ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
14 décembre 2022 ( *1 )
« Subventions – Importations de biodiesel originaire d’Indonésie – Règlement d’exécution (UE) 2019/2092 – Droit compensateur définitif – Article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) 2016/1037 – Sous-cotation des prix – Pression sur les prix – Article 8, paragraphe 5, du règlement 2016/1037 – Lien de causalité – Article 3, point 1, sous a), iv), et point 2, du règlement 2016/1037 – Action consistant à “charger” un organisme privé d’exécuter une fonction constitutive de contribution financière ou
à lui “ordonner” de le faire – Rémunération moins qu’adéquate – Soutien des revenus ou des prix – Article 3, point 2, et article 6, sous d), du règlement 2016/1037 – Avantage – Article 3, point 1, sous a), i), et point 2, du règlement 2016/1037 – Transfert direct de fonds – Article 7 du règlement 2016/1037 – Calcul du montant de l’avantage – Article 8, paragraphes 1 et 8, du règlement 2016/1037 – Menace de préjudice important – Droits de la défense »
Dans l’affaire T‑143/20,
PT Pelita Agung Agrindustri, établie à Medan (Indonésie),
PT Permata Hijau Palm Oleo, établie à Medan,
représentées par Mes F. Graafsma, J. Cornelis et E. Rogiest, avocats,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. P. Kienapfel, G. Luengo et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
European Biodiesel Board (EBB), établi à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes M.-S. Dibling et L. Amiel, avocats,
partie intervenante,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),
composé, lors des délibérations, de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise, P. Nihoul, Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,
greffier : Mme I. Kurme, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 14 janvier 2022,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, PT Pelita Agung Agrindustri et PT Permata Hijau Palm Oleo, demandent l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2019/2092 de la Commission, du 28 novembre 2019, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de biodiesel originaire d’Indonésie (JO 2019, L 317, p. 42, ci-après le « règlement attaqué »), dans la mesure où ce règlement les concerne.
Antécédents du litige
2 Les requérantes sont des sociétés indonésiennes qui produisent et exportent du biodiesel vers l’Union européenne.
3 Le 19 novembre 2013, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) no 1194/2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 315, p. 2), qui a appliqué aux requérantes un droit antidumping définitif.
4 Le 25 novembre 2013, la Commission européenne a adopté le règlement (UE) no 1198/2013, clôturant la procédure antisubventions concernant les importations de biodiesel originaire d’Argentine et d’Indonésie et abrogeant le règlement (UE) no 330/2013 soumettant ces importations à enregistrement (JO 2013, L 315, p. 67).
5 Le 15 septembre 2016, le Tribunal a annulé les articles 1er et 2 du règlement d’exécution no 1194/2013 dans la mesure où il concernait la première des requérantes (arrêt du 15 septembre 2016, PT Pelita Agung Agrindustri/Conseil, T‑121/14, non publié, EU:T:2016:500).
6 Le 25 janvier 2018, à la suite d’une demande de la République d’Indonésie, le groupe spécial de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a rendu un rapport concernant les mesures antidumping imposées par le règlement d’exécution no 1194/2013 sur les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie [rapport du groupe spécial de l’OMC intitulé « Union européenne – Mesures antidumping sur le biodiesel originaire d’Indonésie », adopté le 25 janvier 2018 (WT/DS 480/R), ci-après le « rapport du
groupe spécial “UE-biodiesel (Indonésie)” »]. Le groupe spécial de l’OMC a conclu que l’Union avait agi de manière incompatible avec plusieurs dispositions de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI du GATT (JO 1994, L 336, p. 103), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’OMC (JO 1994, L 336, p. 3).
7 Le 22 octobre 2018, European Biodiesel Board (EBB) a saisi la Commission d’une plainte conformément à l’article 10 du règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 55), tel que modifié par le règlement (UE) 2018/825 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018 (JO 2018, L 143, p. 1) (ci-après le « règlement de
base »). Selon cette plainte, les importations de biodiesel originaire d’Indonésie faisaient l’objet de subventions et causaient de ce fait un préjudice à l’industrie de l’Union.
8 Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 6 décembre 2018 (JO 2018, C 439, p. 16), la Commission a ouvert une procédure antisubventions concernant les importations de biodiesel originaire d’Indonésie.
9 Le produit visé par l’enquête correspond aux « esters monoalkyles d’acides gras et/ou aux gazoles paraffiniques obtenus par synthèse et/ou hydrotraitement, d’origine non fossile, communément dénommés “biodiesel”, purs ou sous forme de mélange, originaires d’Indonésie » (ci-après le « produit concerné »).
10 Le biodiesel produit en Indonésie est principalement de l’ester méthylique d’huile de palme (ci-après l’« EMP »), qui est dérivé de l’huile de palme brute (ci-après l’« HPB »). Le biodiesel produit dans l’Union, en revanche, est essentiellement de l’ester méthylique de colza (ci-après l’« EMC »), mais il est aussi obtenu à partir d’autres matières premières, dont l’HPB.
11 L’EMP et l’EMC appartiennent tous deux à la catégorie des esters monoalkyles d’acides gras. Le terme « ester » fait référence à la transestérification des huiles végétales, à savoir le mélange de l’huile avec de l’alcool, ce qui produit le biodiesel et, en tant que sous-produit, la glycérine. L’adjectif « méthylique » renvoie au méthanol, l’alcool le plus couramment utilisé dans ce processus. Les esters monoalkyles d’acides gras sont également connus sous le nom d’« esters méthyliques d’acides
gras » (ci-après les « EMAG »). Bien que l’EMP et l’EMC soient tous deux des EMAG, ils ont des propriétés physiques et chimiques en partie différentes, et notamment une température limite de filtrabilité (ci-après la « TLF ») différente. La TLF correspond à la température à laquelle un carburant bouche un filtre à carburant, du fait de la cristallisation ou de la gélification de certains de ses composants. Pour l’EMC, la TLF peut être de – 14 °C tandis que, pour l’EMP, elle est d’environ 13 °C.
Sur le marché, le biodiesel ayant une TLF particulière est souvent décrit comme EMAG X, par exemple EMAG 0 ou EMAG 5.
12 L’enquête relative aux subventions et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er octobre 2017 et le 30 septembre 2018 (ci-après la « période d’enquête »). L’analyse des tendances utiles pour la détermination du préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2015 et la fin de la période d’enquête. Le cas échéant, la Commission a également examiné des données postérieures à la période d’enquête.
13 Par lettre du 18 janvier 2019, les requérantes ont présenté leurs réponses au questionnaire antisubventions que leur avait adressé la Commission, réponses qu’elles ont complétées le 1er mars 2019. La Commission a procédé à des vérifications sur place dans les locaux des requérantes en Indonésie, du 12 au 15 ainsi que le 22 mars 2019.
14 Le 12 août 2019, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/1344, instituant un droit compensateur provisoire sur les importations de biodiesel originaire d’Indonésie (JO 2019, L 212, p. 1, ci-après le « règlement provisoire »). Le droit compensateur provisoire applicable aux requérantes était de 18 %.
15 Le 28 août 2019, les requérantes ont formulé leurs observations sur les documents de la notification provisoire. Une audition avec la Commission s’est tenue le 6 septembre 2019.
16 Le 4 octobre 2019, la Commission a communiqué les faits et les considérations essentiels sur la base desquels elle envisageait d’instituer des mesures compensatoires définitives sur le biodiesel originaire d’Indonésie. Les requérantes ont formulé leurs observations sur ceux-ci le 14 octobre 2019. Des auditions se sont tenues le 14 octobre 2019 en présence du conseiller-auditeur et le 17 octobre 2019.
17 À l’issue de la procédure antisubventions, la Commission a adopté le règlement attaqué par lequel elle a confirmé les conclusions qu’elle avait tirées dans le règlement provisoire. Elle a considéré que les pouvoirs publics indonésiens avaient soutenu l’industrie du biodiesel par le biais de subventions au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement de base. La Commission a retenu que ce soutien avait eu lieu au moyen de certains programmes. Il s’agissait, notamment, du fait que le Fonds de
plantation des palmiers à huile, un organisme public, versait aux producteurs de biodiesel ayant livré du biodiesel à des sociétés désignées en tant qu’« entités de Petrofuel » la différence entre le prix de référence du diesel minéral, payé par ces entités, et le prix de référence pour le biodiesel fixé par le ministre de l’Énergie et des Ressources minérales. Aussi, la Commission a conclu que les pouvoirs publics indonésiens avaient chargé les producteurs d’HPB, matière première que les
producteurs de biodiesel achetaient afin de la transformer en biodiesel, de fournir cette matière première moyennant une rémunération moins qu’adéquate, ou leur avaient ordonné de le faire, notamment par le biais de restrictions à l’exportation et du contrôle des prix, par l’intermédiaire du groupe de sociétés publiques PT Perkebunan Nusantara (ci-après « PTPN »).
18 Le droit compensateur définitif applicable aux requérantes était de 18 %.
Conclusions des parties
19 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler le règlement attaqué, dans la mesure où il les concerne ;
– condamner la Commission aux dépens.
20 La Commission, soutenue par EBB, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
21 À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent en substance sept moyens, tirés :
– le premier, de la violation de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, lors de la détermination de la sous-cotation ;
– le deuxième, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base, dans l’analyse du lien de causalité ;
– le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission en concluant à l’existence d’une subvention sous la forme de fourniture d’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate ;
– le quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 3, point 1, sous a), i), et point 2, du règlement de base, entachant la conclusion de la Commission relative à l’existence d’une subvention sous la forme d’un transfert direct de fonds ;
– le cinquième, de la violation de l’article 7 du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commises par la Commission dans le calcul du montant de l’avantage conféré par le régime du Fonds de plantation des palmiers à huile ;
– le sixième, de la violation de l’article 8, paragraphes 1 et 8, du règlement de base, dans la détermination de l’existence d’une menace de préjudice important ;
– le septième, de la violation des droits de la défense des requérantes.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, lors de la détermination de la sous-cotation
22 Le premier moyen est divisé en deux branches, qui sont contestées par la Commission, soutenue par EBB.
Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’absence de prise en compte de l’ensemble des données pertinentes dans la détermination de la sous-cotation
23 Dans le cadre de la première branche, les requérantes soutiennent que la Commission a violé l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, car le calcul de la sous-cotation n’est pas fondé sur des éléments de preuve positifs et ne découle pas d’un examen objectif. Plus précisément, dans le cadre de leur premier grief, elles font valoir que la première méthode utilisée par la Commission aux fins du calcul de la sous-cotation des prix méconnaît le fait qu’une concurrence directe ne peut pas
exister entre l’EMP importé d’Indonésie et l’EMP produit dans l’Union, le premier étant utilisé comme un intrant pour produire un mélange de biodiesel et le second étant directement mélangé à du diesel minéral. Dans le cadre de leur deuxième grief, les requérantes soutiennent que la deuxième méthode, qui consiste à comparer les importations d’EMP en provenance d’Indonésie aux ventes d’EMP produit dans l’Union ainsi que le biodiesel ayant une TLF de 0 °C (ci-après l’« EMAG 0 ») produit dans
l’Union, ne tient pas non plus compte du fait que le biodiesel indonésien est un intrant pour produire de l’EMAG 0 et qu’il ne peut pas être utilisé dans certaines régions froides de l’Union à cause de son niveau élevé de TLF. Dans le cadre de leur troisième grief, les requérantes avancent que la troisième méthode, qui consiste à comparer l’ensemble des importations de biodiesel en provenance d’Indonésie à l’ensemble des ventes de biodiesel dans l’Union sans ajustement du prix, ne tient pas
compte des différences de prix des types de biodiesel en fonction de leur niveau de TLF.
24 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner (voir arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 63 et jurisprudence citée).
25 Ce large pouvoir d’appréciation porte notamment sur la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une procédure antisubventions. Le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir(voir, par analogie, arrêt du 10 septembre
2015, Bricmate, C‑569/13, EU:C:2015:572, point 46, et du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278, point 149 et jurisprudence citée). Tel est, notamment, le cas en ce qui concerne la détermination des facteurs qui causent un préjudice à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une enquête antisubventions (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate, C‑569/13, EU:C:2015:572,
point 46 et jurisprudence citée).
26 Le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation desdites institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par celles-ci. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de
vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 64).
27 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base, la détermination de l’existence d’un préjudice de l’industrie de l’Union se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet de subventions et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur ladite industrie. En
ce qui concerne plus particulièrement l’effet des importations faisant l’objet de subventions sur les prix, l’article 8, paragraphe 2, du règlement de base prévoit l’obligation d’examiner s’il y a bien eu, pour ces importations, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se
seraient produites (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, points 236 et 237).
28 Le règlement de base ne contient pas de définition de la notion de sous-cotation du prix et ne prévoit pas de méthode pour le calcul de cette dernière (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 238). La méthode suivie pour déterminer une éventuelle sous-cotation des prix doit, en principe, être opérée au niveau du « produit similaire », au sens de l’article 2, sous c), du règlement de base, même si celui-ci peut être composé de différents
types de produits (voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 73 et 74 et jurisprudence citée, et conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2021:533, point 64, suivies par la Cour dans cette affaire).
29 Le calcul de la sous-cotation du prix des importations en cause est réalisé, conformément à l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice subi par l’industrie de l’Union du fait de ces importations et il est utilisé, plus largement, en vue d’évaluer ce préjudice et de déterminer la marge de préjudice, à savoir le niveau d’élimination dudit préjudice. L’obligation de procéder à un examen objectif de l’incidence des importations
faisant l’objet de subventions, inscrite audit article 8, paragraphe 1, impose de procéder à une comparaison équitable entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de ladite industrie lors des ventes effectuées sur le territoire de l’Union (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 239).
30 De façon schématique, dans le cadre de la détermination de la sous-cotation, les institutions procèdent à une comparaison des prix de l’Union avec les prix ajustés des importations, de façon à obtenir une marge de sous-cotation exprimée sous forme de pourcentage (voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company Kazchrome et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 65).
31 Dans ce contexte, il convient de relever que l’analyse de la sous-cotation des prix implique l’appréciation de situations économiques complexes et que le large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission s’étend, à tout le moins, aux décisions relatives au choix de la méthode d’analyse, aux données et aux preuves à recueillir, à la méthode de calcul à utiliser pour déterminer la sous-cotation ainsi qu’à l’interprétation et à l’évaluation des données recueillies (voir, par analogie, arrêt du
20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 78 et 107, et conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2021:533, points 27 à 30, suivies par la Cour dans cette affaire).
32 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la première branche du premier moyen.
– Sur la première méthode de calcul
33 Aux termes du considérant 234 du règlement attaqué, la première méthode de calcul de la sous-cotation des prix « a consisté à comparer les importations d’EMP originaire d’Indonésie aux ventes d’EMP produit dans l’Union européenne », « [l]es marges de sous-cotation [s’échelonnant] entre 6,0 % et 11,6 % ». Le considérant 235 du règlement attaqué précise que « la comparaison exacte a porté sur l’EMP à une [TLF] de + 13 originaire d’Indonésie et l’EMP à une TLF de + 10 produit par l’industrie de
l’Union », que « [l]’EMP présentant une TLF de + 10 n’a pas été mélangé pour atteindre cette TLF », qu’« un additif coûtant moins de 1 [euro] par tonne, soit environ 0,1 % du coût de production, a été ajouté au biodiesel », et que « [l]a Commission estime qu’il est inutile de procéder à un ajustement pour cet additif vu qu’il n’aurait aucune incidence sur les calculs ».
34 Selon le considérant 293 du règlement provisoire, cette comparaison couvrait environ 20 % de toutes les ventes des producteurs de l’Union inclus dans l’échantillon.
35 Il ressort du considérant 292 du règlement provisoire que cette comparaison porte sur le même produit du côté des importations en provenance d’Indonésie et de l’industrie de l’Union, à savoir le biodiesel à base d’huile de palme pur. Ce point n’est pas contesté par les requérantes.
36 La Commission a également précisé, au considérant 242 du règlement attaqué, qu’elle n’avait observé aucune différence de prix entre ces produits. En outre, elle a relevé, dans le même considérant, que les offres concernant l’EMP pur ne faisaient aucune référence à la TLF effective du produit, indiquant simplement qu’il s’agissait d’EMP. Les requérantes ne produisant aucun élément susceptible d’infirmer ces constatations, la Commission en a déduit, à juste titre, que tous les EMP étaient vendus à
des prix similaires indépendamment de leur TLF précise. En ce qui concerne la relation de concurrence entre les deux produits, le règlement attaqué indique, au considérant 228, qu’un examen des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon a montré des ventes importantes d’EMP pur directement aux raffineries de diesel minéral, en concurrence directe avec les importations d’EMP pur originaire d’Indonésie. Le fait que, selon le considérant 290 du règlement provisoire, l’EMP pur n’est
« normalement pas » mélangé avec le diesel minéral, mais avec d’autres biodiesels ayant un niveau de TLF plus faible d’abord pour produire un mélange à TLF de 5 °C ou à TLF de 0 °C, qui est ensuite mélangé avec du diesel minéral, ne saurait exclure que ce produit soit vendu directement aux raffineries de diesel minéral.
37 L’argument des requérantes selon lequel l’EMP importé est utilisé comme un intrant pour produire un mélange de biodiesel alors que l’EMP produit dans l’Union est directement mélangé au diesel minéral et que, en conséquence, il ne pourrait pas exister de concurrence directe entre les deux n’est pas étayé par des éléments de preuve et semble être fondé sur une lecture erronée du règlement attaqué.
38 En effet, le fait que le considérant 253 du règlement attaqué mentionne que l’EMP produit dans l’Union est vendu directement aux compagnies pétrolières ne signifie pas que l’EMP importé ne l’est pas. Au contraire, cette hypothèse est explicitement mentionnée au considérant 228 du règlement attaqué où la Commission a expliqué l’existence d’une concurrence directe entre les deux produits en précisant qu’« [u]n examen des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon a[vait] montré
des ventes importantes d’EMP pur directement aux raffineries de diesel minéral, en concurrence directe avec les importations d’EMP pur originaire d’Indonésie ». Comme le souligne à juste titre la Commission, le considérant 254 dudit règlement affirme seulement que « [l]a Commission ne conteste pas que l’EMP soit également importé dans l’Union pour être mélangé à d’autres biodiesels ».
39 Dès lors, les requérantes restent en défaut d’apporter des éléments suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation des faits retenue dans le règlement provisoire et entérinée dans le règlement attaqué. Or, une telle preuve est requise afin d’établir qu’une institution a commis une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier l’annulation d’un acte (voir arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 62 et jurisprudence
citée).
40 Il découle de ce qui précède que la Commission a pris en compte, avec la première méthode de calcul, le type et les propriétés physiques des produits à comparer, ainsi que leurs utilisations et leur rapport de concurrence. Elle a ainsi procédé à une comparaison équitable entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union lors des ventes effectuées sur le territoire de l’Union, comme cela est exigé par la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus.
