ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
14 décembre 2022 ( *1 )
« Subventions – Importations de biodiesel originaire d’Indonésie – Règlement d’exécution (UE) 2019/2092 – Droit compensateur définitif – Article 3, point 1, sous a), du règlement (UE) 2016/1037 – Contribution financière – Article 3, point 2, du règlement 2016/1037 – Avantage – Article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement 2016/1037 – Calcul du montant de subvention passible de mesures compensatoires – Article 3, point 1, sous a), iv), et point 2, du règlement 2016/1037 – Action consistant à
“charger” un organisme privé d’exécuter une fonction constitutive de contribution financière ou à lui “ordonner” de le faire – Rémunération moins qu’adéquate – Soutien des revenus ou des prix – Article 28, paragraphe 5, du règlement 2016/1037 – Utilisation des données disponibles – Article 3, point 2, et article 6, sous d), du règlement 2016/1037 – Avantage – Article 8, paragraphe 8, du règlement 2016/1037 – Menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union – Article 8, paragraphes 5 et 6,
du règlement 2016/1037 – Lien de causalité – Analyse d’imputation – Analyse de non-imputation »
Dans l’affaire T‑111/20,
PT Wilmar Bioenergi Indonesia, établie à Medan (Indonésie),
PT Wilmar Nabati Indonesia, établie à Medan,
PT Multi Nabati Sulawesi, établie à Sulawesi du Nord (Indonésie),
représentées par Mes P. Vander Schueren et T. Martin-Brieu, avocats,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. P. Kienapfel, G. Luengo et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
European Biodiesel Board (EBB), établi à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes M.-S. Dibling et L. Amiel, avocats,
partie intervenante,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),
composé, lors des délibérations, de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise, P. Nihoul, Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,
greffier : Mme I. Kurme, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 13 janvier 2022,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, PT Wilmar Bioenergi Indonesia, PT Wilmar Nabati Indonesia et PT Multi Nabati Sulawesi, demandent l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2019/2092 de la Commission, du 28 novembre 2019, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de biodiesel originaire d’Indonésie (JO 2019, L 317, p. 42, ci-après le « règlement attaqué »), dans la mesure où ce règlement les concerne.
Antécédents du litige
2 Les requérantes sont des sociétés indonésiennes qui produisent et exportent du biodiesel.
3 Le 19 novembre 2013, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) no 1194/2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 315, p. 2), qui a appliqué aux requérantes un droit antidumping définitif.
4 Le 25 novembre 2013, la Commission européenne a adopté le règlement (UE) no 1198/2013, clôturant la procédure antisubventions concernant les importations de biodiesel originaire d’Argentine et d’Indonésie et abrogeant le règlement (UE) no 330/2013 soumettant ces importations à enregistrement (JO 2013, L 315, p. 67).
5 Le 15 septembre 2016, le Tribunal a annulé les articles 1er et 2 du règlement d’exécution no 1194/2013 dans la mesure où il concernait les deux premières des requérantes (arrêt du 15 septembre 2016, PT Wilmar Bioenergi Indonesia et PT Wilmar Nabati Indonesia/Conseil, T‑139/14, non publié, EU:T:2016:499).
6 Le 25 janvier 2018, à la suite d’une demande de la République d’Indonésie, le groupe spécial de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a rendu un rapport concernant les mesures antidumping imposées par le règlement d’exécution no 1194/2013 sur les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie [rapport du groupe spécial de l’OMC intitulé « Union européenne – Mesures antidumping sur le biodiesel originaire d’Indonésie », adopté le 25 janvier 2018 (WT/DS 480/R)]. Le groupe spécial de l’OMC a
conclu que l’Union européenne avait agi de manière incompatible avec plusieurs dispositions de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI du GATT (JO 1994, L 336, p. 103), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’OMC (JO 1994, L 336, p. 3).
7 Le 22 octobre 2018, European Biodiesel Board (EBB) a saisi la Commission d’une plainte conformément à l’article 10 du règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 55), tel que modifié par le règlement (UE) 2018/825 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018 (JO 2018, L 143, p. 1) (ci-après le « règlement de
base »). Selon cette plainte, les importations de biodiesel originaire d’Indonésie faisaient l’objet de subventions et causaient de ce fait un préjudice à l’industrie de l’Union.
8 Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 6 décembre 2018 (JO 2018, C 439, p. 16), la Commission a ouvert une procédure antisubventions concernant les importations de biodiesel originaire d’Indonésie.
9 Le produit visé par l’enquête correspond aux « esters monoalkyles d’acides gras et/ou aux gazoles paraffiniques obtenus par synthèse et/ou hydrotraitement, d’origine non fossile, communément dénommés “biodiesel”, purs ou sous forme de mélange, originaires d’Indonésie ».
10 Le biodiesel produit en Indonésie est principalement de l’ester méthylique d’huile de palme (ci-après l’« EMP »), qui est dérivé de l’huile de palme brute (ci-après l’« HPB »). Le biodiesel produit dans l’Union, en revanche, est essentiellement de l’ester méthylique de colza (ci-après l’« EMC »), mais il est aussi obtenu à partir d’autres matières premières, dont l’HPB.
11 L’EMP et l’EMC appartiennent tous deux à la catégorie des esters monoalkyles d’acides gras. Le terme « ester » fait référence à la transestérification des huiles végétales, à savoir le mélange de l’huile avec de l’alcool, ce qui produit le biodiesel et, en tant que sous-produit, la glycérine. L’adjectif « méthylique » renvoie au méthanol, l’alcool le plus couramment utilisé dans ce processus. Les esters monoalkyles d’acides gras sont également connus sous le nom d’« esters méthyliques d’acides
gras » (ci-après les « EMAG »). Bien que l’EMP et l’EMC soient tous deux des EMAG, ils ont des propriétés physiques et chimiques en partie différentes, et notamment une température limite de filtrabilité (ci-après la « TLF ») différente. La TLF correspond à la température à laquelle un carburant bouche un filtre à carburant, du fait de la cristallisation ou de la gélification de certains de ses composants. Pour l’EMC, la TLF peut être de – 14 °C tandis que, pour l’EMP, elle est d’environ 13 °C.
Sur le marché, le biodiesel ayant une TLF particulière est souvent décrit comme EMAG X, par exemple EMAG 0 ou EMAG 5.
12 L’enquête relative aux subventions et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er octobre 2017 et le 30 septembre 2018 (ci-après la « période d’enquête »). L’analyse des tendances utiles pour la détermination du préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2015 et la fin de la période d’enquête. Le cas échéant, la Commission a également examiné des données postérieures à la période d’enquête.
13 Par lettre du 25 janvier 2019, PT Wilmar Bioenergi Indonesia a présenté des réponses au questionnaire antisubventions que lui avait adressé la Commission le 19 décembre 2018. La Commission a procédé à des vérifications sur place dans les locaux des requérantes en Indonésie, du 18 au 21 mars 2019.
14 En parallèle, les requérantes ont formulé les observations suivantes : le 17 janvier 2019, sur la plainte ; le 14 février 2019, sur les données présentées par EBB et les producteurs de biodiesel de l’Union retenus dans l’échantillon et sur les allégations de menace de préjudice ; le 14 février 2019, sur l’applicabilité de mesures compensatoires aux régimes de subventions allégués, et, le 19 juin 2019, sur les allégations de menace de préjudice exposées dans les observations d’EBB du 29 avril 2019
et sur la demande d’enregistrement des importations d’EBB.
15 Le 12 août 2019, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/1344 instituant un droit compensateur provisoire sur les importations de biodiesel originaire d’Indonésie (JO 2019, L 212, p. 1, ci-après le « règlement provisoire »). Le droit compensateur provisoire applicable à PT Wilmar Bioenergi Indonesia et à PT Wilmar Nabati Indonesia était de 15,7 %. Le droit compensateur provisoire applicable à « [t]outes les autres sociétés » que celles expressément mentionnées à l’article 1er du
règlement provisoire, était de 18 %.
16 Le 13 août 2019, la Commission a communiqué aux requérantes les faits et les considérations essentiels sur la base desquels elle a adopté le règlement provisoire.
17 Le 28 août 2019, les requérantes ont présenté leurs observations sur le règlement provisoire et sur les faits et les considérations essentiels sur la base desquels il avait été adopté.
18 Le 4 octobre 2019, la Commission a communiqué les faits et les considérations essentiels sur la base desquels elle envisageait d’instituer des mesures compensatoires définitives sur le biodiesel originaire d’Indonésie. Les requérantes ont formulé leurs observations sur ceux-ci le 14 octobre 2019.
19 À l’issue de la procédure antisubventions, la Commission a adopté le règlement attaqué par lequel elle a confirmé les conclusions qu’elle avait tirées dans le règlement provisoire. Elle a considéré que les pouvoirs publics indonésiens avaient soutenu l’industrie du biodiesel par le biais de subventions au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement de base. La Commission a retenu que ce soutien a eu lieu au moyen de certains programmes. Il s’agissait, notamment, du fait que le Fonds de
plantation des palmiers à huile, un organisme public, versait aux producteurs de biodiesel ayant livré du biodiesel à des sociétés désignées en tant qu’« entités de Petrofuel » la différence entre le prix de référence du diesel minéral, payé par ces entités, et le prix de référence pour le biodiesel fixé par le ministre de l’Énergie et des Ressources minérales. Aussi, la Commission a conclu que les pouvoirs publics indonésiens avaient chargé les producteurs d’HPB, matière première que les
producteurs de biodiesel achetaient afin de la transformer en biodiesel, de fournir cette matière première moyennant une rémunération moins qu’adéquate, ou leur avaient ordonné de le faire, notamment par le biais des restrictions à l’exportation et du contrôle des prix par l’intermédiaire du groupe de sociétés publiques PT Perkebunan Nusantara (ci-après « PTPN »).
20 Le droit compensateur définitif applicable à PT Wilmar Bioenergi Indonesia et à PT Wilmar Nabati Indonesia était de 15,7 %. Le droit compensateur définitif applicable à « [t]outes les autres sociétés » que celles expressément mentionnées à l’article 1er du règlement attaqué était de 18 %.
Conclusions des parties
21 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler le règlement attaqué, dans la mesure où il les concerne ;
– condamner la Commission aux dépens.
22 La Commission, soutenue par EBB, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable en ce qui concerne PT Multi Nabati Sulawesi ;
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
23 À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent en substance quatre moyens tirés :
– le premier, d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), point 1, sous a), i), et point 2, et de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base et des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission en concluant que les paiements obtenus par le Fonds de plantation des palmiers à huile constituaient une subvention passible de mesures compensatoires et en n’adaptant pas l’avantage prétendument reçu par les requérantes pour tenir compte des réductions accordées ainsi
que des coûts de transport et de crédit encourus afin d’obtenir les subventions alléguées ;
– le deuxième, d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), iv), point 1, sous b), et point 2, de l’article 6, sous d), et de l’article 28, paragraphe 5, du règlement de base et des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission en concluant à l’existence d’un soutien des pouvoirs publics à la fourniture d’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate ;
– le troisième, d’une violation de l’article 8, paragraphe 8, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission en concluant à l’existence d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union ;
– le quatrième, d’une violation de l’article 8, paragraphes 5 et 6, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission en concluant que les importations en provenance d’Indonésie menaçaient de causer un préjudice à l’industrie de l’Union et en ignorant l’incidence des importations en provenance d’Argentine.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), point 1, sous a), i), et point 2, et de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base et des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission en concluant que les paiements obtenus par le Fonds de plantation des palmiers à huile constituaient une subvention passible de mesures compensatoires et en n’adaptant pas l’avantage prétendument reçu par les requérantes pour tenir compte des réductions
accordées ainsi que des coûts de transport et de crédit encourus afin d’obtenir les subventions alléguées
24 Le premier moyen repose sur quatre branches, qui sont contestées par la Commission, soutenue par EBB.
Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a considéré que les paiements par le Fonds de plantation des palmiers à huile constituaient une contribution financière des pouvoirs publics ou d’un organisme public
25 Par la première branche, les requérantes font valoir que les paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile ne constituaient pas une contribution financière des pouvoirs publics ou d’un organisme public.
26 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner (voir arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 63 et jurisprudence citée).
27 Le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union dans le domaine des mesures de défense commerciale porte également sur la détermination de l’existence d’une contribution financière au sens de l’article 3, point 1, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 11 octobre 2012, Novatex/Conseil, T‑556/10, non publié, EU:T:2012:537, points 34 et 35).
28 À cet égard, il convient de souligner que l’article 3 du règlement de base dispose qu’une subvention est réputée exister si les conditions énoncées à ses points 1 et 2 sont remplies, à savoir s’il y a une « contribution financière » des pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation et si un « avantage » est ainsi conféré.
29 L’objectif de l’article 3, point 1, sous a), du règlement de base est de définir la notion de « contribution financière » de manière à en exclure les mesures des pouvoirs publics qui ne relèvent pas de l’une des catégories énumérées dans cette disposition. C’est dans cette perspective que l’article 3, point 1, sous a), i) à iii), du règlement de base énumère des situations concrètes qui doivent être considérées comme comportant une contribution financière des pouvoirs publics, à savoir le
transfert direct ou indirect de fonds, l’abandon de recettes publiques et la fourniture de biens ou de services ou l’achat de biens, tandis que le point 1, sous a), iv), second tiret, de cet article prévoit que le fait, pour les pouvoirs publics, de charger un organisme privé d’exécuter une ou plusieurs fonctions des types ainsi énumérés sous i), ii) et iii), ou de lui ordonner de le faire équivaut à l’octroi par ces pouvoirs publics d’une contribution financière au sens de l’article 3, point 1,
sous a), du règlement de base (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 106).
30 Il apparaît, à la lecture de l’article 3, point 1, sous a) du règlement de base, et notamment de la formulation « une contribution financière des pouvoirs publics », que la contribution financière doit pouvoir être imputée aux pouvoirs publics. Toutefois, cette disposition ne contient aucune précision quant à l’origine des fonds transférés. Ainsi, dans son point 1, sous a), i), cet article inclut dans la notion de « contribution financière » une « pratique des pouvoirs publics » qui comporte un
transfert direct de fonds, sans ajouter des exigences quant à l’origine de ces fonds. Le fait que l’origine des fonds est sans incidence sur la qualification d’une pratique des pouvoirs publics en tant que « contribution financière des pouvoirs publics » apparaît clairement dans l’hypothèse envisagée par le second tiret de l’article 3, point 1, sous a), iv), où les pouvoirs publics chargent un organisme privé d’exécuter certaines fonctions comme le transfert direct des fonds, ou lui ordonnent de
le faire, sans préciser quelle doit être l’origine des fonds utilisés. Il ressort de ces dispositions que la notion de « contribution financière des pouvoirs publics » englobe tous les moyens pécuniaires que les pouvoirs publics peuvent effectivement utiliser.
31 En l’espèce, il résulte des considérants 30 à 33 du règlement attaqué, et il n’est pas contesté par les requérantes, que le Fonds de plantation des palmiers à huile est un organisme public. Cet organisme est utilisé pour soutenir les achats de biodiesel par les entités désignées par des organismes de l’État et a confié à une agence, l’Agence de gestion du Fonds (ci-après l’« agence de gestion »), le recouvrement des prélèvements à l’exportation sur les produits à base d’huile de palme qui
constituent son financement (considérants 41 à 43 du règlement provisoire).
32 Il ressort du règlement provisoire que le Fonds de subvention pour le biodiesel, qui fait partie du Fonds de plantation des palmiers à huile, a été créé par le règlement présidentiel 61/2015 (considérant 40) et que l’agence de gestion s’est vu confier la mission de recouvrement des prélèvements à l’exportation sur les produits à base d’huile de palme qui constituaient le financement du Fonds de plantation des palmiers à huile (considérants 41 et 42). C’est par l’article 1, paragraphe 4, du
règlement présidentiel 61/2015 que les pouvoirs publics indonésiens ont accordé à l’agence de gestion le droit d’utiliser les prélèvements à l’exportation et les taxes à l’exportation instituées sur l’HPB et ses dérivés, tandis que l’article 18, paragraphe 1, du règlement présidentiel 66/2018 dispose expressément que « le recours au Fonds […] est censé couvrir la différence entre l’indice de prix du marché du diesel et l’indice de prix du marché du biodiesel » (considérants 58 et 60). Ainsi, la
différence entre ce prix de référence du diesel et le prix de référence du biodiesel est versée par l’agence de gestion aux producteurs de biodiesel grâce aux fonds du Fonds de plantation des palmiers à huile (considérant 47).
33 Premièrement, les requérantes allèguent que l’origine et la nature des fonds utilisés pour les paiements effectués aux producteurs de biodiesel par l’agence de gestion, à savoir le prélèvement à l’exportation payé par les producteurs-exportateurs, sont pertinentes afin de déterminer s’il existe une contribution financière. Deuxièmement, le prélèvement à l’exportation aurait été expressément destiné à financer le Fonds de plantation des palmiers à huile et les pouvoirs publics indonésiens
n’auraient pas pu en disposer autrement. Troisièmement, le Fonds de plantation des palmiers à huile aurait été financé par la chaîne d’approvisionnement d’HPB au profit de cette même chaîne et les paiements n’auraient donc impliqué aucun coût pour les pouvoirs publics indonésiens.
34 À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été relevé au point 30 ci-dessus, que l’article 3, point 1, sous a), du règlement de base ne contient aucune précision quant à l’origine des fonds transférés et englobe ainsi tous les moyens pécuniaires que les pouvoirs publics peuvent effectivement utiliser.
35 Ainsi, l’interprétation de cette disposition proposée par les requérantes qui tient compte de l’origine des fonds versés par les pouvoirs publics en guise de contribution financière et de la manière dont ces pouvoirs publics peuvent en disposer en vertu de la réglementation nationale doit être rejetée. En outre, le fait que les fonds dont dispose le Fonds de plantation des palmiers à huile proviennent du prélèvement à l’exportation payé par les producteurs-exportateurs ne signifie pas que lorsque
ces fonds sont versés aux producteurs de biodiesel pour couvrir la différence entre l’indice de prix du marché du diesel et l’indice de prix du marché du biodiesel, il n’y a pas de charge pour l’organisme public qui les verse.
36 Il convient d’ajouter, premièrement, que cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt du 14 juillet 1988, Fediol/Commission (188/85, EU:C:1988:400), invoqué par les requérantes. Dans cette affaire ayant pour objet un recours visant à l’annulation d’une décision de la Commission par laquelle celle‑ci a clôturé une procédure antisubventions ouverte sur plainte de la partie requérante, la Cour a, certes, rejeté l’argument selon lequel la notion de subvention devrait être entendue d’une
façon large et qu’il y aurait subvention dès lors que l’ensemble des mesures prises auraient pour résultat de procurer un avantage à ses bénéficiaires. Toutefois, dans le même arrêt, la Cour a jugé que la notion de subvention à l’exportation visée à l’article 3 du règlement (CEE) no 2176/84 du Conseil, du 23 juillet 1984, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO 1984,
L 201, p.1), a été conçue par le législateur de l’Union comme impliquant nécessairement une charge financière supportée directement ou indirectement par des organismes publics et que le concept de charge comprenait non seulement l’hypothèse où l’État procédait à un versement de fonds, mais aussi celle où il renonçait au recouvrement des créances fiscales (arrêt du 14 juillet 1988, Fediol/Commission, 188/85, EU:C:1988:400, point 12). Cet arrêt, qui ne prend pas en considération l’origine des fonds
utilisés, n’exclut pas que les versements effectués par l’agence de gestion au cas d’espèce, financés par le recouvrement d’un prélèvement à l’exportation par cet organisme, constituent une charge financière supportée directement par un organisme public.
37 Deuxièmement ne saurait prospérer l’argument des requérantes tiré du rapport de l’organe d’appel de l’organe de règlement des différends de l’OMC intitulé « États-Unis – Mesures affectant le commerce des aéronefs civils gros porteurs (Deuxième plainte) », adopté le 12 mars 2012 (WT/DS 353/AB/R, point 617) (ci-après le « rapport de l’organe d’appel “États-Unis – Aéronefs civils gros porteurs (2e plainte)” »).
38 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les interprétations de l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’OMC (JO 1994, L 336, p. 156, ci-après l’« accord SMC »), adoptées par cet organe, ne sont pas susceptibles de lier le Tribunal dans son appréciation de la validité du règlement attaqué (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 1er mars 2005, Van Parys, C‑377/02, EU:C:2005:121, point 54, du 10 avril
2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 103, et du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278, point 419).
39 Toutefois, la Cour souligne également que le principe de droit international général de respect des engagements contractuels (pacta sunt servanda), consacré à l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969, implique que le juge de l’Union doit, aux fins de l’interprétation et de l’application de l’accord SMC, tenir compte de l’interprétation des différentes dispositions de cet accord que l’organe de règlement des différends de l’OMC a adoptée [voir, par analogie,
arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 32, et conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2021:533, point 24, suivies par la Cour dans cette affaire ; voir également, par analogie, arrêt du 6 octobre 2020, Commission/Hongrie (Enseignement supérieur), C‑66/18, EU:C:2020:792, point 92]. Ainsi, rien ne s’oppose à ce que le Tribunal y fasse référence dès lors qu’il
s’agit de procéder à l’interprétation des dispositions du règlement de base qui correspondent à des dispositions de l’accord SMC (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 103).
40 En tout état de cause, le point 617 du rapport de l’organe d’appel « États-Unis – Aéronefs civils gros porteurs (2e plainte) » invoqué par les requérantes précise qu’« un transfert direct de fonds comportera normalement un financement accordé par les pouvoirs publics au bénéficiaire ». Force est de constater que ce rapport conclut que la contribution financière est accordée « normalement […] par les pouvoirs publics », mais, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ne pose pas
d’exigences quant à l’origine des fonds dont lesdits pouvoirs publics disposent.
41 Les arguments des requérantes ayant été écartés dans leur intégralité, il convient de rejeter la première branche du premier moyen.
Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), i), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a conclu que les paiements du Fonds de plantation des palmiers à huile constituaient des subventions
42 Par la deuxième branche du premier moyen, les requérantes soutiennent que les paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile ne constituent pas un transfert direct de fonds sous forme de subvention, mais un paiement pour l’achat du biodiesel.
43 Il convient de rappeler, ainsi qu’il a été relevé aux points 29 et 30 ci-dessus, que l’article 3, point 1, sous a), du règlement de base énumère des situations concrètes qui doivent être considérées comme comportant une contribution financière des pouvoirs publics, notamment le transfert direct ou indirect de fonds, et que cette contribution financière doit pouvoir être imputée aux pouvoirs publics.
44 En outre, pour apprécier si un transfert direct de fonds représente un avantage constitutif d’une subvention au sens de l’article 3 du règlement de base pouvant justifier l’institution d’un droit compensateur, l’absence de contrepartie, ou de contrepartie équivalente, de la part de l’entreprise qui reçoit ce transfert doit être prise en compte.
45 En l’espèce, la procédure qui a été qualifiée par la Commission de « transfert direct de fonds » était la suivante, aux termes des considérants 45 à 50 du règlement provisoire (également au considérant 37 du règlement attaqué) :
« (45) Le règlement présidentiel 26/2016 prévoit plus précisément dans son article 9, paragraphe 1, que “[l]e directeur général d[e la direction générale des nouvelles énergies, des énergies renouvelables et des économies d’énergie] désigne l’entité de Petrofuel qui est chargée de l’achat de biodiesel conformément à l’article 4, dans le cadre du financement par l’agence de gestion […], en appliquant la politique définie par le comité directeur de l’agence de gestion […]” et dans son article 9,
paragraphe 8, que “[s]ur la base de l’autorisation ministérielle visée au paragraphe 7, le directeur général [de la direction générale des nouvelles énergies, des énergies renouvelables et des économies d’énergie] désigne, au nom du ministre : a. les producteurs de biodiesel qui participeront aux marchés publics pour le biodiesel ; et b. le volume de biodiesel fixé pour chaque producteur de biodiesel”. […]
(46) Les producteurs de biodiesel qui choisissent de prendre part aux marchés et se sont vu attribuer un quota en vertu du règlement susmentionné sont tenus de vendre la quantité mensuelle de biodiesel fixée à l’“entité de Petrofuel”. À ce jour, les pouvoirs publics indonésiens ont désigné les sociétés suivantes comme entités de Petrofuel :
a) PT Pertamina (ci-après “Pertamina”), une compagnie pétrolière et gazière appartenant à l’État, et
b) PT AKR Corporindo Tbk (ci-après “AKR”), une compagnie pétrolière et gazière privée.
(47) L[e Fonds de plantation des palmiers à huile] prévoit un mécanisme de paiement spécifique au moyen duquel Pertamina (et pour quelques petits volumes, AKR) paie aux producteurs de biodiesel le prix de référence du diesel (au lieu du prix réel du biodiesel qui, au cours de la période d’enquête, aurait été supérieur), tandis que la différence entre ce prix de référence du diesel et le prix de référence du biodiesel est versée par l’agence de gestion aux producteurs de biodiesel grâce aux fonds
d[u Fonds de plantation des palmiers à huile].
(48) Le prix de référence pour le diesel comme pour le biodiesel est déterminé par le ministre de l’énergie et des ressources minérales […] comme suit :
a) Le prix de référence du diesel est basé sur les prix déclarés par Platts pour le pétrole à Singapour […] et sur le coût de production du diesel en Indonésie.
b) […] le prix de référence du biodiesel est basé sur le prix intérieur de l’HPB, auquel s’ajoutent les coûts de transformation […].
(49) Plus exactement, chaque producteur de biodiesel – y compris l’ensemble des producteurs-exportateurs – facture à Pertamina (ou AKR, selon le cas) le volume de biodiesel que l’acheteur est tenu d’utiliser en vertu de l’obligation de mélange [selon laquelle, pour un certain nombre d’applications comme, par exemple, les transports publics, les opérateurs ont l’obligation d’utiliser comme carburant un mélange de diesel minéral et de biodiesel qui contient au moins 20 % de biodiesel], et Pertamina
(ou AKR) paie au producteur le prix de référence du diesel pour la période concernée. […]
(50) Le producteur de biodiesel, afin d’obtenir le remboursement de la différence entre le prix payé par Pertamina et AKR (basé sur le prix de référence du diesel) et le prix de référence du biodiesel, envoie alors à l’agence de gestion une facture supplémentaire pour le même volume, accompagnée d’une liste de documents. Une fois que l’agence de gestion a reçu la facture et vérifié les éléments qu’elle contient, elle verse au producteur de biodiesel concerné la différence entre le prix de
référence du diesel (payé par Pertamina ou AKR, selon le cas) et le prix de référence du biodiesel fixé pour la période en question. »
46 En premier lieu, les requérantes font valoir que c’est à tort que la Commission a qualifié les paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile de transfert direct de fonds et non de paiements effectués en contrepartie de l’achat de biodiesel. Premièrement, elles soutiennent que le système de paiements du Fonds de plantation des palmiers à huile comportait des obligations réciproques de la part des pouvoirs publics indonésiens et des producteurs de biodiesel, à savoir la vente
du biodiesel pour le paiement d’un prix. L’existence des contrats préalables entre les requérantes et le Fonds de plantation des palmiers à huile ainsi que le fait que les premières adressaient des factures au second afin de recevoir les paiements devraient être pris en considération en ce sens. La nature du Fonds de plantation des palmiers à huile, qui visait à soutenir les achats et l’utilisation de biodiesel pour la mise en œuvre de l’obligation instaurée par les pouvoirs publics indonésiens
en matière de mélange du biodiesel, aurait dû être prise en considération pour déterminer la nature de la contribution en cause. Deuxièmement, la plupart des achats de biodiesel auprès des requérantes ont été effectués par PT Pertamina (ci-après « Pertamina »), un organisme public qui fait partie des pouvoirs publics indonésiens. Troisièmement, sur la base de ces éléments, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû qualifier les paiements effectués par le Fonds de plantation des
palmiers à huile en tant que partie d’un achat de biens au sens de l’article 3, point 1, sous a), iii), du règlement de base.
47 À cet égard, il convient de relever, que, au considérant 38 du règlement attaqué, la Commission a constaté que « les versements d[u Fonds de plantation des palmiers à huile] en faveur des producteurs de biodiesel ne pouvaient être considérés comme des paiements dus dans le cadre d’un contrat d’achat conclu entre les pouvoirs publics indonésiens et les producteurs de biodiesel, mais constituaient un transfert direct de fonds ».
48 Il ressort du contexte factuel de l’espèce, tel que présenté aux considérants 45 à 50 du règlement provisoire et au considérant 37 du règlement attaqué (voir point 45 ci-dessus) et qui n’est pas contesté par les requérantes, que, dans le contexte du système conçu par le règlement présidentiel 26/2016, l’agence de gestion n’intervenait pas à la transaction entre les producteurs de biodiesel et Pertamina et PT AKR Corporindo Tbk (ci-après « AKR »). En effet, c’est le directeur général de la
direction générale des nouvelles énergies, des énergies renouvelables et des économies d’énergie qui désignait, premièrement, les entités chargées de l’achat de biodiesel (en application de la politique définie par le comité directeur de l’agence de gestion) et, deuxièmement, au nom du ministre, les producteurs de biodiesel qui participaient aux marchés publics pour le biodiesel ainsi que le volume de biodiesel fixé pour chaque producteur. Le prix de référence pour le diesel comme pour le
biodiesel était déterminé par le ministre de l’Énergie et des Ressources minérales. Ensuite, chaque producteur facturait à Pertamina ou AKR le volume de biodiesel que ces entreprises étaient tenues d’utiliser en vertu de l’obligation de mélange et ces dernières payaient au producteur le prix de référence du diesel. Ce n’était qu’après la clôture de cette transaction que les producteurs de biodiesel envoyaient à l’agence de gestion une facture supplémentaire pour le même volume de biodiesel afin
d’obtenir le versement de la différence entre le prix de référence du diesel et le prix de référence du biodiesel, accompagnée d’une copie de la décision de la direction générale des nouvelles énergies, des énergies renouvelables et des économies d’énergie attestant qu’ils étaient autorisés à participer aux marchés du biodiesel et indiquant les quotas respectifs de biodiesel alloués, une copie du contrat d’achat de biodiesel conclu avec Pertamina ou AKR, le certificat signé par Pertamina ou AKR
et le producteur de biodiesel concerné, revêtu du cachet des pouvoirs publics indonésiens et comportant les informations relatives au lieu de livraison, au volume et au type de biodiesel et au montant des frais de transport ainsi qu’une copie de l’accord conclu entre l’agence de gestion et le producteur de biodiesel concerné.
49 En outre, la Commission a également estimé, aux considérants 67 et 69 du règlement attaqué, que le prix de référence pour le biodiesel payé aux fournisseurs indépendants ne reflétait pas l’offre et la demande dans des conditions normales de marché, hors intervention des pouvoirs publics, et que le montant des coûts de transformation calculé par les pouvoirs publics indonésiens dans le cadre de la formule utilisée pour déterminer le prix de référence pour le biodiesel était excessif. C’est sans
commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a déduit de cette situation, au considérant 68 du règlement attaqué, que, sans ces paiements, les prix du biodiesel en Indonésie seraient plus faibles. Les versements effectués par l’agence de gestion aux producteurs de biodiesel, dès lors qu’ils sont calculés sur la base d’un prix de référence du biodiesel ne résultant pas de conditions normales de marché, ne sauraient être regardés comme un complément de prix que les producteurs
seraient en droit d’obtenir en contrepartie de leurs livraisons à Pertamina ou AKR.
50 Sur la base de ces éléments de fait, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission, eu égard à la large marge d’appréciation qui lui est reconnue par la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus quant à la détermination de l’existence d’une contribution financière au sens de l’article 3, point 1, du règlement de base et d’un avantage au sens du point 2 de la même disposition, a considéré, au considérant 37 du règlement attaqué, que les fonds versés par le Fonds de
plantation des palmiers à huile « ne s’inscriv[ai]ent donc pas dans le cadre d’un contrat à titre onéreux (tel que l’achat de biodiesel par les pouvoirs publics en échange d’un prix) ». En effet, il ne ressort pas de la présentation des faits que le Fonds de plantation des palmiers à huile intervenait dans la transaction entre les producteurs de biodiesel et les « entités de Petrofuel », à savoir Pertamina et AKR, ni que ledit Fonds recevait une quelconque contrepartie pour les paiements qu’il
effectuait. Ainsi, la nature de la transaction, sur laquelle les requérantes ont mis l’accent à l’audience, ne permet pas de conclure que les paiements effectués par ledit Fonds faisaient partie d’un schéma d’obligations réciproques.
51 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la nature du Fonds de plantation des palmiers à huile qui visait, selon les requérantes, à soutenir les achats et l’utilisation de biodiesel pour la mise en œuvre de l’obligation instaurée par les pouvoirs publics indonésiens en matière de mélange du biodiesel. En effet, en l’espèce, la nature et l’objectif dudit fonds ont été pris en compte à juste titre par la Commission, aux considérants 56 à 61 du règlement provisoire et au considérant 30
du règlement attaqué, afin de qualifier les paiements qu’il effectuait de « contribution financière ».
52 En outre, cette conclusion ne peut davantage être remise en cause par la référence des requérantes aux points 616 et 617 du rapport de l’organe d’appel « États-Unis – Aéronefs civils gros porteurs (2e plainte) » où il est indiqué que, « dans une telle transaction [un “don”], l’argent ou l’équivalant est donné à un bénéficiaire, normalement sans qu’il soit tenu ou censé accorder quoi que ce soit en échange au donateur », qu’« un transfert direct de fonds comportera normalement un financement
accordé par les pouvoirs publics au bénéficiaire » et que, « [d]ans certains cas, comme dans celui des dons, la transmission de fonds ne comportera pas une obligation réciproque de la part du bénéficiaire ».
53 À cet égard, il convient de rappeler à titre liminaire que, selon la jurisprudence, les interprétations de l’accord SMC, adoptées par cet organe, ne sont pas susceptibles de lier le Tribunal dans son appréciation de la validité du règlement attaqué (voir, points 38 et 39 ci-dessus).
54 Au demeurant, il apparaît, à la lecture de l’extrait cité par les requérantes, que la notion de transfert direct de fonds comporte « normalement » un financement accordé « par les pouvoirs publics » et que, lorsqu’il s’agit d’un « don », « la transmission de fonds ne comportera pas une obligation réciproque » et est faite « normalement sans qu[e le bénéficiaire] soit tenu ou censé accorder quoi que ce soit en échange au donateur ».
55 En ce qui concerne les arguments des requérantes exposés au point 46 ci-dessus, premièrement, comme il ressort des points 48 et 49 ci-dessus, les versements effectués par l’agence de gestion aux producteurs de biodiesel, dès lors qu’ils sont calculés sur la base d’un prix de référence du biodiesel ne résultant pas de conditions normales de marché, ne sauraient être regardés comme un complément de prix que les producteurs seraient en droit d’obtenir en contrepartie de leurs livraisons à Pertamina
ou AKR. Dès lors, il convient de rejeter cet argument des requérantes.
56 Deuxièmement, il convient d’observer qu’il ressort du considérant 46 du règlement provisoire que Pertamina appartient à l’État indonésien. À supposer même que, contrairement aux conclusions de la Commission figurant aux considérants 48 et 49 du règlement attaqué, Pertamina soit un organisme public, il s’agit d’une entité séparée du Fonds de plantation des palmiers à huile et de l’agence de gestion et rien n’indique que Pertamina agissait en tant qu’acheteur de biodiesel ensemble avec le Fonds de
plantation des palmiers à huile comme le soutiennent les requérantes. En effet, comme le souligne à juste titre la Commission, Pertamina n’était pas une agence chargée par les pouvoirs publics d’exercer seulement certaines fonctions, mais une compagnie pétrolière et gazière qui exerçait les mêmes fonctions qu’AKR, une compagnie pétrolière et gazière privée, ainsi qu’il ressort du considérant 46 du règlement provisoire et du considérant 55 du règlement attaqué, ce qui n’a pas été contesté par les
requérantes.
57 Au vu des considérations qui précèdent, il convient d’observer que, même si les allégations des requérantes selon lesquelles Pertamina était un organisme public étaient correctes, une erreur sur ce point de la part de la Commission ne justifierait l’annulation du règlement attaqué que si elle était susceptible de mettre en question sa légalité, en invalidant l’ensemble de son analyse relative à l’existence d’une subvention (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational
Company Kazchrome et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 119), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
58 Troisièmement, le fait que les paiements en question ne sauraient être qualifiés de contrepartie pour l’achat de biodiesel signifie que la transaction en question en l’espèce ne saurait être qualifiée d’« achat » de biens de la part des pouvoirs publics indonésiens et tomber ainsi dans le champ d’application de l’article 3, point 1, sous a), iii), du règlement de base. Partant, il convient de rejeter les arguments des requérantes formulés en ce sens.
59 En second lieu, les requérantes présentent une série d’arguments visant à établir que, si le Tribunal estime que Pertamina n’est pas un organisme public, elle a toutefois été « chargée » ou il lui a été « ordonné » par les pouvoirs publics indonésiens d’acheter du biodiesel et que les producteurs de biodiesel ont été « chargés » ou il leur a été « ordonné » de le vendre au sens de l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base.
60 À cet égard, force est de constater que ce n’est pas le paiement du prix de référence du diesel par Pertamina en tant que contrepartie pour l’achat du biodiesel qui a été considéré par la Commission en tant que « transfert direct de fonds », ni la vente de biodiesel par les producteurs de biodiesel, mais le versement par l’agence de gestion, un organisme public, de la différence entre le prix de référence du diesel et le prix de référence du biodiesel fixé pour la période en question au
producteur de biodiesel concerné. Dès lors, l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base, qui vise le comportement des organismes privés (voir points 111 et 116 ci-après), n’est pas applicable.
61 Par conséquent, l’ensemble de la deuxième branche du premier moyen doit être rejeté.
Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 2, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a conclu que les paiements du Fonds de plantation des palmiers à huile conféraient un avantage
62 Par la troisième branche, les requérantes font valoir que les paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile ne confèrent pas un avantage aux producteurs de biodiesel.
63 À cet égard, il importe de relever que l’article 3 du règlement de base prévoit qu’une subvention est réputée exister en présence d’une « contribution financière » ou d’un « soutien des revenus ou […] des prix » des pouvoirs publics et si un « avantage » est ainsi conféré. Les articles 6 et 7 dudit règlement précisent les modalités de calcul de l’« avantage » conféré. Selon la jurisprudence, un avantage est accordé au bénéficiaire lorsque celui-ci se trouve dans une situation plus favorable que
celle qui aurait été la sienne en l’absence du régime de subvention. En outre, il ressort de l’article 3, points 1 et 2, du règlement de base que c’est uniquement dans le cas où une contribution financière des pouvoirs publics procure réellement un avantage à un producteur-exportateur qu’une subvention est réputée exister pour ce producteur-exportateur (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, points 195 et 210).
64 Dans le cadre de leur premier grief, les requérantes soutiennent que la Commission s’est fondée sur un scénario contrefactuel manifestement erroné lorsqu’elle a conclu que, en l’absence du Fonds de plantation des palmiers à huile et de ses versements, les producteurs de biodiesel n’auraient pas pu vendre leur produit sur le marché indonésien et que les prix du biodiesel seraient inférieurs. En l’absence du Fonds de plantation des palmiers à huile, l’obligation de mélange existerait tout de même
et les mélangeurs seraient tenus d’acheter du biodiesel pour se conformer à l’obligation de mélange et les producteurs de biodiesel factureraient le même prix que celui qu’ils auraient pu obtenir sur le marché mondial.
65 En l’espèce, la Commission a estimé, au considérant 65 du règlement attaqué, que le scénario contrefactuel correct n’était pas celui où, en l’absence du Fonds de plantation des palmiers à huile, les mélangeurs paieraient le prix de référence du biodiesel. Selon la Commission, sans l’obligation de mélange, sans le Fonds de plantation des palmiers à huile et sans ses paiements, les mélangeurs n’avaient aucun intérêt à acheter du biodiesel et les producteurs de biodiesel ne recevaient pas le
complément correspondant à la différence entre le prix de référence du diesel et le prix de référence du biodiesel fixé par les pouvoirs publics indonésiens.
66 Il ressort du règlement provisoire que l’obligation de mélange a été introduite par le règlement 12/2015 du ministère de l’Énergie et des Ressources minérales (considérant 189). La même année 2015, le Fonds de subvention pour le biodiesel, qui fait partie du Fonds de plantation des palmiers à huile, a été créé par le règlement présidentiel 61/2015 (considérant 40) et l’agence de gestion s’est vu confier la mission de recouvrement des prélèvements à l’exportation sur les produits à base d’huile de
palme qui constituaient le financement du Fonds de plantation des palmiers à huile (considérants 41 et 42). C’est par la même disposition (article 1, paragraphe 4, du règlement présidentiel 61/2015) que les pouvoirs publics indonésiens ont accordé à l’agence de gestion le droit d’utiliser les prélèvements à l’exportation et les taxes à l’exportation instituées sur l’HPB et ses dérivés et ont imposé l’obligation d’acheter et d’utiliser du biodiesel (considérant 60). Les fonds pour payer aux
producteurs de biodiesel la différence entre le prix de référence du diesel et celui du biodiesel provenaient des fonds ainsi alloués à l’agence de gestion.
67 Il apparaît que la mise en œuvre de l’obligation de mélange dans le système conçu par les pouvoirs publics indonésiens dépendait du financement par l’agence de gestion. Il s’agit d’un régime complexe mis en place par les pouvoirs publics indonésiens dans l’objectif de soutenir les achats de biodiesel par les entités désignées par les organismes de l’État, ainsi qu’il ressort des règlements présidentiels 24/2016 et 26/2016 (considérant 44 du règlement provisoire). Le scenario de l’existence de
l’obligation de mélange sans le financement par l’agence de gestion est ainsi purement hypothétique et il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir fondé son analyse sur celui-ci.
68 Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation au sens de la jurisprudence citée aux points 26 et 27 ci-dessus, qui s’applique également à la détermination de l’existence d’un avantage accordé au bénéficiaire d’une subvention, que la Commission a considéré ce régime comme un tout aux fins de la détermination de l’existence d’un avantage.
69 Dans le cadre de leur deuxième grief, les requérantes soutiennent que c’est à tort que la Commission a conclu que, sans le Fonds de plantation des palmiers à huile, le prix de référence du biodiesel aurait été inférieur.
70 À titre liminaire, il convient de rejeter l’argument de la Commission selon lequel ce grief des requérantes est inopérant. Certes, la Commission a souligné, à juste titre, dans ses écritures et aussi à l’audience, que l’article 3, point 2, du règlement de base n’exige pas de calculer précisément le montant de l’avantage, mais plutôt de déterminer l’existence d’un avantage. Le calcul de l’avantage relevait des articles 6 et 7 du règlement de base. Toutefois, le fait que le prix de référence du
biodiesel était plus élevé que celui qui aurait résulté des conditions du marché, sans qu’il y ait besoin, à ce stade de l’analyse, de quantifier cela avec exactitude, est l’un des aspects du système des paiements par le Fonds de plantation des palmiers à huile qui permettent de conclure à l’existence d’un avantage. Le fait que le montant des paiements du Fonds de plantation des palmiers à huile pourrait éventuellement être également pris en considération lorsqu’il s’agit de calculer l’avantage
conféré au bénéficiaire ne signifie pas qu’il est a priori sans incidence pour la détermination de l’existence d’un tel avantage.
