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07/09/2022 | CJUE | N°T-713/20

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, OQ contre Commission européenne., 07/09/2022, T-713/20


ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 septembre 2022 (*)

« Fonction publique – Recrutement – Avis de concours général EPSO/AD/378/20 (AD 7) – Juristes-linguistes de langue croate à la Cour de justice de l’Union européenne – Décision du jury de ne pas admettre le requérant à l’étape suivante du concours – Conditions d’admission  – Condition relative à un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par un diplôme en droit croate – Possession d’un diplôme français en droit 

Libre circulation des travailleurs –
Recours en annulation »

Dans l’affaire T‑713/20,

OQ, représenté pa...

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 septembre 2022 (*)

« Fonction publique – Recrutement – Avis de concours général EPSO/AD/378/20 (AD 7) – Juristes-linguistes de langue croate à la Cour de justice de l’Union européenne – Décision du jury de ne pas admettre le requérant à l’étape suivante du concours – Conditions d’admission  – Condition relative à un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par un diplôme en droit croate – Possession d’un diplôme français en droit – Libre circulation des travailleurs –
Recours en annulation »

Dans l’affaire T‑713/20,

OQ, représenté par M^e R. Štaba, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M^me D. Milanowska, MM. R. Mrljić et L. Vernier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, OQ, demande l’annulation de la décision du jury de concours (ci-après le « jury ») du 3 septembre 2020 de ne pas l’admettre à la phase suivante du concours général EPSO/AD/378/20 pour l’établissement d’une liste de réserve de juristes-linguistes de langue croate pour la Cour de justice de l’Union européenne. Le requérant demande également l’annulation du rejet de sa demande de réexamen de cette décision, adopté par décision du jury
du 12 octobre 2020.

 Antécédents du litige

2        Le requérant, de nationalité croate, a effectué ses études supérieures de droit en Italie et en France. En 2012, il a obtenu dans ce dernier État un master « droit, économie, gestion à finalité professionnelle, mention droit privé, spécialité juriste-linguiste » de l’université de Poitiers, qui a été reconnu en Croatie au titre d’une « reconnaissance professionnelle » aux fins de l’exercice d’un emploi. Le requérant a exercé pendant un peu plus de trois ans, de fin 2013 à début 2017, des
fonctions de traducteur au Parlement européen à l’unité de langue croate et, à partir de l’automne 2018, il a été avocat stagiaire en Croatie, qualité qu’il avait lorsqu’il a présenté en avril 2020 sa candidature au concours général évoqué au point 1 ci-dessus. Il a mentionné ces différents éléments dans son acte de candidature à ce concours.

3        L’avis de concours concernant le concours auquel s’est présenté le requérant (JO 2020, C 72 A, p. 1, ci-après l’ « avis de concours ») indiquait notamment, en ce qui concerne les conditions particulières de recrutement, qu’aucune expérience professionnelle n’était exigée et, s’agissant des « qualifications recherchées », qui se rapportaient tant à des connaissances linguistiques qu’à la possession de titres et diplômes, que, pour ce dernier aspect, était demandé « un niveau d’enseignement
correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par l’un des diplômes suivants en droit croate : Diploma iz hrvatskog prava stečena na sveučilišnom studiju (magistar/magistra prava ili diplomirani pravnik/diplomirana pravnica) ». Il était précisé que, pour déterminer si le candidat avait atteint un niveau correspondant à un cycle complet d’études universitaires, le jury tiendrait compte des règles en vigueur au moment de l’obtention du diplôme.

4        Dans sa décision du 3 septembre 2020, le jury a indiqué au requérant :

« Sur la base des données fournies dans votre acte de candidature, vous ne remplissez pas les conditions d’admission relatives aux titres : vous n’avez pas un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par l’un des diplômes en droit croate [demandés]. »

5        Dans sa demande de réexamen, le requérant a fait valoir que son diplôme de master français avait été reconnu en Croatie comme équivalent à un master 2 croate par une ordonnance de l’autorité compétente, qu’il a jointe. La portée d’une telle ordonnance dans l’ordre juridique croate aurait été précisée dans des décisions de l’Ustavni sud (Cour constitutionnelle, Croatie) et du Vrhovni sud (Cour suprême, Croatie), que le requérant a également jointes. En se référant à l’arrêt du 13 octobre
2017, Brouillard/Commission (T‑572/16, non publié, ci-après l’« arrêt Brouillard III », EU:T:2017:720), le requérant a soutenu que le jury était obligé de tenir compte des effets juridiques de l’ordonnance susmentionnée, à savoir que, selon le droit croate, son diplôme de master français avait les mêmes effets qu’un diplôme de master 2 obtenu en Croatie.