41 Partant, les arguments des requérantes concernant la première méthode de calcul doivent être rejetés.
– Sur la deuxième méthode de calcul
42 Aux termes du considérant 245 du règlement attaqué, la deuxième méthode de calcul de la sous-cotation des prix « consistait à augmenter la quantité de biodiesel produit dans l’Union qui était comparée aux importations en provenance d’Indonésie en incluant dans la comparaison les ventes de biodiesel EMAG 0 par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon ».
43 Les considérants 246 à 248 règlement attaqué précisent que :
« (246) Pour comparer les ventes d’EMAG 0 dans l’Union aux importations d’EMP en provenance d’Indonésie à l’échelle nationale, le prix de vente d’EMAG 0 dans l’Union a été ajusté et, par conséquent, ramené au niveau du prix de vente de l’EMP dans l’Union afin de prendre en compte la valeur marchande des différences de propriétés physiques.
(247) Afin de clarifier le calcul, à la demande des parties présentant des observations, il est précisé que le prix visé ci-dessus aux fins de la réduction était de l’ordre de 100 à 130 [euros] par tonne. En outre, pour clarifier le calcul, il convient de préciser que les 55 % de l’ensemble des ventes de l’industrie de l’Union couverts par cette comparaison comprennent aussi bien l’EMP que l’EMAG 0 […]
(248) La marge nationale de sous-cotation obtenue selon cette méthode était de 7,4 %. »
44 Il apparaît à la lecture du règlement attaqué que la Commission a élargi le périmètre de la comparaison effectuée lors de la première méthode de calcul pour inclure, du côté des ventes de l’industrie de l’Union, aussi bien l’EMP que l’EMAG 0. À cette fin, les prix de l’EMAG 0 ont été ajustés à la baisse, au niveau du prix de vente de l’EMP, pour tenir compte de la valeur marchande des différences de propriétés physiques.
45 Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas tenir compte du fait que le biodiesel indonésien est un intrant pour produire du biodiesel de TLF de 0 °C et qu’il ne peut pas être utilisé dans certaines régions froides de l’Union à cause de son niveau élevé de TLF. À l’appui de leurs allégations, elles invoquent des rapports du groupe spécial de l’OMC, et notamment le rapport du groupe spécial « UE-biodiesel (Indonésie) » qui a signalé, au point 7.158, « la complexité dans les rapports de
concurrence entre l’EMP et le biodiesel mélangé ayant une TLF de 0 degré, étant donné que l’EMP indonésien est un intrant pour le biodiesel mélangé, y compris le biodiesel mélangé ayant une TLF de 0 degré ».
46 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les interprétations de l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’OMC (JO 1994, L 336, p. 156, ci-après l’« accord SMC »), adoptées par cet organe, ne sont pas susceptibles de lier le Tribunal dans son appréciation de la validité du règlement attaqué (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 1er mars 2005, Van Parys, C‑377/02, EU:C:2005:121, point 54, et du
10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 103, et du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278, point 419).
47 Toutefois, la Cour souligne également que le principe de droit international général de respect des engagements contractuels (pacta sunt servanda), consacré à l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969, implique que le juge de l’Union doit, aux fins de l’interprétation et de l’application de l’accord SMC, tenir compte de l’interprétation des différentes dispositions de cet accord que l’organe de règlement des différends de l’OMC a adoptée (voir, par analogie,
arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 32, et conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2021:533, point 24, suivies par la Cour dans cette affaire). Ainsi, rien ne s’oppose à ce que le Tribunal y fasse référence dès lors qu’il s’agit de procéder à l’interprétation des dispositions du règlement de base qui correspondent à des dispositions de l’accord SMC (arrêt du
10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 103).
48 En tout état de cause, tout d’abord, la Commission a souligné, à juste titre, aux considérants 251 et 252 du règlement attaqué, le changement dans la structure de l’industrie de l’Union qui, désormais, produit également de l’EMP. La situation du marché a ainsi été modifiée par rapport à celle qui avait motivé l’analyse, exposée au point 45 ci-dessus, figurant dans le rapport du groupe spécial « UE-biodiesel (Indonésie) ».
49 Ensuite, et contrairement aux allégations des requérantes, il ressort du considérant 246 du règlement attaqué que la Commission a effectivement pris en compte la valeur marchande des différences de propriétés physiques lorsqu’elle a ajusté le prix de vente dans l’Union de l’EMAG 0 afin de procéder à la comparaison. En outre, les requérantes ne remettent pas en cause l’ajustement du prix de l’EMAG 0 fait par la Commission. Au contraire, elles utilisent cet ajustement en tant que point de départ
pour proposer leur propre calcul pour la sous-cotation des prix pour l’ensemble des ventes de biodiesel dans l’Union.
50 Enfin, la Commission a également constaté, au considérant 254 du règlement attaqué, que l’EMP indonésien importé était utilisé comme « intrant » et était mélangé à d’autres biodiesels pour fabriquer, par exemple, l’EMAG 0, et a ajouté que « la quantité d’EMP importée dépend[ait] du prix de ces importations ainsi que de ses propriétés physiques, de sorte que le prix de l’EMP importé exer[çait] également une pression sur les prix des mélanges ». La Commission a ajouté que « [l]’EMP compt[ait] parmi
les types de biodiesel les moins chers pouvant être utilisés dans des mélanges tels que l’EMAG 0 et l’EMAG ayant une TLF de 5 °C, qui [pouvaient] être utilisés sur une partie importante du marché de l’Union tout au long de l’année », et que, « [a]insi, les importations d’EMP [étaient] en concurrence directe avec d’autres types de biodiesel produits dans l’Union européenne qui seraient sinon mélangés en des quantités plus importantes pour obtenir le même mélange ». En outre, au considérant 297 du
règlement provisoire, la Commission a expliqué que l’EMAG 0 incluait souvent jusqu’à 20 % d’EMP.
51 Il apparaît ainsi que la Commission a dûment pris en compte dans son analyse tant l’utilisation des produits que leurs relations concurrentielles.
52 Partant, les requérantes n’établissent pas que la sous-cotation des prix résultant de la deuxième méthode est manifestement erronée.
– Sur la troisième méthode de calcul
53 Aux termes du considérant 256 du règlement attaqué, la troisième méthode de calcul de la sous-cotation des prix « consistait à comparer les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie à l’échelle du pays à l’ensemble des ventes de biodiesel des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon », « [l]a marge nationale de sous-cotation obtenue selon cette méthode [étant] de 17,1 % ».
54 La Commission a précisé, au considérant 270 du règlement attaqué, que ce calcul comparait l’EMP indonésien ayant une TLF de 13 °C à l’ensemble des ventes de la production de l’industrie de l’Union dans l’Union, qui incluait également l’EMP, et qu’aucune demande motivée et quantifiée d’ajustement n’avait été présentée.
55 Les requérantes soutiennent que cette méthode de calcul méconnaît totalement la différence en termes de niveau de TLF entre le biodiesel indonésien et le biodiesel vendu par les producteurs de l’Union et soulignent l’importance, pour l’organe d’appel et le groupe spécial de l’OMC, de procéder aux ajustements nécessaires afin de garantir une comparaison valable des prix.
56 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée aux points 46 et 47 ci-dessus, les interprétations de l’accord SMC, adoptées par ces organes, ne sont pas susceptibles de lier le Tribunal dans son appréciation de la validité du règlement attaqué, même si le juge de l’Union doit en tenir compte.
57 Au demeurant, le groupe spécial de l’OMC a indiqué que « les prix comparés [devaient] correspondre à des produits et à des transactions qui [étaient] comparables si l’on [voulait] qu’ils fournissent une indication fiable de l’existence et de l’ampleur d’une sous-cotation dans les importations faisant l’objet d’un dumping ou subventionnées par rapport au prix du produit similaire national, sur laquelle on [pouvait] ensuite s’appuyer pour évaluer le lien de causalité entre les importations visées
et le dommage causé à la branche de production nationale ». ll a ajouté que « [l]e pouvoir discrétionnaire de l’autorité [était] par ailleurs circonscrit par l’obligation générale […] selon laquelle la détermination de l’existence d’un dommage “se fondera[it] sur des éléments de preuve positifs et comportera[it] un examen objectif” » et qu’« [u]ne comparaison de prix qui n[’étaient] pas comparables ne satisferait pas, à notre avis, à la prescription imposant à l’autorité chargée de l’enquête de
procéder à un “examen objectif” d’“éléments de preuve positifs” ». Le groupe spécial souligne que plusieurs facteurs déterminent le prix de vente dans une transaction donnée et que, en conséquence, la comparabilité des prix doit être assurée pour ce qui est des diverses caractéristiques des produits et transactions comparés. Ainsi, un facteur fondamental qui détermine le prix réside dans les caractéristiques physiques du produit et dans le cas où l’autorité chargée de l’enquête « procède à une
comparaison des prix sur la base d’un “panier” de produits ou de transactions de vente, l’autorité doit s’assurer que les groupes de produits ou transactions comparés constituant les deux termes de l’équation sont suffisamment similaires pour que l’on puisse raisonnablement dire que tout écart de prix résulte d’une “sous-cotation du prix” et non pas simplement de différences dans la composition des deux paniers comparés », étant précisé que, « [e]n cas de divergence, l’autorité doit procéder à
des ajustements afin de prendre en compte et corriger les différences pertinentes dans les caractéristiques physiques ou autres du produit » [rapport du groupe spécial de l’OMC intitulé « Chine – Mesures antidumping et compensatoires visant les produits à base de poulet de chair en provenance des États-Unis », adopté le 2 août 2013 (WT/DS 427/R, points 7.475, 7.476, 7.480 et 7.483)].
58 Il est constant que la Commission n’a pas procédé à des ajustements lors de la troisième méthode de calcul de la sous-cotation. Dès lors, il convient d’examiner si la comparaison entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union est équitable au sens de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus et si la Commission n’a pas dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation dans l’analyse de la sous-cotation des prix qui implique l’appréciation de
situations économiques complexes selon la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus.
59 À cet égard, il convient de relever que la Commission a précisé, dans son mémoire en défense, que le produit similaire de l’industrie de l’Union pris en compte pour cette comparaison avait un niveau de TLF qui variait entre – 20 °C et 10 °C. Elle considère qu’il n’existe pas, entre le prix et la TLF, une corrélation selon laquelle un écart de degrés entraîne une modification du prix en euros par tonne. Bien que la Commission ait pu estimer la valeur marchande des différences de propriétés
physiques entre les ventes d’EMAG 0 dans l’Union et les importations d’EMP en provenance d’Indonésie et ajuster le prix des ventes d’EMAG 0 dans l’Union en conséquence, elle soutient ne pas avoir trouvé une approche raisonnable pour procéder à d’autres ajustements en ce qui concerne d’autres types de biodiesel, par exemple entre le biodiesel à base d’EMP et le biodiesel avec une TLF de – 14 °C.
60 Il est constant entre les parties que, pendant les mois d’été et dans les régions plus chaudes, des biodiesels à des niveaux supérieurs de TLF peuvent être vendus, tandis que, pendant les mois d’hiver et dans les régions plus froides, des biodiesels affichant un niveau de TLF inférieur sont requis. La quantité d’EMP utilisée dans un mélange dépend donc de la saison et de la situation géographique en Europe.
61 La Commission a ainsi observé une grande complexité du marché du biodiesel. Elle ne partage pas l’analyse des requérantes selon laquelle le niveau de TLF a, dans tous les cas, une incidence sur les prix. En effet, le niveau de TLF aurait une incidence sur les prix lorsque, en fonction de la saison et de la situation géographique, différents niveaux de TLF peuvent être en concurrence sur ce marché. Par exemple, le biodiesel ayant une TLF de 13 °C serait en concurrence avec le biodiesel ayant une
TLF de 10 °C toute l’année dans plusieurs régions du sud de l’Europe. Cependant, une telle concurrence ne se traduirait pas automatiquement par une différence de prix. Ainsi, la Commission souligne que les ventes de l’Union d’EMP avec une TLF de 10 °C ont pu être comparées avec les importations d’EMP indonésien avec une TLF de 13 °C sans qu’un ajustement ait été nécessaire pour tenir compte d’éventuelles différences concernant le niveau de TLF. En revanche, dans certaines conditions climatiques,
par exemple en hiver, dans le nord de l’Europe, le biodiesel ayant une TLF de 13 °C ne serait pas en concurrence avec le biodiesel ayant une TLF de – 10 °C, indépendamment de toute différence de prix, car le biodiesel ayant une TLF de 13 °C ne pourrait pas être utilisé dans ces conditions hivernales. La Commission en déduit que, si un ajustement du prix sur la base de la valeur marchande observée a été jugé nécessaire pour l’EMAG 0 qui est le produit le plus vendu par les producteurs de l’Union,
il n’en va pas de même en ce qui concerne d’autres types de biodiesel à faibles niveaux de TLF qui ne sont pas forcément en concurrence directe, du point de vue des prix, avec les biodiesels présentant des niveaux plus élevés de TLF.
62 Il ressort des explications fournies par la Commission que la décision de ne pas procéder à des ajustements des prix, dans la troisième méthode de calcul, a été fondée sur des éléments objectifs, à savoir la complexité des relations concurrentielles entre les biodiesels à différents niveaux de TLF, la différence dans les conditions de marché pour les biodiesels à différents niveaux de TLF et l’absence de corrélation directe entre le niveau de TLF et le prix. Ces éléments sont de nature à fonder
de manière plausible les conclusions de la Commission qui n’a pas dépassé en l’espèce sa large marge d’appréciation pour définir la méthode précise pour analyser la sous-cotation des prix.
63 Dans ce contexte, les requérantes n’ont pas démontré que l’ajustement sollicité était nécessaire pour rendre comparables le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union, ainsi qu’il est exigé par la jurisprudence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 58).
64 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le calcul de la sous-cotation des prix alternatif proposé par les requérantes dans la réplique. En s’appuyant sur des informations fournies par la Commission dans son mémoire en défense, les requérantes proposent un calcul de la sous-cotation qui, en appliquant un ratio de 10 ou de 13 euros par tonne (soit la même différence par unité que celle constatée par la Commission entre les prix du biodiesel ayant une TLF de 0 °C et ceux du biodiesel
ayant une TLF de 10 °C) pour tenir compte de chaque degré de différence de TLF, aboutit à une sous-cotation moyenne de – 0,27 % seulement.
65 Force est de constater, ainsi que les requérantes l’ont concédé à l’audience, que cette méthode de calcul est fondée sur la présomption que l’ajustement de prix entre le produit ayant une TLF de 0 °C et le produit ayant une TLF de 10 °C retenu par la Commission dans la deuxième méthode de calcul peut servir de base pour procéder à des ajustements pour chaque degré de différence de TLF. Or, comme le souligne à juste titre la Commission dans la duplique, les requérantes n’expliquent pas sur quelle
base la différence entre la TLF de 0 °C et la TLF de 10 °C divisée par dix serait représentative de toute différence de prix par degré. En effet, une telle présomption ne saurait être acceptée pour des niveaux de TLF qui varient entre les – 20 °C et les 10 °C inclus dans le calcul proposé par les requérantes sans qu’elles apportent des explications quant à la pertinence de leur approche.
66 Les requérantes font également valoir, premièrement, que des demandes motivées d’ajustement avaient été proposées à la Commission et, deuxièmement, que si elles n’ont pas présenté d’autres calculs, cela proviendrait du fait que la Commission ne leur avait pas fourni les informations nécessaires à cette fin. Les requérantes n’invoquent toutefois pas une violation de leurs droits de la défense dans leurs écritures résultant de cette absence d’information.
67 À cet égard, il convient de relever que, concernant le premier point soulevé par les requérantes, il ressort des documents qu’elles invoquent que leur proposition d’ajustement, tout comme celle des pouvoirs publics indonésiens, concernaient la première méthode de calcul de la sous-cotation et la comparaison entre l’EMP avec un TLF de 13 °C et l’EMP avec une TLF de 10 °C. Dès lors, ces propositions ne concernaient pas la troisième méthode de calcul et les requérantes n’expliquent pas en quoi elles
seraient pertinentes dans ce contexte.
68 Concernant le second point soulevé par les requérantes, il est constant entre les parties que la Commission n’avait pas divulgué, au cours de l’enquête, les fourchettes des ventes de l’industrie de l’Union par niveau de TLF en dépit des demandes des requérantes.
69 À cet égard, il convient de relever que le règlement provisoire fournissait déjà des informations concernant les ventes de l’industrie de l’Union par TLF. Ainsi, selon les considérants 295 et 296 du règlement provisoire et le considérant 247 du règlement attaqué, 20 % des ventes de l’Union ont une TLF de 10 °C et 35 % des ventes de l’Union ont une TLF de 0 °C (le total de la deuxième méthode, soit 55 %, moins le pourcentage qui correspond à l’EMP avec une TLF de 10 °C, soit 20 %). Cette
information laissait déjà apparaître que les ventes de l’Union autres que celles relatives à la TLF de 10 °C et à la TLF de 0 °C étaient d’environ 45 %. Par ailleurs, les explications fournies au considérant 247 du règlement attaqué et au considérant 295 du règlement provisoire permettent de déduire qu’une grande partie de ces 45 % seraient relatifs à de la TLF négative, comme le relèvent d’ailleurs les requérantes dans la requête. Les requérantes disposaient ainsi des informations qui leur
permettaient de comprendre les calculs de la Commission et de présenter, sur cette base, des alternatives à ces calculs. Leur argument doit, dès lors, être rejeté.
70 À supposer que la critique des requérantes relative à la troisième méthode soit accueillie, au motif que la Commission se serait abstenue, à tort, de procéder aux ajustements qu’impliquaient les différences entre les produits, le constat par la Commission de l’existence d’une sous-cotation, telle que mise en évidence par les première et deuxième méthodes, dont les résultats n’ont pas été remis en cause, resterait fondé. Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient, en tout état de
cause, de rejeter les arguments des requérantes et, partant, l’ensemble de la première branche du premier moyen.
Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de l’absence de détermination de la sous-cotation des prix pour le produit de l’industrie de l’Union dans son ensemble et du fait d’avoir retenu à tort l’existence d’une pression sur les prix
71 Dans le cadre de la seconde branche, qui comporte deux griefs, les requérantes soutiennent, dans le cadre de leur premier grief, que la Commission n’a pas établi la sous-cotation des prix pour le produit de l’industrie de l’Union dans son ensemble. Dans le cadre de leur second grief, elles font valoir que les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie n’exercent pas une pression sur les prix du marché de l’Union.
– Sur la détermination de la sous-cotation des prix pour le produit dans son ensemble
72 Il convient de relever qu’il découle de l’article 1er du règlement de base, intitulé « Principes » et qui vise, à son paragraphe 1, « tout produit dont la mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice », que l’enquête antisubventions concerne un produit spécifique. Ce « produit considéré » est défini par les institutions de l’Union lors de l’ouverture de cette enquête. Ainsi, l’article 2, sous c), dudit règlement définit le « produit similaire » comme un produit identique, c’est-à-dire
semblable à tous égards au produit considéré, ou, en l’absence d’un tel produit, un autre produit qui, bien qu’il ne lui soit pas semblable à tous égards, présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré.
73 L’effet des importations faisant l’objet de subventions sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, nécessaire pour la détermination du préjudice en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement de base, est déterminé sur la base du « produit considéré ». Pour déterminer cet effet est examiné, aux termes de l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement, notamment, « s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet de subventions, sous-cotation notable du prix par
rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ».