71 L’argument des requérantes est donc bien opérant.
72 En l’espèce, le considérant 69 du règlement attaqué énonce ce qui suit :
« La Commission a notamment fait observer que les prix de référence utilisés par les pouvoirs publics indonésiens pour déterminer le montant de la subvention versée par le [Fonds de plantation des palmiers à huile n’étaient] pas indicatifs d’un prix du marché puisque la formule employée pour les calculer n’est pas fondée sur une réalité non faussée du marché. En effet, d’une part, l’ensemble du marché est faussé, en amont comme en aval, et ne peut donc pas être représentatif de conditions du
marché normales et concurrentielles. D’autre part, la Commission a considéré que le montant des coûts de transformation calculé par les pouvoirs publics indonésiens dans le cadre de la formule utilisée pour déterminer le prix de référence pour le biodiesel (le prix intérieur moyen de l’HPB et des frais de transformation de 100 (USD) par tonne ajoutée) est excessif. La Commission a vérifié les coûts de transformation réels de certains des producteurs-exportateurs et a constaté que le calcul
effectué par les pouvoirs publics indonésiens surestim[ait] ces coûts. En réalité, ces coûts ont représenté, en moyenne, un montant compris entre 60 et 80 USD par tonne au cours de la période d’enquête. »
73 Il ressort ainsi du considérant 69 du règlement attaqué que la Commission a pris en compte deux éléments afin de conclure à l’existence d’un avantage. Premièrement, elle a conclu que l’ensemble du marché indonésien était faussé, en amont comme en aval, et ne pouvait pas être représentatif de conditions du marché normales et concurrentielles et, deuxièmement, elle a estimé que le montant des coûts de transformation, à savoir 100 dollars des États-Unis (USD) par tonne, utilisé dans la formule pour
déterminer le prix de référence pour le biodiesel, était excessif par rapport aux coûts réels de certains des producteurs-exportateurs qu’elle avait vérifiés.
74 En premier lieu, les requérantes soutiennent que le prix de référence pour le biodiesel n’a pas protégé les producteurs de biodiesel des fluctuations du marché, car il a évolué en fonction des cotations de l’HPB « coût, assurance, fret » (CAF) de Rotterdam (Pays-Bas).
75 À cet égard, il convient de relever que le fait que le prix de référence indonésien du biodiesel évoluait en fonction des cotations de l’HPB CAF de Rotterdam, à le supposer avéré, ne signifie pas qu’il constituait un prix de marché. En effet, comme le souligne à juste titre la Commission, le fait que le prix de référence du biodiesel suivait les fluctuations d’autres prix internationaux, ne change pas le fait que ce prix de référence était fixé sur la base du prix intérieur de l’HPB (voir
considérant 48 du règlement provisoire) qui avait subi l’intervention des pouvoirs publics indonésiens (voir point 150 ci-après). En outre, le prix CAF de Rotterdam de l’HPB inclut déjà le prix du transport et de l’assurance ce qui n’est pas le cas pour le produit vendu sur le marché intérieur. Dès lors, l’argument des requérantes ne saurait, à lui seul, invalider les conclusions de la Commission.
76 En second lieu, les requérantes arguent que le prix de référence du biodiesel était déterminé sur la base des coûts des matières premières, auxquels un montant raisonnable était ajouté pour couvrir les différents coûts de transformation. Or, la Commission aurait omis de prendre en considération le fait que ces « coûts de transformation » ne se limitaient pas à ces coûts, mais comprenaient également un montant raisonnable pour les « frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux
ainsi que le bénéfice ».
77 Il ressort du considérant 81 du règlement attaqué, et il n’a pas été contesté par les requérantes, que les coûts de transformation étaient fixés à 100 USD par tonne depuis le 21 mars 2016. Cet élément montre que ces coûts n’étaient pas sujets à des variations. En outre, il n’y a pas de lien apparent entre des postes budgétaires comme des « frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux ainsi que le bénéfice » et la catégorie de frais « coûts de transformation ». Dès lors, il ne
saurait être reproché à la Commission de ne pas ajouter aux coûts de transformation réels des producteurs-exportateurs, qui étaient entre 60 et 80 USD par tonne au cours de la période d’enquête selon le considérant 69 du règlement attaqué, de tels postes budgétaires qui ne semblent pas avoir un lien avec la transformation du produit.
78 Il découle de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation au sens de la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus, lorsqu’elle a conclu que le prix de référence indonésien pour le biodiesel était excessif.
79 Dans le cadre de leur troisième grief, les requérantes allèguent que tout avantage résultant des paiements du Fonds de plantation des palmiers à huile avait été répercuté sur les « entités de Petrofuel ».
80 À cet égard, force est de constater que les arguments des requérantes tendant à contester l’existence d’une contribution financière leur attribuant un avantage ont été rejetés dans le cadre de la première, de la deuxième et de la présente branche du premier moyen. Il est également constant que les paiements en cause, correspondant à la différence entre le prix de référence du diesel et celui du biodiesel, ont été versés par l’agence de gestion aux producteurs de biodiesel, dont les requérantes.
Les requérantes restent en défaut d’apporter des éléments suffisants qui indiqueraient qu’une partie de ces sommes ou de l’avantage tiré de leur paiement a été transférée à AKR et Pertamina. Or, une telle preuve est requise afin d’établir qu’une institution de l’Union a commis une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier l’annulation d’un acte (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 62). Le fait que
le régime mis en place par les pouvoirs publics indonésiens ait pu être bénéfique également pour AKR et Pertamina ne signifie pas que l’avantage conféré aux bénéficiaires a été répercuté sur ces entreprises. En outre, même à supposer que les mélangeurs aient bénéficié de conditions d’achat avantageuses de biodiesel, en acquérant celui-ci au prix de référence du diesel et non au prix de référence du biodiesel, cette circonstance n’exclut pas que, dans le cadre du même régime, les producteurs de
biodiesel aient bénéficié d’un autre avantage, résultant des versements effectués par l’agence de gestion.
81 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le troisième grief.
82 Dans le cadre de leur quatrième grief, les requérantes soutiennent que l’analyse de l’avantage effectuée par la Commission ne tient pas compte du fait que le Fonds de plantation des palmiers à huile était financé par les prélèvements à l’exportation payés notamment par les producteurs de biodiesel. Ces prélèvements auraient comme objectif le financement du Fonds de plantation des palmiers à huile et n’existeraient pas en l’absence dudit Fonds et de ses paiements.
83 À titre liminaire, il convient de rejeter l’argument de la Commission selon lequel ce grief des requérantes est inopérant. Les prélèvements à l’exportation faisant partie du financement du Fonds de plantation des palmiers à huile, leur rôle dans le système des paiements dudit fonds peut avoir une incidence sur l’existence d’un avantage pour le bénéficiaire. Le fait que le montant des prélèvements à l’exportation pourrait éventuellement être également pris en considération lorsqu’il s’agit de
calculer l’avantage conféré au bénéficiaire ne signifie pas qu’il est a priori sans incidence pour la détermination de l’existence d’un tel avantage.
84 En l’espèce, il ressort clairement du considérant 89 du règlement provisoire, et il est admis par les requérantes, que le prélèvement à l’exportation ne concerne pas uniquement le biodiesel, mais l’« HPB et les produits en aval », dont le biodiesel. Par ailleurs, il ressort du même considérant que le prélèvement à l’exportation était beaucoup plus important pendant la période d’enquête pour l’HPB que pour le biodiesel. Dans ce contexte, les requérantes n’expliquent pas comment un prélèvement à
l’exportation qui concerne plusieurs produits compenserait la subvention dont bénéficie l’un de ces produits et annulerait ainsi l’avantage procuré aux bénéficiaires de cette subvention.
85 En outre, et sans préjudice de la jurisprudence citée aux points 38 et 39 ci-dessus, les arguments que les requérantes tirent des rapports des organes de l’OMC ne sauraient être acceptés.
86 Premièrement, les requérantes invoquent le rapport du groupe spécial de l’OMC intitulé « États‑Unis – Mesures affectant le commerce des aéronefs civils gros porteurs – Deuxième plainte (recours de l’Union européenne à l’article 21.5 du mémorandum d’accord sur l’organe de règlement de différends) », adopté le 9 juin 2017 (WT/DS 353/RW). Ce différend portait sur la question de savoir si les transferts directs de fonds de l’État de Caroline du Sud à la société Boeing avaient fait l’objet d’une
compensation, sous la forme d’investissements de Boeing en biens immobiliers sur le site du projet concerné, ou s’ils étaient constitutifs d’une subvention. L’organe d’appel avait estimé que l’existence d’une compensation apportée par Boeing n’était pas démontrée, dès lors qu’il ne ressortait pas de l’accord passé entre l’État de Caroline du Sud et Boeing que la valeur résiduelle des biens immobiliers serait restituée à l’État de Caroline du Sud. Dès lors, ce différend ne concernait pas la
question de savoir si des prélèvements à l’exportation portant sur une gamme de produits compensent une subvention dont bénéficient les producteurs de l’un de ces produits et l’argument des requérantes tiré d’une analyse a contrario du rapport du groupe spécial doit être rejeté.
87 Deuxièmement, les requérantes se prévalent du rapport de l’organe d’appel de l’OMC intitulé « États-Unis – Mesures compensatoires visant certains produits plats en acier au carbone laminés à chaud en provenance d’Inde », adopté le 8 décembre 2014 (WT/DS 436/AB/R). Ce différend concernait la question de savoir s’il fallait tenir compte des coûts supportés par les bénéficiaires de certains prêts afin de déterminer si ces prêts conféraient un avantage aux bénéficiaires. Dès lors, ce différend ne
concernait pas la question de savoir si des prélèvements à l’exportation portant sur une gamme de produits compensent une subvention dont bénéficient les producteurs de l’un de ces produits et l’argument par analogie des requérantes doit être rejeté.
88 Pour ces raisons, les arguments des requérantes ne sauraient être accueillis et, par conséquent, l’ensemble de la troisième branche du premier moyen doit être rejeté.
Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission n’a pas adapté le montant de la subvention pour tenir compte des réductions accordées ainsi que des coûts de transport et de crédit
89 Par la quatrième branche, les requérantes font valoir que, lorsqu’elle a calculé le montant de la subvention passible de mesures compensatoires, la Commission aurait dû déduire les coûts de transport et de crédit supportés par les requérantes.
90 L’article 7, paragraphe 1, du règlement de base, dispose ce qui suit :
« [...] En établissant [le montant de la subvention passible de mesures compensatoires], les éléments suivants peuvent être déduits de la subvention totale :
a) tous frais de dossier ou autres coûts nécessairement encourus pour avoir droit à la subvention ou pour en bénéficier ;
b) les taxes à l’exportation, droits ou autres charges prélevés à l’exportation du produit vers l’Union, destinés spécifiquement à la compensation de la subvention.
Lorsqu’une partie intéressée demande une telle déduction, il lui incombe d’apporter la preuve que cette demande est justifiée. »
91 À titre liminaire, il convient de souligner qu’il apparaît clairement, à la lecture de l’article 7, paragraphe 1, du règlement de base, et notamment de la formulation « peuvent être déduits », que la Commission dispose d’une large marge d’appréciation dans l’application de cette disposition, conformément à la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus. La déduction de ces éléments du montant de subvention passible de mesures compensatoires suppose que la partie intéressée prouve que sa demande de
déduction est justifiée. Une fois que cette preuve a été apportée, la Commission doit procéder à la déduction demandée.
92 En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû déduire du montant de la subvention passible de mesures compensatoires les frais de transport du biodiesel dans le cadre des ventes à Pertamina et AKR qui étaient nécessaires pour obtenir les paiements par le Fonds de plantation des palmiers à huile. Les requérantes considèrent que le Tribunal n’est pas lié dans son interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base par la communication de la
Commission sur le calcul du montant des subventions dans le cadre des enquêtes antisubventions (JO 1998, C 394, p. 6, ci-après les « lignes directrices sur le calcul du montant des subventions »), qui limite les coûts de transport susceptibles d’être déduits à ceux payés directement aux pouvoirs publics ou à un organisme public.
93 À cet égard, il convient de relever que les lignes directrices constituent un instrument destiné à préciser, dans le respect des règles de droit de rang supérieur, les critères que la Commission compte appliquer dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation dans le calcul du montant des subventions passibles de mesures compensatoires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T‑26/02, EU:T:2006:75, point 49). Il en découle que, lorsqu’elle adopte
des lignes directrices, la Commission ne saurait se départir du texte de rang supérieur dont elle précise les critères d’application.
94 En outre, selon la jurisprudence, en adoptant des règles de conduite visant à produire des effets externes, comme c’est le cas des lignes directrices qui visent des opérateurs économiques, et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, l’institution en question s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de censure de ses décisions, le cas échéant, au titre d’une violation de
principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime. Il ne saurait dès lors être exclu que, sous certaines conditions et en fonction de leur contenu, de telles règles de conduite ayant une portée générale puissent déployer des effets juridiques (voir, par analogie, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 210 et 211).
95 Les lignes directrices sur le calcul du montant des subventions prévoient, sous le titre « G. Éléments déductibles du montant de la subvention », que « les seuls frais et coûts pouvant normalement être déduits sont ceux qui sont directement payés aux pouvoirs publics pendant la période d’enquête », qu'« [i]l faut prouver que ces paiements sont obligatoires pour recevoir la subvention » et que « [l]es paiements effectués à des parties privées telles que des juristes ou des comptables dans le cadre
de la demande de subvention ne sont pas déductibles ».
96 Ces précisions sont compatibles avec le texte de rang supérieur qu’elles sont censées expliciter. Premièrement, la précision qu’il faut prouver que les frais et les coûts déductibles sont « obligatoires pour recevoir la subvention » est conforme à la condition prévue par l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base, à savoir que les coûts et les frais déductibles doivent être « nécessairement encourus » pour pouvoir bénéficier de la subvention. Deuxièmement, la précision que « les
seuls frais et coûts pouvant normalement être déduits sont ceux qui sont directement payés aux pouvoirs publics pendant la période d’enquête » est également compatible avec cette disposition. Compte tenu de la large marge d’appréciation de la Commission en la matière, conformément à la jurisprudence citée au point 91 ci-dessus, la Commission n’a pas, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, limité à tort les frais et les coûts déductibles lorsqu’elle a précisé par les lignes
directrices que les « frais de dossier ou autres coûts nécessairement encourus pour avoir droit à la subvention » mentionnés à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base étaient ceux « qui sont directement payés aux pouvoirs publics pendant la période d’enquête ».
97 Partant, c’est à bon droit que la Commission a appliqué, aux considérants 87 à 92 du règlement attaqué, les lignes directrices sur le calcul du montant des subventions à la demande de déduction des coûts de transport.
98 Or, en l’espèce, premièrement, les requérantes ne font pas valoir que les frais de transport pour la livraison du biodiesel ont été payés directement aux pouvoirs publics indonésiens pendant la période d’enquête. Deuxièmement, leur argument tiré de ce que les frais de transport étaient nécessaires pour recevoir les paiements par le Fonds de plantation des palmiers à huile lesquelles étaient subordonnés à la livraison du biodiesel ne saurait être accepté. En effet, ces frais étaient liés
exclusivement à l’exécution du contrat de vente entre les requérantes et Pertamina ou AKR. Le fait que, afin de recevoir les versements par l’agence de gestion, les producteurs de biodiesel devaient joindre à leur facture une série de justificatifs y compris les informations relatives au lieu de livraison, au volume et au type de biodiesel fourni et au montant des frais de transport ne signifie pas que ces frais étaient « obligatoires pour recevoir la subvention » au sens des lignes directrices
sur le calcul du montant des subventions et n’altère pas cette conclusion.
99 En conséquence, il convient de rejeter ces arguments.
100 En deuxième lieu, les requérantes avancent que la Commission aurait dû déduire du montant de la subvention passible de mesures compensatoires un coût de crédit lié aux paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile. Selon les requérantes, elles ne peuvent facturer au Fonds de plantation des palmiers à huile la part du prix relatif aux ventes de biodiesel qu’il doit leur verser qu’une fois émise la facture à Pertamina ou à AKR. Le Fonds soumettrait les données fournies à de
multiples vérifications et les requérantes ne recevraient de paiement que plusieurs mois après l’envoi de la facture à Pertamina ou AKR. Les requérantes ont précisé à l’audience que le coût de crédit était dû à la période de temps qui s’écoulait entre la livraison du biodiesel et les paiements par le Fonds de plantation des palmiers à huile.
101 Force est de constater que ces coûts de crédit, à les supposer avérés, résultent de la procédure établie par les puissances publiques indonésiennes et du temps de traitement des justificatifs déposés par les requérantes à l’agence de gestion, conformément à la procédure décrite aux considérants 49 et 50 du règlement provisoire. Il s’ensuit qu’il ne s’agit pas de « coûts nécessairement encourus pour avoir droit à la subvention » au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base.
Ces coûts ne sont pas non plus des « frais et coûts […] directement payés aux pouvoirs publics » au sens des lignes directrices sur le calcul du montant des subventions, car, en tant que coûts liés aux délais de traitement du Fonds de plantation des palmiers à huile, ils ne sauraient être considérés comme des montants « directement payés » audit fonds. En outre, les requérantes se réfèrent au délai séparant la livraison de biodiesel et la date d’envoi de la facture à Pertamina ou AKR, d’une
part, de la date des paiements, d’autre part. Or, la date pertinente pour apprécier si des coûts de crédit sont nécessairement exposés aux fins de l’obtention de la subvention devrait être non celle de la livraison du biodiesel ou de l’envoi de la facture à Pertamina ou AKR, mais celle, postérieure, de l’envoi de la facture au Fonds, formalité nécessaire à l’obtention des versements du Fonds. Les requérantes n’établissent donc pas, par un tel argument, qu’elles exposeraient des coûts de crédit
aux fins du paiement de la subvention par le Fonds.
102 Dès lors, il convient d’écarter cet argument.
103 En troisième lieu, les requérantes font valoir qu’elles ont également encouru « un coût résultant de la réduction appliquée » pour obtenir les paiements par le Fonds de plantation des palmiers à huile que la Commission aurait dû déduire du montant de subvention passible de mesures compensatoires.
104 La Commission rétorque que les requérantes n’ont pas affirmé, au cours de l’enquête, qu’il convenait d’ajuster le montant de la subvention pour tenir compte de la valeur actualisée du biodiesel vendu à Pertamina et AKR. Les requérantes, sans avancer qu’elles ont présenté une demande en ce sens, font valoir que la Commission avait à sa disposition les informations nécessaires et, en vertu du principe de bonne administration, qu’elle aurait dû jouer un rôle plus actif et considérer que les preuves
présentées par les parties intéressées justifiaient une déduction.
105 Sur ce point, force est de constater qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement de base que, lorsqu’une partie demande une déduction, « il lui incombe d’apporter la preuve que cette demande est justifiée ». Il ressort des faits de l’espèce, exposés au point 104 ci-dessus, que les requérantes n’ont pas présenté une telle demande et n’ont pas non plus apporté les précisions nécessaires à cet égard. Or, dans le contexte de la déduction des coûts du montant de subvention passible de
mesures compensatoires et compte tenu de la large marge d’appréciation dont dispose la Commission conformément à la jurisprudence citée au point 91 ci-dessus, il ne saurait être fait grief à la Commission de ne pas avoir déduit des coûts de sa propre initiative.
106 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter cet argument et, partant, l’ensemble de la quatrième branche du premier moyen.
107 L’ensemble des arguments présentés dans le cadre du premier moyen ayant été écartés, ce moyen doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), iv), point 1, sous b), et point 2, de l’article 6, sous d), et de l’article 28, paragraphe 5, du règlement de base et des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission en concluant à l’existence d’un soutien des pouvoirs publics à la fourniture d’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate
108 Le deuxième moyen repose sur trois branches, qui sont contestées par la Commission, soutenue par EBB.
Sur la première branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), iv), et de l’article 28, paragraphe 5, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission lorsqu’elle a conclu que les fournisseurs d’HPB ont été chargés de fournir l’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate ou qu’il leur a été ordonné de le faire
109 Dans le cadre de la première branche, les requérantes soutiennent que la Commission a conclu, à tort, que les pouvoirs publics indonésiens ont chargé les fournisseurs d’HPB, ou leur ont ordonné, de fournir leurs produits moyennant une rémunération moins qu’adéquate, premièrement, par le biais d’une taxe et d’un prélèvement à l’exportation et, deuxièmement, par le biais d’une « fixation des prix » transparente par PTPN, un producteur d’HPB détenu à 100 % par les pouvoirs publics indonésiens. Les
requérantes font valoir également que les fournisseurs indonésiens d’HPB ne sont soumis à aucune forme de menace ou de persuasion les amenant à vendre leur produit sur le marché intérieur à des prix moins élevés.
110 À titre liminaire, il convient de rappeler que le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union dans le domaine des mesures de défense commerciale selon la jurisprudence porte également sur la détermination de l’existence d’une contribution financière au sens de l’article 3, point 1, du règlement de base (voir points 26 et 27 ci-dessus).
111 L’article 3 du règlement de base dispose qu’une subvention est réputée exister si les conditions énoncées à ses points 1 et 2 sont remplies, à savoir s’il y a une « contribution financière » des pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation et si un « avantage » est ainsi conféré. Aux termes de l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base, une « contribution financière » existe si les pouvoirs publics « chargent un organisme privé d’exécuter une ou plusieurs fonctions des types
énumérés aux points i), ii) et iii), qui sont normalement de leur ressort » ou lui « ordonnent de le faire, la pratique suivie ne différant pas véritablement de la pratique normale des pouvoirs publics ».
112 Les notions de « charger » ou d’« ordonner » ne sont pas définies dans le règlement de base.
113 Selon une jurisprudence constante, la signification et la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doivent être établies conformément au sens habituel en langage courant de ceux-ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs de la réglementation dont ils font partie (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2014, Deckmyn et Vrijheidsfonds, C‑201/13, EU:C:2014:2132, point 19, et du 5 avril 2017, Changshu City Standard
Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 52).
114 À cet égard, il convient de relever que l’objectif de l’article 3 du règlement de base est de définir la notion de « subvention » qui serait passible d’un droit compensateur.