6        Dans sa décision du 12 octobre 2020, le jury a rejeté la demande de réexamen au motif qu’il était lié par l’avis de concours, lequel déterminait les compétences requises pour les postes à pourvoir, et que toutes les candidatures avaient été examinées de la même manière au regard de cet avis. Il a souligné que les juristes-linguistes de la Cour de justice de l’Union européenne doivent être capables de traduire dans la « langue du concours » des textes juridiques ou législatifs souvent
complexes à partir d’au moins deux autres langues, ce qui aurait nécessité en l’occurrence une connaissance approfondie du système ainsi que de la terminologie juridiques croates, ce qui, à nouveau, n’aurait pu être assuré que par la possession d’un diplôme universitaire en droit croate. Le jury a à cet égard souligné que les études du requérant n’avaient pas porté sur le droit croate. La reconnaissance de son diplôme français aux fins de l’exercice d’un emploi en Croatie n’aurait pas non plus
attesté de connaissances du système et de la terminologie juridiques croates.

 Conclusions des parties

7        Le requérant conclut à l’annulation des décisions du jury des 3 septembre et 12 octobre 2020 ainsi qu’à la condamnation de la Commission européenne aux dépens.

8        La Commission conclut au rejet du recours et à la condamnation du requérant aux dépens.

 En droit

9        À titre liminaire, il doit être rappelé que l’article 4 de la décision 2002/620/CE du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur, du 25 juillet 2002, portant création de l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (JO 2002, L 197, p. 53) dispose :

« En application de l’article 91 bis du statut, les demandes et les réclamations relatives à l’exercice des pouvoirs dévolus en vertu de l’article 2, paragraphes 1 et 2, de la présente décision sont introduites auprès de l’Office. Tout recours dans ces domaines est dirigé contre la Commission. »

10      C’est la raison pour laquelle la partie défenderesse dans la présente affaire est la Commission bien que soit en cause une décision d’un jury d’un concours organisé par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) pour le compte de la Cour de justice de l’Union européenne. En réponse à une question du Tribunal, le requérant a en effet indiqué qu’il visait bien la Commission comme partie défenderesse bien qu’il ait mentionné initialement l’EPSO dans la requête (voir, en ce sens, arrêt
du 16 octobre 2013, Italie/Commission, T‑248/10, non publié, EU:T:2013:534, points 25 et 26 et jurisprudence citée).

11      Il doit également être rappelé que lorsqu’un candidat à un concours sollicite, conformément à une règle posée par l’avis de concours, le réexamen d’une décision prise par un jury, ce qui est le cas en l’espèce, la décision prise par ce dernier après réexamen de la situation du candidat se substitue à la décision initiale du jury et constitue donc l’acte faisant grief (arrêts du 16 décembre 1987, Beiten/Commission, 206/85, EU:C:1987:559, point 8 ; du 11 février 1992,
Panagiotopoulou/Parlement, T‑16/90, EU:T:1992:11, point 20, et du 5 septembre 2018, Villeneuve/Commission, T‑671/16, EU:T:2018:519, point 24).

12      Par conséquent, dans la présente affaire, les conclusions en annulation doivent être regardées comme étant dirigées contre la seule décision faisant grief, à savoir la décision du jury du 12 octobre 2020 (ci-après la « décision attaquée »), adoptée en réponse à la demande de réexamen de sa décision du 3 septembre 2020, à laquelle elle se substitue.

13      Le requérant fait valoir comme moyens d’annulation un excès de pouvoir du jury, qui n’aurait pas tenu compte de la reconnaissance en Croatie de son diplôme français, et une erreur manifeste d’appréciation du jury, notamment pour non prise en compte de son expérience professionnelle.

14      Dans son premier moyen, le requérant soutient que le jury a empiété sur les compétences des autorités croates qui auraient reconnu son diplôme français comme équivalent à un diplôme croate au titre d’une reconnaissance professionnelle de diplômes étrangers d’études supérieures aux fins de l’exercice d’un emploi en Croatie. Cette procédure de reconnaissance prendrait uniquement en compte le niveau des connaissances, aptitudes et compétences acquises, sans comparer les programmes
d’enseignement et, de ce fait, selon le requérant, le jury ne pouvait pas se fonder sur l’absence, dans cette procédure, de comparaison des programmes conduisant respectivement au diplôme français du requérant et aux diplômes croates demandés dans l’avis de concours ainsi que sur l’absence de vérification, par les autorités croates, des connaissances du requérant en droit croate pour écarter sa candidature. Le diplôme français du requérant lui aurait permis d’intégrer la profession d’avocat en
Croatie, et de l’exercer comme avocat stagiaire au barreau de Zagreb (Croatie) dans deux cabinets successifs, alors même que l’une des conditions de principe pour y prétendre serait d’avoir suivi un cycle complet d’études universitaires de droit dans une faculté de droit en Croatie. Cela montrerait que, en vertu du droit croate, le diplôme de droit du requérant a été entièrement assimilé à un diplôme de droit de niveau équivalent délivré en Croatie. Le requérant soutient que ces éléments, y compris
son expérience professionnelle dont il a fait état dans son formulaire de candidature, démontraient qu’il possède un niveau totalement équivalent, tant sur le plan matériel que formel, à celui attesté par les diplômes requis par l’avis de concours. Dès lors, la décision du jury traduirait une atteinte à ses droits fondamentaux de citoyen de l’Union européenne tels qu’ils sont consacrés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment le droit de travailler et le droit à
l’égalité, ainsi que l’interdiction des discriminations.