74 C’est sur la base de la définition du « produit considéré », auquel renvoie la notion de « produit similaire », telle que proposée par les institutions de l’Union lors de l’ouverture de l’enquête, qu’est calculée la sous-cotation des prix (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 57).
75 Selon la jurisprudence, le règlement de base n’impose pas en lui-même que la notion de « produit considéré » vise nécessairement un produit envisagé comme un tout homogène et composé de produits similaires (voir, par analogie, arrêt du 17 mars 2016, Portmeirion Group, C‑232/14, EU:C:2016:180, point 42). La définition du « produit considéré », lors de l’ouverture de l’enquête, n’interdit pas aux institutions de l’Union de subdiviser ce produit en types ou en modèles de produits distincts et de se
fonder sur des comparaisons entre le prix du produit sur le marché de l’Union et le prix des importations, modèle par modèle ou type par type (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 59).
76 Les requérantes soutiennent qu’une obligation de la Commission d’établir la sous-cotation pour le « produit considéré » dans son ensemble peut se fonder sur une application par analogie des enseignements tirés de l’arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 60).
77 Toutefois, les enseignements tirés de l’arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269), portant sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 11, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21), ne sont pas transposables à
l’analyse de l’incidence sur les prix de l’industrie de l’Union des importations faisant l’objet d’un dumping, analyse prévue par l’article 3, paragraphes 2 et 3, de ce règlement, dont l’équivalent dans le règlement de base en matière d’antisubventions est l’article 8, paragraphes 1 et 2. En effet, il convient de relever une différence fondamentale entre la détermination de la marge de dumping et l’analyse, aux fins de la détermination d’un préjudice, de l’incidence des importations faisant
l’objet d’un dumping sur les prix de l’industrie de l’Union tenant au fait que cette analyse implique une comparaison des ventes non pas d’une même entreprise, comme c’est le cas de la détermination de la marge de dumping qui est calculée sur la base des données du producteur-exportateur concerné, mais de plusieurs entreprises, à savoir les producteurs-exportateurs échantillonnés et les entreprises faisant partie de l’industrie de l’Union incluses dans l’échantillon (arrêt du 20 janvier 2022,
Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 150 à 159, et les conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2021:533, points 136 à 139, suivies par la Cour dans cette affaire). La même conclusion est valable, mutatis mutandis, lorsqu’il s’agit d’établir la sous-cotation des prix en vertu du règlement de base en matière d’antisubventions. Les enseignements tirés de l’arrêt du 5 avril 2017, Changshu
City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269), ne sauraient donc être transposés dans le présent litige.
78 En l’espèce, le considérant 27 du règlement attaqué renvoie pour la définition du produit concerné aux considérants 31 à 37 du règlement provisoire (voir points 9 à 11 ci-dessus).
79 Les requérantes font valoir que, dans le cadre de la première méthode de calcul, la Commission a déterminé la sous-cotation des prix uniquement pour 20 % du total des ventes des producteurs de l’Union inclus dans l’échantillon. Par ailleurs, dans le cadre de la deuxième méthode de calcul, l’analyse de la sous-cotation présenterait des lacunes, car elle ne prendrait pas en considération la grande complexité de la relation concurrentielle entre ces produits, et ne couvrirait que 55 % du total des
ventes des producteurs de l’Union inclus dans l’échantillon, tandis que la troisième méthode serait dépourvue de sens. Une telle approche permettrait des situations où l’existence d’une sous-cotation pour un petit pourcentage des ventes de l’industrie de l’Union serait extrapolée au reste des ventes de l’industrie de l’Union.
80 Force est de constater que cette argumentation des requérantes a comme point de départ le postulat que la troisième méthode de calcul de la sous-cotation des prix comparant les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie à l’ensemble des ventes de biodiesel des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon est erronée et que, dans la deuxième méthode de calcul qui présenterait des lacunes, l’analyse de la sous-cotation ne couvre que 55 % du total des ventes des producteurs de l’Union
inclus dans l’échantillon. Or, les arguments des requérantes en ce sens ont été rejetés par le raisonnement tenu à titre principal par le Tribunal lors de l’examen de la première branche du premier moyen. En effet, il convient de constater que la Commission a calculé la sous-cotation des prix d’abord pour 20 %, ensuite pour 55 % et finalement pour l’ensemble des ventes des producteurs de l’Union. Ainsi, comme le souligne à juste titre la Commission, aucune extrapolation à partir des constatations
faites sur la base de 20 % des ventes de l’Union n’a été faite.
81 Dès lors, ce grief doit être rejeté. À supposer que la Commission se soit, à tort, fondée sur la troisième méthode de calcul de la sous-cotation, l’argumentation des requérantes ne pourrait davantage prospérer. En effet, l’utilisation de deux autres méthodes a permis à la Commission d’évaluer l’importance de la sous-cotation pour 55 % des ventes des producteurs de l’Union, c’est-à-dire une majorité des ventes, représentative de la situation sur l’ensemble du marché. Les requérantes, qui n’ont pu
établir que cette analyse serait manifestement viciée, ne peuvent donc valablement soutenir que le calcul de la sous-cotation serait manifestement erroné en ce qu’il procéderait d’une extrapolation abusive de données trop parcellaires ou représentant un petit pourcentage des ventes.
– Sur la pression sur les prix
82 Les requérantes soutiennent que la Commission a retenu, à tort, que les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie auraient pu exercer une pression sur les prix étant donné que l’EMP ne représente que 20 % du biodiesel avec une TLF de 0 °C et qu’entre 35 % et 45 % du biodiesel vendu sur le marché de l’Union a une TLF inférieure à zéro. Par ailleurs, le tableau 2 du règlement attaqué permettrait de constater que seuls 13 % de la baisse des coûts au cours de la période postérieure à
l’enquête ont été répercutés sur les clients, prouvant ainsi que les importations en provenance d’Indonésie n’exercent aucune pression sur les prix des ventes de l’Union. L’analyse des éléments inclus dans le tableau 2 du règlement attaqué et le tableau 11 du règlement provisoire montrerait que la marge bénéficiaire des producteurs de l’Union est passée de – 1,8 % à 0,4 %.
83 À titre liminaire, il convient de relever que l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement de base ne requiert pas d’apprécier l’effet d’une sous-cotation en tant que telle sur les prix de l’Union [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 174 (non publié)], mais l’effet plus global des importations faisant l’objet de subventions sur les prix des produits similaires sur le marché de
l’Union.
84 En tout état de cause, la Commission, en s’appuyant sur les éléments contenus dans le tableau 11 du règlement provisoire, repris au considérant 325 de celui-ci, a observé, au considérant 328 du règlement provisoire, qu’une sous-cotation d’environ 10 % avait exercé une forte pression à la baisse sur les prix, ce qui avait eu comme conséquence que l’industrie de l’Union n’avait pas pu bénéficier de la baisse des coûts de production au cours de la période d’enquête, car elle avait dû répercuter
intégralement cette baisse sur ses clients pour éviter une perte de part de marché encore plus importante.
85 À cet égard, il convient de tenir compte des données du tableau 2 repris au considérant 325 du règlement attaqué et du tableau 11 repris au considérant 325 du règlement provisoire :
Industrie de l’Union (avant, pendant et après la période d’enquête)
2015 2016 2017 Période d’enquête Octobre 2018 à juin 2019
Prix de vente unitaire moyen dans l’Union sur le marché total (en EUR/tonne) 715 765 832 794 790
Coût de production unitaire (en EUR/tonne) 728 767 827 791 760
86 Il ressort de ces données que, pendant et après la période d’enquête, le prix de vente de l’Union est supérieur aux coûts de production. Toutefois, cela n’exclut pas l’existence d’une pression sur les prix par les importations indonésiennes. En effet, il ressort également de ces données que, si la baisse des coûts de production (de – 4,35 % entre 2017 et la période d’enquête) a permis d’éviter une perte par rapport aux coûts, les prix de l’industrie de l’Union ont baissé davantage (de – 4,56 %
entre 2017 et la période d’enquête), ce qui corrobore la conclusion de la Commission au considérant 399 du règlement attaqué que l’industrie de l’Union n’a pas pu bénéficier de la baisse des coûts au cours de la période d’enquête. En outre, force est de constater que les données reprises dans les tableaux mentionnés au point 85 ci-dessus concernent l’ensemble des ventes de l’Union et non seulement un pourcentage de ses ventes comme le prétendent les requérantes.
87 Ainsi, ces données étant de nature à fonder les conclusions de la Commission, il convient de considérer que, en l’espèce, celle-ci n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation au sens de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus.
88 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter ce grief, et, par suite, le premier moyen dans son intégralité.
Sur le deuxième moyen, tiré de ce que le règlement attaqué, dans son analyse du lien de causalité, violerait l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base
89 Dans le cadre du deuxième moyen, les requérantes soutiennent que la Commission a fondé son analyse du lien de causalité entre les importations qui font prétendument l’objet d’une subvention et le préjudice causé à l’industrie de l’Union sur une conclusion erronée concernant la sous-cotation. Ainsi, la violation de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, commise par la Commission dans la détermination de la sous-cotation des prix, entraînerait une violation de l’article 8,
paragraphe 5, dudit règlement.
90 À cet égard, il suffit d’observer que le deuxième moyen est fondé sur la présomption que le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base lors du calcul de la sous-cotation des prix, serait accueilli. Puisque ce moyen a été écarté dans son intégralité, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir pris en compte la sous-cotation constatée dans le règlement attaqué afin d’évaluer ses effets sur l’industrie de l’Union.
91 Dès lors, il convient d’écarter le deuxième moyen.
Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission lorsqu’elle a conclu à l’existence d’une subvention sous la forme de fourniture d’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate
92 Le troisième moyen repose sur trois branches, qui sont contestées par la Commission, soutenue par EBB.
Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a conclu que les pouvoirs publics indonésiens ont chargé les fournisseurs d’HPB, ou leur ont ordonné, de fournir leurs produits moyennant une rémunération moins qu’adéquate
93 Dans le cadre de la première branche, les requérantes soutiennent que la Commission a conclu à tort que les pouvoirs publics indonésiens avaient chargé les fournisseurs d’HPB, ou leur avaient ordonné, de fournir leurs produits moyennant une rémunération moins qu’adéquate, premièrement, par le biais de restrictions à l’exportation et, deuxièmement, par le biais d’une « fixation des prix » transparente par PTPN, un producteur d’HPB détenu à 100 % par les pouvoirs publics indonésiens.
94 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 3 du règlement de base dispose qu’une subvention est réputée exister si les conditions énoncées à ses points 1 et 2 sont remplies, à savoir s’il y a une « contribution financière » des pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation et si un « avantage » est ainsi conféré.
95 Le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union dans le domaine des mesures de défense commerciale selon la jurisprudence (voir point 24 ci-dessus) porte également sur la détermination de l’existence d’une contribution financière au sens de l’article 3, point 1, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 11 octobre 2012, Novatex/Conseil, T‑556/10, non publié, EU:T:2012:537, points 34 et 35).
96 Aux termes de l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base, une « contribution financière » existe si les pouvoirs publics « chargent un organisme privé d’exécuter une ou plusieurs fonctions des types énumérés aux points i), ii) et iii), qui sont normalement de leur ressort » ou lui « ordonnent de le faire, la pratique suivie ne différant pas véritablement de la pratique normale des pouvoirs publics ».
97 Les notions de « charger » ou d’« ordonner » ne sont pas définies dans le règlement de base.
98 Selon une jurisprudence constante, la signification et la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doivent être établies conformément au sens habituel en langage courant de ceux-ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs de la réglementation dont ils font partie (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2014, Deckmyn et Vrijheidsfonds, C‑201/13, EU:C:2014:2132, point 19, et du 5 avril 2017, Changshu City Standard
Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 52).
99 À cet égard, il convient de relever que l’objectif de l’article 3 du règlement de base est de définir la notion de « subvention » qui serait passible d’un droit compensateur.
100 Plus précisément, l’objectif de l’article 3, point 1, sous a), du règlement de base est de définir la notion de « contribution financière » de manière à en exclure les mesures des pouvoirs publics qui ne relèvent pas de l’une des catégories énumérées dans cette disposition. C’est dans cette perspective que l’article 3, point 1, sous a), i) à iii), du règlement de base énumère des situations concrètes qui doivent être considérées comme comportant une contribution financière des pouvoirs publics,
à savoir le transfert direct ou indirect de fonds, l’abandon de recettes publiques et la fourniture de biens ou de services ou l’achat de biens, tandis que l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base prévoit en son second tiret que le fait, pour les pouvoirs publics, de charger un organisme privé d’exécuter une ou plusieurs fonctions des types ainsi énumérés sous i), ii) et iii), ou de lui ordonner de le faire équivaut à l’octroi par ces pouvoirs publics d’une contribution
financière au sens de l’article 3, point 1, sous a), du règlement de base (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 106).
101 Dans ce contexte, l’article 3, point 1, sous a), iv), second tiret, du règlement de base est, en substance, une disposition anti-contournement, qui vise à assurer que les pouvoirs publics de pays tiers ne puissent pas se soustraire aux règles concernant les subventions en adoptant des mesures qui, en apparence, ne relèvent pas stricto sensu du champ d’application de l’article 3, point 1, sous a), i) à iii), de ce règlement, mais ont, dans les faits, des effets équivalents (arrêt du 10 avril
2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 107). Telle est également l’interprétation de l’organe d’appel de l’OMC de l’article 1.1, sous a), 1, iv), de l’accord SMC, dont le contenu est similaire à celui de l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base [voir rapport de l’organe d’appel de l’OMC, intitulé « États-Unis – Enquête en matière de droits compensateurs sur les semi-conducteurs pour mémoires RAM dynamiques (DRAM) en provenance de Corée »,
adopté le 27 juin 2005 (WT/DS 296/AB/R, point 113)].
102 Selon son sens habituel en langage courant, le terme « charger » signifie « revêtir d’une fonction ou d’un office, commettre, déléguer, préposer ». C’est ainsi que la jurisprudence a interprété ce terme, afin d’assurer un effet pleinement utile à l’article 3, point 1, sous a), iv), second tiret, du règlement de base, en tant que « toute action des pouvoirs publics qui revient, directement ou indirectement, à confier à un organisme privé la responsabilité d’exécuter une fonction du type de celles
visées à l’article 3, point 1, sous a), i) à iii), dudit règlement » (arrêt du 10 avril 2019,Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 108). Il s’ensuit que le terme « ordonner » qui, selon son sens habituel en langage courant signifie « adjurer, commander, dicter, enjoindre, prescrire, sommer » englobe toute action des pouvoirs publics qui consiste, directement ou indirectement, à exercer leurs pouvoirs sur un organisme privé afin que celui-ci exécute une
fonction du type de celles visées à l’article 3, point 1, sous a), i) à iii), du règlement de base.
103 En outre, il ressort clairement de la conjonction de coordination qui marque l’alternative « ou » entre « charger » et « ordonner » que ces deux actions peuvent avoir lieu indépendamment l’une de l’autre, mais aussi ensemble. De plus, il apparaît à la lecture de l’article 3, point 1, sous a), iv), second tiret, du règlement de base, qui ne restreint pas la nature ou l’objet de l’action de « charger » ou d’« ordonner », et de la jurisprudence citée au point 102 ci-dessus, qui prend en
considération « toute action des pouvoirs publics », que cette action ne doit pas nécessairement être le résultat d’un acte ou d’une mesure prise considérés de manière isolée, mais qu’elle peut aussi être le résultat de l’effet combiné de plusieurs mesures.
104 C’est à la lumière de ces considérations que doit être analysée la conclusion de la Commission selon laquelle, par des mesures telles qu’une taxe et un prélèvement à l’exportation et le contrôle de facto par l’intermédiaire de PTPN des prix intérieurs d’HPB, les pouvoirs publics indonésiens ont cherché à obtenir des producteurs d’HPB la fourniture de ce produit sur le marché indonésien à une rémunération moins qu’adéquate.
– Sur la taxe et le prélèvement à l’exportation
105 Dans le cadre du premier grief, les requérantes font valoir que la Commission a conclu, à tort, que la taxe à l’exportation, qui était fixée à zéro pendant la période d’enquête, et le prélèvement à l’exportation, qui était suspendu depuis le mois de décembre 2018, avaient eu comme effet de « charger » les fournisseurs d’HPB, ou de leur ordonner, de fournir leurs produits moyennant une rémunération moins qu’adéquate. En outre, le but de ces mesures ne serait pas de maintenir les prix de l’HPB à
un niveau bas afin de soutenir l’industrie du biodiesel. Un tel résultat ne serait qu’un effet secondaire des mesures dont le but principal était de garantir la stabilité des prix de l’huile de cuisson et de financer le Fonds de plantation des palmiers à huile.
106 Il ressort des considérants 113 à 117 du règlement provisoire que, en l’espèce, les pouvoirs publics indonésiens imposaient une taxe et un prélèvement à l’exportation sur l’HPB.
107 Selon les considérants 87 et 88 du règlement provisoire, la taxe à l’exportation avait été instaurée en 1994 et, dans sa version de 2016, elle consistait en un barème tarifaire progressif sur l’HPB ainsi que sur d’autres produits, y compris le biodiesel (dont le taux était systématiquement inférieur à celui appliqué sur l’HPB). Les exportateurs indonésiens payaient une taxe liée au prix de référence des pouvoirs publics indonésiens pour les exportations d’HPB. Ainsi, lorsque le prix de référence
à l’exportation fixé par les pouvoirs publics indonésiens augmentait, il en allait de même pour les droits à l’exportation. Lorsque le prix de référence était inférieur à 750 dollars des États-Unis (USD) par tonne, le taux de la taxe d’exportation applicable était de 0 %. Au cours de la période d’enquête, le prix de l’HPB était resté inférieur au seuil de 750 USD par tonne et, par conséquent, aucune taxe à l’exportation n’était due.
108 Selon le considérant 89 du règlement provisoire, les pouvoirs publics indonésiens avaient également institué en 2015 un prélèvement à l’exportation sur l’HPB et les produits en aval. Au cours de la période d’enquête, ce prélèvement était fixé à 50 USD par tonne pour l’HPB et à 20 USD par tonne pour le biodiesel.
109 Pour établir l’existence d’une contribution financière dans le règlement provisoire, dont les conclusions sont confirmées par le règlement attaqué (aux considérants 102 à 161), la Commission a effectué une analyse fondée sur la jurisprudence pertinente de l’OMC.
110 Sur la base de cette analyse, la Commission a estimé, aux considérants 111 à 157 du règlement provisoire, que l’action des pouvoirs publics indonésiens visant les producteurs d’HPB était une action de « charger » ou d’« ordonner » de fournir leurs produits aux utilisateurs nationaux à une rémunération moins qu’adéquate afin de créer en Indonésie un marché intérieur où les prix étaient artificiellement bas. La Commission a ensuite relevé, au considérant 160 de ce règlement, que tous les
producteurs indonésiens d’HPB devaient être considérés comme des organismes privés et, aux considérants 162 et 169 du même règlement, que ces entreprises avaient fourni l’HPB sur le marché intérieur moyennant une rémunération moins qu’adéquate. La Commission a, enfin, au considérant 170 du même règlement, considéré que la fourniture d’HPB provenant du territoire indonésien à l’industrie indonésienne du biodiesel était une fonction qui était normalement du ressort des pouvoirs publics. La
Commission a, en effet, estimé, dans le même considérant, que relevait d’une telle fonction la détermination par le gouvernement d’un État, lequel avait la souveraineté sur ses ressources naturelles, des conditions réglementaires de la fourniture de matières premières du pays aux entreprises de ce pays.