115 Plus précisément, l’objectif de l’article 3, point 1, sous a), du règlement de base est de définir la notion de « contribution financière » de manière à en exclure les mesures des pouvoirs publics qui ne relèvent pas de l’une des catégories énumérées dans cette disposition. C’est dans cette perspective que l’article 3, point 1, sous a), i) à iii), du règlement de base énumère des situations concrètes qui doivent être considérées comme comportant une contribution financière des pouvoirs publics,
à savoir le transfert direct ou indirect de fonds, l’abandon de recettes publiques ou la fourniture de biens ou de services. L’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base prévoit en son second tiret que le fait, pour les pouvoirs publics, de charger un organisme privé d’exécuter une ou plusieurs fonctions des types ainsi énumérés ou de lui ordonner de le faire équivaut à l’octroi par ces pouvoirs publics d’une contribution financière au sens de l’article 3, point 1, sous a), du
règlement de base (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 106).
116 Dans ce contexte, l’article 3, point 1, sous a), iv), second tiret, du règlement de base est, en substance, une disposition anti-contournement, qui vise à assurer que les pouvoirs publics de pays tiers ne puissent pas se soustraire aux règles concernant les subventions en adoptant des mesures qui, en apparence, ne relèvent pas stricto sensu du champ d’application de l’article 3, point 1, sous a), i) à iii), de ce règlement, mais ont, dans les faits, des effets équivalents (arrêt du 10 avril
2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 107). Telle est également l’interprétation de l’organe d’appel de l’OMC de l’article 1.1, sous a), 1, iv), de l’accord SMC, dont le contenu est similaire à celui de l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base [voir rapport de l’organe d’appel de l’OMC intitulé « États-Unis – Enquête en matière de droits compensateurs sur les semi-conducteurs pour mémoires RAM dynamiques (DRAM) en provenance de Corée »,
adopté le 27 juin 2005 (WT/DS 296/AB/R, point 113), ci-après le « rapport de l’organe d’appel “États-Unis – DRAM” »].
117 Selon son sens habituel en langage courant, le terme « charger » signifie « revêtir d’une fonction ou d’un office, commettre, déléguer, préposer ». C’est ainsi que la jurisprudence a interprété ce terme, afin d’assurer un effet pleinement utile à l’article 3, point 1, sous a), iv), second tiret, du règlement de base, comme désignant « toute action des pouvoirs publics qui revient, directement ou indirectement, à confier à un organisme privé la responsabilité d’exécuter une fonction du type de
celles visées à l’article 3, point 1, sous a), i) à iii), dudit règlement » (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 108). Il s’ensuit que le terme « ordonner » qui, selon son sens habituel en langage courant signifie « adjurer, commander, dicter, enjoindre, prescrire, sommer », englobe toute action des pouvoirs publics qui consiste, directement ou indirectement, à exercer leurs pouvoirs sur un organisme privé afin que celui-ci exécute
une fonction du type de celles visées à l’article 3, point 1, sous a), i) à iii), du règlement de base.
118 En outre, il ressort clairement de la conjonction de coordination qui marque l’alternative « ou » entre « charger » et « ordonner » que ces deux actions peuvent avoir lieu indépendamment l’une de l’autre, mais aussi ensemble. De plus, il apparaît à la lecture de l’article 3, point 1, sous a), iv), second tiret, du règlement de base, qui ne restreint pas la nature ou l’objet de l’action de « charger » ou d’« ordonner », et de la jurisprudence citée au point 117 ci-dessus, qui prend en
considération « toute action des pouvoirs publics », que cette action ne doit pas nécessairement être le résultat d’un acte ou d’une mesure prise considérés de manière isolée, mais qu’elle peut aussi être le résultat de l’effet combiné de plusieurs mesures.
119 C’est à la lumière de ces considérations que doit être analysée la conclusion de la Commission selon laquelle, par des mesures telles qu’une taxe et un prélèvement à l’exportation, le contrôle de facto par l’intermédiaire de PTPN des prix intérieurs de l’HPB et l’octroi des subventions aux producteurs d’HPB, les pouvoirs publics indonésiens ont cherché à obtenir des producteurs d’HPB la fourniture de ce produit sur le marché indonésien à une rémunération moins qu’adéquate.
– Sur la taxe et le prélèvement à l’exportation
120 Dans le cadre du premier grief, les requérantes font valoir que la Commission a conclu, à tort, que la taxe à l’exportation, qui était fixée à zéro pendant la période d’enquête, et le prélèvement à l’exportation, qui était un impôt visant à générer des recettes et qui était fixé à zéro au mois de décembre 2018, ont eu comme effet de « charger » les fournisseurs d’HPB ou de leur ordonner de fournir leurs produits moyennant une rémunération moins qu’adéquate.
121 Il ressort des considérants 113 à 117 du règlement provisoire que, en l’espèce, les pouvoirs publics indonésiens imposaient une taxe et un prélèvement à l’exportation sur l’HPB.
122 Selon les considérants 87 et 88 du règlement provisoire, la taxe à l’exportation avait été instaurée en 1994 et, dans sa version de 2016, elle consistait en un barème tarifaire progressif sur l’HPB ainsi que sur d’autres produits, y compris le biodiesel (dont le taux était systématiquement inférieur à celui appliqué sur l’HPB). Les exportateurs indonésiens payaient une taxe liée au prix de référence des pouvoirs publics indonésiens pour les exportations d’HPB. Ainsi, lorsque le prix de référence
à l’exportation fixé par les pouvoirs publics indonésiens augmentait, il en allait de même pour les droits à l’exportation. Lorsque le prix de référence était inférieur à 750 USD par tonne, le taux de la taxe d’exportation applicable était de 0 %. Au cours de la période d’enquête, le prix de l’HPB était resté inférieur au seuil de 750 USD par tonne et, par conséquent, aucune taxe à l’exportation n’était due.
123 Selon le considérant 89 du règlement provisoire, les pouvoirs publics indonésiens avaient également institué en 2015 un prélèvement à l’exportation sur l’HPB et les produits en aval. Au cours de la période d’enquête, ce prélèvement était fixé à 50 USD par tonne pour l’HPB et à 20 USD par tonne pour le biodiesel.
124 Pour établir l’existence d’une contribution financière dans le règlement provisoire, dont les conclusions sont confirmées par le règlement attaqué (aux considérants 102 à 161), la Commission a effectué une analyse fondée sur la jurisprudence pertinente de l’OMC.
125 Sur la base de cette analyse, la Commission a estimé, aux considérants 111 à 157 du règlement provisoire, que l’action des pouvoirs publics indonésiens visant les producteurs d’HPB était une action de « charger » ou d’« ordonner » de fournir leurs produits aux utilisateurs nationaux à une rémunération moins qu’adéquate afin de créer en Indonésie un marché intérieur de l’HPB où les prix étaient artificiellement bas. La Commission a ensuite relevé, au considérant 160 de ce règlement, que tous les
producteurs indonésiens d’HPB devaient être considérés comme des organismes privés et, aux considérants 162 et 169 du même règlement, que ces entreprises avaient fourni l’HPB sur le marché intérieur moyennant une rémunération moins qu’adéquate. La Commission a, enfin, au considérant 170 du même règlement, considéré que la fourniture d’HPB provenant du territoire indonésien à l’industrie indonésienne du biodiesel était une fonction qui était normalement du ressort des pouvoirs publics. La
Commission a, en effet, estimé, dans le même considérant, que relevait d’une telle fonction la détermination par le gouvernement d’un État, lequel avait la souveraineté sur ses ressources naturelles, des conditions réglementaires de la fourniture de matières premières du pays aux entreprises de ce pays.
126 Par l’analyse en cause, la Commission a établi que, ainsi qu’il ressort du considérant 134 du règlement attaqué, au moyen de la taxe et du prélèvement à l’exportation, en combinaison, comme souligné aux considérants 103, 146 et 157 du règlement attaqué, avec d’autres mesures, les pouvoirs publics indonésiens avaient cherché à obtenir des producteurs d’HPB la fourniture d’HPB sur le marché indonésien à une rémunération moins qu’adéquate. En effet, lesdits pouvoirs publics avaient mis en place un
système de restrictions à l’exportation qui rendaient l’exportation d’HPB commercialement non attractive.
127 Le fait que les pouvoirs publics indonésiens ont conçu et instauré un tel système est mis en évidence par divers éléments mentionnés par la Commission dans le règlement attaqué et le règlement provisoire.
128 Ainsi, il a été relevé, au considérant 116 du règlement provisoire, que les pouvoirs publics indonésiens avaient directement corrélé le système des taxes à l’exportation aux prix internationaux d’HPB, et non à d’autres données (telles que les niveaux de production ou les incidences sur l’environnement) dans le but d’avoir des effets sur les prix payés par les producteurs-exportateurs. Il ressort du tableau 1 repris dans ce considérant que les pouvoirs publics indonésiens suivaient l’évolution
des prix au niveau international et ajustaient le niveau des taxes à l’exportation en fonction de ces prix avec comme résultat la diminution de la rentabilité des exportations.
129 La Commission a également noté, au considérant 119 du règlement provisoire, que la direction générale indonésienne des douanes et droits indirects avait expliqué publiquement, en 2015, que les droits à l’exportation avaient pour but d’assurer la disponibilité des matières premières et de stimuler la croissance de l’industrie nationale de l’huile de palme en aval, dont la fabrication du biodiesel fait partie intégrante.
130 En ce qui concerne le prélèvement à l’exportation, la Commission a souligné, au considérant 117 du règlement provisoire, que son instauration en 2015 avait coïncidé avec une période où les prix indonésiens étaient presque identiques aux prix mondiaux et avait permis aux producteurs de biodiesel d’acheter l’HPB à des prix inférieurs à ceux qui seraient normalement proposés. En outre, au considérant 114 du règlement attaqué, la Commission a expliqué que ce prélèvement finançait le Fonds de
plantation des palmiers à huile et soutenait dans les faits exclusivement l’industrie du biodiesel par l’intermédiaire des subventions.
131 Le règlement attaqué mentionne également, aux considérants 128 et 129, deux articles de presse postérieurs à la période d’enquête qui confirment les conclusions de la Commission portées sur cette période. Ainsi, dans un article du 19 décembre 2018, le secrétaire général de l’association indonésienne de l’huile de palme prévoyait que les exportations d’HPB pourraient grimper une fois que le prélèvement à l’exportation aurait été ramené à zéro. Dans un article du 6 décembre 2018, une analyste
indépendante estime que la suppression du prélèvement à l’exportation augmentera la compétitivité des exportateurs indonésiens d’huile de palme grâce à des économies réalisées dont la majeure partie reviendra probablement aux agriculteurs indonésiens moyennant des prix plus élevés de l’HPB sur le marché intérieur.
132 Sur la base de ces considérations, la Commission a conclu, au considérant 118 du règlement attaqué, que « le système global de restrictions à l’exportation mis en place par les pouvoirs publics indonésiens était conçu pour favoriser l’industrie du biodiesel en maintenant les prix intérieurs de l’HPB à un niveau artificiellement bas ».
133 À cet égard, en premier lieu, les requérantes font valoir que la taxe à l’exportation, qui était fixée à zéro pendant la période d’enquête, ne pouvait pas permettre de charger les fournisseurs d’HPB, ou de leur ordonner, de fournir leurs produits moyennant une rémunération moins qu’adéquate.
134 Toutefois, ainsi qu’il a été relevé aux points 122 et 128 ci-dessus, les pouvoirs publics indonésiens avaient directement corrélé le système des taxes à l’exportation aux prix internationaux d’HPB. Il s’ensuit que le fait que la taxe d’exportation était d’un montant nul au cours de la période d’enquête était dû, comme le souligne le considérant 113 du règlement attaqué, aux circonstances particulières du marché. En effet, le niveau bas des prix internationaux suffisait en soi pour inciter les
producteurs d’HPB à satisfaire en priorité la demande interne. Comme le souligne à juste titre la Commission, si l’intention des pouvoirs publics indonésiens était de ne plus collecter cette taxe, ils l’auraient abrogée. En outre, ainsi qu’il ressort notamment du considérant 118 du règlement attaqué, c’est l’effet conjugué de la taxe et du prélèvement à l’exportation (qui, lui, était perçu pendant la période d’enquête) qui a été pris en considération par la Commission, en tant que système global
de restrictions à l’exportation mis en place par les pouvoirs publics indonésiens qui était conçu pour favoriser l’industrie de biodiesel en maintenant les prix intérieurs de l’HPB à un niveau artificiellement bas.
135 Dès lors, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel toute référence de la Commission à la taxe à l’exportation doit être ignorée.
136 En second lieu, les requérantes font valoir que, en instaurant le prélèvement à l’exportation, les pouvoirs publics indonésiens ont exercé leurs pouvoirs généraux de réglementation pour générer des recettes sur les exportations de produits de base qui, bien que soumis à un prélèvement à l’exportation, seraient restés compétitifs sur les marchés d’exportation.
137 Premièrement, les requérantes soutiennent que la Commission a admis, au considérant 62 du règlement attaqué, que, lorsqu’ils ont décidé de financer le Fonds de plantation des palmiers à huile par un prélèvement à l’exportation, les pouvoirs publics indonésiens ont simplement exercé leurs pouvoirs généraux de réglementation, décision qui ne saurait être qualifiée d’action de « charger » ou d’« ordonner ». Les requérantes invoquent à l’appui de leur argumentation le rapport de l’organe d’appel
« États-Unis – DRAM ».
138 Sur ce point, il y a lieu de constater que, en adoptant les restrictions à l’exportation en cause dans un contexte concret où, d’une part, la taxe à l’exportation était corrélée aux prix internationaux d’HPB et augmentait lorsque ces prix augmentaient et où, d’autre part, le prélèvement à l’exportation était instauré pendant une période où les prix indonésiens étaient presque identiques aux prix mondiaux, lesdits pouvoirs publics ont restreint la liberté d’action de ces entreprises en limitant
en pratique la capacité de celles-ci de décider du marché sur lequel elles vendaient leurs produits (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 124).
139 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’analyse de la Commission faite au considérant 62 du règlement attaqué, lorsque, en traitant un autre aspect de l’affaire, à savoir l’existence d’un avantage, elle observe le fait que « toutes les entreprises associées à la chaîne de valeur de l’HPB, y compris les producteurs de biodiesel, ont l’obligation, imposée par la réglementation, de s’acquitter du prélèvement [à l’exportation] », et en conclut qu’il est incorrect de prétendre que le
Fonds de plantation des palmiers à huile était financé par des ressources privées, mais qu’il était plutôt financé par « l’activité normale des pouvoirs publics indonésiens en matière de budget et de perception des ressources publiques ».
140 En effet, et sans préjudice de la jurisprudence citée aux points 38 et 39 ci-dessus, cette observation de la Commission ne signifie pas que, contrairement à l’interprétation de l’organe d’appel de l’OMC citée par les requérantes, à savoir le point 115 du rapport de l’organe d’appel« États-Unis – DRAM », elle a procédé à une interprétation de l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base « si large qu’elle autorise les membres à appliquer des mesures compensatoires à des produits
chaque fois que des pouvoirs publics exercent simplement leurs pouvoirs généraux de réglementation ».
141 En l’espèce, le fait, pour les pouvoirs publics indonésiens, d’avoir instauré et ajusté les restrictions à l’exportation en cause de façon continue pour s’assurer que l’objectif poursuivi par le biais de ces restrictions était atteint ne peut pas être considéré comme un simple encouragement envers les producteurs nationaux d’HPB. Au contraire, ces actions de la part des pouvoirs publics indonésiens ont conduit ces producteurs à vendre leurs produits sur le marché intérieur à un prix moins
qu’adéquat, conséquence qui, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, ne saurait être considéré comme une « simple conséquence inattendue d’une réglementation des pouvoirs publics », au sens du point 114 du rapport de l’organe d’appel « États-Unis – DRAM » (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 125).
142 Partant, il convient de rejeter cet argument des requérantes.
143 Deuxièmement, les requérantes avancent que les documents et les communications cités par la Commission aux considérants 118 à 121 du règlement provisoire à l’appui de sa constatation que les pouvoirs publics indonésiens ont explicitement poursuivi un objectif stratégique visant à soutenir et développer l’industrie du biodiesel, notamment en cherchant à réduire le prix de l’HPB, concernent la taxe à l’exportation, qui était fixée à zéro et n’avait en conséquence pas d’effets sur les producteurs
d’HPB, et non le prélèvement à l’exportation. Selon les requérantes, les deux instruments étaient distincts et le but du prélèvement à l’exportation était de financer le Fonds de plantation des palmiers à huile et non de faire baisser les prix intérieurs de l’HPB.
144 Cet argument des requérantes est fondé sur une lecture erronée du règlement provisoire. En effet, après avoir annoncé, au considérant 118 dudit règlement, qu’un certain nombre de documents indiquaient l’objectif stratégique poursuivi par les pouvoirs publics indonésiens, la Commission a cité des déclarations publiques des pouvoirs publics indonésiens qui concernaient la taxe et les droits à l’exportation (considérant 119) et des rapports de l’OMC et de l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) qui concernaient la taxe à l’exportation (considérants 120 et 121). Ensuite, au considérant 122, la Commission a orienté son analyse vers le prélèvement à l’exportation et estimé que ce prélèvement, qui était alloué au Fonds de plantation des palmiers à huile, avait comme but de soutenir l’industrie du biodiesel, comme la majeure partie des fonds dudit Fonds. Il ressort de ces considérants que la Commission a examiné tant la taxe que le prélèvement à
l’exportation avant d’aboutir à des conclusions quant aux objectifs de ces restrictions à l’exportation au considérant 123 du règlement provisoire et au considérant 118 du règlement attaqué. En outre, il convient de rappeler que les arguments des requérantes tirés du fait que la taxe à l’exportation était fixée à zéro pendant la période d’enquête ont déjà été rejetés au point 134 ci-dessus.
145 La circonstance que, comme le font valoir les requérantes, le prélèvement à l’exportation s’applique également aux exportations de biodiesel et qu’il a été conçu pour soutenir le Fonds de plantation des palmiers à huile ne saurait invalider ces considérations. D’une part, il ressort du considérant 117 du règlement provisoire que ce prélèvement était considérablement plus élevé pour l’HPB que pour les produits raffinés tels que le biodiesel et, d’autre part, le fait que le prélèvement à
l’exportation était alloué au Fonds de plantation des palmiers à huile qui était à son tour responsable pour les paiements dans le cadre du système exposé au point 45 ci-dessus corrobore les conclusions de la Commission.
146 Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, au sens de la jurisprudence citée aux points 26 et 27, que la Commission a conclu, au considérant 123 du règlement provisoire, que « l’objectif du système de restrictions à l’exportation mis en place par les pouvoirs publics indonésiens [était] bien de soutenir directement et indirectement l’industrie du biodiesel et qu’il ne s’agi[ssait] pas simplement d’un “effet secondaire” de l’exercice des pouvoirs généraux de
réglementation », conclusion confirmée au considérant 118 du règlement attaqué.
147 Troisièmement, les requérantes avancent que la constatation de la Commission faite au considérant 115 du règlement attaqué selon laquelle « l’instauration du prélèvement à l’exportation en 2015 par les pouvoirs publics indonésiens a coïncidé avec une période où les prix indonésiens de l’HPB étaient presque identiques aux prix mondiaux » est purement conjecturale et ne prouve pas que le prélèvement à l’exportation a été instauré pour faire baisser les prix de l’HPB, qui ont constamment évolué en
fonction des prix mondiaux. Les requérantes soutiennent également que c’est à tort que la Commission a retenu, au considérant 116 du règlement attaqué, que le prélèvement à l’exportation avait atteint son objectif, à savoir une baisse des prix de l’HPB sur le marché intérieur indonésien. Selon les requérantes, cette différence entre les prix intérieurs et les prix à l’exportation de l’HPB correspondait au prélèvement à l’exportation de 50 USD par tonne. En outre, la baisse des prix de l’HPB sur
le marché indonésien serait expliquée par un effondrement du marché mondial des produits de base.
148 Il convient de souligner que les requérantes ne remettent pas en cause les constatations factuelles de la Commission, à savoir, d’une part, que l’introduction du prélèvement à l’exportation a coïncidé avec une baisse des prix de l’HPB sur le marché indonésien et, d’autre part, que la hausse de la production de biodiesel constatée au tableau 2 repris au considérant 192 du règlement provisoire impliquait une hausse de la consommation intérieure d’HPB en 2016, comme cela est constaté au considérant
117 du règlement provisoire. Il ressort par ailleurs d’un tableau présenté par les requérantes dans la réplique que le prix de l’HPB sur le marché intérieur indonésien a baissé pendant cette période et que les prix de l’HPB indonésiens étaient en règle générale inférieurs aux prix mondiaux.
149 Par une telle argumentation, les requérantes remettent en cause non pas l’exactitude des constations factuelles retenues par la Commission, mais l’appréciation de ces faits par ladite institution. Or, selon la jurisprudence, le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations dans le domaine de la politique de défense contre les subventions ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces
institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation de ces institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par les institutions. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes
devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 64 et jurisprudence citée).
150 En l’espèce, la Commission a apprécié les données en question en se fondant sur le but dans lequel était conçu le système global des restrictions à l’exportation. Or, le Tribunal constate que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a conclu, au considérant 118 du règlement attaqué, sur la base d’un ensemble de données, à savoir l’existence d’une taxe et d’un prélèvement à l’exportation, des déclarations publiques des pouvoirs publics indonésiens, des rapports
de l’OMC et de l’OCDE, l’augmentation de la consommation intérieure de l’HPB ainsi que la baisse des prix de ce produit sur le marché indonésien après l’introduction du prélèvement à l’exportation, que le système global de restrictions à l’exportation était conçu pour favoriser l’industrie du biodiesel en maintenant les prix intérieurs de l’HPB à un niveau artificiellement bas, et cela par opposition à un simple effet secondaire d’une mesure publique visant à percevoir des recettes publiques.
151 Quatrièmement, les requérantes font valoir que le prélèvement à l’exportation n’a pas eu comme effet de restreindre les exportations d’HPB, puisque les producteurs d’HPB exportent toujours jusqu’à 70 % de leur production.