15      Dans son second moyen, le requérant soutient que, en ne tenant pas compte de ces éléments, le jury a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits, notamment sur le niveau de ses connaissances en droit croate. En commettant cette erreur, le jury aurait négligé les apports de son expérience, tant en matière de pratique du droit croate que de traduction. Le requérant indique qu’il a d’ailleurs, quelques mois après le dépôt de sa candidature, réussi l’« examen judiciaire » auquel les
avocats stagiaires peuvent s’inscrire après 18 mois d’exercice en Croatie, qui leur permet d’y exercer toutes les fonctions de l’avocat. Cela démontrerait a posteriori qu’il possédait bien les connaissances du système et de la terminologie juridiques croates requises dans l’avis de concours. Il critique à cet égard, en substance, l’incohérence entre le rejet de sa candidature et l’acceptation de candidatures de personnes n’ayant eu que des connaissances théoriques en droit croate.

16      Dans la réplique, le requérant répond à la Commission sans rattacher son argumentation à l’un ou l’autre de ses moyens d’annulation dans la mesure où, dans le mémoire en défense, la Commission a elle-même répondu à ces moyens de manière groupée au motif qu’ils se recoupaient largement. Le requérant invoque une violation par le jury de l’article 5, paragraphe 3, sous c), et de l’article 27 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), relatifs, respectivement,
aux niveaux minimums de formation des fonctionnaires et aux principes devant guider leurs recrutements. Il soutient plus généralement que les conditions de participation à un concours ne peuvent pas être contraires à la réglementation de l’Union et que le jury ne saurait avoir un pouvoir discrétionnaire illimité pour déterminer si les qualifications et l’expérience professionnelle des candidats correspondent au niveau requis dans l’avis de concours. Il expose que la hiérarchie des normes que le jury
doit appliquer est la suivante : les traités fondateurs, le statut et l’avis de concours. Il soutient à cet égard que le jury a violé l’article 45 TFUE relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, qui serait applicable aux recrutements tant au sein des institutions de l’Union qu’au sein des États membres. Sur cette base, le requérant estime que le jury aurait dû appliquer les principes dégagés dans l’arrêt du 6 octobre 2015, Brouillard (C‑298/14, ci-après l’« arrêt
Brouillard I », EU:C:2015:652), à savoir prendre en considération l’ensemble de ses diplômes, de ses certificats et de ses autres titres ainsi que son expérience professionnelle pertinente, en procédant à une comparaison entre les qualifications attestées par ceux-ci et celles exigées dans l’avis de concours.

17      Sur le fond, la Commission répond, en complément de ce que le jury a indiqué dans sa décision du 3 septembre 2020 et dans la décision attaquée, que, eu égard aux besoins des fonctions de juriste-linguiste de langue croate à la Cour de justice de l’Union européenne, l’avis de concours indiquait clairement et précisément les exigences en matière de titres et de diplômes pour se présenter au concours : un niveau d’étude universitaire, un contenu des études, à savoir le droit croate, et des
diplômes, à savoir l’un des diplômes de droit croates mentionnés. Dans la duplique, la Commission précise que l’avis de concours n’exigeait pas que toutes les études aient été faites en Croatie. Le requérant n’aurait pas satisfait aux deuxième et troisième exigences susmentionnées. Or, ainsi qu’il serait jugé de manière récurrente, le jury d’un concours serait tenu de se conformer au texte de l’avis de concours. La reconnaissance du diplôme de master français du requérant en Croatie, aux fins de
l’exercice d’un emploi en Croatie, même pour y intégrer comme avocat stagiaire la profession d’avocat, n’en ferait pas un des diplômes de droit croate requis pour se présenter au concours auquel s’est présenté le requérant pour exercer les fonctions de juriste-linguiste en cause, et non pour exercer des fonctions en Croatie. Le jury n’aurait à cet égard pas empiété sur les compétences des autorités croates. Quant à l’expérience professionnelle du requérant, elle ne serait pas pertinente dès lors que
l’avis de concours indiquait qu’aucune expérience professionnelle n’était requise. S’il en avait tenu compte, le jury n’aurait pas respecté l’avis de concours.

18      Par ailleurs, dans la duplique, la Commission excipe de l’irrecevabilité de l’invocation par le requérant, au stade de la réplique, de l’article 5, paragraphe 3, sous c), et de l’article 27 du statut ainsi que de l’article 45 TFUE. Selon elle, le requérant a soulevé des moyens nouveaux en cours d’instance en méconnaissance des dispositions de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

19      Le Tribunal examinera ci-après ensemble les deux griefs présentés comme moyens d’annulation dans la requête. Comme l’a relevé la Commission, ils se recoupent largement. En outre, sous les intitulés « excès de pouvoir » et « erreur manifeste d’appréciation », ils englobent en réalité différents moyens et arguments que le Tribunal examinera en tant que de besoin.