111 Par l’analyse en cause, la Commission a établi, ainsi qu’il ressort du considérant 134 du règlement attaqué, que, au moyen de la taxe et du prélèvement à l’exportation, en combinaison, comme souligné aux considérants 103, 146 et 157 du règlement attaqué, avec d’autres mesures, les pouvoirs publics indonésiens avaient cherché à obtenir des producteurs d’HPB la fourniture d’HPB sur le marché indonésien à une rémunération moins qu’adéquate. En effet, lesdits pouvoirs publics avaient mis en place un
système de restrictions à l’exportation qui rendaient l’exportation d’HPB commercialement non attractive.
112 Le fait que les pouvoirs publics indonésiens ont conçu et instauré un tel système est mis en évidence par divers éléments mentionnés par la Commission dans le règlement attaqué et le règlement provisoire, que n’ont pas remis en cause les requérantes.
113 Ainsi, il a été relevé, au considérant 116 du règlement provisoire, que les pouvoirs publics indonésiens avaient directement corrélé le système des taxes à l’exportation aux prix internationaux d’HPB, et non à d’autres données (telles que les niveaux de production ou les incidences sur l’environnement) dans le but d’avoir des effets sur les prix payés par les producteurs-exportateurs. Il ressort du tableau 1 repris dans ce considérant que les pouvoirs publics indonésiens suivaient l’évolution
des prix au niveau international et ajustaient le niveau des taxes à l’exportation en fonction de ces prix avec comme résultat la diminution de la rentabilité des exportations.
114 La Commission a également noté, au considérant 119 du règlement provisoire, que la direction générale indonésienne des douanes et droits indirects avait expliqué publiquement, en 2015, que les droits à l’exportation avaient pour but d’assurer la disponibilité des matières premières et de stimuler la croissance de l’industrie nationale de l’huile de palme en aval, dont la fabrication du biodiesel fait partie intégrante.
115 En ce qui concerne le prélèvement à l’exportation, la Commission a souligné, au considérant 117 du règlement provisoire, que son instauration en 2015 avait coïncidé avec une période où les prix indonésiens étaient presque identiques aux prix mondiaux et avait permis aux producteurs de biodiesel d’acheter l’HPB à des prix inférieurs à ceux qui seraient normalement proposés. En outre, au considérant 114 du règlement attaqué, la Commission a expliqué que ce prélèvement finançait le Fonds de
plantation des palmiers à huile et soutenait dans les faits exclusivement l’industrie du biodiesel par l’intermédiaire des subventions.
116 Le règlement attaqué mentionne également, aux considérants 128 et 129, deux articles de presse postérieurs à la période d’enquête qui confirment les conclusions de la Commission portées sur cette période. Ainsi, dans un article du 19 décembre 2018, le secrétaire général de l’association indonésienne de l’huile de palme prévoyait que les exportations d’HPB pourraient grimper une fois que le prélèvement à l’exportation aurait été ramené à zéro. Dans un article du 6 décembre 2018, une analyste
indépendante estime que la suppression du prélèvement à l’exportation augmentera la compétitivité des exportateurs indonésiens d’huile de palme grâce à des économies réalisées dont la majeure partie reviendra probablement aux agriculteurs indonésiens moyennant des prix plus élevés de l’HPB sur le marché intérieur.
117 Sur la base de ces considérations, la Commission a pu valablement conclure, au considérant 118 du règlement attaqué, que « le système global de restrictions à l’exportation mis en place par les pouvoirs publics indonésiens était conçu pour favoriser l’industrie du biodiesel en maintenant les prix intérieurs de l’HPB à un niveau artificiellement bas ».
118 À cet égard, en premier lieu, les requérantes font valoir, en se prévalant de la jurisprudence de l’OMC, que ces restrictions à l’exportation ne tombaient pas dans le champ d’application de l’article 3, point 1, sous a), du règlement de base, car elles avaient comme but d’assurer la demande locale et la stabilité des prix de l’huile de cuisson (pour ce qui est de la taxe à l’exportation) et de financer le Fonds de plantation des palmiers à huile (pour ce qui est du prélèvement à l’exportation)
et dans la mesure où l’incidence qu’elles ont pu avoir sur les prix de l’HPB ne représentait qu’un effet secondaire de cette règlementation. Les pouvoirs publics indonésiens n’auraient joué qu’un rôle d’encouragement en exerçant simplement leur activité de perception de ressources publiques.
119 Tout d’abord, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel les pouvoirs publics indonésiens n’auraient pas joué un rôle plus actif que de poser de simples actes d’encouragement, il y a lieu de constater que, en adoptant les restrictions à l’exportation en cause dans un contexte concret où, premièrement, la taxe à l’exportation était corrélée aux prix internationaux d’HPB et augmentait lorsque ces prix augmentaient, et, deuxièmement, le prélèvement à l’exportation était instauré
pendant une période où les prix indonésiens étaient presque identiques aux prix mondiaux, lesdits pouvoirs publics ont restreint la liberté d’action de ces entreprises en limitant en pratique la capacité de celles-ci de décider du marché sur lequel elles vendaient leurs produits (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 124).
120 Ensuite, ne saurait prospérer l’argument des requérantes selon lequel les pouvoirs publics indonésiens ont simplement exercé leur activité de perception de ressources publiques, l’incidence que cette activité a pu avoir sur les prix de l’HPB n’en étant qu’un effet secondaire. En effet, ainsi qu’il ressort des points 111 à 116 ci-dessus, les restrictions à l’exportation en cause ont été instaurées, ensemble avec d’autres mesures, dans le but d’assurer la fourniture d’HPB sur le marché indonésien
à un prix moins qu’adéquat et elles étaient même adaptées en fonction des prix internationaux afin d’obtenir ce résultat. Le fait que la législation en question ne mentionne pas explicitement ce but ne suffit pas à invalider cette conclusion.
121 Enfin, les arguments que les requérantes tirent à cet égard de la jurisprudence de l’organe de règlement des différends de l’OMC, et notamment du rapport du groupe spécial de l’organe de règlement des différends de l’OMC intitulé « États-Unis – Mesures traitant les restrictions à l’exportation comme des subventions », adopté le 23 août 2001 (WT/DS 194/R), doivent être rejetés. En effet, et sans préjudice de la jurisprudence citée aux points 46 et 47 ci-dessus, cette affaire portait sur la
question de savoir si la législation des États-Unis en matière de droits compensateurs, qui, selon le Canada, assimilait une action réglementaire des pouvoirs publics limitant les exportations d’un bien, soit donc une restriction à l’exportation, à une « contribution financière » au sens de l’article 1.1, sous a), 1, de l’accord SMC, était compatible avec ce dernier. Dès lors, ce différend ne concernait pas des restrictions à l’exportation spécifiques, qui font partie d’une série de mesures avec
le même objectif, et qui sont examinées à la lumière de déclarations de la direction générale indonésienne des douanes et droits indirects relatives à l’objectif de garantir la disponibilité des matières premières et de stimuler la croissance d’une industrie déterminée, comme il a été relevé au point 114 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 134).
122 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que les restrictions à l’exportation n’ont pas privé les fournisseurs d’HPB de la possibilité de faire un choix rationnel et n’ont pas porté atteinte à leur capacité à exporter, puisque plus de 70 % de l’HPB indonésienne était exportée.
123 Cet argument ne saurait être accueilli. En effet, le fait que 70 % de l’HPB indonésienne était exportée ne signifie pas que les producteurs d’HPB étaient en mesure de faire librement le choix rationnel d’exporter leur produit et d’en retirer une rémunération adéquate. Au contraire, comme le souligne à juste titre la Commission, les producteurs d’HPB satisfaisaient d’abord la demande intérieure, qui correspondait à 30 % de la production, selon des sources publiques évoquées au considérant 153 du
règlement attaqué, et ce n’est qu’ensuite qu’ils recouraient à l’exportation. Il en ressort que ces producteurs ne cherchaient pas à exporter une proportion plus importante de leur production là où les prix étaient plus élevés, car les bénéfices supplémentaires potentiels à l’exportation étaient limités par les restrictions à l’exportation instituées par les pouvoirs publics indonésiens.
124 En troisième lieu, les requérantes soutiennent que la taxe à l’exportation, qui était fixée à zéro pendant la période d’enquête, et le prélèvement à l’exportation, qui était suspendu depuis décembre 2018, ne pouvaient pas permettre de charger les fournisseurs d’HPB, ou de leur ordonner, de fournir leurs produits moyennant une rémunération moins qu’adéquate.
125 Ainsi qu’il a été relevé aux points 106 et 113 ci-dessus, les pouvoirs publics indonésiens avaient directement corrélé le système des taxes d’exportation aux prix internationaux d’HPB. Il s’ensuit que le fait que la taxe à l’exportation était d’un montant nul au cours de la période d’enquête était dû, comme le souligne le considérant 113 du règlement attaqué, aux circonstances particulières du marché. En effet, le niveau bas des prix internationaux suffisait en soi pour inciter les producteurs
d’HPB à satisfaire en priorité la demande interne. Comme le souligne à juste titre la Commission, si l’intention des pouvoirs publics indonésiens était de ne plus collecter cette taxe, ils l’auraient abrogée.
126 Concernant le prélèvement à l’exportation, il est constant qu’il était perçu au cours de la période d’enquête et qu’il était fixé à 50 USD par tonne pour l’HPB et à 20 USD par tonne pour le biodiesel. Le fait que ce prélèvement était suspendu, comme l’allèguent les requérantes, après la période d’enquête, à savoir en décembre 2018, est sans incidence sur la validité des conclusions tirées par la Commission pour cette période dans le règlement attaqué.
127 En quatrième lieu, les requérantes font valoir que la Commission a également violé l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de base en instituant des mesures compensatoires en dépit du fait que la taxe à l’exportation et le prélèvement à l’exportation étaient « supprimés » ou qu’ils ne conféraient plus aucun avantage aux exportateurs concernés au sens de cet article au moment de l’adoption des mesures antisubventions.
128 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 15 du règlement de base prévoit à son paragraphe 1, deuxième alinéa, qu’aucune mesure compensatoire n’est instituée s’il est démontré que les subventions sont supprimées ou que celles-ci ne confèrent plus d’avantage aux exportateurs concernés.
129 Il apparaît à la lecture du libellé de cet article que l’argument des requérantes est fondé sur une interprétation erronée de celui-ci. En effet, à supposer même que la taxe et le prélèvement à l’exportation avaient été « supprimés » comme le prétendent les requérantes, cela ne signifierait rien de plus que la disparition de l’un des instruments dont disposaient les pouvoirs publics indonésiens pour fournir de l’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate, ensemble avec la fixation des prix
par PTPN et l’octroi des subventions aux producteurs d’HPB. Cette disparition n’implique donc pas la suppression de la subvention qui, outre la fourniture d’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate (considérants 102 à 187 du règlement attaqué), prenait la forme d’un transfert direct de fonds par l’intermédiaire du Fonds de plantation des palmiers à huile (considérants 28 à 101 du règlement attaqué) ainsi que d’une exonération des droits à l’importation sur les machines importées dans les
zones franches (considérants 188 à 193 du règlement attaqué). Il ne saurait pas non plus être considéré que ces subventions ne conféraient plus d’avantage aux exportateurs concernés, car cet avantage ne dépend pas de la hauteur des droits à l’exportation, mais de leur effet de dissuasion et du fait que les producteurs d’HPB étaient, par le biais d’une série de mesures, dont les restrictions à l’exportation, « chargés » de fournir de l’HPB à un prix moins qu’adéquat ou qu’il leur était ordonné de
le faire.
130 Il convient dès lors de rejeter le premier grief.
– Sur le contrôle des prix par PTPN
131 Dans le cadre de leur second grief, les requérantes soutiennent que la Commission a violé l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base et a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que les pouvoirs publics indonésiens avaient, par le biais d’une « fixation des prix » transparente par PTPN, exercé une action de « charger » ou d’« ordonner » à l’égard des fournisseurs d’HPB.
132 À titre liminaire, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort des considérants 91 à 99 et 126 du règlement provisoire et des considérants 120 et 123 du règlement attaqué, que, vu le manque de coopération de la part des fournisseurs d’HPB et de PTPN, la Commission a appliqué les dispositions de l’article 28, paragraphe 1, du règlement de base et s’est fondée pour ses conclusions sur les données disponibles.
133 Selon la jurisprudence, l’article 28 du règlement de base autorise les institutions à recourir aux données disponibles, afin de ne pas compromettre l’efficacité des mesures de défense commerciale de l’Union, toutes les fois que les institutions de l’Union doivent faire face à un refus ou à un manque de coopération dans le cadre d’une enquête (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 janvier 2017, Maxcom/City Cycle Industries, C‑248/15 P, C‑254/15 P et C‑260/15 P, EU:C:2017:62, point 67),
sans toutefois les contraindre à recourir aux meilleures données disponibles (arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 94). Il en résulte que le large pouvoir d’appréciation de la Commission en matière de mesures de défense commerciale, conformément à la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, s’applique aussi lorsqu’il s’agit d’appliquer l’article 28 du règlement de base.
134 En premier lieu, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que PTPN fixait ses prix d’HPB à un niveau artificiellement bas. Elles soutiennent que PTPN ne fixait pas ses prix, puisque, premièrement, ces prix étaient déterminés par le biais d’enchères quotidiennes et, deuxièmement, le marché intérieur était caractérisé par une importante puissance d’achat des acheteurs d’HPB.
135 À cet égard, il ressort des considérants 128 à 131 du règlement provisoire que PTPN est un groupe de sociétés entièrement publiques, placé sous le contrôle des pouvoirs publics indonésiens, qui produit différents produits de base, dont l’HPB.
136 Il est expliqué aux considérants 132 et 133 du règlement provisoire, et il est constant entre les parties, que PTPN organisait des enchères quotidiennes pour vendre son HPB. Avant de lancer la procédure d’appel d’offres quotidienne, PTPN déterminait une « idée de prix » pour la journée, mais n’était pas obligée de rejeter les offres inférieures à cette « idée de prix ».
137 La Commission s’est fondée sur plusieurs données disponibles afin de conclure que PTPN fixait ses prix d’HPB à un niveau artificiellement bas. Premièrement, il ressort du considérant 151 du règlement attaqué que les pouvoirs publics indonésiens influençaient les décisions de PTPN concernant sa politique tarifaire. En effet, lorsque le prix offert pour l’achat d’HPB était inférieur à l’« idée de prix » fixée pour la journée, le conseil d’administration de PTPN, où seuls les pouvoirs publics
indonésiens étaient représentés, pouvait décider d’accepter l’offre, ce qui se produisait régulièrement. Deuxièmement, il ressort du considérant 125 du règlement attaqué et du considérant 135 du règlement provisoire que les informations disponibles avaient fait apparaître que, en suivant les directives des pouvoirs publics indonésiens, PTPN subissait des pertes au cours des dernières années. Troisièmement, ainsi qu’il ressort des considérants 122 à 124 du règlement attaqué, la Commission n’a pu
obtenir aucun élément prouvant que l’« idée de prix » reflétait un quelconque prix du marché résultant d’un appel d’offres concurrentiel. Au contraire, le prix intérieur de l’HPB était inférieur à tous les critères de référence internationaux.
138 Sur la base de ce qui précède, il convient de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a conclu, sur la base des données disponibles, que PTPN n’agissait pas comme un opérateur rationnel sur le marché et fixait le prix de l’HPB à un niveau inférieur aux critères de référence.
139 Quant à l’argument des requérantes relatif au déséquilibre du marché, il y a lieu de relever, certes, que le marché est caractérisé par un tel déséquilibre favorable aux acheteurs d’HPB, qui sont de grandes entreprises ayant une « puissance d’achat compensatrice ». La Commission l’a admis, au considérant 146 du règlement provisoire. Toutefois, cette circonstance ne saurait remettre en cause la conclusion selon laquelle, par l’intermédiaire de PTPN, les pouvoirs publics indonésiens avaient pu
mettre en œuvre un mécanisme de fixation des prix. En effet, ainsi que l’a relevé la Commission dans le même considérant sans être contredite, une autre caractéristique du marché de l’HPB, du côté de l’offre cette fois, était sa fragmentation entre un grand nombre de petites entreprises, notamment des agriculteurs individuels. Dans un tel contexte, une fois que PTPN avait fixé un prix pour la journée, il était très difficile pour les fournisseurs d’HPB qui détenaient chacun de petites parts de
marché de fixer des prix de vente plus élevés face aux acheteurs ayant une puissance d’achat significative. Il convient, dès lors, de rejeter les allégations des requérantes selon lesquelles la configuration du marché empêchait PTPN de fixer les prix. Au contraire, il apparaît que cette structure de marché était un facteur qui permettait à PTPN de fixer les prix de l’HPB.
140 Par ailleurs, il convient d’écarter l’allégation des requérantes selon laquelle la Commission a manqué à son obligation de motivation.
141 En effet, selon une jurisprudence constante, le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision [arrêts du 19 juin 2009, Qualcomm/Commission, T‑48/04, EU:T:2009:212, point 175, et du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑351/13, non publié,
EU:T:2016:616, point 110]. La motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle [voir, par analogie, arrêts du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C‑76/01 P, EU:C:2003:511, point 88, et du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et
Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 129 (non publié)].
142 Or, en l’espèce, les considérants du règlement attaqué et du règlement provisoire analysés aux points 135 à 139 ci-dessus exposent clairement les motifs pour lesquels la Commission a considéré que PTPN n’agissait pas comme un opérateur rationnel sur le marché et fixait le prix de l’HPB à un niveau inférieur aux critères de référence. Ces explications ont permis aux requérantes de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son
contrôle, comme il ressort des points 134 et suivants ci-dessus.
143 En second lieu, les requérantes soutiennent que la Commission a conclu, à tort, que, en communiquant en toute transparence les prix quotidiens de l’HPB de PTPN, les pouvoirs publics indonésiens avaient « chargé » les autres fournisseurs d’HPB, ou leur avaient « ordonné », de fournir leurs produits sur le marché interne moyennant une rémunération moins qu’adéquate. Les prix des fournisseurs indépendants d’HPB seraient fixés par les circonstances factuelles de l’espèce, la structure du marché et
procéderaient de l’exercice de la liberté de décision des acteurs du marché. Le comportement des fournisseurs d’HPB serait une « simple conséquence inattendue » de la transparence de la part de PTPN.