152 Cet argument ne saurait être accueilli. En effet, le fait que 70 % de l’HPB indonésienne était exportée ne signifie pas que les producteurs d’HPB étaient en mesure de faire librement le choix rationnel d’exporter leur produit et d’en retirer une rémunération adéquate. Au contraire, comme le souligne à juste titre la Commission, les producteurs d’HPB satisfaisaient d’abord la demande intérieure, qui correspondait à 30 % de la production, selon des sources publiques évoquées au considérant 153 du
règlement attaqué, et ce n’est qu’ensuite qu’ils recouraient à l’exportation. Il en ressort que ces producteurs ne cherchaient pas à exporter une proportion plus importante de leur production là où les prix étaient plus élevés, car les bénéfices supplémentaires potentiels à l’exportation étaient limités par les restrictions à l’exportation instituées par les pouvoirs publics indonésiens.
153 Cet argument ayant été rejeté, il convient de rejeter le premier grief dans son intégralité.
– Sur le contrôle des prix par PTPN
154 Dans le cadre de leur deuxième grief, les requérantes soutiennent que c’est à tort que la Commission a conclu que les pouvoirs publics indonésiens faisaient baisser les prix de l’HPB sur le marché intérieur par l’intermédiaire de PTPN.
155 À titre liminaire, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort des considérants 91 à 99 et 126 du règlement provisoire et des considérants 120 et 123 du règlement attaqué, que, vu le manque de coopération de la part des fournisseurs d’HPB et de PTPN, la Commission a appliqué les dispositions de l’article 28, paragraphe 1, du règlement de base et s’est fondée pour étayer ses conclusions sur les données disponibles.
156 En premier lieu, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir conclu que PTPN fixait ses prix de l’HPB à un niveau artificiellement bas et n’agissait pas en opérateur rationnel sur le marché. Elles soutiennent que PTPN, qui ne représentait que 6 à 9 % des approvisionnements totaux d’HPB en Indonésie, ne fixait pas ses prix puisque, d’une part, ces prix étaient déterminés par le biais d’enchères quotidiennes reflétant l’offre et la demande en Indonésie et, d’autre part, le fait que les prix
indonésiens de l’HPB étaient plus bas que les marchés internationaux était dû au fait que l’Indonésie était le principal producteur d’HPB au monde. Il découlerait des informations communiquées par huit des fournisseurs d’HPB que leurs ventes d’HPB étaient rentables, ce qui montrerait qu’ils suivaient les prix de PTPN parce qu’ils les jugeaient rentables et ce qui signifierait également que PTPN agissait en opérateur rationnel.
157 À cet égard, il ressort des considérants 128 à 131 du règlement provisoire que PTPN est un groupe de sociétés entièrement publiques, placé sous le contrôle des pouvoirs publics indonésiens, qui produit différents produits de base, dont l’HPB.
158 Il est expliqué aux considérants 132 et 133 du règlement provisoire, et il est constant entre les parties, que PTPN organisait des enchères quotidiennes pour vendre son HPB. Avant de lancer la procédure d’appel d’offres quotidienne, PTPN déterminait une « idée de prix » pour la journée, mais n’était pas obligée de rejeter les offres inférieures à cette « idée de prix ».
159 La Commission s’est fondée sur plusieurs données disponibles afin de conclure que PTPN fixait ses prix d’HPB à un niveau artificiellement bas. Premièrement, il ressort du considérant 151 du règlement attaqué que les pouvoirs publics indonésiens influençaient les décisions de PTPN concernant sa politique tarifaire. En effet, lorsque le prix offert pour l’achat d’HPB était inférieur à l’« idée de prix » fixée pour la journée, le conseil d’administration de PTPN, où seuls les pouvoirs publics
indonésiens étaient représentés, pouvait décider d’accepter l’offre, ce qui se produisait régulièrement. Deuxièmement, il ressort du considérant 125 du règlement attaqué et du considérant 135 du règlement provisoire que les informations disponibles avaient fait apparaître que, en suivant les directives des pouvoirs publics indonésiens, PTPN subissait des pertes au cours des dernières années. Troisièmement, ainsi qu’il ressort des considérants 122 à 124 du règlement attaqué, la Commission n’a pu
obtenir aucun élément prouvant que l’« idée de prix » reflétait un quelconque prix du marché résultant d’un appel d’offres concurrentiel. Au contraire, le prix intérieur de l’HPB était inférieur à tous les critères de référence internationaux.
160 Ces conclusions ne sauraient être remises en cause par le fait que, comme il ressort du considérant 146 du règlement provisoire, PTPN ne représente que 6 à 9 % des approvisionnements totaux d’HPB en Indonésie, ce dont il résulterait, selon les requérantes, que les acheteurs d’HPB, qui sont de grandes entreprises, seraient capables d’imposer leurs prix tant à PTPN qu’aux petits fournisseurs d’HPB, conformément à la loi de l’offre et de la demande.
161 En effet, il y a lieu de relever, certes, que le marché est caractérisé par un tel déséquilibre favorable aux acheteurs d’HPB, qui sont de grandes entreprises ayant une « puissance d’achat compensatrice ». La Commission l’a admis au considérant 146 du règlement provisoire. Toutefois, cette circonstance ne saurait remettre en cause la conclusion selon laquelle, par l’intermédiaire de PTPN, les pouvoirs publics indonésiens avaient pu mettre en œuvre un mécanisme de fixation des prix. En effet,
ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 146 du règlement provisoire sans être contredite, une autre caractéristique du marché de l’HPB, du côté de l’offre cette fois, était sa fragmentation entre un grand nombre de petites entreprises, notamment des agriculteurs individuels. Dans un tel contexte, une fois que PTPN avait fixé un prix pour la journée, il était très difficile pour les fournisseurs d’HPB qui détenaient chacun de petites parts de marché de fixer des prix de vente plus
élevés face aux acheteurs ayant une puissance d’achat significative. Il convient, dès lors, de rejeter les allégations des requérantes selon lesquelles la configuration du marché empêchait PTPN de fixer les prix. Au contraire, il apparaît que cette structure de marché était un facteur qui permettait à PTPN de fixer les prix de l’HPB.
162 Sur la base de ce qui précède, il convient de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a conclu, aux considérants 124 et 125 du règlement attaqué, sur la base des données disponibles, que PTPN n’agissait pas comme un opérateur rationnel sur le marché et fixait le prix de l’HPB à un niveau inférieur aux critères de référence.
163 En deuxième lieu, les requérantes contestent la conclusion de la Commission figurant au point 145 du règlement provisoire selon laquelle « en rendant public le prix unitaire quotidien de l’HPB, les pouvoirs publics indonésiens fixent effectivement un prix maximal auquel le produit de base sera vendu le jour même ». Selon les requérantes, l’HPB est un produit de base échangé dans le monde entier sur la base de divers indices largement disponibles et il n’est pas inhabituel que son prix suive des
tendances spécifiques et l’analyse de la Commission démontre que le marché indonésien de l’HPB est très concurrentiel.
164 Il ressort du considérant 160 du règlement attaqué que la Commission a conclu que, en l’espèce, les pouvoirs publics indonésiens, par l’intermédiaire de PTPN, agissaient en tant que faiseurs de prix sur le marché intérieur indonésien et que tous les fournisseurs indépendants d’HPB suivaient ces indications de prix. En effet, tout d’abord, la Commission a établi, et les requérantes ne remettent pas valablement en cause ces constatations, comme il ressort des points 157 à 159 ci-dessus, que PTPN
fixait ses prix d’HPB à un niveau artificiellement bas. Ensuite, la Commission a remarqué, aux considérants 140 et 141 du règlement provisoire, que PTPN publiait toujours le résultat des appels d’offres quotidiens sur sa plateforme en ligne à 15 h 30 le jour même de l’appel d’offres, en indiquant le prix d’adjudication unitaire exact pour l’HPB, et que les négociations quotidiennes, entre les fournisseurs d’HPB autres que PTPN et les acheteurs d’HPB, dans lesquelles le prix de départ
correspondait au prix du jour établi par PTPN, avaient généralement lieu après que les résultats des appels d’offres de PTPN étaient connus. Le prix quotidien de l’HPB sur le marché intérieur reflétait étroitement le prix d’adjudication des enchères quotidiennes organisées par PTPN et, en outre, le prix unitaire payé par les producteurs-exportateurs aux producteurs d’HPB n’appartenant pas à l’État a, durant la période d’enquête, toujours été identique ou inférieur au prix de PTPN pour le même
jour. Enfin, comme il ressort du considérant 138 du règlement attaqué, ces faits ont eu lieu dans un contexte où les pouvoirs publics indonésiens avaient adopté des mesures limitant les possibilités des fournisseurs d’exporter leur HPB.
165 Dans un tel contexte, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a considéré que les pouvoirs publics indonésiens avaient exercé une action de charger ou d’ordonner à l’égard des fournisseurs d’HPB par le biais d’une « fixation des prix » transparente par PTPN, au sens de la jurisprudence citée aux points 116 à 118 ci-dessus.
166 En troisième lieu, les requérantes avancent que la Commission a violé l’article 28, paragraphe 5, du règlement de base en ne tenant pas compte des renseignements qu’elles lui avaient fournis concernant l’action de PTPN.
167 Selon la jurisprudence, l’article 28 du règlement de base autorise les institutions à recourir aux données disponibles, afin de ne pas compromettre l’efficacité des mesures de défense commerciale de l’Union, toutes les fois que les institutions de l’Union doivent faire face à un refus ou à un manque de coopération dans le cadre d’une enquête (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 janvier 2017, Maxcom/City Cycle Industries, C‑248/15 P, C‑254/15 P et C‑260/15 P, EU:C:2017:62, point 67),
sans toutefois les contraindre à recourir aux meilleures données disponibles (arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 94). Il en résulte que le large pouvoir d’appréciation de la Commission en matière de mesures de défense commerciale, conformément à la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus, s’exerce aussi lorsqu’il s’agit d’appliquer l’article 28 du règlement de base.
168 Dans ce contexte, l’article 28, paragraphe 5, du règlement de base prévoit que, lorsque les conclusions de la Commission sont fondées sur les dispositions du paragraphe 1 de cet article, notamment sur les renseignements fournis dans la plainte, ces renseignements sont « vérifiés par référence à d’autres sources indépendantes disponibles […] ou par référence aux renseignements obtenus d’autres parties intéressées au cours de l’enquête », « lorsque cela est possible et compte tenu du délai imparti
pour l’enquête ».
169 En l’espèce, force est de constater, comme le souligne à juste titre la Commission, que les requérantes ne contestent pas l’application de l’article 28, paragraphe 1, du règlement de base (voir point 155 ci-dessus). Elles soutiennent que la Commission aurait dû tenir compte des renseignements qu’elles ont fournis au cours de l’enquête au titre de l’article 28, paragraphe 5, du règlement de base.
170 Or, dans leurs écritures, les requérantes ne remettent pas en cause les constatations factuelles de la Commission, mais leur appréciation. Les éléments factuels qu’elles invoquent, à savoir le fait que les ventes de huit fournisseurs d’HPB liés au groupe Wilmar étaient rentables et que l’HPB est un produit de base échangé dans le monde entier sur la base d’indices largement disponibles, ne sauraient remettre en cause les conclusions de la Commission.
171 En tout état de cause, la nécessité de garantir l’efficacité des mesures de défense commerciale justifie également, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, que lesdites institutions soient autorisées à se fonder sur un faisceau d’indices concordants, tels qu’exposés aux points 158 à 159 ci-dessus, pour conclure à la fourniture d’HPB à un prix moins qu’adéquat (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 janvier 2017, Maxcom/Chin Haur Indonesia, C‑247/15 P, C‑253/15 P
et C‑259/15 P, EU:C:2017:61, point 64 et jurisprudence citée).
172 Dès lors, il convient de rejeter cette argumentation des requérantes et, partant, l’ensemble du deuxième grief.
– Sur l’action de « charger » ou d’« ordonner »
173 Dans le cadre de leur troisième grief, les requérantes présentent une série d’arguments afin de démontrer que les fournisseurs indonésiens d’HPB n’ont été soumis à aucune forme de menace ou de persuasion les amenant à vendre de l’HPB sur le marché indonésien à des prix inférieurs.
174 Force est de constater que, dans le cadre de ce grief, les requérantes réitèrent certains arguments concernant les effets du prélèvement à l’exportation qui ont déjà été rejetés dans l’analyse des griefs précédents. En effet, les arguments concernant l’incidence du prélèvement à l’exportation, à savoir le fait que la majeure partie de la production indonésienne d’HPB est exportée, le choix des fournisseurs d’HPB de vendre sur le marché intérieur ou mondial, les effets du prélèvement à
l’exportation sur les prix intérieurs d’HPB et la relation entre les prix indonésiens d’HPB et les prix mondiaux, ont déjà été écartés aux points 136 à 153 ci-dessus.
175 Les requérantes contestent également les conclusions tirées par la Commission de deux articles de presse cités aux considérants 153 et 154 du règlement provisoire en faisant valoir que cette dernière n’a pas établi un lien de causalité entre le soutien des pouvoirs publics indonésiens à l’industrie de l’HPB et les allégations selon lesquelles ce soutien était utilisé pour les persuader de fournir de l’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate. Selon les requérantes, les articles en
question concernaient le soutien des petits exploitants par les pouvoirs publics indonésiens, lequel vise à satisfaire, en termes de volume et non de prix, l’augmentation de la consommation d’HPB. Il n’existerait aucune forme de persuasion, ni de menace, visant à ce que ces volumes d’HPB soient fournis moyennant une rémunération moins qu’adéquate.
176 Cette argumentation des requérantes est fondée sur une lecture erronée du règlement provisoire. Les deux articles de presse en question visent à démontrer, comme le fait valoir la Commission dans ses écritures et au considérant 153 du règlement provisoire, que les pouvoirs publics indonésiens intervenaient de manière proactive sur le marché de l’HPB en vue d’encourager les fournisseurs d’HPB à se conformer aux instructions qui leur étaient données et octroyaient à cette fin des subventions afin
de s’assurer que les producteurs d’HPB n’étaient pas affectés négativement lors de la mise en œuvre des objectifs des pouvoirs publics indonésiens. La Commission explique à ce même considérant que les pouvoirs publics indonésiens soutenaient les producteurs d’HPB essentiellement dans l’intérêt des producteurs de biodiesel. En outre, ces subventions n’ont pas été considérées isolément par la Commission, mais en tant que partie de l’ensemble de mesures à travers lesquelles les pouvoirs publics
indonésiens incitaient les producteurs d’HPB à vendre leurs produits localement à des prix inférieurs à ceux qu’ils auraient autrement pratiqués (considérant 162 du règlement provisoire).
177 Dès lors, il convient de rejeter ce grief et, partant, l’ensemble de la première branche du deuxième moyen.
Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base et des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission lorsqu’elle a conclu que les pouvoirs publics indonésiens avaient soutenu les revenus des producteurs de biodiesel
178 Dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir considéré qu’il existait un soutien des revenus et des prix en faveur des producteurs de biodiesel au sens de l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base.
179 À cet égard, force est de constater que les requérantes ne contestent pas, dans le cadre de cette branche, l’existence des mesures adoptées par les pouvoirs publics indonésiens exposées par la Commission aux considérants 188 à 190 du règlement provisoire, dont les conclusions ont été confirmées par le considérant 169 du règlement attaqué, mais leur qualification en tant que « soutien des revenus ou des prix », au sens de l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base.
180 Cette expression n’étant pas définie dans le règlement de base, il convient de l’interpréter, selon la jurisprudence citée au point 113 ci-dessus, conformément à son sens habituel en langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel elle est utilisée et des objectifs de la réglementation dont elle fait partie.
181 L’objectif de l’article 3 du règlement de base est de définir la notion de « subvention » qui justifierait l’institution d’un droit compensateur. Plus précisément, l’article 3, point 1, dudit règlement prévoit, sous a), qu’une subvention est réputée exister s’il y a une « contribution financière », « ou », sous b), s’il existe « une forme quelconque de soutien des revenus ou de soutien des prix au sens de l’article XVI du GATT 1994 ». Il en ressort que l’objectif de l’article 3, point 1,
sous b), du règlement de base est de prévoir une forme alternative de subvention à celle visée sous a), comme l’indique clairement l’utilisation de la conjonction de coordination qui marque l’alternative « ou » afin d’élargir le périmètre de cette disposition.
182 Cette disposition est utilisée dans le contexte de la détermination de l’existence d’une subvention et renvoie expressément pour son interprétation à l’article XVI du GATT, d’où la volonté du législateur de l’Union de limiter lui-même sa marge de manœuvre dans l’application des règles du GATT et de l’OMC (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, points 40 et 41 et jurisprudence citée). Cet article fait référence à « une subvention, y compris
toute forme de soutien des revenus ou des prix, qui a directement ou indirectement pour effet d’accroître les exportations d’un produit du territoire de ladite partie contractante ou de réduire les importations de ce produit sur son territoire ». Il en ressort que, au sens de cette disposition, le « soutien des revenus ou des prix » est une forme de subvention et que cette disposition est axée sur les effets de cette subvention sur les exportations et les importations.
183 Selon son sens habituel en langage courant, le terme « soutien » signifie l’« aide », l’« appui », la « protection », le « secours » ou le « support » et l’action de « soutenir » signifie « maintenir, porter, supporter » ou « aider, appuyer, encourager, épauler ». Il ressort du libellé de l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base, ainsi que de l’article XVI du GATT, que cette action peut revêtir « une forme quelconque » ou « toute forme », formulation qui laisse ouverts
l’« apparence », l’« aspect », la « configuration » ou la « façon ou la manière d’agir ou de procéder ». Ainsi, l’expression « soutien des revenus ou des prix » doit être interprétée comme englobant toute action des pouvoirs publics qui revient, directement ou indirectement, à maintenir la stabilité des revenus ou des prix ou à provoquer leur hausse. Le renvoi par l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base à l’article XVI du GATT implique de prendre également en considération les effets
de cette action sur les exportations et les importations.
184 En l’espèce, afin d’établir l’existence d’un soutien des revenus ou des prix dans le règlement provisoire, dont les conclusions sont confirmées au considérant 169 du règlement attaqué, la Commission a retenu que, par le biais d’une série de mesures, à savoir un système de restrictions à l’exportation de l’HPB, la fixation de facto des prix de l’HPB dans le marché intérieur à un niveau artificiellement bas et des subventions directes aux producteurs d’HPB pour les inciter à se conformer aux
objectifs des pouvoirs publics, considérées dans le contexte plus large de la promotion du développement de l’industrie du biodiesel, notamment par les prescriptions de mélange obligatoire ainsi que par la mise en place du Fonds de plantation des palmiers à huile au bénéfice des producteurs de biodiesel, les pouvoirs publics indonésiens avaient l’intention d’intervenir sur le marché pour assurer un résultat particulier, à savoir que les producteurs de biodiesel bénéficient de prix
artificiellement bas pour leur approvisionnement en HPB, matière première qui représente environ 90 % de leurs coûts de production.
185 La Commission a conclu, au considérant 191 du règlement provisoire, que ces actions des pouvoirs publics indonésiens avaient contribué au revenu obtenu par les producteurs de biodiesel en leur permettant d’avoir accès à leur principale matière première et principal élément de coût à un prix inférieur à celui du marché mondial, ce qui s’était traduit ensuite par des profits artificiellement plus élevés résultant principalement d’exportations vers des marchés tiers. La Commission a également
constaté une forte augmentation des exportations de biodiesel en 2018, ainsi qu’il ressort du tableau 2 repris dans le considérant 192 du règlement provisoire. Cette analyse a été confirmée dans son intégralité par le règlement attaqué (voir considérant 169 du règlement attaqué).
186 En premier lieu, les requérantes font valoir que l’interprétation de la notion de soutien des revenus ou des prix est contraire à la jurisprudence de l’OMC, à savoir les considérations contenues dans le rapport du groupe spécial de l’OMC intitulé « Chine – Droits compensateurs et droits antidumping visant les aciers dits magnétiques laminés, à grains orientés, en provenance des États-Unis », adopté le 15 juin 2012 (WT/DS 414/R). Plus particulièrement, elles invoquent le point 7.85 de ce rapport
où il a été retenu que « l’expression “soutien des prix” n’inclut pas toute intervention des pouvoirs publics qui peut avoir un effet sur les prix, comme les droits de douane et les restrictions quantitatives », et que, « [e]n particulier, il n’apparaît pas clairement que [l’article 1.1, sous a), 2] était censé englober toutes sortes de mesures des pouvoirs publics qui ne constituent pas par ailleurs une contribution financière, mais qui peuvent avoir un effet indirect sur le marché, y compris
sur les prix ».
187 Sans préjudice de la jurisprudence citée aux points 38 et 39 ci-dessus, il convient de relever que, dans cette affaire, le groupe spécial s’est prononcé sur des accords d’autolimitation restreignant les importations d’acier aux États-Unis, dont il a estimé qu’ils n’avaient qu’un effet secondaire accessoire, d’une importance aléatoire, sur les prix. Il a considéré que la phrase « une forme quelconque de [...] soutien [...] des prix » figurant à l’article premier, paragraphe 1.1, sous a), 2, de
l’accord SMC n’avait pas une portée assez large pour englober de tels accords. Dès lors, ce différend ne concernait pas une série de mesures ayant le même objectif et la même nature que celles examinées par le règlement attaqué, notamment des restrictions à l’exportation spécifiques et une fixation de facto des prix par le biais d’une entreprise détenue à 100 % par les pouvoirs publics indonésiens.
188 En deuxième lieu, les requérantes reprochent à la Commission, en se référant à plusieurs considérants du règlement provisoire, d’avoir conclu, à tort, d’une part, que les pouvoirs publics indonésiens avaient l’intention de promouvoir l’utilisation du biodiesel en Indonésie par une baisse des prix de l’HPB et, d’autre part, qu’il existait un ensemble de mesures visant à soutenir l’industrie du biodiesel et prouvant l’existence d’un soutien des revenus.