20      Comme le souligne la Commission, le jury d’un concours est tenu par les termes de l’avis de ce concours. L’article 5, premier alinéa, de l’annexe III du statut, relative à la procédure de concours, dispose que « [a]près avoir pris connaissance [des dossiers de candidature], le jury détermine la liste des candidats qui répondent aux conditions fixées par l’avis de concours ». Cette disposition vise notamment à respecter le rôle essentiel que l’avis de concours doit jouer d’après le statut,
qui consiste précisément à informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s’agit afin de les mettre en mesure d’apprécier, d’une part, s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature et, d’autre part, quelles pièces justificatives sont d’importance pour les travaux du jury et doivent, par conséquent, être jointes aux actes de candidature (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 1979, Anselme et Constant/Commission,
255/78, EU:C:1979:175, point 9, et du 28 novembre 1991, Van Hecken/CES, T‑158/89, EU:T:1991:63, point 23). Ainsi le jury ne peut ni ajouter des critères de sélection à ceux énoncés dans l’avis de concours, ainsi qu’il a été jugé dans les affaires ayant donné lieu aux deux arrêts mentionnés dans le présent point, ni, à l’inverse, en retrancher (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2018, UR/Commission, T‑761/17, non publié, EU:T:2018:968, point 67).

21      En l’espèce, comme cela est exposé au point 3 ci-dessus, l’avis de concours indiquait que, en matière de titres et de diplômes était demandé « un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par l’un des diplômes suivants en droit croate : Diploma iz hrvatskog prava stečena na sveučilišnom studiju (magistar/magistra prava ili diplomirani pravnik/diplomirana pravnica) ». Cette disposition, qui vise expressément des diplômes croates de droit, ne
pouvait pas être interprétée par le jury comme lui permettant, en se conformant à l’avis de concours, d’admettre des équivalences à la possession de ces diplômes. C’est d’ailleurs ce qu’a estimé le jury en indiquant, dans sa décision du 3 septembre 2020 :

« Sur la base des données fournies dans votre acte de candidature, vous ne remplissez pas les conditions d’admission relatives aux titres : vous n’avez pas un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par l’un des diplômes en droit croate [demandés]. »

22      Il y a donc lieu de considérer que le requérant reproche au jury de s’être conformé à un avis de concours illégal. Autrement dit, le requérant doit être regardé comme soulevant, notamment au travers des moyens et des arguments rapportés aux points 14 à 16 ci-dessus, une exception d’illégalité, au sens de l’article 277 TFUE, à l’égard de la disposition de l’avis de concours relative aux titres et aux diplômes requis, en particulier pour contrariété à l’article 45 TFUE.

23      À cet égard, il n’existe pas d’exigence en droit de l’Union d’une invocation formelle d’une exception d’illégalité. En effet, une exception d’illégalité peut être soulevée implicitement, dès lors qu’il ressort relativement clairement de la requête que le requérant formule en fait un tel grief (voir arrêt du 27 novembre 2018, Mouvement pour une Europe des nations et des libertés/Parlement, T‑829/16, EU:T:2018:840, point 66 et jurisprudence citée).

24      Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la Commission dans la duplique, l’invocation par le requérant de l’article 45 TFUE au stade de la réplique, notamment en lien avec l’interprétation qui en a été donnée dans l’arrêt Brouillard I, n’est pas tardive dans la présente procédure et, de ce fait, n’est pas irrecevable au regard de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure qui interdit la production de moyens nouveaux en cours d’instance, à moins que ces moyens ne se fondent
sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. En effet, ainsi qu’il ressort du point 16 ci-dessus, l’invocation de l’article 45 TFUE dans la réplique ne constitue qu’une ampliation des moyens avancés explicitement dans la requête puisqu’en substance le requérant a pour l’essentiel dénoncé dans celle-ci le défaut de prise en compte de la valeur de son diplôme français en Croatie et de son expérience professionnelle, en partie acquise en dehors de Croatie, qui sont des
éléments susceptibles d’être directement pertinents dans le cadre de l’appréciation d’un acte au regard des exigences découlant de cette disposition telles qu’elles ont été interprétées dans l’arrêt Brouillard I (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 19 mai 1983, Verros/Parlement, 306/81, EU:C:1983:143, points 9 et 10, et du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 30). En ce qui concerne plus particulièrement l’invocation de l’arrêt Brouillard I, il y a lieu de
préciser que rien n’interdit à un requérant d’avancer des précédents jurisprudentiels supplémentaires en cours de procédure, dès lors qu’ils viennent au soutien d’un moyen lui-même recevable.