144 Il ressort du considérant 160 du règlement attaqué que l’action de « charger » ou d’« ordonner » consiste, en l’espèce, dans le fait que les pouvoirs publics indonésiens, par l’intermédiaire de PTPN, agissaient en tant que faiseurs de prix sur le marché intérieur indonésien et que tous les fournisseurs indépendants d’HPB suivaient ces indications de prix. En effet, tout d’abord, la Commission a établi, et les requérantes ne remettent pas valablement en cause ces constatations, comme il ressort
des points 135 à 137 ci-dessus, que PTPN fixait ses prix d’HPB à un niveau artificiellement bas. Ensuite, la Commission a remarqué, aux considérants 140 à 141 du règlement provisoire, que PTPN publiait toujours le résultat des appels d’offres quotidiens sur sa plateforme en ligne à 15 h 30 le jour même de l’appel d’offres, en indiquant le prix d’adjudication unitaire exact pour l’HPB, et que les négociations quotidiennes, entre les fournisseurs d’HPB autres que PTPN et les acheteurs d’HPB, dans
lesquelles le prix de départ correspondait au prix du jour établi par PTPN, avaient généralement lieu après que les résultats des appels d’offres de PTPN étaient connus. Le prix quotidien de l’HPB sur le marché intérieur reflétait étroitement le prix d’adjudication des enchères quotidiennes organisées par PTPN et, en outre, le prix unitaire payé par les producteurs-exportateurs aux producteurs d’HPB n’appartenant pas à l’État a, durant la période d’enquête, toujours été identique ou inférieur au
prix de PTPN pour le même jour. Enfin, comme il ressort du considérant 138 du règlement attaqué, ces faits ont eu lieu dans un contexte où les pouvoirs publics indonésiens avaient adopté des mesures limitant les possibilités des fournisseurs d’exporter leur HPB.
145 Dans un tel contexte, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a considéré que les pouvoirs publics indonésiens avaient exercé une action de charger ou d’ordonner à l’égard des fournisseurs d’HPB par le biais d’une « fixation des prix » transparente par PTPN, au sens de la jurisprudence citée aux points 101 à 103 ci-dessus.
146 Pour ces raisons, les arguments des requérantes ne sauraient être accueillis et, par conséquent, l’ensemble de la première branche du troisième moyen doit être rejeté.
Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a conclu que les pouvoirs publics indonésiens avaient soutenu les revenus ou les prix
147 La Commission estime que la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée, car les requérantes se réfèrent dans la requête au soutien des revenus ou des prix apporté aux « fournisseurs d’HPB » tandis que les conclusions de la Commission concernent un soutien apporté aux producteurs de biodiesel. La Commission soutient également que les précisions des requérantes à cet égard, apportées au stade de la réplique, sont irrecevables au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de
procédure du Tribunal.
148 À cet égard, il y a lieu de relever que, selon l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit identifier l’objet du litige et fournir un exposé sommaire des moyens, les indications devant être claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer son argumentation et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (arrêt du 3 mai 2018, Sigma Orionis/Commission, T‑48/16, EU:T:2018:245, point 54). Au vu de l’argumentation présentée par elle dans le mémoire en défense
et dans la duplique, la Commission a été en mesure de comprendre, manifestement, les critiques formulées par les requérantes à l’encontre du règlement attaqué. En outre, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels cette branche est fondée ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même, malgré l’indication dans le titre de cette branche que le soutien des revenus ou des prix est apporté aux « fournisseurs d’HPB » et en dépit d’une référence
erronée au considérant 172 du règlement provisoire qui concerne en réalité l’existence d’une contribution financière en vertu de l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2018, Transtec/Commission, T‑616/15, EU:T:2018:399, point 46). La requête satisfait donc aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.
149 De surcroît, l’article 84 du règlement de procédure dispose que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins qu’ils ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Selon la jurisprudence, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci, doit être déclaré recevable. Une solution analogue
s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du 19 mars 2013, In ’t Veld/Commission, T‑301/10, EU:T:2013:135, point 97).
150 Or, la deuxième branche du troisième moyen, concernant les conclusions de la Commission au sujet du soutien des revenus ou des prix, a déjà été invoquée dans la requête introductive d’instance. Les précisions apportées par les requérantes dans la réplique, en réponse aux allégations du mémoire en défense, constituent une simple ampliation de ladite branche, qui doit donc être considérée comme recevable.
151 Les requérantes soutiennent que la Commission a adopté une interprétation trop large de la notion de « soutien des revenus ou des prix » au sens de l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base, en méconnaissance de la jurisprudence de l’OMC. Cette notion n’inclurait que l’intervention directe des pouvoirs publics sur le marché dans le but de fixer le prix d’un produit à un niveau particulier. Des actions n’ayant qu’un effet indirect sur le marché, telles que les restrictions à
l’exportation et la communication des prix par PTPN en l’espèce, n’en relèveraient pas. Les autres mesures prises en compte par la Commission n’auraient pas non plus abouti à un soutien des revenus ou des prix.
152 À cet égard, force est de constater que les requérantes ne contestent pas, dans le cadre de cette branche, l’existence de la série de mesures adoptées par les pouvoirs publics indonésiens exposées par la Commission aux considérants 188 à 190 du règlement provisoire, dont les conclusions ont été confirmées par le considérant 169 du règlement attaqué, mais leur qualification en tant que « soutien des revenus ou des prix », au sens de l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base.
153 Cette expression n’étant pas définie dans le règlement de base, il convient de l’interpréter, conformément à la jurisprudence citée au point 98 ci-dessus, conformément à son sens habituel en langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel elle est utilisée et des objectifs de la réglementation dont elle fait partie.
154 L’objectif de l’article 3 du règlement de base est de définir la notion de « subvention » qui justifierait l’institution d’un droit compensateur. Plus précisément, l’article 3, point 1, dudit règlement prévoit, sous a), qu’une subvention est réputée exister s’il y a une « contribution financière », « ou », sous b), s’il existe « une forme quelconque de soutien des revenus ou de soutien des prix au sens de l’article XVI du GATT 1994 ». Il en ressort que l’objectif de l’article 3, point 1,
sous b), du règlement de base est de prévoir une forme alternative de subvention à celle visée sous a), comme l’indique clairement l’utilisation de la conjonction de coordination qui marque l’alternative « ou »afin d’élargir le périmètre de cette disposition.
155 Cette disposition est utilisée dans le contexte de la détermination de l’existence d’une subvention et renvoie expressément pour son interprétation à l’article XVI du GATT, d’où la volonté du législateur de l’Union de limiter lui-même sa marge de manœuvre dans l’application des règles du GATT et de l’OMC (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, points 40 et 41 et jurisprudence citée). Cet article fait référence à « une subvention, y compris
toute forme de soutien des revenus ou des prix, qui a directement ou indirectement pour effet d’accroître les exportations d’un produit du territoire de ladite partie contractante ou de réduire les importations de ce produit sur son territoire ». Il en ressort que, au sens de cette disposition, le « soutien des revenus ou des prix » est une forme de subvention et que cette disposition est axée sur les effets de cette subvention sur les exportations et les importations.
156 Selon son sens habituel en langage courant, le terme « soutien » signifie l’« aide », l’« appui », la « protection », le « secours » ou le « support » et l’action de « soutenir » signifie « maintenir, porter, supporter » ou « aider, appuyer, encourager, épauler ». Il ressort du libellé de l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base, ainsi que de l’article XVI du GATT, que cette action peut revêtir « une forme quelconque » ou « toute forme », formulation qui laisse ouverts
l’« apparence », l’« aspect », la « configuration » ou la « façon ou la manière d’agir ou de procéder ». Ainsi, l’expression « soutien des revenus ou des prix » doit être interprétée comme englobant toute action des pouvoirs publics qui revient, directement ou indirectement, à maintenir la stabilité des revenus ou des prix ou à provoquer leur hausse. Le renvoi par l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base à l’article XVI du GATT implique de prendre également en considération les effets
de cette action sur les exportations et les importations.
157 En l’espèce, afin d’établir l’existence d’un soutien des revenus ou des prix dans le règlement provisoire, dont les conclusions sont confirmées au considérant 169 du règlement attaqué, la Commission a retenu que, par le biais d’une série de mesures, à savoir un système de restrictions à l’exportation de l’HPB, la fixation de facto des prix de l’HPB dans le marché intérieur à un niveau artificiellement bas et des subventions directes aux producteurs d’HPB pour les inciter à se conformer aux
objectifs des pouvoirs publics, considérées dans le contexte plus large de la promotion du développement de l’industrie du biodiesel, notamment par les prescriptions de mélange obligatoire ainsi que par la mise en place du Fonds de plantation des palmiers à huile au bénéfice des producteurs de biodiesel, les pouvoirs publics indonésiens avaient l’intention d’intervenir sur le marché pour assurer un résultat particulier, à savoir que les producteurs de biodiesel bénéficient de prix
artificiellement bas pour leur approvisionnement en HPB, matière première qui représente environ 90 % de leurs coûts de production.
158 La Commission a conclu, au considérant 191 du règlement provisoire, que ces actions des pouvoirs publics indonésiens avaient contribué au revenu obtenu par les producteurs de biodiesel en leur permettant d’avoir accès à leur principale matière première et principal élément de coût à un prix inférieur à celui du marché mondial, ce qui s’était traduit ensuite par des profits artificiellement plus élevés résultant principalement d’exportations vers des marchés tiers. La Commission a également
constaté une forte augmentation des exportations de biodiesel en 2018, ainsi qu’il ressort du tableau 2 repris au considérant 192 du règlement provisoire. Cette analyse a été confirmée dans son intégralité par le règlement attaqué (voir considérant 169 du règlement attaqué).
159 Il résulte de ces constatations, eu égard aux développements des points 154 à 156 ci-dessus, que la Commission n’a pas violé l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base et n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a conclu que les mesures mises en œuvre par les pouvoirs publics indonésiens pouvaient être qualifiées de soutien des revenus ou des prix au profit des producteurs de biodiesel.
160 Sans préjudice de la jurisprudence citée aux points 46 et 47 ci-dessus, cette conclusion ne saurait être remise en cause par les considérations contenues dans le rapport du groupe spécial de l’OMC intitulé « Chine – Droits compensateurs et droits antidumping visant les aciers dits magnétiques laminés, à grains orientés, en provenance des États-Unis », adopté le 15 juin 2012 (WT/DS 414/R), invoquées par les requérantes. Dans cette affaire, le groupe spécial a considéré que la phrase « une forme
quelconque de [...] soutien [...] des prix » figurant à l’article premier, paragraphe 1.1, sous a), 2, de l’accord SMC n’avait pas une portée assez large pour englober des accords d’autolimitation restreignant les importations d’acier aux États-Unis, qui pouvaient avoir un effet secondaire accessoire, d’une importance aléatoire, sur les prix. Dès lors, ce différend ne concernait pas une série de mesures ayant le même objectif et la même nature que celles examinées par le règlement attaqué,
notamment des restrictions à l’exportation spécifiques et une fixation de facto des prix par le biais d’une entreprise détenue à 100 % par les pouvoirs publics indonésiens.
161 Partant, la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée.
Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 2, et de l’article 6, sous d), du règlement de base, et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a conclu qu’un avantage avait été conféré aux producteurs indonésiens
162 Dans le cadre de la troisième branche du troisième moyen, les requérantes font valoir que, en constatant l’existence d’un avantage et en retenant des prix de référence erronés pour le calcul dudit avantage, la Commission a violé l’article 3, point 2, et l’article 6, sous d), du règlement de base.
163 À cet égard, il importe de relever que l’article 3 du règlement de base prévoit qu’une subvention est réputée exister en présence d’une « contribution financière » ou d’un « soutien des revenus ou […] des prix » des pouvoirs publics et si un « avantage » est ainsi conféré. Les articles 6 et 7 dudit règlement précisent les modalités de calcul de l’« avantage » conféré. S’agissant d’une contribution financière ou d’un soutien des revenus ou des prix consistant dans la fourniture de biens par les
pouvoirs publics, l’article 6, sous d), du règlement de base prévoit, en substance, que cette fourniture confère un avantage si elle s’effectue moyennant une rémunération moins qu’adéquate (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, points 195 et 196).
164 L’article 6 dudit règlement énonce des règles pour déterminer, selon le type de mesure concerné, si celle-ci peut être regardée comme un « avantage conféré au bénéficiaire ». Conformément à ces règles, un avantage existe si, concrètement, le bénéficiaire a reçu une contribution financière lui permettant d’obtenir des conditions plus favorables que celles auxquelles il aurait accès sur le marché. S’agissant en particulier de la fourniture de biens, l’article 6, sous d), du règlement de base
prévoit qu’il n’existe un avantage que si « la fourniture [...] s’effectue moyennant une rémunération moins qu’adéquate », « [l]’adéquation de la rémunération [étant] déterminée par rapport aux conditions existantes du marché pour le bien ou service en question dans le pays de fourniture ou d’achat, y compris le prix, la qualité, la disponibilité, la qualité marchande, le transport et autres conditions d’achat ou de vente ». Il ressort de ces termes que la détermination de l’« avantage »
comporte une comparaison et que celle-ci, dès lors qu’elle vise à apprécier l’adéquation du prix payé par rapport aux conditions normales du marché, en principe dans le pays de fourniture, doit prendre en compte l’ensemble des éléments du coût qu’engendre, pour le bénéficiaire, la réception du bien fourni par les pouvoirs publics. Dès lors, il découle de cette disposition que, dans la mesure du possible, la méthode utilisée par la Commission pour calculer l’avantage doit permettre de refléter
l’avantage effectivement conféré au bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, points 208 à 210).
165 En l’espèce, il résulte des considérants 170 et 171 du règlement attaqué que la Commission a déterminé l’existence d’un avantage en utilisant comme prix de référence aux fins de la comparaison les prix franco à bord (FAB) de l’HPB à l’exportation de l’Indonésie vers le reste du monde, tels qu’ils figuraient dans les statistiques indonésiennes sur les exportations, et qu’elle a calculé l’avantage conféré au bénéficiaire comme étant la somme des écarts entre ces prix de référence de l’HPB calculés
par mois, pendant la période d’enquête, et les prix payés pour l’HPB achetée sur le marché intérieur. Plus précisément, selon les considérants 199 à 201 du règlement provisoire, la Commission a calculé la moyenne mensuelle, pendant la période d’enquête, des prix FAB mondiaux à l’exportation en provenance d’Indonésie et a ensuite comparé à ce prix les prix intérieurs de l’HPB payés par les producteurs indonésiens de biodiesel. La Commission a considéré que le montant total de la différence
représentait les « économies » réalisées par les producteurs indonésiens de biodiesel qui achetaient de l’HPB sur le marché intérieur indonésien par rapport au prix qu’ils auraient payé en l’absence de distorsions du marché indonésien et que ce montant correspondait à l’avantage conféré à ces producteurs par les pouvoirs publics indonésiens pendant la période d’enquête.
166 Il ressort de ces motifs, premièrement, que l’argument des requérantes selon lequel la Commission a utilisé à tort les prix internationaux comme prix de référence est basé sur une lecture erronée du règlement provisoire et du règlement attaqué et doit être écarté. En effet, il ressort clairement du considérant 198 du règlement provisoire et du considérant 182 du règlement attaqué que la Commission n’a pas utilisé les prix internationaux en tant que prix de référence, mais les prix FAB à
l’exportation de l’Indonésie vers le reste du monde.
167 Deuxièmement, les arguments des requérantes visant à invalider la conclusion de la Commission selon laquelle les prix de l’HPB sur le marché indonésien étaient faussés par l’intervention des pouvoirs publics indonésiens ont déjà été écartés dans le cadre de la première branche de ce moyen. Partant, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a considéré que, pour calculer l’avantage conféré au bénéficiaire par la fourniture de biens moyennant une rémunération moins
qu’adéquate, il fallait déterminer un prix de référence approprié.
168 Troisièmement, il ressort du considérant 198 du règlement provisoire que la Commission a considéré que les prix FAB de l’HPB à l’exportation de l’Indonésie vers le reste du monde constituaient une référence appropriée car ils étaient fixés conformément aux principes de la libre concurrence, reflétaient les conditions prévalant sur le marché en Indonésie, n’étaient pas faussés par l’intervention des pouvoirs publics et, partant, étaient le meilleur indicateur de ce qu’aurait été le prix intérieur
indonésien en l’absence de la distorsion due à l’intervention des pouvoirs publics indonésiens. À l’encontre de cette analyse, les requérantes font valoir que, à supposer même que les prix de l’HPB sur le marché interne indonésien soient faussés, le prix FAB à l’exportation n’est pas un prix de référence valable, car il serait lui-même faussé par les restrictions à l’exportation. Les requérantes ont étayé cet argument à l’audience, en soulignant qu’un prix qui incorpore le prélèvement à
l’exportation, d’une hauteur de 50 USD par tonne, qui n’est par définition payé que pour le produit exporté, ne saurait être utilisé comme prix de référence pour ce qui aurait été un prix non faussé sur le marché interne. La Commission aurait elle-même admis, dans le mémoire en défense, que la différence entre les prix intérieurs de l’HPB et les prix à l’exportation de l’HPB correspondait plus ou moins au montant du prélèvement à l’exportation.
169 Cet argument doit être écarté. Tout d’abord, le fait que le prix FAB de l’HPB à l’exportation à partir de l’Indonésie inclut les effets du prélèvement à l’exportation, comme le précise la Commission aux considérants 173 et 181 du règlement attaqué, n’implique pas nécessairement que ce prix soit faussé. Au contraire, étant donné que le prix de l’HPB sur le marché intérieur était moins qu’adéquat, en raison d’une série de mesures dont la taxe et le prélèvement à l’exportation et la fixation des
prix par PTPN, le prix de l’HPB à l’exportation, une fois le prélèvement à l’exportation acquitté, correspondait, comme le souligne à juste titre la Commission, au prix que les vendeurs proposaient à l’exportation et que les acheteurs étaient prêts à payer sur le marché international.
170 Ensuite, la Commission a expliqué, au considérant 173 du règlement attaqué, que le point de départ des arguments des requérantes était la prémisse que les prix intérieurs de l’HPB n’étaient pas artificiellement bas, mais que les prix à l’exportation étaient trop élevés à cause du prélèvement à l’exportation. Il est, en effet, constant que l’argument des requérantes est fondé sur une comparaison entre le prix sur le marché intérieur et le prix FAB à l’exportation. Or, la Commission a démontré,
sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que l’HPB était vendu au producteur de biodiesel à un prix artificiellement bas comme résultat d’un ensemble de mesures prises par les pouvoirs publics indonésiens dont le prélèvement à l’exportation n’était qu’une composante. Il en résulte que l’argument des requérantes est fondé sur une prémisse erronée.
171 Enfin, si le prélèvement à l’exportation est l’une des mesures qui ont comme résultat d’inciter les fournisseurs d’HPB à vendre sur le marché intérieur à des prix moins qu’adéquats, il ne rend pas pour cette raison le prix FAB indonésien à l’exportation inapproprié comme prix de référence pour le calcul de l’avantage.
172 Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a estimé que ce prix permettait, conformément à la règle fixée à l’article 6, sous d), du règlement de base et à la jurisprudence citée au point 164 ci-dessus, de refléter, dans la mesure du possible, l’avantage effectivement conféré au bénéficiaire.