189 Concernant le premier point, il convient d’observer que les requérantes ne remettent pas en cause les éléments de preuve utilisés par la Commission afin d’établir l’intention des pouvoirs publics indonésiens de soutenir l’industrie nationale du biodiesel, mais le fait que ces éléments de preuve se rapportent à l’intention desdits pouvoirs publics d’apporter ce soutien par une baisse des prix de l’HPB.
190 Or, cet argument est fondé sur une lecture erronée du règlement provisoire. En effet, d’une part, la taxe et les droits à l’exportation mentionnés au considérant 182 du règlement provisoire sont parmi les mesures qui ont permis à la Commission de conclure que les fournisseurs d’HPB ont été chargés de fournir l’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate ou qu’il leur a été ordonné de le faire (voir points 121 à 132 ci-dessus). La même considération est valable pour le Fonds de plantation
des palmiers à huile, mentionné au considérant 186 du règlement provisoire et qui était financé par le prélèvement à l’exportation sur l’HPB et ses dérivés (considérant 117 du règlement provisoire). D’autre part, il apparaît à la lecture du règlement provisoire que la Commission a d’abord établi l’intention des pouvoirs publics indonésiens de soutenir l’industrie nationale du biodiesel aux considérants 182 à 186 avant d’exposer, aux considérants 188 à 190, les différents instruments à travers
lesquels les pouvoirs publics indonésiens intervenaient sur le marché de l’HPB afin d’amplifier le développement de l’industrie du biodiesel.
191 Il ressort des considérants rappelés au point précédent que la Commission a démontré à suffisance de droit l’intention des pouvoirs publics indonésiens de développer l’industrie du biodiesel en intervenant sur le marché de l’HPB et que cet argument des requérantes doit être rejeté.
192 Concernant le second point, les requérantes renvoient, à l’appui de leurs allégations relatives à l’ensemble de mesures visant à soutenir l’industrie du biodiesel, à leurs arguments présentés dans le cadre de la branche précédente. La première branche du deuxième moyen des requérantes ayant été rejetée, il convient de rejeter également cet argument.
193 En troisième lieu, les requérantes arguent que la Commission n’a pas établi en quoi cet ensemble de mesures avait directement ou indirectement pour effet d’accroître les exportations d’un produit originaire du territoire de l’Indonésie ou de réduire les importations de ce produit sur son territoire, comme l’exige l’article XVI du GATT. Il ressortirait des données du tableau 2 repris au considérant 192 du règlement provisoire, premièrement, que les exportations indonésiennes de biodiesel auraient
considérablement diminué entre 2015 et 2018 et, deuxièmement, qu’il serait plus probable que cet ensemble de mesures ait réduit les exportations de biodiesel, car il favoriserait la consommation intérieure, tandis que les mesures ayant une prétendue incidence sur l’HPB seraient les mêmes pour les producteurs de biodiesel, qu’ils exportent ou non.
194 À cet égard, premièrement, il convient de souligner, à l’instar de la Commission au considérant 193 du règlement provisoire, que les données du tableau 2 repris au considérant 192 dudit règlement indiquent que les exportations indonésiennes de biodiesel ont considérablement diminué au cours de la période pendant laquelle il existait des mesures de défense commerciale de l’Union (entre le mois de novembre 2013 et le mois de mars 2018), pour ensuite reprendre en 2018 avec une hausse de 847,59 %
par rapport à l’année 2017 (voir considérants 281, 282, 322 et 323 du règlement provisoire). En outre, comme l’observe la Commission au considérant 193, la diminution des exportations pendant la période d’application des mesures de défense commerciale de l’Union était accompagnée par une augmentation des stocks.
195 Deuxièmement, comme le souligne à juste titre la Commission au considérant 191 du règlement provisoire, les mesures mises en place par les pouvoirs publics indonésiens permettaient aux producteurs de biodiesel d’avoir accès à leur principale matière première et principal élément de coût à un prix inférieur à celui du marché mondial, ce qui s’est traduit ensuite par des profits artificiellement plus élevés résultant principalement d’exportations vers des marchés tiers. Par ailleurs, le fait que
l’obligation de mélange a pour vocation l’augmentation de la consommation intérieure de biodiesel ne remet pas en cause la conclusion selon laquelle l’ensemble des mesures introduites par les pouvoirs publics indonésiens, y compris le transfert direct de fonds de la part du Fonds de plantation des palmiers à huile, avait des effets sur les exportations de biodiesel.
196 Dès lors, ces arguments des requérantes doivent être rejetés.
197 Il résulte de ces constatations que la Commission n’a pas violé l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base et n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a conclu que les mesures mises en œuvre par les pouvoirs publics indonésiens pouvaient être qualifiées de soutien des revenus ou des prix au profit des producteurs de biodiesel.
Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 2, et de l’article 6, sous d), du règlement de base ainsi que des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission dans la détermination de l’avantage conféré aux producteurs de biodiesel
198 Dans le cadre de la troisième branche du deuxième moyen, les requérantes font valoir que, en constatant l’existence d’un avantage et en retenant des prix de référence erronés pour le calcul dudit avantage, la Commission a violé l’article 3, point 2, et l’article 6, sous d), du règlement de base.
199 À cet égard, il importe de relever que l’article 3 du règlement de base dispose qu’une subvention est réputée exister en présence d’une « contribution financière » ou d’un « soutien des revenus ou […] des prix » des pouvoirs publics et si un « avantage » est ainsi conféré. Les articles 6 et 7 dudit règlement précisent les modalités de calcul de l’« avantage » conféré. S’agissant d’une contribution financière ou d’un soutien des revenus ou des prix consistant dans la fourniture de biens par les
pouvoirs publics, l’article 6, sous d), du règlement de base prévoit, en substance, que cette fourniture confère un avantage si elle s’effectue moyennant une rémunération moins qu’adéquate (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, points 195 et 196).
200 L’article 6 dudit règlement énonce des règles pour déterminer, selon le type de mesure concerné, si celle-ci peut être regardée comme un « avantage conféré au bénéficiaire ». Conformément à ces règles, un avantage existe si, concrètement, le bénéficiaire a reçu une contribution financière lui permettant d’obtenir des conditions plus favorables que celles auxquelles il aurait accès sur le marché. S’agissant en particulier de la fourniture de biens, l’article 6, sous d), du règlement de base
prévoit qu’il n’existe un avantage que si « la fourniture [...] s’effectue moyennant une rémunération moins qu’adéquate », « [l]’adéquation de la rémunération [étant] déterminée par rapport aux conditions existantes du marché pour le bien ou service en question dans le pays de fourniture ou d’achat, y compris le prix, la qualité, la disponibilité, la qualité marchande, le transport et autres conditions d’achat ou de vente ». Il ressort de ces termes que la détermination de l’« avantage »
comporte une comparaison et que celle-ci, dès lors qu’elle vise à apprécier l’adéquation du prix payé par rapport aux conditions normales du marché, en principe dans le pays de fourniture, doit prendre en compte l’ensemble des éléments du coût qu’engendre, pour le bénéficiaire, la réception du bien fourni par les pouvoirs publics. Dès lors, il découle de cette disposition que, dans la mesure du possible, la méthode utilisée par la Commission pour calculer l’avantage doit permettre de refléter
l’avantage effectivement conféré au bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, points 208 à 210).
201 En l’espèce, il résulte des considérants 170 et 171 du règlement attaqué que la Commission a déterminé l’existence d’un avantage en utilisant comme prix de référence aux fins de la comparaison les prix franco à bord (FAB) de l’HPB à l’exportation de l’Indonésie vers le reste du monde, tels qu’ils figuraient dans les statistiques indonésiennes sur les exportations, et qu’elle a calculé l’avantage conféré au bénéficiaire comme étant la somme des écarts entre ces prix de référence de l’HPB calculés
par mois, pendant la période d’enquête, et les prix payés pour l’HPB achetée sur le marché intérieur.
202 Les requérantes soutiennent que la Commission, afin de déterminer l’avantage conféré aux producteurs de biodiesel, a retenu un point de comparaison erroné afin de conclure que l’HPB était fournie à une rémunération moins qu’adéquate sur le marché indonésien.
203 En premier lieu, les requérantes font valoir que la Commission aurait dû retenir comme point de comparaison, pour l’analyse de l’adéquation de la rémunération, les prix pratiqués dans le pays, qui étaient déterminés par le marché.
204 Toutefois, la Commission a conclu, et les arguments des requérantes visant à invalider ses conclusions ont déjà été rejetés dans le cadre de la première branche du présent moyen, que les prix de l’HPB sur le marché indonésien étaient fixés par PTPN et que l’« idée de prix » proposée par cette dernière ne reflétait aucun prix du marché résultant d’un appel d’offres concurrentiel (considérants 124 et 148 du règlement attaqué).
205 Dès lors, au vu de la distorsion du marché due à l’intervention des pouvoirs publics indonésiens (considérant 198 du règlement provisoire), la Commission a pu valablement considérer, au considérant 197 du règlement provisoire, que le prix d’achat de l’HPB devait être comparé avec une référence appropriée en application de l’article 6, sous d), du règlement de base, de sorte que l’argument des requérantes doit être rejeté.
206 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que c’est à tort que la Commission a comparé les prix de l’HPB sur le marché intérieur indonésien avec les prix intérieurs malaisiens et les prix à l’exportation indonésiens. En particulier, les prix FAB à l’exportation comprendraient le prélèvement à l’exportation qui ne grèverait pas les transactions intérieures. En outre, la Commission aurait dû procéder à des adaptations du prix de référence afin de garantir que le point de repère utilisé
reflétait les conditions dans lesquelles l’HPB serait échangée aux conditions du marché.
207 Tout d’abord, il ressort tant du considérant 182 du règlement attaqué que du considérant 198 du règlement provisoire que la Commission n’a pas utilisé en tant que prix de référence des prix malaisiens pour déterminer le montant de l’avantage en cause. Le fait que, comme le soulèvent les requérantes, la Commission a comparé les prix intérieurs indonésiens de l’HPB avec les prix malaisiens pour parvenir à la conclusion que le prix fixé par PTPN n’était pas équitable et que les prix sur le marché
intérieur en Indonésie étaient inférieurs au prix du marché, dans une autre partie du règlement provisoire (considérant 163), est sans incidence dans le contexte de la détermination de l’avantage conféré aux producteurs de biodiesel. Partant, il convient de rejeter cette allégation des requérantes.
208 Ensuite, il ressort du considérant 198 du règlement provisoire que la Commission a considéré que les prix FAB de l’HPB à l’exportation de l’Indonésie vers le reste du monde constituaient une référence appropriée, car ils étaient fixés conformément aux principes de la libre concurrence, reflétaient les conditions prévalant sur le marché en Indonésie, n’étaient pas faussés par l’intervention des pouvoirs publics et, partant, étaient le meilleur indicateur de ce qu’aurait été le prix intérieur
indonésien en l’absence de la distorsion due à l’intervention des pouvoirs publics indonésiens. À l’encontre de cette analyse, les requérantes font valoir que, à supposer même que les prix de l’HPB sur le marché intérieur indonésien soient faussés, le prix FAB à l’exportation n’est pas un prix de référence valable, car il serait lui-même faussé par les restrictions à l’exportation.
209 Cet argument doit être écarté. En effet, le fait que le prix FAB de l’HPB à l’exportation à partir de l’Indonésie inclut les effets du prélèvement à l’exportation, comme le précise la Commission aux considérants 173 et 181 du règlement attaqué, n’implique pas que ce prix soit faussé. Au contraire, étant donné que le prix de l’HPB sur le marché intérieur était moins qu’adéquat, en raison d’une série de mesures dont la taxe et le prélèvement à l’exportation et la fixation des prix par PTPN, le
prix de l’HPB à l’exportation, une fois le prélèvement à l’exportation acquitté, correspondait, comme le souligne à juste titre la Commission, au prix que les vendeurs proposaient à l’exportation. Si le prélèvement à l’exportation est l’une des mesures qui ont comme résultat d’inciter les fournisseurs d’HPB à vendre sur le marché intérieur à des prix moins qu’adéquats, il ne rend pas le prix FAB indonésien à l’exportation inapproprié comme prix de référence pour le calcul de l’avantage. En
effet, comme l’a, à juste titre, estimé la Commission, ce prix permettait, conformément à la règle fixée à l’article 6, sous d), du règlement de base et à la jurisprudence citée au point 200 ci-dessus, de refléter, dans la mesure du possible, l’avantage effectivement conféré au bénéficiaire.
210 Enfin, l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû procéder à des adaptations du prix de référence doit également être écarté. En effet, premièrement, l’approche des requérantes selon laquelle le prélèvement à l’exportation aurait dû être déduit a déjà été rejetée au point précédent. Deuxièmement, à supposer que les requérantes font valoir que d’autres adaptations du prix de référence étaient nécessaires, elles restent en défaut d’apporter des éléments suffisants qui
indiqueraient quelles sont ces adaptations et pourquoi elles étaient nécessaires. Or, une telle preuve est requise afin d’établir qu’une institution de l’Union a commis une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier l’annulation d’un acte (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 62).
211 En troisième lieu, les requérantes invoquent, à l’appui de leur argumentation, le rapport de l’organe d’appel de l’OMC intitulé « États-Unis – Mesures compensatoires visant certains produits plats en acier au carbone laminés à chaud en provenance d’Inde », adopté le 8 décembre 2014 (WT/DS 436/AB/R), où il est retenu, aux points 4.148 et 4.151, qu’« une détermination sur le point de savoir si une rémunération est “moins qu’adéquate” au sens de l’article 14 d) suppose la sélection d’un
comparateur – c’est-à-dire un prix servant de point de repère – avec lequel comparer le prix pratiqué par les pouvoirs publics pour le bien en question » et que ce point de repère « doit être constitué par des prix déterminés par le marché pour des biens identiques ou semblables qui se rapportent, se réfèrent ou sont liés aux conditions du marché existantes pour le bien en question dans le pays de fourniture ». Force est de constater, sans préjudice de la jurisprudence citée aux points 38 et 39
ci-dessus, que les constatations ainsi portées dans ce rapport ne remettent pas en question l’analyse de la Commission exposée aux points 201, 205 et 208 ci-dessus, qui se réfère également à un prix de marché disponible pour le même produit, surtout à la lumière de la considération figurant au point 4.155 dudit rapport selon laquelle, « [b]ien que l’analyse des points de repère commence par un examen des prix dans le pays pour le bien en question, il ne serait pas approprié d’utiliser ces prix
lorsqu’ils ne sont pas déterminés par le marché ».
212 En conséquence, il convient de rejeter cet argument et, partant, l’ensemble de la troisième branche du deuxième moyen.
213 Au regard de ces considérations, il convient de rejeter le deuxième moyen dans son entièreté.
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 8, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission en concluant à l’existence d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union
214 Dans le cadre du troisième moyen, les requérantes font valoir que la Commission a violé l’article 8, paragraphe 8, du règlement de base et a commis une erreur manifeste d’appréciation dès lors qu’elle a conclu à l’existence d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union sur le fondement de la prémisse erronée que l’industrie de l’Union se trouvait dans une situation fragile.
215 La Commission, soutenue par EBB, réfute ce moyen.
216 En l’espèce, la Commission a conclu, aux considérants 319 et 320 du règlement attaqué, que l’industrie de l’Union n’avait pas subi de préjudice important au cours de la période d’enquête, même si ladite industrie n’était pas solide. Elle a toutefois considéré qu’il existait, en l’espèce, une menace de préjudice important pour ladite industrie.
217 À titre liminaire, il convient de rappeler, à cet égard, que l’article 2, sous d), du règlement de base définit le terme « préjudice » comme s’entendant, sauf indication contraire, notamment, d’un préjudice important causé à une industrie de l’Union ou d’une menace de préjudice important pour une telle industrie, et qu’il renvoie aux dispositions de l’article 8 pour l’interprétation de cette notion.
218 L’article 8, paragraphe 1, de ce règlement régit la détermination de l’existence d’un préjudice. Celle-ci doit comporter un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet de subventions et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.
219 L’article 8, paragraphe 4, du règlement de base prévoit que l’examen de l’incidence des importations faisant l’objet de subventions sur l’industrie de l’Union concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et de tous les indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, y compris le fait pour une industrie de ne pas avoir encore surmonté entièrement les effets de pratiques passées de subventionnement ou de dumping.
220 L’article 8, paragraphe 5, du règlement de base précise qu’il doit être démontré, à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents relatifs à la situation de l’industrie de l’Union, l’existence d’un préjudice subi par cette industrie. En particulier, cet article prévoit qu’une telle preuve implique la démonstration que le volume ou les niveaux des prix visés à son paragraphe 2 ont un impact sur l’industrie de l’Union, au sens du paragraphe 4 de ce même article, et que cet impact est tel qu’il
puisse être considéré comme important (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 décembre 2013, Transnational Company Kazchrome et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, point 49).
221 L’article 8, paragraphe 8, du règlement de base régit la « détermination de l’existence d’une menace de préjudice important ». Il est précisé que cette détermination doit se fonder sur des faits et non seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités, et que le changement de circonstances qui créerait une situation où la subvention causerait un préjudice doit être clairement prévisible et imminent. Il en résulte que la constatation d’une menace de préjudice doit
ressortir nettement des faits de l’espèce. Il en résulte également que le préjudice qui fait l’objet d’une menace doit se produire à brève échéance (voir, par analogie, arrêt du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil, T‑528/09, EU:T:2014:35, point 54).
222 Cette disposition énumère de manière non limitative les facteurs qu’il convient de prendre en considération pour la détermination de l’existence d’une menace de préjudice important (voir, par analogie, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans les affaires jointes ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a./Conseil et Conseil/Hubei Xinyegang Steel, C‑186/14 P et C‑193/14 P, EU:C:2015:767, point 44).
223 En outre, la Cour a déjà précisé que l’existence d’une menace de préjudice, tout comme celle d’un préjudice, devait être établie à la date d’adoption de la mesure antisubventions, eu égard à la situation de l’industrie de l’Union à cette date. En effet, ce n’est qu’au regard de cette situation que les institutions de l’Union peuvent déterminer si l’augmentation imminente des importations futures faisant l’objet d’une subvention causera un préjudice important pour cette industrie, dans
l’hypothèse où aucune mesure de défense commerciale ne serait prise. Toutefois, les institutions de l’Union sont habilitées à prendre en considération, dans certaines circonstances, les données postérieures à une période d’enquête (voir, par analogie, arrêt du 4 février 2021, eurocylinder systems, C‑324/19, EU:C:2021:94, points 40 et 41).
224 Il y a lieu de rappeler également que, conformément à la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que l’examen d’une menace de préjudice suppose
l’évaluation de questions économiques complexes et que le contrôle juridictionnel de cette appréciation doit, dès lors, être limité à la vérification du respect des règles de droit et de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Ce contrôle juridictionnel limité n’implique pas que le juge de l’Union s’abstienne de contrôler l’interprétation, par
les institutions, de données de nature économique (voir, par analogie, arrêt du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil, T‑528/09, EU:T:2014:35, point 53 et, en ce sens, arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278, point 149). En particulier, il appartient au Tribunal de vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur
cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, par analogie, arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 64).
225 Enfin, la conclusion de la Commission quant à la situation de l’industrie de l’Union, établie dans le cadre de l’analyse d’un préjudice important causé à une industrie de l’Union, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement de base, reste, en principe, pertinente dans le cadre de l’analyse de la menace de préjudice important pour cette industrie, au sens de l’article 8, paragraphe 8, de ce règlement (voir, par analogie, arrêt du 4 février 2021, eurocylinder systems, C‑324/19,
EU:C:2021:94, point 42).
226 C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner si la Commission a violé l’article 8, paragraphe 8, lorsqu’elle a conclu, au considérant 360 du règlement provisoire, confirmé au considérant 405 du règlement attaqué, que la situation économique fragile de l’industrie de l’Union était susceptible d’être aggravée par les importations continues et imminentes de biodiesel en provenance d’Indonésie faisant l’objet de subventions, importations qui ont constitué, pendant la période d’enquête,
une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union.
227 La Commission soutient que, à supposer même qu’elle ait commis une erreur en estimant que l’industrie de l’Union était fragile, elle pourrait, en tout état de cause, considérer que la situation de l’industrie de l’Union devrait changer dans un futur proche et entraîner un préjudice important. Dans ces conditions, le troisième moyen des requérantes, qui ne remet pas en cause cette partie de l’analyse de la menace de préjudice important, devrait, en toute hypothèse, être rejeté.
228 Il convient de relever que, tandis que l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base requiert que « la détermination de l’existence d’un préjudice » comporte notamment un examen objectif de l’incidence des importations faisant l’objet de subventions sur l’industrie de l’Union, examen qui inclut, aux termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement de base, l’évaluation de tous les facteurs et tous les indices pertinents qui influent sur la situation de l’industrie de l’Union, cet examen n’est
pas explicitement requis par le règlement de base s’agissant de l’analyse d’une menace de préjudice, au sens de son article 8, paragraphe 8. Toutefois, l’examen des facteurs pertinents qui influent sur la situation de l’industrie de l’Union dans le contexte d’une menace de préjudice paraît nécessaire, car il permet de dresser l’état de l’industrie de l’Union au regard duquel les institutions peuvent évaluer, comme l’exige l’article 8, paragraphe 8, du règlement de base, si, en présence de
nouvelles importations imminentes, la menace de préjudice important pesant sur l’industrie de l’Union se matérialiserait en un préjudice important au cas où des mesures de défense ne seraient pas adoptées. En d’autres termes, pour que les institutions puissent déterminer s’il existe une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union, alors que, par définition, cette industrie ne subit pas de préjudice matériel actuel malgré les effets des importations faisant l’objet de subventions
pendant la période d’enquête, il est nécessaire de connaître la situation actuelle de cette industrie (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 avril 2016, ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a./Hubei Xinyegang Steel, C‑186/14 P et C‑193/14 P, EU:C:2016:209, point 31, et conclusions de l’avocat général Mengozzi dans les affaires jointes ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a./Conseil et Conseil/Hubei Xinyegang Steel, C‑186/14 P et C‑193/14 P, EU:C:2015:767, points 43 à 48).