25      En revanche, c’est à juste titre que la Commission excipe de l’irrecevabilité des moyens avancés dans la réplique tirés d’une méconnaissance de l’article 5, paragraphe 3, sous c), et de l’article 27 du statut. En effet, l’argumentation de la requête ne se rattache pas de manière suffisamment directe et évidente à une démonstration susceptible d’établir que ces dispositions ont été méconnues et aucun élément nouveau n’est intervenu au cours de la procédure qui justifierait la production de
ces moyens nouveaux au stade de la réplique.

26      Ces éléments étant précisés, il convient d’examiner en premier le moyen d’après lequel l’avis de concours aurait conduit le jury à empiéter sur les compétences des autorités croates qui auraient reconnu le diplôme français du requérant comme équivalent à un diplôme croate au titre d’une reconnaissance professionnelle de diplômes étrangers d’études supérieures aux fins de l’exercice d’un emploi en Croatie.

27      Ce moyen doit être rejeté. L’avis de concours n’a pas conduit le jury à contester que le diplôme français du requérant était, aux termes d’une décision de l’autorité compétente croate, reconnu équivalent à un diplôme croate au titre d’une reconnaissance professionnelle de diplômes étrangers d’études supérieures aux fins de l’exercice d’un emploi en Croatie. Cependant, cette reconnaissance nationale à ces fins n’impliquait pas que ce diplôme français devait être reconnu automatiquement, aux
fins d’un concours de recrutement dans une institution de l’Union, comme équivalent aux diplômes croates demandés dans l’avis de concours. Les autorités croates n’ont en effet pas de compétence pour déterminer les conditions de recrutement dans une telle institution. Dès lors, en l’espèce, l’avis de concours ne saurait avoir conduit le jury à empiéter sur les compétences des autorités croates. Il doit néanmoins être précisé d’emblée que cette constatation ne signifie pas qu’une telle reconnaissance
nationale ne doit aucunement être prise en considération par une institution de l’Union organisant un concours de recrutement dans l’examen de candidatures s’en réclamant.

28      Il convient ensuite d’examiner le moyen d’après lequel l’avis de concours publié en l’espèce pour le compte de la Cour de justice de l’Union européenne est, au regard de la situation du requérant telle qu’il l’a présentée dans sa candidature, contraire à l’article 45 TFUE.

29      L’article 45 TFUE dispose notamment que la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de l’Union et qu’elle comporte le droit, sous réserve de limitations et de conditions non pertinentes en l’espèce, de répondre à des emplois effectivement offerts, de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres et d’y séjourner afin d’y exercer un emploi.

30      Dans le cas où un travailleur a exercé sa liberté de circulation entre États membres, il peut, si les conditions d’application de cette disposition sont réunies, se réclamer de l’article 45 TFUE auprès d’une institution de l’Union de la même façon qu’auprès des autorités des États membres (voir, en ce sens, ensemble, arrêts du 15 mars 1989, Echternach et Moritz, 389/87 et 390/87, EU:C:1989:130, point 11 ; du 6 octobre 2016, Adrien e.a., C‑466/15, EU:C:2016:749, point 25, et du 14 septembre
2015, Brouillard/Cour de justice, T‑420/13, non publié, ci-après l’« arrêt Brouillard II », EU:T:2015:633, point 93).

31      En l’occurrence, en ayant effectué ses études universitaires dans d’autres États membres que celui dont il est ressortissant, la Croatie, le requérant peut utilement se prévaloir de l’article 45 TFUE dans un processus d’accès à un emploi dans une institution de l’Union dès lors que cette institution ne met pas à cette fin sur le même plan le diplôme de droit qu’il a obtenu en France et les diplômes de droit de niveau équivalent délivrés en Croatie demandés dans l’avis de concours. En effet,
la libre circulation des ressortissants des États membres prévue par le traité FUE ne serait pas pleinement réalisée si le bénéfice de cette disposition était refusé à ceux de ces ressortissants qui ont fait usage des facilités prévues par le droit de l’Union et qui ont acquis, à la faveur de celles-ci, des qualifications professionnelles ou universitaires dans d’autres États membres que celui dont ils possèdent la nationalité (voir, en ce sens, arrêts du 31 mars 1993, Kraus, C‑19/92, EU:C:1993:125,
points 16 et 17, et Brouillard I, points 27 à 29).

32      Ensuite, il doit être relevé que l’avis de concours indiquant que, en matière de titres et de diplômes, était demandé « un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par l’un des diplômes [en droit croate énumérés] » est rédigé sur cet aspect comme l’avis de concours en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Brouillard III. Or, dans cet arrêt, il a été jugé qu’un tel libellé indiquait certes que la possession d’un des diplômes de droit
mentionnés était demandée, mais non le suivi d’un parcours déterminé ou l’apprentissage de plusieurs disciplines déterminées au cours du cursus ayant abouti à l’obtention d’un de ces diplômes (arrêt Brouillard III, points 49 et 50). Le Tribunal n’a pas de raisons de s’écarter de cette interprétation en l’espèce, que la Commission confirme ainsi que cela est exposé au point 17 ci-dessus. Les candidats ayant effectué une partie de leurs études en dehors de la Croatie n’étaient donc pas écartés du
concours en question dans la présente affaire de ce seul fait.