173 Au regard de ces considérations, il convient de rejeter la troisième branche et, par conséquent, le troisième moyen dans son entièreté.
Sur le quatrième moyen, tiré de ce que la Commission, en concluant à l’existence d’une subvention sous la forme d’un transfert direct de fonds, a commis une erreur manifeste d’appréciation et violé l’article 3, point 1, sous a), i), et point 2, du règlement de base
174 Le quatrième moyen repose sur deux branches, qui sont contestées par la Commission, soutenue par EBB.
Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), i), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a qualifié de subventions les paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile
175 Dans le cadre de la première branche, les requérantes font valoir que les paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile ne constituent pas un transfert direct de fonds sous forme de subvention, mais un paiement pour l’achat du biodiesel.
176 Il convient de rappeler que l’article 3, point 1, sous a), i), du règlement de base dispose qu’il existe une « contribution financière des pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation » dans le cas où « une pratique des pouvoirs publics comporte un transfert direct de fonds (par exemple, sous forme de dons, de prêts et de participations au capital social) ».
177 L’objectif de l’article 3 du règlement de base est de définir, d’une part, la notion de « subvention » qui justifierait l’institution d’un droit compensateur et, d’autre part, la notion de « contribution financière » de manière à en exclure les mesures des pouvoirs publics qui ne relèvent pas de l’une des catégories énumérées dans cette disposition (voir points 99 et 100 ci-dessus).
178 Il apparaît, à la lecture de l’article 3, point 1, sous a), i), du règlement de base, et notamment de la formulation « une pratique des pouvoirs publics », que le transfert direct des fonds doit pouvoir être imputé aux pouvoirs publics. Toutefois, cette disposition ne contient aucune précision quant à l’origine des fonds transférés. Ainsi, dans son point 1, sous a), i), cet article inclut dans la notion de « contribution financière » une « pratique des pouvoirs publics » qui comporte un
transfert direct de fonds, sans ajouter des exigences quant à l’origine de ces fonds. Le fait que l’origine des fonds est sans incidence sur la qualification d’une pratique des pouvoirs publics en tant que « contribution financière des pouvoirs publics » apparaît clairement dans l’hypothèse envisagée par le second tiret de l’article 3, point 1, sous a), iv), où les pouvoirs publics chargent un organisme privé d’exécuter certaines fonctions comme le transfert direct des fonds, ou lui ordonnent de
le faire, sans préciser quelle doit être l’origine des fonds utilisés. Il ressort de ces dispositions que la notion de « contribution financière des pouvoirs publics » englobe tous les moyens pécuniaires que les pouvoirs publics peuvent effectivement utiliser. En outre, pour apprécier si un transfert direct de fonds peut justifier l’institution d’un droit compensateur, l’absence de contrepartie, ou de contrepartie équivalente, de la part de l’entreprise qui le reçoit doit être prise en compte.
179 En l’espèce, il résulte des considérants 30 à 33 du règlement attaqué et il n’est pas contesté que le Fonds de plantation des palmiers à huile est un organisme public. Cet organisme est utilisé pour soutenir les achats de biodiesel par les entités désignées par des organismes de l’État et a confié à une agence, l’Agence de gestion du Fonds (ci-après l’« agence de gestion ») le recouvrement des prélèvements à l’exportation sur les produits à base d’huile de palme qui constituent son financement
(considérants 41 à 43 du règlement provisoire).
180 Aux termes des considérants 45 à 50 du règlement provisoire (également au considérant 37 du règlement attaqué), la procédure qui a été qualifiée par la Commission de « transfert direct de fonds » était la suivante :
« (45) Le règlement présidentiel 26/2016 prévoit plus précisément dans son article 9, paragraphe 1, que “[l]e directeur général d[e la direction générale des nouvelles énergies, des énergies renouvelables et des économies d’énergie] désigne l’entité de Petrofuel qui est chargée de l’achat de biodiesel conformément à l’article 4, dans le cadre du financement par l’agence de gestion […], en appliquant la politique définie par le comité directeur de l’agence de gestion […]” et dans son article 9,
paragraphe 8, que “[s]ur la base de l’autorisation ministérielle visée au paragraphe 7, le directeur général [de la direction générale des nouvelles énergies, des énergies renouvelables et des économies d’énergie] désigne, au nom du ministre : a. les producteurs de biodiesel qui participeront aux marchés publics pour le biodiesel ; et b. le volume de biodiesel fixé pour chaque producteur de biodiesel”. […]
(46) Les producteurs de biodiesel qui choisissent de prendre part aux marchés et se sont vu attribuer un quota en vertu du règlement susmentionné sont tenus de vendre la quantité mensuelle de biodiesel fixée à l’“entité de Petrofuel”. À ce jour, les pouvoirs publics indonésiens ont désigné les sociétés suivantes comme entités de Petrofuel :
a) PT Pertamina (ci-après “Pertamina”), une compagnie pétrolière et gazière appartenant à l’État, et
b) PT AKR Corporindo Tbk (ci-après “AKR”), une compagnie pétrolière et gazière privée.
(47) L[e Fonds de plantation des palmiers à huile] prévoit un mécanisme de paiement spécifique au moyen duquel Pertamina (et pour quelques petits volumes, AKR) paie aux producteurs de biodiesel le prix de référence du diesel (au lieu du prix réel du biodiesel qui, au cours de la période d’enquête, aurait été supérieur), tandis que la différence entre ce prix de référence du diesel et le prix de référence du biodiesel est versée par l’agence de gestion aux producteurs de biodiesel grâce aux fonds
d[u Fonds de plantation des palmiers à huile].
(48) Le prix de référence pour le diesel comme pour le biodiesel est déterminé par le ministre de l’énergie et des ressources minérales […] comme suit :
a) Le prix de référence du diesel est basé sur les prix déclarés par Platts pour le pétrole à Singapour […] et sur le coût de production du diesel en Indonésie.
b) […] le prix de référence du biodiesel est basé sur le prix intérieur de l’HPB, auquel s’ajoutent les coûts de transformation […]
(49) Plus exactement, chaque producteur de biodiesel – y compris l'ensemble des producteurs-exportateurs – facture à Pertamina (ou AKR, selon le cas) le volume de biodiesel que l’acheteur est tenu d’utiliser en vertu de l’obligation de mélange [selon laquelle, pour un certain nombre d’applications comme, par exemple, les transports publics, les opérateurs ont l’obligation d’utiliser comme carburant un mélange de diesel minéral et de biodiesel qui contient au moins 20 % de biodiesel], et
Pertamina (ou AKR) paie au producteur le prix de référence du diesel pour la période concernée. […]
(50) Le producteur de biodiesel, afin d’obtenir le remboursement de la différence entre le prix payé par Pertamina et AKR (basé sur le prix de référence du diesel) et le prix de référence du biodiesel, envoie alors à l’agence de gestion une facture supplémentaire pour le même volume, accompagnée d’une liste de documents. Une fois que l’agence de gestion a reçu la facture et vérifié les éléments qu’elle contient, elle verse au producteur de biodiesel concerné la différence entre le prix de
référence du diesel (payé par Pertamina ou AKR, selon le cas) et le prix de référence du biodiesel fixé pour la période en question. »
181 En premier lieu, les requérantes font valoir que c’est à tort que la Commission a qualifié les paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile de transfert direct de fonds sous forme de subvention et non de paiements effectués en contrepartie de la vente de biodiesel à PT Pertamina (ci-après « Pertamina »), puisque, Pertamina étant aussi un organisme public, elle faisait partie de l’État indonésien et, en tout état de cause, elle faisait partie, avec l’agence de gestion,
d’une entité économique unique.
182 À cet égard, premièrement, il convient d’observer qu’il ressort du considérant 46 du règlement provisoire que Pertamina appartient à l’État indonésien. Toutefois, hormis le fait que Pertamina et l’agence de gestion appartiennent à l’État indonésien, les requérantes n’invoquent aucun élément de fait ou de droit au soutien de leur allégation selon laquelle, conformément à la jurisprudence dont elles se prévalent (arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe
NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, points 52 à 55), ces entités agissent à l’intérieur d’un groupe formé par des sociétés juridiquement distinctes qui organise de cette manière un ensemble d’activités exercées, dans d’autres cas, par une entité qui est unique aussi du point de vue juridique. Au contraire, il est constant qu’une entreprise privée sans affiliation à l’État, PT AKR Corporindo Tbk (ci-après « AKR »), exerce les mêmes fonctions que Pertamina.
183 Deuxièmement, à supposer même que, contrairement aux conclusions de la Commission aux considérants 48 et 49 du règlement attaqué, Pertamina soit un organisme public, il s’agit d’une entité séparée du Fonds de plantation des palmiers à huile et de l’agence de gestion et rien n’indique que Pertamina agissait en tant qu’un seul et même acheteur de biodiesel avec l’agence de gestion et les pouvoirs publics indonésiens par le biais d’« actions combinées » de plusieurs organismes publics, comme le
soutiennent les requérantes. En effet, comme le souligne à juste titre la Commission, Pertamina n’était pas une agence chargée par les pouvoirs publics d’exercer seulement certaines fonctions, mais une compagnie pétrolière et gazière qui exerçait les mêmes fonctions qu’AKR, une compagnie pétrolière et gazière privée, ainsi qu’il ressort du considérant 46 du règlement provisoire et du considérant 55 du règlement attaqué, ce qui n’a pas été contesté par les requérantes. L’argument des requérantes
mis en avant à l’audience, selon lequel il ressortirait des éléments du dossier soumis par la Commission que Pertamina et AKR ont été désignées par le gouvernement indonésien pour fournir du biodiesel, n’est pas susceptible d’altérer cette conclusion.
184 Au vu des considérations qui précèdent, il convient d’observer que, même si les allégations des requérantes selon lesquelles Pertamina était un organisme public étaient correctes, une telle erreur de la part de la Commission ne justifierait l’annulation du règlement attaqué que si elle était susceptible de mettre en question sa légalité, en invalidant l’ensemble de son analyse relative à l’existence d’une subvention (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational
Company Kazchrome et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 119), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
185 En deuxième lieu, les requérantes présentent une série d’arguments visant à établir que, si le Tribunal estime que Pertamina n’est pas un organisme public et qu’elle ne forme pas une entité économique unique avec les pouvoirs publics indonésiens, il convient alors de considérer qu’elle a été « chargée » ou qu’il lui a été « ordonné » par les pouvoirs publics indonésiens d’acheter du biodiesel au sens de l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base.
186 À cet égard, force est de constater que ce n’est pas le paiement du prix de référence du diesel par Pertamina en tant que contrepartie pour l’achat du biodiesel qui a été considéré par la Commission en tant que « transfert direct de fonds », mais le versement par l’agence de gestion, un organisme public, de la différence entre le prix de référence du diesel et le prix de référence du biodiesel fixé pour la période en question au producteur de biodiesel concerné. Dès lors, l’article 3, point 1,
sous a), iv), du règlement de base, qui vise le comportement des organismes privés (voir point 96 ci-dessus), n’est pas applicable.
187 En troisième lieu, les requérantes font valoir qu’il existait une relation contractuelle entre elles et le Fonds de plantation des palmiers à huile qui subordonnait le paiement par ce dernier à la livraison du biodiesel à Pertamina. Il s’agirait d’un achat, pour lequel il n’est pas nécessaire que l’entité procédant au paiement des biens entre également en leur possession.
188 Sur ce point, il convient de relever que, au considérant 38 du règlement attaqué, la Commission a constaté que « les versements d[u Fonds de plantation des palmiers à huile] en faveur des producteurs de biodiesel ne pouvaient être considérés comme des paiements dus dans le cadre d’un contrat d’achat conclu entre les pouvoirs publics indonésiens et les producteurs de biodiesel, mais constituaient un transfert direct de fonds ».
189 Il ressort du contexte factuel de l’espèce, tel que présenté aux considérants 45 à 50 du règlement provisoire et au considérant 37 du règlement attaqué (voir point 180 ci-dessus) et qui n’est pas contesté par les requérantes, que, dans le contexte du système conçu par le règlement présidentiel 26/2016, l’agence de gestion n’intervenait pas à la transaction entre les producteurs de biodiesel et Pertamina et AKR. En effet, c’est le directeur général de la direction générale des nouvelles énergies,
des énergies renouvelables et des économies d’énergie, qui désignait, premièrement, les entités chargées de l’achat de biodiesel (en application de la politique définie par le comité directeur de l’agence de gestion) et, deuxièmement, au nom du ministre, les producteurs de biodiesel qui participaient aux marchés publics pour le biodiesel ainsi que le volume de biodiesel fixé pour chaque producteur. Le prix de référence pour le diesel comme pour le biodiesel était déterminé par le ministre de
l’Énergie et des Ressources minérales. Ensuite, chaque producteur facturait à Pertamina ou AKR le volume de biodiesel que ces entreprises étaient tenues d’utiliser en vertu de l’obligation de mélange et ces dernières payaient au producteur le prix de référence du diesel. Ce n’était qu’après la fin de cette transaction que les producteurs de biodiesel envoyaient à l’agence de gestion une facture supplémentaire pour le même volume de biodiesel afin d’obtenir le versement de la différence entre le
prix de référence du diesel et le prix de référence du biodiesel, accompagnée d’une copie de la décision de la direction générale des nouvelles énergies, des énergies renouvelables et des économies d’énergie attestant qu’ils étaient autorisés à participer aux marchés du biodiesel et indiquant les quotas respectifs de biodiesel alloués, une copie du contrat d’achat de biodiesel conclu avec Pertamina ou AKR, le certificat signé par Pertamina ou AKR et le producteur de biodiesel concerné, revêtu du
cachet des pouvoirs publics indonésiens et comportant les informations relatives au lieu de livraison, au volume et au type de biodiesel et au montant des frais de transport ainsi qu’une copie de l’accord conclu entre l’agence de gestion et le producteur de biodiesel concerné.
190 En outre, la Commission a également estimé, aux considérants 67 et 69 du règlement attaqué, et ce point n’a pas non plus été contesté par les requérantes, que le prix de référence pour le biodiesel payé aux fournisseurs indépendants ne reflétait pas l’offre et la demande dans des conditions normales de marché, hors intervention des pouvoirs publics, et que le montant des coûts de transformation calculé par les pouvoirs publics indonésiens dans le cadre de la formule utilisée pour déterminer le
prix de référence pour le biodiesel était excessif. La Commission a déduit de cette situation, au considérant 68 du règlement attaqué, que, sans ces paiements, les prix du biodiesel en Indonésie seraient plus faibles. Les versements effectués par l’agence de gestion aux producteurs de biodiesel, dès lors qu’ils sont calculés sur la base d’un prix de référence du biodiesel ne résultant pas de conditions normales de marché, ne sauraient être regardés comme un complément de prix que les producteurs
seraient en droit d’obtenir en contrepartie de leurs livraisons à Pertamina ou AKR.
191 Sur la base de ces éléments de fait, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission, eu égard à la large marge d’appréciation qui lui est reconnue quant à la détermination de l’existence d’une contribution financière au sens de l’article 3, point 1, du règlement de base, et conformément à la jurisprudence citée au point 95 ci-dessus, a estimé, au considérant 37 du règlement attaqué, que les fonds versés par le Fonds de plantation des palmiers à huile « ne
s’inscriv[ai]ent donc pas dans le cadre d’un contrat à titre onéreux (tel que l’achat de biodiesel par les pouvoirs publics en échange d’un prix) ». En effet, il ne ressort pas de la présentation des faits que le Fonds de plantation des palmiers à huile intervenait dans la transaction entre les producteurs de biodiesel et les « entités de Petrofuel », à savoir Pertamina et AKR, ni que ledit Fonds recevait une quelconque contrepartie pour les paiements qu’il effectuait. Ainsi, la nature de la
transaction ne permet pas de conclure que les paiements effectués par ledit Fonds faisaient partie d’un schéma d’obligations réciproques.
192 Dans ce contexte, l’argument des requérantes selon lequel la notion de subventions soumises à des conditions doit être interprétée de façon restrictive est inopérant.
193 Par conséquent, l’ensemble de la première branche du quatrième moyen doit être rejeté.
Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 2, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commises par la Commission lorsqu’elle a conclu à l’existence d’un avantage
194 Dans le cadre de la seconde branche, les requérantes contestent la conclusion de la Commission selon laquelle les paiements versés par le Fonds de plantation des palmiers à huile constituent un avantage.
195 Dans le cadre de leur premier grief, les requérantes soutiennent que la Commission s’est fondée sur un scénario contrefactuel manifestement erroné lorsqu’elle a conclu que, en l’absence du Fonds de plantation des palmiers à huile et de ses versements, les producteurs de biodiesel n’auraient pas pu vendre leur produit sur le marché indonésien et que les prix du biodiesel seraient inférieurs. Le Fonds de plantation des palmiers à huile et l’obligation de mélange seraient deux outils juridiques
distincts aux objectifs différents. En l’absence du premier, la seconde existerait tout de même et les mélangeurs seraient tenus d’acheter du biodiesel pour se conformer à l’obligation de mélange.
196 Comme il a été rappelé au point 163 ci-dessus, l’article 3 du règlement de base prévoit qu’une subvention est réputée exister en présence d’une « contribution financière » des pouvoirs publics et si un « avantage » est ainsi conféré. Les articles 6 et 7 dudit règlement précisent les modalités de calcul de l’« avantage conféré ». Selon la jurisprudence, un avantage est accordé au bénéficiaire lorsque celui-ci se trouve dans une situation plus favorable que celle qui aurait été la sienne en
l’absence du régime de subvention. En outre, il ressort de l’article 3, points 1 et 2, du règlement de base que c’est uniquement dans le cas où une contribution financière des pouvoirs publics procure réellement un avantage à un producteur-exportateur qu’une subvention est réputée exister pour ce producteur-exportateur (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, points 195 et 210).
197 En l’espèce, la Commission a estimé, au considérant 65 du règlement attaqué, que le scénario contrefactuel correct n’était pas celui où, en l’absence du Fonds de plantation des palmiers à huile, les mélangeurs paieraient le prix de référence du biodiesel. Selon la Commission, sans l’obligation de mélange, sans le Fonds de plantation des palmiers à huile et sans ses paiements, les mélangeurs n’avaient aucun intérêt à acheter du biodiesel et les producteurs de biodiesel ne recevaient pas le
complément correspondant à la différence entre le prix de référence du diesel et le prix de référence du biodiesel fixé par les pouvoirs publics indonésiens. La Commission a également considéré, comme indiqué au point 190 ci-dessus, que le prix de référence pour le biodiesel payé aux fournisseurs indépendants était excessif.
198 Il ressort du règlement provisoire que l’obligation de mélange a été introduite par le règlement 12/2015 du ministère de l’Énergie et des Ressources minérales (considérant 189). La même année 2015, le Fonds de subvention pour le biodiesel, qui fait partie du Fonds de plantation des palmiers à huile, a été créé par le règlement présidentiel 61/2015 (considérant 40) et l’agence de gestion s’est vu confier la mission de recouvrement des prélèvements à l’exportation sur les produits à base d’huile
de palme qui constituaient le financement du Fonds de plantation des palmiers à huile (considérants 41 et 42). C’est par la même disposition (article 1, paragraphe 4, du règlement présidentiel 61/2015) que les pouvoirs publics indonésiens ont accordé à l’agence de gestion le droit d’utiliser les prélèvements à l’exportation et les taxes à l’exportation instituées sur l’HPB et ses dérivés et ont imposé l’obligation d’acheter et d’utiliser du biodiesel (considérant 60). Les fonds pour payer aux
producteurs de biodiesel la différence entre le prix de référence du diesel et celui du biodiesel provenaient des fonds ainsi alloués à l’agence de gestion.