229 En l’espèce, comme le soulignent à juste titre les requérantes, il ressort du considérant 360 du règlement provisoire que la situation de l’industrie de l’Union a été prise en compte afin de conclure à l’existence d’une menace de préjudice. Ainsi, la conclusion de la Commission quant à la situation de l’industrie de l’Union n’est pas sans rapport avec l’analyse de la menace de préjudice (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil, T‑528/09,
EU:T:2014:35, point 58). Le troisième moyen serait donc bien susceptible, s’il était accueilli, de remettre en cause le bien-fondé de la conclusion de la Commission relative à l’existence d’une menace de préjudice important.
230 Il convient dès lors de rejeter l’argument de la Commission exposé au point 227 ci-dessus et d’examiner le troisième moyen des requérantes.
231 Les requérantes font valoir que l’analyse des indicateurs économiques de l’Union ne révèle pas une situation économique fragile de l’industrie de l’Union. Tous les facteurs, à l’exception des parts de marché, se seraient améliorés entre 2015 et la période d’enquête et il n’y aurait qu’une très légère baisse des ventes entre l’année complète 2017 et la période d’enquête. À l’appui de leurs allégations, les requérantes ont soumis au Tribunal un tableau avec leur analyse des données représentatives
de la situation économique de l’industrie de l’Union prises en compte par la Commission dans le règlement provisoire.
232 À titre liminaire, il convient de constater que les observations des requérantes prennent en compte des données présentées par la Commission qui concernent non seulement la période d’enquête, mais également l’intégralité de la « période considérée », à savoir la période comprise entre le 1er janvier 2015 et la fin de la période d’enquête (considérant 13 du règlement provisoire). Selon la jurisprudence, l’idée sous-tendant la fixation d’une « période considérée » est de permettre à la Commission
d’examiner une période plus longue que celle couverte par l’enquête proprement dite, de manière à fonder son analyse sur des tendances réelles et virtuelles requérant, pour pouvoir être identifiées, une durée suffisamment longue (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, EU:C:1991:186, point 87, et du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278,
point 337).
233 Pour parvenir à la conclusion que l’industrie de l’Union n’était pas solide au cours de la période d’enquête, la Commission a pris en considération plusieurs indicateurs microéconomiques et macroéconomiques aux considérants 309 à 340 du règlement provisoire et a confirmé cette analyse aux considérants 279 à 317 du règlement attaqué dans lequel elle a également examiné, aux considérants 321 à 341, des indicateurs économiques postérieurs à la période d’enquête.
234 En premier lieu, quant aux indicateurs macroéconomiques, premièrement, les requérantes avancent que la production de l’Union, la capacité de production et l’utilisation des capacités ont évolué positivement entre 2015 et la période d’enquête.
235 À cet égard, il convient d’observer qu’il ressort du tableau 3 repris au considérant 268 du règlement provisoire que, après une augmentation entre 2015 et 2017, la production de l’Union est restée quasiment stable entre 2017 et la période d’enquête (une légère augmentation de 13071053 à 13140582 tonnes pour un indice stable de 111), tandis que, sur cette même période, la consommation de l’Union a augmenté, ainsi qu’il ressort du tableau 4 repris au considérant 271 du règlement provisoire (de
14202128 à 15634102 tonnes, une augmentation de 10,08 %). Il en ressort que la production de l’Union n’a pas suivi l’augmentation de la consommation de l’Union, donc de la demande. De plus, il ressort du tableau 8 repris au considérant 309 du règlement provisoire que la capacité de production de l’Union a augmenté légèrement entre 2015 et 2016 (de 16009878 à 16561814 tonnes) et entre 2017 et la période d’enquête (de 16594853 à 17031230 tonnes), tandis que l’utilisation de ces capacités, après
avoir augmenté en 2015, 2016 et 2017, a légèrement baissé entre 2017 et la période d’enquête.
236 Sur la base de ces données, la Commission a estimé, au considérant 310 du règlement provisoire, que l’augmentation des capacités de production de l’industrie de l’Union était nettement inférieure à celle de la demande étant donné que ladite industrie n’avait pu tirer parti de la croissance du marché que dans une très faible mesure en raison de la forte hausse des importations faisant l’objet de subventions, en particulier pendant la période d’enquête.
237 Cette constatation correspondant aux données analysées et étant de nature à étayer la conclusion que l’industrie de l’Union se trouvait dans une situation délicate, le premier argument des requérantes doit être rejeté.
238 Deuxièmement, les requérantes font valoir que le volume des ventes a augmenté.
239 Toutefois, il ressort clairement du tableau 9 repris au considérant 314 du règlement provisoire que, si le volume des ventes sur le marché de l’Union a augmenté entre 2015 et 2017, ces ventes ont diminué entre 2017 et la période d’enquête, période qui correspond, comme l’observe la Commission au considérant 317 du règlement provisoire, à la suppression des droits sur les importations en provenance d’Indonésie. Dès lors, il convient de rejeter cet argument des requérantes.
240 Troisièmement, les requérantes soutiennent que l’industrie de l’Union a conservé une part de marché élevée, entre 81 % et 95 %.
241 Toutefois, force est de constater qu’il ressort du tableau 9 repris au considérant 314 du règlement provisoire que la part de marché de l’industrie de l’Union a beaucoup diminué entre 2017 et la période d’enquête (de 91,6 % à 81,5 %). La Commission explique, au considérant 317 dudit règlement, et les requérantes ne remettent pas valablement en cause ce point par leur argumentation tirée du rôle des importations en provenance d’Argentine (voir points 285 à 293 ci-après), que cette diminution
s’explique par la suppression des droits sur les importations en provenance d’Indonésie qui a modifié la situation du marché en mars 2018, pendant la période d’enquête. Au vu de ces données, il convient de rejeter cet argument des requérantes.
242 Quatrièmement, les requérantes avancent que l’emploi et la productivité affichent des tendances positives.
243 En effet, il ressort du tableau 10 repris au considérant 319 du règlement provisoire que le nombre des salariés de l’industrie de l’Union a légèrement augmenté entre 2015 et la période d’enquête (de 78 salariés). Toutefois, la productivité a diminué entre 2017 et la période d’enquête (de 4782 tonnes par salarié à 4625 tonnes par salarié). Il en résulte que la légère augmentation du nombre de salariés ne suffit pas, à elle seule, à invalider les conclusions de la Commission tirées de l’ensemble
des indicateurs macroéconomiques. En effet, selon la jurisprudence, si l’examen des institutions doit mener à la conclusion que la menace de préjudice est importante, il n’est pas exigé que tous les facteurs et tous les indices économiques pertinents démontrent une tendance négative (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 avril 2018, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission, T‑675/15, non publié, EU:T:2018:209, point 93 et jurisprudence citée).
244 Il s’ensuit qu’il convient de rejeter ces arguments des requérantes.
245 En second lieu, quant aux indicateurs microéconomiques, premièrement, les requérantes soutiennent que les prix de vente dans l’Union et les coûts de production ont présenté une évolution parallèle.
246 Force est de constater qu’il ressort du tableau 11 repris au considérant 325 du règlement provisoire que, après avoir augmenté entre 2015 et 2017, période pendant laquelle il existait des droits sur les importations en provenance d’Indonésie, les prix sont passés de 832 euros par tonne à 794 euros entre 2017 et la période d’enquête. Il ressort également du tableau 11 repris au considérant 325 du règlement provisoire que les coûts de production ont baissé de 827 euros par tonne à 791 euros par
tonne entre 2017 et la période d’enquête. Toutefois, il résulte de l’ensemble des données de ce tableau, en particulier de la baisse du prix de vente, que l’industrie de l’Union n’a pas pu bénéficier de cette baisse des coûts, car elle a dû répercuter intégralement cette baisse sur ses clients, comme l’observe à juste titre la Commission au considérant 328 du règlement provisoire. Dès lors, il convient de rejeter cet argument des requérantes.
247 Deuxièmement, les requérantes avancent que le coût moyen de la main-d’œuvre par salarié a évolué positivement.
248 Toutefois, il ressort du tableau 12 repris au considérant 330 du règlement provisoire que ce coût, après avoir considérablement baissé entre 2015 et 2016 est resté quasiment stable entre 2016 et la période d’enquête. Partant, cet argument des requérantes doit être écarté.
249 Troisièmement, les requérantes soutiennent que les flux de liquidités, la rentabilité des ventes et le rendement des investissements ont évolué positivement.
250 À cet égard, force est de constater qu’il ressort du tableau 14 repris au considérant 334 du règlement provisoire que les flux des liquidités ont augmenté entre 2015 et 2017 (avec une forte augmentation entre 2016 et 2017) pour ensuite retomber aux niveaux de 2016. Il n’est donc pas possible de constater une évolution positive, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes.
251 En ce qui concerne le rendement des investissements, il a considérablement augmenté entre 2015 et 2016 pour ensuite rester relativement stable (18 % en 2016, 16 % en 2017 et 17 % pendant la période d’enquête). Or, ces évolutions, ainsi que la stabilisation de la rentabilité des ventes dans l’Union à des clients indépendants à 0,8 % en 2017 et pendant la période d’enquête, ne sont pas susceptibles de remettre en cause les conclusions de la Commission quant à la situation globale de l’industrie de
l’Union. Ainsi que l’a fait valoir la Commission lors de l’audience, ce taux de rentabilité est faible et ne suffit pas pour assurer la survie d’une industrie à long terme.
252 Les requérantes contestent également les conclusions tirées par la Commission des chiffres portant sur la période suivant la période d’enquête.
253 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’habilitation à prendre en considération, dans certaines circonstances, les données postérieures à une période d’enquête se justifie dans le cadre d’enquêtes ayant pour objet non pas la constatation d’un préjudice, mais la détermination d’une menace de préjudice qui, par nature, implique une analyse prospective. Ces données peuvent ainsi être utilisées pour confirmer ou infirmer les prévisions figurant dans le règlement de la
Commission instituant un droit compensateur provisoire et permettre, dans la première hypothèse, d’instaurer un droit compensateur définitif. Toutefois, l’utilisation, par les institutions de l’Union, des données postérieures à la période d’enquête ne saurait échapper au contrôle du juge de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 4 février 2021, eurocylinder systems, C‑324/19, EU:C:2021:94, point 41).
254 En l’espèce, la Commission a étudié, aux considérants 321 à 341 du règlement attaqué, les données relatives à la période allant du mois d’octobre 2018 au mois de juin 2019 (ci-après la « période postérieure à l’enquête ») et a conclu que, au cours de la période postérieure à l’enquête, la situation économique de l’industrie de l’Union s’était encore détériorée.
255 Les requérantes font valoir que, bien que ces informations soient incomplètes, il apparaît que, d’une part, les ventes et l’utilisation des capacités sont restées stables et, d’autre part, les coûts de production ayant diminué plus que les prix de vente unitaires, la rentabilité s’est améliorée.
256 Or, force est de constater qu’il ressort du tableau 2 repris au considérant 325 du règlement attaqué, dont les données n’ont pas été contestées par les requérantes, que tant la production de l’industrie de l’Union que les ventes ont diminué entre la période d’enquête et la période postérieure à l’enquête (respectivement de 2510356 tonnes à 1824599 tonnes et de 2524646 tonnes à 1871962 tonnes). Le taux d’utilisation des capacités a également légèrement baissé (de 82 % à 80 %). En outre, s’il est
vrai que le coût de production unitaire a baissé de 791 euros par tonne à 760 euros, le prix de vente unitaire a aussi baissé de 4 euros par tonne. Cette baisse nuance la légère amélioration de la rentabilité observée qui ne saurait remettre en cause les conclusions de la Commission quant à la situation de l’industrie de l’Union qui sont fondées sur l’ensemble des éléments pertinents à cet égard.
257 Dès lors, il convient de rejeter les arguments des requérantes visant à invalider l’analyse de la situation de l’industrie de l’Union et, partant, le troisième moyen.
Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphes 5 et 6, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission en concluant que les importations en provenance d’Indonésie menaçaient de causer un préjudice à l’industrie de l’Union et en ignorant l’incidence des importations en provenance d’Argentine
258 Le quatrième moyen repose sur deux branches, qui sont contestées par la Commission, soutenue par EBB.
259 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base, l’existence d’un lien causal entre les importations faisant l’objet de subventions et le préjudice de l’industrie de l’Union est une condition nécessaire pour l’imposition d’un droit compensateur (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 257). Le même principe s’applique
lorsque le droit compensateur définitif est fondé sur l’existence d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union.
260 En vertu de l’article 8, paragraphes 5 et 6, du règlement de base, d’une part, les institutions ont l’obligation d’examiner si le préjudice qu’elles entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l’objet de subventions. Il s’agit là de l’analyse dite d’imputation. D’autre part, elles doivent écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs, de sorte que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas imputé auxdites importations. Il s’agit là de l’analyse dite de
non-imputation [voir, par analogie, arrêt du 28 février 2017, Yingli Energy (China) e.a./Conseil, T‑160/14, non publié, EU:T:2017:125, point 189 et jurisprudence citée].
261 Ces dispositions n’imposent aux institutions aucune obligation quant à la forme ou à l’ordre des analyses d’imputation et de non-imputation auxquelles elles sont tenues de procéder. En revanche, elles prévoient que ces analyses doivent être conduites de telle sorte qu’elles permettent de dissocier et de distinguer les effets dommageables des importations faisant l’objet de subventions de ceux causés par d’autres facteurs (voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company
Kazchrome et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 38).
262 Ainsi que le juge de l’Union l’a déjà précisé, l’objectif de l’article 8, paragraphes 5 et 6, du règlement de base, d’une part, est de faire en sorte que les institutions de l’Union dissocient et distinguent les effets préjudiciables des importations faisant l’objet de subventions de ceux des autres facteurs, étant donné que si elles s’abstenaient de dissocier et de distinguer l’impact des différents facteurs, elles ne pourraient pas valablement conclure que les importations faisant l’objet de
subventions ont causé un préjudice à l’industrie de l’Union. D’autre part, le but de ces règles est de ne pas conférer à l’industrie de l’Union une protection allant au-delà de ce qui est nécessaire (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, EU:C:2009:498, point 90 ; du 19 décembre 2013, Transnational Company Kazchrome et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, point 39, et du 6 septembre 2013, Godrej Industries et
VVF/Conseil, T‑6/12, EU:T:2013:408, point 63).
263 En outre, le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, conformément à la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus, porte notamment sur toutes les conditions de détermination du préjudice causé à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une procédure antisubventions, lien de causalité inclus, et, dès lors, il appartient aux requérantes de
produire les éléments de preuve permettant au Tribunal de constater que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation et les causes du préjudice (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑443/11, EU:T:2014:774, points 323 à 325).
264 Par la première branche du quatrième moyen, les requérantes contestent l’analyse d’imputation conduite par la Commission aux considérants 406 à 415 du règlement attaqué. Par la seconde branche, elles critiquent l’analyse de non-imputation, conduite aux points 416 et suivants du même règlement.
Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base et des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission lorsqu’elle a conclu que les importations en provenance d’Indonésie menaçaient de causer un préjudice
265 Dans le cadre de la première branche de leur quatrième moyen, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas démontré qu’il existait un lien de causalité entre les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie et la menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union.
266 À cet égard, il y a lieu de souligner que la détermination de l’effet des importations faisant l’objet des subventions sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base, est un exercice différent de celui visant à établir l’existence d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet des subventions et le préjudice subi par l’industrie de l’Union, visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base. La
détermination prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base vise à établir l’effet des importations faisant l’objet des subventions sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union. Cette détermination implique un examen de la relation entre les prix des importations faisant l’objet des subventions et ceux des produits similaires de l’industrie de l’Union. La détermination prévue à l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base vise, quant à elle, à établir le lien entre
les importations faisant l’objet de subventions et le préjudice, considéré dans son ensemble, de l’industrie de l’Union. Toutefois, même si ces deux déterminations diffèrent dans leur finalité, les éléments de preuve de l’existence d’un préjudice, y compris ceux relatifs à l’effet des importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, sont pris en compte dans le cadre de l’analyse menée par la Commission concernant le lien de causalité, visé à l’article 8, paragraphe 5,
du règlement de base. Ainsi, il existe un rapport entre la détermination de la sous-cotation des prix et, d’une façon plus générale, de l’effet des importations faisant l’objet des subventions sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, et l’établissement d’un lien de causalité, au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 30 novembre 2011, Transnational Company Kazchrome et ENRC Marketing/Conseil et Commission,
T‑107/08, EU:T:2011:704, point 59 et du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, sous pourvoi, T‑254/18, EU:T:2021:278, point 363).
267 En l’espèce, la Commission a pris en compte aux fins de la détermination de l’existence d’un lien de causalité, au considérant 361 du règlement provisoire, l’augmentation des importations en provenance d’Indonésie au cours de la période d’enquête, la sous-cotation des prix du biodiesel originaire d’Indonésie et le fait que ces importations avaient entraîné une dépression des prix de l’industrie de l’Union. Elle a observé, au considérant 362 du règlement provisoire et au considérant 407 du
règlement attaqué, que cette situation avait entraîné la perte de parts de marché pour l’industrie de l’Union en dépit d’une augmentation de la production et des capacités et le fait que cette dernière n’avait pas pu améliorer sa marge bénéficiaire insatisfaisante dans une situation de marché par ailleurs favorable. La Commission a ainsi conclu, au considérant 365 du règlement provisoire, confirmé par le considérant 415 du règlement attaqué, que les importations de biodiesel indonésien faisant
l’objet de subventions constituaient une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union.
268 À titre liminaire, il convient de rejeter l’allégation des requérantes selon laquelle les importations originaires d’Indonésie n’étaient pas une cause de la vulnérabilité de l’industrie de l’Union et, partant, que ces importations ne sauraient menacer de causer un préjudice à cette industrie. En effet, comme le souligne à juste titre la Commission, l’analyse pertinente en l’espèce ne porte pas sur la question de savoir si les importations en provenance d’Indonésie constituent une cause de la
situation vulnérable de l’industrie de l’Union, mais sur la question de savoir si ces importations constituent une menace de préjudice important dans un futur proche.
269 En premier lieu, les requérantes font valoir qu’il ressort des données présentées dans des tableaux repris dans le règlement provisoire que l’augmentation des parts de marché des importations en provenance d’Indonésie entre 2017 et la période d’enquête, conséquence logique de l’annulation des mesures antidumping jugées illégales qui bloquaient les importations indonésiennes (voir points 3 à 6 ci-dessus), était moins importante que la diminution des parts de marché de l’industrie de l’Union, ce
qui signifie que les importations indonésiennes ont simplement comblé un vide qui n’était pas satisfait par l’industrie de l’Union et ne justifiaient pas la perte des parts de marché par l’industrie de l’Union.
270 À cet égard, force est de constater que les requérantes ne remettent pas en cause les données utilisées par la Commission afin d’arriver à ses conclusions. Il est ainsi constant entre les parties que la production de l’industrie de l’Union a légèrement augmenté entre 2017 et la période d’enquête, de 13071053 à 13140852 tonnes (tableau 3 repris au considérant 268 du règlement provisoire), tandis que la consommation de l’Union a augmenté de façon plus significative sur la même période, de 14202128
à 15634102 tonnes (tableau 4 repris dans le considérant 271 du règlement provisoire). Au cours de la même période, les importations en provenance d’Indonésie ont augmenté de 24984 à 516088 tonnes (tableau 5 repris au considérant 280 du règlement provisoire), soit une augmentation de 1965,67 % ou de 491104 tonnes, et le volume des ventes de l’industrie de l’Union sur le marché de l’Union a baissé de 13004462 à 12741791 tonnes (tableau 9 repris au considérant 314 du règlement provisoire), soit une
diminution de 262671 tonnes. En outre, pendant la même période, l’industrie de l’Union a utilisé seulement 77 % de ses capacités de production (tableau 8 repris au considérant 309 du règlement provisoire).
271 Il ressort des données exposées au point précédent que, malgré une augmentation de la consommation, donc de la demande, sur le marché de l’Union, les ventes de l’industrie de l’Union sur le même marché ont diminué malgré l’existence de capacités de production inutilisées importantes, alors que, dans le même temps, les importations en provenance d’Indonésie ont augmenté de 1965,67 %. Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, au sens de la jurisprudence citée au point 263
ci-dessus, que la Commission a considéré, au considérant 407 du règlement attaqué, que l’augmentation des importations au cours de la période d’enquête ainsi que la sous-cotation et la dépression des prix de l’industrie de l’Union causées par les importations en provenance d’Indonésie faisant l’objet de subventions avaient entraîné pour l’industrie de l’Union une perte de parts de marché en dépit d’une augmentation de la production et des capacités, et l’avait empêchée de bénéficier d’une
situation de marché par ailleurs favorable.
272 Les requérantes font valoir que les importations en provenance d’Indonésie n’augmenteront pas davantage dans l’avenir. Premièrement, la demande de biodiesel à une TLF élevée serait limitée. Deuxièmement, deux textes récemment adoptés limiteraient l’utilisation de l’EMP dans l’Union : la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (JO 2018, L 328, p. 82), et le
règlement délégué (UE) 2019/807 de la Commission, du 13 mars 2019, complétant la directive 2018/2001 en ce qui concerne, d’une part, la détermination des matières premières présentant un risque élevé d’induire des changements indirects dans l’affectation des sols dont la zone de production gagne nettement sur les terres présentant un important stock de carbone et, d’autre part, la certification des biocarburants, bioliquides et combustibles issus de la biomasse présentant un faible risque
d’induire des changements indirects dans l’affectation des sols (JO 2019, L 133, p. 1).
273 Premièrement, comme le souligne à juste titre la Commission, les requérantes n’ont pas remis en cause ses conclusions relatives à la relation concurrentielle du biodiesel produit dans l’Union et du biodiesel en provenance d’Indonésie et le fait que ce dernier exerce une pression sur les prix (considérant 254 du règlement attaqué). En outre, ainsi qu’il ressort du tableau 4 repris au considérant 353 du règlement attaqué, le volume des importations en provenance d’Indonésie pour les trois
trimestres de la période postérieure à l’enquête est supérieur au volume de ces importations pour les 4 trimestres de la période d’enquête.