33      Il doit encore être constaté que l’article 45 TFUE, en l’absence de mesures d’harmonisation prises à cet effet sur le fondement de l’article 46 TFUE, n’oblige pas une entité, lorsqu’elle recrute un travailleur en demandant que les candidats possèdent certains diplômes déterminés, à accepter automatiquement comme équivalents à ceux-ci d’autres diplômes, délivrés dans d’autres États membres, même si ces derniers diplômes sanctionnent le même niveau d’études dans le même domaine.

34      En effet, en l’absence de l’harmonisation évoquée, une telle entité est en droit de définir les connaissances et les qualifications spécifiques nécessaires à l’exercice de l’emploi concerné et de demander la production d’un diplôme attestant la possession de ces connaissances et de ces qualifications (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 1991, Vlassopoulou, C‑340/89, EU:C:1991:193, point 9, et Brouillard I, points 48 à 50). En particulier, une institution de l’Union dispose, sous réserve des
exigences minimales définies dans le statut, d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les critères de capacité exigés par les postes à pourvoir (arrêts du 16 octobre 1975, Deboeck/Commission, 90/74, EU:C:1975:128, point 29, et du 27 septembre 2006, Blackler/Parlement, T‑420/04, EU:T:2006:282, point 45). D’ailleurs, en l’espèce, n’est pas discutée par le requérant la nécessité que les candidats au concours auquel il s’est présenté, visant à recruter des juristes-linguistes de langue croate à
la Cour de justice de l’Union européenne, aient eu une connaissance approfondie du système et de la terminologie juridiques croates, dont les diplômes croates de droit demandés devaient attester.

35      Or, si l’article 45 TFUE impose de prendre en considération d’autres diplômes, délivrés dans d’autres États membres, mis en avant par des candidats, aux fins de procéder à une comparaison entre, d’une part, les compétences que ces derniers diplômes attestent et, d’autre part, les compétences attestées par les diplômes demandés par l’entité en question (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 1991, Vlassopoulou, C‑340/89, EU:C:1991:193, points 16 à 19, et Brouillard I, points 54 et 55), cette
disposition n’impose aucune reconnaissance automatique de l’équivalence entre ces différents diplômes.

36      L’avis du concours auquel s’est présenté le requérant ne méconnaissait donc pas l’article 45 TFUE du seul fait qu’il ne prévoyait pas que les diplômes de droit délivrés dans d’autres États membres que la Croatie, sanctionnant le même niveau d’études que celui attesté par les diplômes croates demandés, y compris s’ils étaient reconnus équivalents à ces derniers par les autorités croates, y seraient automatiquement reconnus équivalents dans le cadre de ce concours.

37      Néanmoins, l’absence de prise en compte des études, sanctionnées par des diplômes, et de l’expérience professionnelle qu’un travailleur candidat à un emploi a respectivement suivies et acquise en utilisant la liberté de circulation entre États membres consacrée à l’article 45 TFUE conduirait à restreindre la portée de cette liberté fondamentale garantie par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêts du 31 mars 1993, Kraus, C‑19/92, EU:C:1993:125, point 32, et du 10 décembre 2009, Peśla,
C‑345/08, EU:C:2009:771, point 36). À cet égard, en l’espèce, le requérant se réfère tout particulièrement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Brouillard I.

38      Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Brouillard I, un ressortissant belge, M. Brouillard, avait commencé ses études supérieures en Belgique et avait obtenu par la suite en France le même master que celui obtenu par le requérant dans la présente affaire, à savoir le master « droit, économie, gestion à finalité professionnelle, mention droit privé, spécialité juriste-linguiste » de l’université de Poitiers. En 2011, alors qu’il travaillait déjà dans les services de la Cour de cassation
belge, il s’était présenté à un concours de recrutement de référendaires auprès de cette juridiction. Sa candidature avait été déclarée irrecevable au motif qu’il aurait dû être titulaire d’un diplôme de docteur, de licencié ou de master obtenu auprès d’une université belge, ce qui aurait attesté de son aptitude à la fonction. Sa demande de reconnaissance de l’équivalence de son diplôme français de master au diplôme belge de master en droit avait de plus par la suite été rejetée par l’autorité belge
compétente au motif que ses études faites à l’étranger ne correspondaient pas aux exigences des facultés de droit belges, lesquelles auraient formé aux fonctions juridiques dans l’ordre juridique belge. En particulier, certaines compétences en droit belge n’auraient pas été acquises par l’intéressé pendant ses études. À la suite du dépôt d’un recours par M. Brouillard contre la décision d’irrecevabilité de sa candidature, le Conseil d’État belge a posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour.