199 Il apparaît que la mise en œuvre de l’obligation de mélange dans le système conçu par les pouvoirs publics indonésiens dépendait du financement par l’agence de gestion. Il s’agit d’un régime complexe mis en place par les pouvoirs publics indonésiens dans l’objectif de soutenir les achats de biodiesel par les entités désignées par les organismes de l’État, ainsi qu’il ressort des règlements présidentiels 24/2016 et 26/2016 (considérant 44 du règlement provisoire). Le scenario de l’existence de
l’obligation de mélange sans le financement par l’agence de gestion est ainsi purement hypothétique et il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir fondé son analyse sur celui-ci.
200 Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation au sens de la jurisprudence citée aux points 24 et 25 ci-dessus, qui s’applique également à la détermination de l’existence d’un avantage accordé au bénéficiaire d’une subvention, que la Commission a considéré le régime comme un tout et a conclu, au considérant 71 du règlement attaqué, que son existence plaçait les producteurs de biodiesel dans une situation plus favorable que celle qui serait la leur autrement et leur conférait de
ce fait un avantage.
201 En outre, les requérantes n’ont pas contesté la constatation de la Commission selon laquelle, dans ce régime, le montant des coûts de transformation dans le cadre de la formule utilisée pour déterminer le prix de référence pour le biodiesel était excessif (point 197 ci-dessus). Ainsi, comme le souligne à juste titre la Commission, le prix de référence du biodiesel pris en considération par l’agence de gestion pour déterminer le montant de ses versements aux producteurs de biodiesel ne reflète
pas ce que serait le prix dans des conditions de marché. La Commission a pu en déduire, sans commettre d’erreur manifeste, que, grâce à cette contribution financière des pouvoirs publics, les bénéficiaires étaient mieux lotis qu’en l’absence de cette contribution, même dans le scénario contrefactuel proposé par les requérantes.
202 Partant, il convient de rejeter le premier grief des requérantes.
203 Dans le cadre de leur second grief, les requérantes font valoir que, à supposer même qu’un avantage ait été conféré, il a été entièrement répercuté sur les mélangeurs, Pertamina et AKR. Selon les requérantes, le régime du Fonds de plantation des palmiers à huile aurait été conçu pour soutenir les mélangeurs dans leurs achats de biodiesel et leur garantir de payer pour ce produit un prix inférieur au prix de référence du marché, et non pour avantager les producteurs de biodiesel.
204 À cet égard, force est de constater que les arguments des requérantes tendant à contester l’existence d’une contribution financière leur attribuant un avantage ont été rejetés (points 181 à 192 et 195 à 201 ci-dessus). Il est également constant que les paiements en cause, correspondant à la différence entre le prix de référence du diesel et celui du biodiesel, ont été versés par l’agence de gestion aux producteurs de biodiesel, dont les requérantes. Les requérantes restent en défaut d’apporter
des éléments suffisants qui indiqueraient qu’une partie de ces sommes ou de l’avantage tiré de leur paiement a été transférée à AKR et Pertamina. Or, une telle preuve est requise afin d’établir qu’une institution de l’Union a commis une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier l’annulation d’un acte (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 62). Le fait que le régime mis en place par les pouvoirs
publics indonésiens ait pu être bénéfique également pour AKR et Pertamina ne signifie pas que l’avantage conféré aux bénéficiaires a été répercuté sur ces entreprises. En outre, même à supposer que les mélangeurs aient bénéficié de conditions d’achat avantageuses de biodiesel, en acquérant celui-ci au prix de référence du diesel et non au prix de référence du biodiesel, cette circonstance n’exclut pas que, dans le cadre du même régime, les producteurs de biodiesel aient bénéficié d’un autre
avantage, résultant des versements effectués par l’agence de gestion.
205 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second grief et, partant, l’ensemble de la seconde branche du quatrième moyen.
206 L’ensemble des arguments présentés dans le cadre du quatrième moyen ayant été rejetés, ce moyen doit être rejeté.
Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 7 du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commises par la Commission dans le calcul du montant de l’avantage conféré par le régime du Fonds de plantation des palmiers à huile
207 L’argumentation des requérantes dans le cadre du cinquième moyen peut être divisée en deux griefs. Le premier grief concerne l’erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise dans le calcul du montant de l’avantage conféré par le régime du Fonds de plantation des palmiers à huile, en ne déduisant pas du montant de la subvention les prélèvements à l’exportation versés au Fonds de plantation des palmiers à huile et les coûts de transport. Le second grief est tiré de l’erreur
manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise dans le même calcul, en répartissant les paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile sur le chiffre d’affaires total du biodiesel.
208 La Commission, soutenue par EBB, conteste ce moyen.
Sur l’absence de déduction des prélèvements à l’exportation et des coûts de transport du montant de la subvention
209 L’article 7, paragraphe 1, du règlement de base dispose ce qui suit :
« [...] En établissant [le montant de subvention passible de mesures compensatoires], les éléments suivants peuvent être déduits de la subvention totale :
a) tous frais de dossier ou autres coûts nécessairement encourus pour avoir droit à la subvention ou pour en bénéficier ;
b) les taxes à l’exportation, droits ou autres charges prélevés à l’exportation du produit vers l’Union, destinés spécifiquement à la compensation de la subvention.
Lorsqu’une partie intéressée demande une telle déduction, il lui incombe d’apporter la preuve que cette demande est justifiée. »
210 À titre liminaire, il convient de souligner qu’il apparaît clairement, à la lecture de l’article 7, paragraphe 1, du règlement de base, et notamment de la formulation « peuvent être déduits », que la Commission dispose d’une large marge d’appréciation dans l’application de cette disposition, conformément à la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus. La déduction de ces éléments du montant de subvention passible de mesures compensatoires suppose que la partie intéressée prouve que sa demande de
déduction est justifiée. Une fois que cette preuve a été apportée, la Commission doit procéder à la déduction demandée.
211 En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû déduire du montant de la subvention passible de mesures compensatoires les prélèvements à l’exportation versés au Fonds de plantation des palmiers à huile, car ces prélèvements sont de nature différente des impôts habituels et sont liés à l’industrie de biodiesel en faisant partie de sa chaîne de valeur.
212 Force est de constater qu’aucun élément de preuve n’a été présenté par les requérantes, conformément à la charge de preuve qui leur incombe en vertu de l’article 7, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement de base et de la jurisprudence citée au point 204 ci-dessus, permettant d’établir que les prélèvements à l’exportation en question étaient spécifiquement destinés à compenser la subvention. Au contraire, il ressort clairement du considérant 89 du règlement provisoire, et il n’a pas été
contesté par les requérantes, que le prélèvement à l’exportation ne concerne pas uniquement le biodiesel, mais l’« HPB et les produits en aval », dont le biodiesel. Les requérantes n’expliquent pas comment un prélèvement à l’exportation qui concerne plusieurs produits serait spécifiquement destiné à compenser la subvention dont bénéficie l’un de ces produits. En outre, le fait que ces prélèvements financent le Fonds de plantation des palmiers à huile et entrent dans la chaîne de valeur du
biodiesel ne suffit pas pour établir qu’ils étaient spécifiquement destinés à compenser la subvention et, partant, que la Commission se serait méprise sur la portée de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base ou aurait entaché son analyse d’une erreur manifeste.
213 Ainsi, il convient de rejeter cet argument des requérantes.
214 En second lieu, les requérantes soutiennent que les coûts de transport étaient nécessaires, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base, afin de livrer le biodiesel et recevoir ainsi le versement de la part du Fonds de plantation des palmiers à huile et qu’ils auraient dû être déduits du montant de subvention passible de mesures compensatoires. La Commission se serait fondée, à tort, sur sa communication sur le calcul du montant des subventions dans le cadre des enquêtes
antisubventions (JO 1998, C 394, p. 6, ci-après les « lignes directrices sur le calcul du montant des subventions »), un document dépourvu de valeur contraignante, afin de ne pas déduire les coûts de transport en tant que coûts non obligatoires qui étaient payés à des entreprises privées.
215 À cet égard, il convient de relever que les lignes directrices constituent un instrument destiné à préciser, dans le respect des règles de droit de rang supérieur, les critères que la Commission compte appliquer dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation dans le calcul du montant des subventions passibles de mesures compensatoires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T‑26/02, EU:T:2006:75, point 49). Il en découle que, lorsqu’elle adopte
des lignes directrices, la Commission ne saurait se départir du texte de rang supérieur dont elle précise les critères d’application.
216 En outre, selon la jurisprudence, en adoptant des règles de conduite visant à produire des effets externes, comme c’est le cas des lignes directrices qui visent des opérateurs économiques, et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, l’institution en question s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine sous peine de voir ses décisions censurées, le cas échéant, au titre
d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime. Il ne saurait dès lors être exclu que, sous certaines conditions et en fonction de leur contenu, de telles règles de conduite ayant une portée générale puissent déployer des effets juridiques (voir, par analogie, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 210 et 211).
217 Les lignes directrices sur le calcul du montant des subventions prévoient, sous le titre « G. Éléments déductibles du montant de la subvention », que « les seuls frais et coûts pouvant normalement être déduits sont ceux qui sont directement payés aux pouvoirs publics pendant la période d’enquête », qu’« [i]l faut prouver que ces paiements sont obligatoires pour recevoir la subvention » et que « [l]es paiements effectués à des parties privées telles que des juristes ou des comptables dans le
cadre de la demande de subvention ne sont pas déductibles ».
218 Ces précisions sont compatibles avec le texte de rang supérieur qu’elles sont censées expliciter. Premièrement, la précision qu’il faut prouver que les frais et les coûts déductibles sont « obligatoires pour recevoir la subvention » est conforme à la condition prévue par l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base, à savoir que les coûts et les frais déductibles doivent être « nécessairement encourus » pour pouvoir bénéficier de la subvention. Deuxièmement, la précision que « les
seuls frais et coûts pouvant normalement être déduits sont ceux qui sont directement payés aux pouvoirs publics pendant la période d’enquête » est également compatible avec cette disposition. Compte tenu de la large marge d’appréciation de la Commission en la matière, conformément à la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, la Commission n’a pas, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, limité à tort les frais et les coûts déductibles lorsqu’elle a précisé par les lignes
directrices que les « frais de dossier ou autres coûts nécessairement encourus pour avoir droit à la subvention » mentionnés à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base étaient ceux « qui sont directement payés aux pouvoirs publics pendant la période d’enquête ».
219 Partant, c’est à bon droit que la Commission, a appliqué, aux considérants 87 à 92 du règlement attaqué, les lignes directrices sur le calcul du montant des subventions à la demande de déduction des coûts de transport.
220 Or, en l’espèce, premièrement, les requérantes ne font pas valoir que les frais de transport pour la livraison du biodiesel ont été payés directement aux pouvoirs publics indonésiens pendant la période d’enquête. Deuxièmement, leur argument tiré de ce que les versements du Fonds de plantation des palmiers à huile étaient subordonnés à la livraison du biodiesel et, dès lors, que les frais de transport afférents étaient « nécessairement encourus pour avoir droit à la subvention » au sens de
l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base, ne saurait être accepté. En effet, ces frais étaient liés exclusivement à l’exécution du contrat de vente entre les requérantes et Pertamina ou AKR. Le fait que, afin de recevoir les versements par l’agence de gestion, les producteurs de biodiesel devaient joindre à leur facture une série de justificatifs y compris les informations relatives au lieu de livraison, au volume et au type de biodiesel fourni et au montant des frais de
transport ne signifie pas que ces frais étaient « obligatoires pour recevoir la subvention » au sens des lignes directrices sur le calcul du montant des subventions et n’altère pas cette conclusion.
221 En conséquence, il convient de rejeter ces arguments.
Sur la répartition du montant de la subvention sur le chiffre d’affaires total du biodiesel
222 L’article 7, paragraphe 2, du règlement de base dispose que, « [l]orsque la subvention n’est pas accordée par référence aux quantités fabriquées, produites, exportées ou transportées, le montant de la subvention passible de mesures compensatoires est déterminé en répartissant, de façon adéquate, la valeur de la subvention totale sur le niveau de production, de vente ou d’exportation du produit en question au cours de la période d’enquête ».
223 Il ressort des dispositions figurant sous le titre « b) Dénominateur utilisé aux fins de la répartition du montant de la subvention », qui figure lui-même sous le titre « F. Période d’enquête pour le calcul de la subvention : imputation contre répartition » des lignes directrices sur le calcul du montant des subventions, que, « ii) Pour les subventions autres qu’à l’exportation, les ventes totales (intérieures et à l’exportation) doivent être utilisées comme dénominateur, puisque ces subventions
sont accordées tant sur les ventes intérieures que sur les ventes à l’exportation ».
224 En l’espèce, au considérant 81 du règlement provisoire, confirmé au considérant 100 du règlement attaqué, la Commission a réparti les montants des subventions sur le chiffre d’affaires total généré par les ventes de biodiesel des producteurs-exportateurs au cours de la période d’enquête, chiffre d’affaires incluant les ventes intérieures et les ventes à l’exportation.
225 Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur manifeste en répartissant le montant des versements reçus par le Fonds de plantation des palmiers à huile sur le chiffre d’affaires total de leurs ventes de biodiesel. Selon elles, ces montants auraient dû être répartis uniquement sur les ventes de biodiesel sur le marché intérieur indonésien, qui seraient les seules justifiant l’obtention des versements par le Fonds de plantation des palmiers à huile.
226 Toutefois, premièrement, les subventions n’étant pas accordées par référence aux quantités fabriquées, produites, exportées ou transportées, la Commission, en répartissant les montants des subventions sur le chiffre d’affaires total généré par les ventes, au cours de la période d’enquête, du produit concerné, à savoir le biodiesel, s’est conformée à l’article 7, paragraphe 2, du règlement de base. Deuxièmement, et puisque, en l’espèce, les subventions en question ne sont pas des subventions à
l’exportation, la Commission a agi conformément aux lignes directrices sur le calcul du montant des subventions en utilisant comme dénominateur les ventes totales (intérieures et à l’exportation) de ce produit. Comme le souligne à juste titre la Commission, les versements du Fonds de plantation des palmiers à huile ne limitaient pas leurs effets sur le marché intérieur indonésien, mais constituaient un soutien apporté aux producteurs de biodiesel et pouvaient également leur conférer un avantage
sur les ventes à l’exportation. L’argument des requérantes présenté dans leurs écritures et à l’audience, selon lequel, si le principe que l’argent est un bien fongible devait être appliqué, l’avantage devrait être réparti sur toutes les ventes, n’est pas de nature à altérer cette conclusion, mais plutôt à la conforter. En effet, un tel argument revient à accepter que la répartition devrait se faire sur une base plus large que les seules ventes de biodiesel sur le marché intérieur.
227 Il s’ensuit que l’approche consistant à prendre en compte le chiffre d’affaires total des ventes du biodiesel est appropriée et n’apparaît donc pas manifestement erronée.
228 Par ailleurs, les requérantes soutiennent que, en ne répondant pas, dans le règlement attaqué, à leur argument selon lequel le montant de la subvention aurait dû être réparti sur leur chiffre d’affaires total, la Commission a violé son obligation de motivation.
229 Selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, point 280). Ainsi, la Commission n’est pas tenue de répondre, dans la
motivation du règlement provisoire ou définitif, à tous les points de fait et de droit invoqués par les intéressés au cours de la procédure administrative (voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company Kazchrome et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 256 et jurisprudence citée). Par ailleurs, la Commission n’est pas tenue de motiver spécialement, dans le règlement instituant un droit compensatoire définitif, l’absence de prise en considération des
différents arguments avancés par les parties au cours de la procédure administrative. Il suffit que ce règlement contienne une justification claire des principaux éléments intervenus dans son analyse, dès lors que cette justification est susceptible d’éclairer les raisons pour lesquelles la Commission a écarté les arguments pertinents invoqués sous cet aspect par les parties lors de la procédure administrative (voir, par analogie, arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil,
T‑442/12, EU:T:2017:372, point 90).
230 Toutefois, lorsque, dans une affaire d’antisubventions, les intéressés insistent durant la procédure administrative pour obtenir des réponses ou des éclaircissements concernant des modalités essentielles des calculs effectués par les institutions, il y a lieu de considérer que ces dernières doivent d’autant plus motiver leur décision de manière telle que les intéressés soient en mesure de comprendre les calculs ainsi effectués (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2017, Viraj
Profiles/Conseil, T‑67/14, non publié, EU:T:2017:481, point 127). En outre, la motivation d’un acte doit figurer dans le corps même de celui-ci et ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, résulter des explications écrites ou orales données ultérieurement, alors qu’il fait déjà l’objet d’un recours devant le juge de l’Union (arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 91)
231 En l’espèce, il est constant que l’une des requérantes a fait valoir lors de la procédure administrative, à titre subsidiaire, que le montant de la subvention devrait être réparti sur son chiffre d’affaires total, incluant tant le biodiesel que les autres produits et que le règlement attaqué ne répond pas explicitement à cet argument. Toutefois, il apparaît clairement à la lecture du considérant 81 du règlement provisoire, dont l’analyse a été confirmée par le règlement attaqué, que la
répartition a eu lieu conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement de base, qui prévoit la répartition de la valeur de la subvention totale sur le niveau de production de vente ou d’exportation du « produit en question », qui est, en l’espèce, le biodiesel.
232 Il ressort que cette justification est susceptible d’éclairer les raisons pour lesquelles la Commission a écarté les arguments invoqués sous cet aspect par les parties lors de la procédure administrative conformément à la jurisprudence citée au point 229 ci-dessus.
233 En outre, la méthode de la répartition du montant de la subvention ressort à suffisance de droit du considérant 100 du règlement attaqué et du considérant 81 du règlement provisoire, ce qui a permis aux requérantes de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle, comme il ressort des points 225 et suivants ci-dessus. Partant, il convient de rejeter cet argument conformément à la jurisprudence citée au point 141
ci-dessus.
234 Dès lors, le grief tiré de l’existence d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.
235 L’ensemble des griefs présentés dans le cadre du cinquième moyen ayant été rejetés, ce moyen doit être écarté.
Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphes 1 et 8, du règlement de base, dans la détermination de l’existence d’une menace de préjudice important
236 Dans le cadre du sixième moyen, les requérantes font valoir que la Commission a violé l’article 8, paragraphes 1 et 8, du règlement de base, dès lors qu’elle a conclu à l’existence d’une menace de préjudice important sans examiner certains facteurs énoncés à l’article 8, paragraphe 8, du règlement de base et sans prendre en compte l’ensemble des éléments de preuve produits.