274 Deuxièmement, la Commission a considéré, à juste titre, au considérant 360 du règlement attaqué, que l’effet de la directive 2018/2001 n’était pas prévisible et « n’a pas d’incidence sur l’analyse en cours de la menace de préjudice que les importations indonésiennes font peser sur l’industrie de l’Union dans un avenir proche ». En effet, force est de constater que cette directive a été adoptée après la période d’enquête et que son délai de transposition n’expirait que le 30 juin 2021,
conformément à son article 36, paragraphe 1. En outre, en vertu de l’article 26, paragraphe 2, de ladite directive, la pleine limitation de l’importation des « biocarburants, bioliquides et combustibles issus de la biomasse produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine et animale, présentant un risque élevé d’induire des changements indirects dans l’affectation des sols et dont la zone de production gagne nettement sur les terres présentant un important stock de carbone » sera
progressive, à partir du 31 décembre 2023, conformément à l’article 26, paragraphe 2, de cette même directive.
275 En second lieu, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas établi de lien entre l’augmentation des importations en provenance d’Indonésie et les problèmes de rentabilité de l’industrie de l’Union. Il ressortirait des données présentées dans des tableaux repris dans le règlement provisoire que la rentabilité de l’industrie de l’Union est restée positive au cours de la période d’enquête et qu’il n’y a pas de corrélation entre les importations en provenance d’Indonésie et la rentabilité
de l’industrie de l’Union. Les données de la période postérieure à l’enquête confirmeraient cette absence de corrélation.
276 En effet, il ressort du tableau 14, repris au considérant 334 du règlement provisoire, que la rentabilité de l’industrie de l’Union est restée stable au cours de la période d’enquête (à 0,8 %). Toutefois, ainsi qu’il ressort du tableau 3 repris au considérant 329 du règlement attaqué, pendant la période postérieure à l’enquête et après une hausse de la rentabilité à 10,8 % au quatrième trimestre de 2018, la rentabilité a baissé à des niveaux inférieurs par rapport à la période d’enquête, voire à
des niveaux négatifs (‑ 5 %) pour le deuxième trimestre 2019. Il ressort en outre du tableau 4 repris au considérant 353 du règlement attaqué que les importations en provenance d’Indonésie étaient supérieures aux premier et deuxième trimestres de 2019 par rapport au quatrième trimestre de 2018 pendant lequel la rentabilité de l’industrie de l’Union avait augmenté.
277 Partant, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a conclu qu’il existait un lien de causalité entre les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie et l’existence d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union.
278 Il convient ainsi de rejeter la première branche du quatrième moyen.
Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée d’une violation de l’article 8, paragraphe 6, du règlement de base et des erreurs manifestes d’appréciation dans l’analyse de l’incidence des importations de biodiesel en provenance d’Argentine
279 Dans le cadre de la seconde branche de leur quatrième moyen, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas tenu compte, dans son analyse de non-imputation, de la menace de préjudice causée par les importations de biodiesel en provenance d’Argentine qui ont fait l’objet du règlement d’exécution (UE) 2019/244 de la Commission, du 11 février 2019, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine (JO 2019, L 40, p. 1).
280 À cet égard, il convient de rappeler que, comme il ressort du point 260 ci-dessus, dans le cadre de l’analyse de non-imputation prévue à l’article 8, paragraphe 6, du règlement de base, la Commission doit écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs, de sorte que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas imputé à ceux qui ont fait l’objet de subventions.
281 À cette fin, il appartient à la Commission de vérifier si les effets de ces autres facteurs n’ont pas été de nature à rompre le lien de causalité entre, d’une part, les importations concernées et, d’autre part, le préjudice subi par l’industrie de l’Union. Il lui appartient également de vérifier que le préjudice imputable à ces autres facteurs n’entre pas en ligne de compte dans la détermination du préjudice, car, même si un autre facteur donné n’est pas susceptible de rompre le lien de
causalité entre les importations examinées et le préjudice de l’industrie de l’Union, il est susceptible de causer à l’industrie de l’Union un préjudice autonome. Toutefois, si la Commission constate que, en dépit de tels facteurs, le préjudice causé par lesdites importations est important, le lien de causalité entre ces importations et le préjudice subi par l’industrie de l’Union peut, en conséquence, être établi (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 4 février 2016, C & J Clark
International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 169 et jurisprudence citée, et du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, points 182 à 185 et jurisprudence citée).
282 En outre, selon la jurisprudence, la Commission peut attribuer aux importations faisant l’objet de subventions la responsabilité d’un préjudice, même si leurs effets ne représentent qu’une partie d’un préjudice plus large imputable à d’autres facteurs. L’institution de droits compensatoires est possible, même s’ils laissent subsister les problèmes que créent à l’industrie de l’Union d’autres facteurs [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 5 octobre 1988, Canon e.a./Conseil, 277/85
et 300/85, EU:C:1988:467, points 62 et 63 ; du 29 janvier 1998, Sinochem/Conseil, T‑97/95, EU:T:1998:9, points 99 à 103, et du 28 février 2017, Yingli Energy (China) e.a./Conseil, T‑160/14, non publié, EU:T:2017:125, point 192]. Ainsi, pour qu’un lien de causalité existe entre les importations qui ont fait l’objet de subventions et le préjudice, ou la menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union, au sens des dispositions du règlement de base, il n’est pas nécessaire que ces
importations soient la cause unique de ce préjudice.
283 Dans ce contexte, il n’est pas nécessaire d’exposer, ni même de quantifier ou de chiffrer, les effets précis du facteur en cause [voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2017, Yingli Energy (China) e.a./Conseil, T‑160/14, non publié, EU:T:2017:125, point 195 ; voir également, par analogie, arrêt du 4 octobre 2006, Moser Baer India/Conseil, T‑300/03, EU:T:2006:289, point 269].
284 Il importe encore de rappeler qu’il appartient aux parties invoquant l’illégalité du règlement litigieux de présenter les éléments de preuve de nature à démontrer que ces facteurs ont pu avoir une incidence d’une telle importance que l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union ainsi que celle du lien causal entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping ou d’une subvention ne sont pas établies et doivent, par conséquent, être remises en cause (voir, en ce sens
et par analogie, arrêts du 28 novembre 2013, CHEMK et KF/Conseil, C‑13/12 P, non publié, EU:C:2013:780, point 75, et du 19 décembre 2013, Transnational Company Kazchrome et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, point 28).
285 En l’occurrence, la Commission a, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, apprécié les effets des autres facteurs susceptibles de porter préjudice à l’industrie de l’Union aux considérants 416 à 460 du règlement attaqué. Dans ce contexte, elle a notamment apprécié, aux considérants 416 à 420 du règlement attaqué et 368 à 370 du règlement provisoire, les effets des importations de biodiesel en provenance d’Argentine.
286 Plus précisément, la Commission a observé, au considérant 368 du règlement provisoire, que les importations en provenance d’Argentine avaient atteint une part de marché de 2,8 % en 2017, qui était passée à près de 10 % au cours de la période d’enquête, mais qu’elles avaient fait l’objet d’une enquête qui avait abouti à l’institution d’un droit compensateur définitif et à l’acceptation d’offres d’engagement en février 2019. Elle a ainsi conclu, aux considérants 417 et 418 du règlement attaqué,
que les importations en provenance d’Argentine faisaient partie d’une menace de préjudice pour l’industrie de l’Union au cours de la période d’enquête, raison pour laquelle la Commission avait institué des mesures sur ces importations en février 2019 et accepté les engagements de prix, mais que ce fait ne signifiait pas que les importations en provenance d’Indonésie ne constituaient pas également une menace de préjudice, en particulier après l’entrée en vigueur des mesures à l’encontre des
importations en provenance d’Argentine.
287 En premier lieu, les requérantes font valoir que l’augmentation des importations en provenance d’Argentine a été trois fois supérieure à celle des importations en provenance d’Indonésie et que les prix des importations argentines étaient beaucoup plus bas, ce qui signifie qu’elles étaient la cause principale de la menace de préjudice. En outre, selon les requérantes, les importations en provenance d’Indonésie pendant la période d’enquête étaient de 516088 tonnes, soit une part de marché de
3,3 %, et pendant la période postérieure à l’enquête elles étaient de 581086 tonnes, soit une part de marché de 5 %, part de marché qui, pour la Commission, signifiait, selon le considérant 466 du règlement d’exécution 2019/244, qu’il n’était pas probable que ces exportations soient la cause principale du préjudice dans un avenir imminent. Pendant la période postérieure à l’enquête, la part de marché de l’Argentine aurait diminué de 4,1 % tandis que celle de l’Indonésie aurait augmenté de 1,7 %,
celle de la Malaisie aurait augmenté de 0,9 %, celle de la Chine serait restée stable et celle de l’industrie de l’Union aurait augmenté de 1,5 %. Les prix du biodiesel indonésiens seraient restés inférieurs aux prix du biodiesel argentin et la rentabilité de l’industrie de l’Union se serait améliorée.
288 Les requérantes soulignent que la Commission a par ailleurs autorisé, par la décision d’exécution (UE) 2019/245, du 11 février 2019, portant acceptation des engagements offerts à la suite de l’institution de droits compensateurs définitifs sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine (JO 2019, L 40, p. 71), des importations de 10 % environ de la consommation annuelle moyenne de l’Union entre 2014 et la période d’enquête (ce qui correspond, selon les requérantes, à 1233417 tonnes
par année, soit plus de deux fois les importations en provenance d’Indonésie). La Commission aurait ainsi considéré que les importations argentines ne devraient pas, en principe, affecter les performances globales de l’industrie de l’Union. Ces importations resteraient, malgré l’adoption du règlement d’exécution 2019/244, une menace de préjudice pour l’industrie de l’Union, car elles échapperaient aux droits compensatoires seulement lorsqu’elles ne dépassent pas le seuil de 1233417 tonnes par
année et qu’elles respectent un prix minimal d’importation. Il ressortirait des tableaux 2 et 6 du règlement attaqué que les importations en provenance d’Argentine continuent dans des volumes supérieurs à ceux des importations en provenance d’Indonésie et que les prix des importations en provenance d’Indonésie auraient été supérieurs aux prix des importations en provenance d’Argentine pendant la période d’enquête telle que définie par le règlement d’exécution 2019/244.
289 Par l’ensemble de ces arguments, les requérantes soutiennent, en substance, que, premièrement, les importations en provenance d’Argentine continuent à être un facteur de menace de préjudice pour l’industrie de l’Union et que, deuxièmement, dans le contexte global après l’adoption du règlement d’exécution 2019/244, les importations en provenance d’Indonésie ne constituent pas une menace de préjudice pour l’industrie de l’Union.
290 Toutefois, en ce qui concerne le premier point, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 282 ci-dessus, la Commission peut attribuer aux importations faisant l’objet de subventions la responsabilité d’un préjudice, même si leurs effets ne représentent qu’une partie d’un préjudice plus large imputable à d’autres facteurs. Les importations qui ont fait l’objet de subventions ne doivent pas nécessairement être la seule cause du préjudice ou de la menace de
préjudice. La persistance d’une menace de préjudice liée aux importations de biodiesel en provenance d’Argentine n’excluait donc pas la constatation par la Commission, dans le règlement attaqué, de l’existence d’une autre menace de préjudice, causée par les importations indonésiennes de biodiesel.
291 En ce qui concerne le second point, la Commission a considéré, à juste titre, que les importations en provenance d’Argentine n’avaient pas été de nature à rompre le lien de causalité entre, d’une part, les importations en provenance d’Indonésie et, d’autre part, la menace de préjudice pour l’industrie de l’Union, car les importations en provenance d’Argentine avaient déjà fait l’objet de mesures compensatoires (considérant 418 du règlement attaqué). La Commission a également considéré à bon
droit que, en dépit de ces importations, la menace de préjudice causé par les importations en provenance d’Indonésie était importante, et que le lien de causalité entre ces dernières et la menace de préjudice pour l’industrie de l’Union pouvait être établi. En effet, ainsi qu’il ressort du tableau 6 repris au considérant 430 du règlement attaqué, dont les données n’ont pas été contestées par les requérantes, pendant la période postérieure à l’enquête, les parts de marché argentine et
indonésienne étaient presque les mêmes (5,7 % et 5 % respectivement), tandis que les prix des importations en provenance d’Indonésie (655 euros par tonne) étaient inférieurs aux prix des importations en provenance d’Argentine (673 euros par tonne). Cette différence de prix entre les importations en provenance d’Indonésie et le prix des importations en provenance d’Argentine est de nature à conforter la conclusion de la Commission selon laquelle la menace de préjudice causé par les importations
en provenance d’Indonésie était importante malgré l’existence des importations en provenance d’Argentine.
292 En tout état de cause, les requérantes n’ont pas démontré, ainsi qu’il leur incombe conformément à la jurisprudence citée au point 284 ci-dessus, que les importations en provenance d’Argentine avaient pu avoir une incidence d’une telle importance que l’existence d’une menace de préjudice pour l’industrie de l’Union ainsi que celle du lien causal entre les importations indonésiennes faisant l’objet de subventions et la menace de préjudice pour l’industrie de l’Union n’étaient pas établies.
293 En outre, les allégations des requérantes tirées des conclusions de la Commission aux considérants 463 et 466 du règlement d’exécution 2019/244, à savoir qu’il n’était pas probable que les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie qui correspondaient à une part de marché de 5 % soient la cause principale du préjudice dans un avenir imminent, ne sauraient être accueillies. Premièrement, ces conclusions de la Commission concernent une période d’enquête différente, à savoir la période
entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017, pendant laquelle les mesures antidumping à l’encontre des importations en provenance d’Indonésie étaient toujours en vigueur. Deuxièmement, la situation a changé pendant la période d’enquête concernant les importations en provenance d’Indonésie, car, comme le souligne à juste titre la Commission, les effets négatifs des importations en provenance d’Argentine ont été neutralisés avec l’adoption du règlement d’exécution 2019/244 en février 2019, ce qui
a changé la situation sur le marché de l’Union. Troisièmement, la Commission, en relevant qu’il n’était pas probable que les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie soient la cause « principale » du préjudice dans un avenir imminent, n’a pas exclu que ces importations puissent représenter une cause de préjudice ou une menace de préjudice pour l’industrie de l’Union.
294 Il en découle que l’analyse de la Commission est conforme aux principes énoncés aux points 280 à 282 ci-dessus et qu’elle n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a conclu à l’existence d’un lien de causalité entre les importations en provenance d’Indonésie et la menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union. Dès lors, les arguments des requérantes doivent être rejetés.
295 En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que l’incohérence de l’analyse de non-imputation de la part de la Commission est mise en exergue par la jurisprudence des organes de l’OMC.
296 Les requérantes invoquent, à l’appui de leurs allégations, deux rapports du groupe spécial de l’OMC. D’une part, il s’agit du rapport du groupe spécial de l’OMC intitulé « Chine – Mesures antidumping visant les importations de pâte de cellulose en provenance du Canada », adopté le 25 avril 2017 (WT/DS 483/R), où il est affirmé, au point 7.150, ce qui suit :
« L’augmentation de la part de marché des importations ne faisant pas l’objet d’un dumping, qui étaient vendues à des prix proches de ceux des importations faisant l’objet d’un dumping, n’a pas été examinée […] dans le cadre de sa démonstration d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le dommage important. […] Or nous nous serions attendus à ce qu’une autorité chargée de l’enquête raisonnable et objective examine au moins, dans ces circonstances, le rôle
possible des importations ne faisant pas l’objet d’un dumping dans la dépression des prix dont l’[autorité chargée de l’enquête] a constaté qu’elle avait contribué à causer un dommage important à la branche de production nationale. »
297 D’autre part, il s’agit du rapport du groupe spécial de l’OMC intitulé « États Unis – Mesures antidumping et compensatoires visant certains papiers couchés en provenance d’Indonésie », adopté le 6 décembre 2017 (WT/DS 491/R), qui souligne, aux points 7.211 et 7.233, que :
« Pour traiter [la question de savoir si l’autorité chargée de l’enquête a veillé à ne pas imputer aux importations faisant l’objet de subventions un quelconque dommage (futur) susceptible d’être causé par d’“autres facteurs” allégués] nous examinerons si [l’autorité chargée de l’enquête] a donné une explication satisfaisante de la nature et de l’importance des effets dommageables probables des autres facteurs, par opposition aux effets dommageables probables des importations subventionnées, et
si les explications […] nous permettent de déterminer que les conclusions qu’elle a formulées sont aussi raisonnables que celles que pourrait tirer une autorité chargée de l’enquête impartiale et objective à la lumière des faits et des arguments présentés […] [D]ans les cas où d’autres facteurs ont contribué à la vulnérabilité d’une branche de production nationale, nous nous attendrions à ce que l’incidence future probable de ces autres facteurs soit prise en considération et examinée par
l’autorité chargée de l’enquête, afin de veiller à ce qu’aucun dommage futur probable résultant de ces autres facteurs ne soit imputé aux importations visées. »
298 Or, et sans préjudice de la jurisprudence citée aux points 38 et 39 ci-dessus, il ressort de la partie du règlement attaqué et du règlement provisoire dédiée à l’analyse du lien de causalité et, notamment, des considérants 416 à 420 du règlement attaqué et 368 à 370 du règlement provisoire qui concernent les importations en provenance d’Argentine, que l’analyse de la Commission est compatible avec les principes énoncés dans ces rapports du groupe spécial de l’OMC. En effet, la Commission a
apprécié le rôle et les effets des importations de biodiesel en provenance d’Argentine sur l’industrie de l’Union (considérants 430 à 433 du règlement attaqué et 367 à 370 du règlement provisoire) et a fourni des explications satisfaisantes de la nature et de l’importance des effets dommageables probables desdites importations, notamment aux considérants 370 du règlement provisoire et 431 du règlement attaqué, avant de conclure, au considérant 431 du règlement attaqué, qu’elles ne pouvaient plus
faire partie des menaces pesant sur l’industrie de l’Union.
299 Dès lors, il convient de rejeter les arguments des requérantes tirés de ces rapports de l’OMC.
300 En troisième lieu, les requérantes font valoir que la Commission a violé leur droit à une bonne administration, car elle n’aurait pas examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce en ce qui concerne les importations en provenance d’Argentine et, en particulier, elle n’aurait pas tenu compte de ses propres conclusions dans le règlement d’exécution 2019/244.
301 À cet égard, il convient de rappeler que le droit à une bonne administration suppose un devoir de diligence qui impose à l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce [voir arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 46 et jurisprudence citée].
302 En l’espèce, il ressort des considérants 416 à 420 du règlement attaqué et 368 à 370 du règlement provisoire que la Commission a examiné avec soin et impartialité les éléments pertinents afin de déterminer si les importations en provenance d’Argentine étaient susceptibles d’atténuer ou de rompre le lien de causalité entre les importations faisant l’objet de subventions en provenance d’Indonésie et la menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union. Les arguments des requérantes visant
à démontrer le contraire ayant été rejetés, il convient d’écarter la seconde branche du quatrième moyen et, partant, ce moyen dans son intégralité.
303 Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire, pour des raisons d’économie de la procédure, de se prononcer sur les arguments de la Commission mettant en cause la recevabilité du recours en ce qui concerne l’une des requérantes, PT Multi Nabati Sulawesi (arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52).
Sur les dépens
304 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et par EBB, conformément aux conclusions de la Commission et d’EBB.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) PT Wilmar Bioenergi Indonesia, PT Wilmar Nabati Indonesia et PT Multi Nabati Sulawesi sont condamnées aux dépens.
Gervasoni
Madise
Nihoul
Frendo
Martín y Pérez de Nanclares
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.
Signatures
Table des matières
Antécédents du litige
Conclusions des parties
En droit
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), point 1, sous a), i), et point 2, et de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base et des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission en concluant que les paiements obtenus par le Fonds de plantation des palmiers à huile constituaient une subvention passible de mesures compensatoires et en n’adaptant pas l’avantage prétendument reçu par les requérantes pour tenir compte des réductions
accordées ainsi que des coûts de transport et de crédit encourus afin d’obtenir les subventions alléguées
Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a considéré que les paiements par le Fonds de plantation des palmiers à huile constituaient une contribution financière des pouvoirs publics ou d’un organisme public
Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), i), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a conclu que les paiements du Fonds de plantation des palmiers à huile constituaient des subventions
Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 2, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a conclu que les paiements du Fonds de plantation des palmiers à huile conféraient un avantage
Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission n’a pas adapté le montant de la subvention pour tenir compte des réductions accordées ainsi que des coûts de transport et de crédit
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), iv), point 1, sous b), et point 2, de l’article 6, sous d), et de l’article 28, paragraphe 5, du règlement de base et des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission en concluant à l’existence d’un soutien des pouvoirs publics à la fourniture d’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate
Sur la première branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), iv), et de l’article 28, paragraphe 5, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission lorsqu’elle a conclu que les fournisseurs d’HPB ont été chargés de fournir l’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate ou qu’il leur a été ordonné de le faire
– Sur la taxe et le prélèvement à l’exportation
– Sur le contrôle des prix par PTPN
– Sur l’action de « charger » ou d’« ordonner »
Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base et des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission lorsqu’elle a conclu que les pouvoirs publics indonésiens avaient soutenu les revenus des producteurs de biodiesel
Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 2, et de l’article 6, sous d), du règlement de base ainsi que des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission dans la détermination de l’avantage conféré aux producteurs de biodiesel
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 8, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission en concluant à l’existence d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union
Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphes 5 et 6, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission en concluant que les importations en provenance d’Indonésie menaçaient de causer un préjudice à l’industrie de l’Union et en ignorant l’incidence des importations en provenance d’Argentine
Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base et des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission lorsqu’elle a conclu que les importations en provenance d’Indonésie menaçaient de causer un préjudice
Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée d’une violation de l’article 8, paragraphe 6, du règlement de base et des erreurs manifestes d’appréciation dans l’analyse de l’incidence des importations de biodiesel en provenance d’Argentine
Sur les dépens
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.