39      Au point 47 de l’arrêt Brouillard I, la Cour a résumé comme suit les questions pertinentes :

« […] la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que le jury d’un concours de recrutement de référendaires auprès d’une juridiction d’un État membre, lorsqu’il examine une demande de participation à ce concours présentée par un ressortissant de cet État membre, subordonne cette participation à la possession des diplômes exigés par la législation dudit État membre ou à la reconnaissance de l’équivalence académique d’un
diplôme de master délivré par l’université d’un autre État membre, sans prendre en considération l’ensemble des diplômes, des certificats et d’autres titres ainsi que l’expérience professionnelle pertinente de l’intéressé, en procédant à une comparaison entre les qualifications professionnelles attestées par ceux‑ci et celles exigées par cette législation. »

40      Par ce libellé, la Cour a établi une distinction entre, d’une part, l’équivalence reconnue, ou non, d’une manière générale dans un État membre d’un diplôme délivré dans un autre État membre et, d’autre part, l’appréciation in concreto qu’un jury de concours est susceptible de faire par ailleurs de l’adéquation des qualifications obtenues, y compris par l’expérience professionnelle, par un candidat ayant exercé son droit à la libre circulation entre États membres par rapport aux
qualifications qui sont demandées pour pouvoir se présenter à ce concours. Au point 50 de l’arrêt Brouillard I, la Cour a précisé que, en l’espèce, l’État membre concerné était libre de déterminer les connaissances et les qualifications jugées nécessaires pour accéder aux fonctions visées.

41      Aux points 53 et 54 de l’arrêt Brouillard I, la Cour a rappelé que des règles nationales établissant des conditions de qualification, même appliquées sans discrimination tenant à la nationalité, peuvent avoir pour effet d’entraver l’exercice de la liberté de circulation des travailleurs si les règles nationales en question font abstraction des connaissances et des qualifications déjà acquises par l’intéressé dans un autre État membre. Elle en a déduit que les autorités d’un État membre,
saisies d’une demande d’autorisation, présentée par un ressortissant de l’Union, d’exercer une profession dont l’accès est, selon la législation nationale, subordonné à la possession d’un diplôme ou d’une qualification professionnelle, ou encore à des périodes d’expérience pratique, sont tenues de prendre en considération l’ensemble des diplômes, des certificats et d’autres titres, ainsi que l’expérience pertinente de l’intéressé, en procédant à une comparaison entre, d’une part, les compétences
attestées par ces titres et cette expérience et, d’autre part, les connaissances et les qualifications exigées par la législation nationale.

42      Au point 57 de l’arrêt Brouillard I, la Cour a rappelé que, dans l’hypothèse où la comparaison des diplômes obtenus dans d’autres États membres avec les diplômes nationaux demandés aboutirait à la constatation d’une correspondance seulement partielle des qualifications attestées par ces différents diplômes, tenant notamment aux différences de cadre juridique entre États membres, l’autorité compétente pouvait exiger que l’intéressé démontre qu’il a acquis les connaissances et les
qualifications manquantes.

43      Aux points 58 et 59 de l’arrêt Brouillard I, la Cour a précisé à cet égard qu’il incombe aux autorités nationales compétentes d’apprécier si les connaissances acquises dans l’État membre d’accueil, dans le cadre soit d’un cycle d’études, soit d’une expérience pratique, peuvent valoir aux fins d’établir la possession des connaissances manquantes et que, dans la mesure où toute expérience pratique dans l’exercice d’activités connexes est susceptible d’augmenter les connaissances d’un
demandeur, l’autorité compétente doit prendre en considération toute expérience pratique utile à l’exercice de la profession à laquelle l’accès est demandé. La Cour a ajouté que la valeur précise à attacher à cette expérience doit être déterminée par l’autorité compétente à la lumière des fonctions spécifiques exercées, des connaissances acquises et appliquées dans l’exercice de ces fonctions ainsi que des responsabilités conférées et du degré d’indépendance accordés à l’intéressé en cause.

44      Au point 65 de l’arrêt Brouillard I, la Cour a notamment observé que l’expérience professionnelle de M. Brouillard, notamment celle acquise dans les services de la Cour de cassation belge, pouvait apparaître pertinente.

45      Dès lors, la Cour a indiqué à la juridiction de renvoi que l’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, le jury d’un concours de recrutement de référendaires auprès d’une juridiction d’un État membre, lorsqu’il examine une demande de participation à ce concours présentée par un ressortissant de cet État membre, subordonne cette participation à la possession des diplômes exigés par la législation
dudit État membre ou à la reconnaissance de l’équivalence académique d’un diplôme de master délivré par l’université d’un autre État membre, sans prendre en considération l’ensemble des diplômes, des certificats et d’autres titres ainsi que l’expérience professionnelle pertinente de l’intéressé, en procédant à une comparaison entre les qualifications professionnelles attestées par ceux‑ci et celles exigées par cette législation.

