qui précède que le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution à l’égard de la requérante, de sorte que, pour que son recours soit déclaré recevable, la requérante doit établir être individuellement concernée par ledit règlement.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme irrecevable.
2) Airoldi Metalli SpA est condamnée aux dépens.
Fait à Luxembourg, le 2 mai 2022.
Le greffier
E. Coulon
Le président
S. Gervasoni
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.
( 1 ) Ne sont reproduits que les points de la présente ordonnance dont le Tribunal estime la publication utile.