46      Dans la mesure où, comme cela est indiqué au point 30 ci-dessus, les institutions de l’Union sont, comme les autorités des États membres, tenues par les principes découlant de l’article 45 TFUE dans les situations où celui-ci s’applique, une très étroite analogie entre la situation ayant donné lieu à l’arrêt Brouillard I, invoqué par le requérant, et la situation donnant lieu à la présente affaire doit être constatée.

47      Dès lors, comme le requérant le soutient, sa candidature au concours général auquel il s’est présenté ne pouvait pas être écartée du seul fait qu’il ne possédait pas l’un des diplômes en droit croates demandés dans l’avis de concours dès lors qu’il avait, dans son acte de candidature, non seulement mentionné la possession d’un master en droit français de niveau équivalent, manifestement reconnu en Croatie pour y accéder à la profession d’avocat, mais aussi une expérience professionnelle d’un
peu plus de 3 ans comme traducteur au Parlement européen à l’unité de langue croate et de 18 mois comme avocat stagiaire en Croatie. En effet, de tels éléments étaient susceptibles de participer à une démonstration visant à établir que le requérant disposait des mêmes qualifications que celles attestées par les diplômes juridiques croates demandés, mais acquises autrement, notamment dans le cadre de l’exercice de sa liberté de circulation dans l’Union, ce que le jury aurait dû pouvoir vérifier. Or,
ainsi qu’il ressort du point 6 ci-dessus, compte tenu du libellé de l’avis de concours rappelé au point 3 ci-dessus, le jury n’a pas été en mesure, dans l’examen de candidature du requérant, d’aller au-delà de la constatation que ce dernier ne disposait pas de l’un des diplômes croates demandés et que son diplôme français, pas plus que la reconnaissance de celui-ci aux fins de l’exercice d’un emploi en Croatie, ne démontraient de connaissances du système et de la terminologie juridiques croates. Dès
lors, le jury n’a pas pu examiner la portée réelle de la reconnaissance du diplôme français du requérant pour l’exercice d’une fonction juridique en Croatie, ni si, considéré avec ses expériences professionnelles, cet élément pouvait attester dans le chef de ce dernier de connaissances du système et de la terminologie juridiques croates de même niveau que celles attestées par la possession des diplômes juridiques croates demandés.

48      Il y a lieu de préciser que, contrairement à ce que soutient la Commission, la disposition figurant dans l’avis de concours, dans les conditions particulières de recrutement, selon laquelle aucune expérience professionnelle n’était exigée – au demeurant en contradiction avec l’autre disposition prévoyant que cette expérience constituait l’un des critères de l’éventuelle sélection, dite « sur titres » et dénommée « évaluateur de talent », faite à partir des informations fournies dans les
actes de candidature, qui devait si besoin ramener le nombre de candidats admis à passer les épreuves à 20 fois le nombre de lauréats visés – ne saurait faire obstacle à la prise en compte de l’expérience professionnelle pour vérifier, conformément à l’interprétation de l’article 45 TFUE faite dans la jurisprudence, si les qualifications attestées par les diplômes nationaux demandés dans un avis de concours sont réunies d’une autre manière par un candidat ne possédant pas ces diplômes et pouvant se
prévaloir des dispositions de l’article 45 TFUE.

49      Il résulte de ce qui précède que, au regard de la situation du requérant, en n’ayant pas permis au jury d’examiner la candidature de celui-ci conformément aux principes découlant de l’article 45 TFUE, l’avis de concours est entaché d’illégalité dans la mesure où sa disposition relative aux titres et aux diplômes conduisait à écarter cette candidature du seul fait que le requérant ne disposait pas d’un des diplômes croates en droit demandés dans cet avis. Le jury ayant fondé la décision
attaquée sur cette disposition de l’avis de concours, qui doit être déclarée inapplicable au requérant en vertu de l’article 277 TFUE, la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit besoin d’examiner le surplus de l’argumentation des parties.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du jury de concours du 12 octobre 2020 rejetant la demande de réexamen de OQ et refusant de l’admettre à la phase suivante du concours général EPSO/AD/378/20 pour l’établissement d’une liste de réserve de « juristes-linguistes (AD 7) de langue croate (HR) » pour la Cour de justice de l’Union européenne, est annulée.

2)      La Commission européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par OQ.

Gervasoni Madise Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 septembre 2022.

Signatures

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*      Langue de procédure : le croate


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-713/20
Date de la décision : 07/09/2022
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonction publique – Recrutement – Avis de concours général EPSO/AD/378/20 (AD 7) – Juristes-linguistes de langue croate à la Cour de justice de l’Union européenne – Décision du jury de ne pas admettre le requérant à l’étape suivante du concours – Conditions d’admission – Condition relative à un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par un diplôme en droit croate – Possession d’un diplôme français en droit – Libre circulation des travailleurs – Recours en annulation.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : OQ
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Madise

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2022:513

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