237 En l’espèce, la Commission a conclu, aux considérants 319 et 320 du règlement attaqué, que l’industrie de l’Union n’avait pas subi de préjudice important au cours de la période d’enquête, même si ladite industrie n’était pas solide. Elle a toutefois considéré qu’il existait, en l’espèce, une menace de préjudice important pour ladite industrie.
238 À titre liminaire, il convient de rappeler, à cet égard, que l’article 2, sous d), du règlement de base définit le terme « préjudice » comme s’entendant, sauf indication contraire, notamment, d’un préjudice important causé à une industrie de l’Union ou d’une menace de préjudice important pour une telle industrie, et qu’il renvoie aux dispositions de l’article 8 pour l’interprétation de cette notion.
239 L’article 8, paragraphe 1, de ce règlement régit la détermination de l’existence d’un préjudice. Celle-ci doit comporter un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet de subventions et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.
240 L’article 8, paragraphe 8, du règlement de base régit la « détermination de l’existence d’une menace de préjudice important ». Il est précisé que cette détermination doit se fonder sur des faits et non seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités, et que le changement de circonstances qui créerait une situation où la subvention causerait un préjudice doit être clairement prévisible et imminent. Il en résulte que la constatation d’une menace de préjudice doit
ressortir nettement des faits de l’espèce. Il en résulte également que le préjudice qui fait l’objet d’une menace doit se produire à brève échéance (voir, par analogie, arrêt du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil, T‑528/09, EU:T:2014:35, point 54).
241 Cette disposition énumère de manière non limitative les facteurs qu’il convient de prendre en considération pour la détermination de l’existence d’une menace de préjudice important (voir, par analogie, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans les affaires jointes ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a./Conseil et Conseil/Hubei Xinyegang Steel, C‑186/14 P et C‑193/14 P, EU:C:2015:767, point 44), à savoir des facteurs tels que :
« a) la nature des subventions en question et les effets commerciaux qu’elles sont susceptibles d’entraîner ;
b) un taux d’accroissement notable des importations faisant l’objet de subventions sur le marché de l’Union dénotant la probabilité d’une augmentation substantielle des importations ;
c) la capacité suffisante et librement disponible de l’exportateur ou l’augmentation imminente et substantielle de cette capacité dénotant la probabilité d’une augmentation substantielle des exportations faisant l’objet de subventions vers l’Union, compte tenu de l’existence d’autres marchés d’exportation pouvant absorber des exportations additionnelles ;
d) l’arrivée d’importations à des prix qui pourraient déprimer sensiblement les prix intérieurs ou empêcher dans une mesure notable des hausses de prix et accroîtraient probablement la demande de nouvelles importations ;
e) les stocks du produit faisant l’objet de l’enquête. »
242 L’article 8, paragraphe 8, du règlement de base précise également qu’aucun de ces facteurs ne constitue une base de jugement déterminante, mais que la totalité des facteurs considérés doit amener à conclure que d’autres exportations faisant l’objet de subventions sont imminentes et qu’un préjudice important se produira si des mesures de protection ne sont pas prises.
243 En outre, la Cour a déjà précisé que l’existence d’une menace de préjudice, tout comme celle d’un préjudice, devait être établie à la date d’adoption de la mesure antisubventions, eu égard à la situation de l’industrie de l’Union à cette date. En effet, ce n’est qu’au regard de cette situation que les institutions de l’Union peuvent déterminer si l’augmentation imminente des importations futures faisant l’objet d’une subvention causera un préjudice important pour cette industrie, dans
l’hypothèse où aucune mesure de défense commerciale ne serait prise. Toutefois, les institutions de l’Union sont habilitées à prendre en considération, dans certaines circonstances, les données postérieures à une période d’enquête (voir, par analogie, arrêt du 4 février 2021, eurocylinder systems, C‑324/19, EU:C:2021:94, points 40 et 41).
244 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que l’examen d’une menace de préjudice suppose
l’évaluation de questions économiques complexes et que le contrôle juridictionnel de cette appréciation doit, dès lors, être limité à la vérification du respect des règles de droit et de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Ce contrôle juridictionnel limité n’implique pas que le juge de l’Union s’abstienne de contrôler l’interprétation, par
les institutions, de données de nature économique (voir, par analogie, arrêt du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil, T‑528/09, EU:T:2014:35, point 53). En particulier, il appartient au Tribunal de vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de
nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, par analogie, arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 64).
245 En outre, la conclusion de la Commission quant à la situation de l’industrie de l’Union, établie dans le cadre de l’analyse d’un préjudice important causé à une industrie de l’Union, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement de base, reste, en principe, pertinente dans le cadre de l’analyse de la menace de préjudice important pour cette industrie, au sens de l’article 8, paragraphe 8, de ce règlement (voir, par analogie, arrêt du 4 février 2021, eurocylinder systems, C 324/19,
EU:C:2021:94, point 42).
246 C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner si la Commission a violé l’article 8, paragraphes 1 et 8, lorsqu’elle a conclu, au considérant 405 du règlement attaqué, que, pendant la période d’enquête, les importations en provenance d’Indonésie avaient constitué une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union.
Sur la situation de l’industrie de l’Union
247 Pour parvenir à la conclusion que l’industrie de l’Union n’était pas solide au cours de la période d’enquête, la Commission a pris en considération plusieurs indicateurs microéconomiques et macroéconomiques aux considérants 309 à 340 du règlement provisoire et a confirmé cette analyse aux considérants 279 à 317 du règlement attaqué, dans lequel elle a également examiné, aux considérants 321 à 341, des indicateurs économiques postérieurs à la période d’enquête.
248 Les requérantes, sans remettre en cause la véracité des données utilisées par la Commission, font valoir que, à la lumière des indicateurs microéconomiques et macroéconomiques témoignant de certaines tendances positives, c’est à tort que la Commission soutient que l’industrie de l’Union était dans une situation délicate.
249 En premier lieu, quant aux indicateurs macroéconomiques premièrement,, les requérantes avancent que la production de l’Union, la capacité de production et l’utilisation des capacités ont augmenté au cours de la période d’enquête.
250 À cet égard, il convient d’observer qu’il ressort du tableau 3 repris au considérant 268 du règlement provisoire que, après une augmentation entre 2015 et 2017, la production de l’Union est restée quasiment stable entre 2017 et la période d’enquête (une augmentation de 13071053 à 13140582 tonnes pour un indice stable de 111), tandis que la consommation de l’Union a augmenté considérablement, ainsi qu’il ressort du tableau 4 repris au considérant 271 du règlement provisoire (de 14202128
à 15634102 tonnes, une augmentation de 10,08 %). Il en ressort que la production de l’Union n’a pas suivi l’augmentation de la consommation de l’Union, donc de la demande. De plus, il ressort du tableau 8 repris au considérant 309 du règlement provisoire que la capacité de production de l’Union a augmenté légèrement entre 2017 et la période d’enquête (de 16594853 tonnes à 17031230 tonnes), tandis que l’utilisation de ces capacités, après avoir augmenté en 2015, 2016 et 2017, a légèrement baissé
entre 2017 et la période d’enquête.
251 Sur la base de ces données, la Commission a estimé, au considérant 310 du règlement provisoire, que l’augmentation des capacités de production de l’industrie de l’Union était nettement inférieure à celle de la demande étant donné que ladite industrie n’avait pu tirer parti de la croissance du marché que dans une très faible mesure en raison de la forte hausse des importations faisant l’objet de subventions, en particulier pendant la période d’enquête.
252 Cette constatation correspondant aux données analysées et étant de nature à étayer la conclusion que l’industrie de l’Union se trouvait dans une situation délicate, le premier argument des requérantes doit être rejeté.
253 Deuxièmement, les requérantes font valoir que le volume des ventes a augmenté.
254 Toutefois, il ressort clairement du tableau 9 repris au considérant 314 du règlement provisoire que, si le volume des ventes sur le marché de l’Union a augmenté entre 2015 et 2017, ces ventes ont diminué entre 2017 et la période d’enquête, période qui correspond, comme l’observe la Commission au considérant 317 du règlement provisoire, à la suppression des droits sur les importations en provenance d’Indonésie. Dès lors, il convient de rejeter cet argument des requérantes.
255 Troisièmement, les requérantes soutiennent que l’industrie de l’Union a conservé une part de marché élevée, entre 81 % et 95 %.
256 Toutefois, force est de constater qu’il ressort du tableau 9 repris au considérant 314 du règlement provisoire que la part de marché de l’industrie de l’Union a beaucoup diminué entre 2017 et la période d’enquête (de 91,6 % à 81,5 %). La Commission explique, au considérant 317 dudit règlement, et les requérantes ne remettent pas en cause ce point, que cette diminution s’explique par la suppression des droits sur les importations en provenance d’Indonésie qui a modifié la situation du marché en
mars 2018, pendant la période d’enquête. Au vu de ces données, il convient de rejeter cet argument des requérantes.
257 Quatrièmement, les requérantes avancent que l’emploi et la productivité affichent des tendances positives.
258 En effet, il ressort du tableau 10 repris au considérant 319 du règlement provisoire que le nombre des salariés de l’industrie de l’Union a légèrement augmenté entre 2015 et la période d’enquête (de 78 salariés). Toutefois, la productivité a diminué entre 2017 et la période d’enquête (de 4782 tonnes par salarié à 4625 tonnes par salarié). Il en résulte que la légère augmentation du nombre de salariés ne suffit pas, à elle seule, à invalider les conclusions de la Commission tirées de l’ensemble
des indicateurs macroéconomiques. En effet, selon la jurisprudence, si l’examen des institutions doit mener à la conclusion que la menace de préjudice est importante, il n’est pas exigé que tous les facteurs et les indices économiques pertinents démontrent une tendance négative (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 avril 2018, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission, T‑675/15, non publié, EU:T:2018:209, point 93 et jurisprudence citée).
259 Il s’ensuit qu’il convient de rejeter ces arguments des requérantes.
260 En second lieu, quant aux indicateurs microéconomiques, premièrement, les requérantes soutiennent que les prix de vente dans l’Union ont augmenté.
261 Or, force est de constater qu’il ressort du tableau 11 repris au considérant 325 du règlement provisoire que, après avoir augmenté entre 2015 et 2017, période pendant laquelle il existait des droits sur les importations en provenance d’Indonésie, les prix ont chuté de 832 euros par tonne à 794 euros entre 2017 et la période d’enquête. Dès lors, il convient de rejeter cet argument des requérantes.
262 Deuxièmement, les requérantes avancent que les coûts de production ont baissé depuis 2017.
263 En effet, il ressort du tableau 11 repris au considérant 325 du règlement provisoire que les coûts de production ont baissé de 827 euros par tonne à 791 euros par tonne entre 2017 et la période d’enquête. Toutefois, il résulte de l’ensemble des données de ce tableau, en particulier de la baisse du prix de vente, que l’industrie de l’Union n’a pas pu bénéficier de cette baisse des coûts, car elle a dû répercuter intégralement cette baisse sur ses clients, comme l’observe à juste titre la
Commission au considérant 328 du règlement provisoire. Dès lors, il convient de rejeter cet argument des requérantes.
264 Troisièmement, les requérantes soutiennent que les flux de liquidités, la rentabilité des ventes et le rendement des investissements ont évolué positivement.
265 À cet égard, force est de constater qu’il ressort du tableau 14 repris au considérant 334 du règlement provisoire que les flux des liquidités ont augmenté entre 2015 et 2017 (avec une forte augmentation entre 2016 et 2017) pour ensuite retomber aux niveaux de 2016. Il n’est donc pas possible de déduire une évolution positive, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes.
266 En ce qui concerne le rendement des investissements, il a considérablement augmenté entre 2015 et 2016 pour ensuite rester relativement stable (18 % en 2016, 16 % en 2017 et 17 % pendant la période d’enquête). Or, cette stabilisation du rendement des investissements, ainsi que la stabilisation de la rentabilité des ventes dans l’Union à des clients indépendants à 0,8 % en 2017 et pendant la période d’enquête, un taux qui reste faible, ne remettent pas en cause les conclusions de la Commission
quant à la situation de l’industrie de l’Union fondées sur l’ensemble des éléments pertinents à cet égard.
267 Quant aux données postérieures à l’enquête, les requérantes font valoir qu’elles ne sont pas représentatives et ne sauraient être invoquées pour en tirer des conclusions valables.
268 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’habilitation à prendre en considération, dans certaines circonstances, les données postérieures à une période d’enquête se justifie dans le cadre d’enquêtes ayant pour objet non pas la constatation d’un préjudice, mais la détermination d’une menace de préjudice qui, par nature, implique une analyse prospective. Ces données peuvent ainsi être utilisées pour confirmer ou infirmer les prévisions figurant dans le règlement de la
Commission instituant un droit compensateur provisoire et permettre, dans la première hypothèse, d’instaurer un droit compensateur définitif. Toutefois, l’utilisation, par les institutions de l’Union, des données postérieures à la période d’enquête ne saurait échapper au contrôle du juge de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 4 février 2021, eurocylinder systems, C‑324/19, EU:C:2021:94, point 41).
269 En l’espèce, la Commission a étudié, aux considérants 321 à 341 du règlement attaqué, les données relatives à la période allant du mois d’octobre 2018 au mois de juin 2019 (ci-après la « période postérieure à l’enquête ») et a conclu que, au cours de la période postérieure à l’enquête, la situation économique de l’industrie de l’Union s’était encore détériorée.
270 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir utilisé des données non représentatives, car, premièrement, il est mentionné dans le règlement attaqué que, pour quatre des neuf mois de la période postérieure à l’enquête, les données étaient faussées en raison des circonstances exceptionnelles rencontrées par un producteur et, deuxièmement, il est constaté, au considérant 322 du règlement attaqué, que « les chiffres relatifs à la période d’enquête ne sont pas directement comparables aux
chiffres concernant la période postérieure à l’enquête ».
271 Ces allégations des requérantes ne sont pas fondées. En effet, la Commission a pris soin de préciser les circonstances permettant de relativiser la représentativité des données de la période postérieure à l’enquête ou d’en justifier la pertinence. Premièrement, elle a expliqué, au considérant 331 du règlement attaqué, que les bénéfices plus élevés de l’hiver 2018-2019 ont été exceptionnels, car ils ont été enregistrés par une société retenue dans l’échantillon qui a pu profiter de difficultés
temporaires d’approvisionnement dans sa région qui lui ont permis d’augmenter ses prix et, partant, ses bénéfices au cours de cette période. Deuxièmement, la Commission a souligné, au considérant 322 dudit règlement, que les chiffres relatifs à la période d’enquête n’étaient pas directement comparables aux chiffres concernant la période postérieure à l’enquête. Ainsi, elle a relevé que, d’une part, compte tenu des délais impartis pour l’enquête, certains indicateurs macroéconomiques n’avaient pu
être analysés que pour les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon. D’autre part, elle a comparé les douze mois de la période d’enquête aux neuf mois de la période postérieure à l’enquête, car les données relatives à la période postérieure à l’enquête sur douze mois n’étaient pas encore disponibles.
272 Il en résulte que ces données peuvent être utilisées pour confirmer ou infirmer les prévisions figurant dans le règlement de la Commission instituant un droit compensateur provisoire afin de permettre d’instituer un droit compensateur définitif, conformément à la jurisprudence citée au point 268 ci-dessus,.
273 Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter les arguments des requérantes, sans qu’il soit besoin de statuer sur la question de leur recevabilité, abordée implicitement par la Commission, selon laquelle ces arguments ont été soulevés pour la première fois au stade de la réplique (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2017, France/Commission, T‑344/15, EU:T:2017:250, point 92).
Sur la nature des subventions en cause et les effets commerciaux qu’elles sont susceptibles d’entraîner
274 Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas tenu compte des éléments de preuve qu’elles-mêmes et d’autres parties ont fournis concernant la nature et les effets des subventions en cause. Ces éléments auraient démontré, d’une part, que la prétendue livraison d’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate ne produisait plus d’effets commerciaux, car la taxe et le prélèvement à l’exportation avaient cessé de s’appliquer au mois de décembre 2018, et, d’autre part, que les paiements
effectués en vertu du programme du Fonds de plantation des palmiers à huile étaient devenus nuls entre le mois de septembre et le mois de décembre 2018, avant de reprendre à des niveaux inférieurs à partir du mois de janvier 2019, et ne produisaient pas non plus d’effets commerciaux sur les activités d’exportation des producteurs de biodiesel indonésiens. En outre, tout avantage obtenu par le Fonds de plantation des palmiers à huile devrait être réparti uniquement sur les ventes de biodiesel sur
le marché intérieur.
275 À cet égard, il convient de rappeler que les arguments des requérantes visant à invalider les conclusions de la Commission concernant la sous-cotation des prix, la fourniture d’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate et l’existence d’une subvention sous la forme d’un transfert direct de fonds de la part du Fonds de plantation des palmiers à huile ont été rejetés dans le cadre des premier, troisième et quatrième moyens, respectivement. Les arguments concernant la répartition du montant
de la subvention sur le chiffre d’affaires total du biodiesel ont été rejetés dans le cadre du cinquième moyen.
276 Dans ces conditions, les faits avancés par les requérantes, relatifs à la fixation à zéro de la taxe à l’exportation, la suspension du prélèvement à l’exportation depuis le mois de décembre 2018 et la fluctuation des paiements effectués en vertu du programme du Fonds de plantation des palmiers à huile, qui sont tous relatifs à la période postérieure à l’enquête, ne sauraient invalider la conclusion de la Commission que les pouvoirs publics indonésiens ont, par une série de mesures, faussé le
marché intérieur de l’HPB en Indonésie et ont maintenu le prix de ce produit à un niveau artificiellement bas au profit de l’industrie du biodiesel en aval (voir considérants 80, 162, 172, 190, 203 du règlement provisoire).
277 Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a constaté, au considérant 343 du règlement attaqué, comme elle l’avait relevé au considérant 349 du règlement provisoire, que les subventions en question étaient de nature à maintenir les exportations de biodiesel indonésien à un niveau de prix affectant encore plus négativement l’industrie de l’Union, confirmant ainsi (considérant 351 du règlement attaqué) l’appréciation figurant, au considérant 350 du règlement
provisoire, selon laquelle les mesures prises par les pouvoirs publics indonésiens affectaient la situation économique de l’industrie de l’Union.
Sur le taux d’accroissement des importations faisant l’objet de subventions
278 Les requérantes allèguent que les données relatives à la période postérieure à l’enquête ne révèlent pas d’augmentation des importations de biodiesel indonésien sur le marché de l’Union et que, par conséquent, il serait peu probable qu’une telle augmentation se produise à l’avenir.
279 Toutefois, force est de constater, et les requérantes ne remettent pas en cause l’exactitude de ces données, qu’il ressort du tableau 4 repris au considérant 353 du règlement attaqué que les importations en provenance d’Indonésie étaient plus importantes pendant les trois trimestres de la période postérieure à l’enquête (581078 tonnes) que pendant les quatre trimestres de la période d’enquête (516068 tonnes). L’argument des requérantes selon lequel le volume trimestriel des importations de la
période postérieure à l’enquête était inférieur au volume des importations du troisième trimestre 2018 ne saurait invalider les conclusions de la Commission quant au taux d’accroissement des importations. En effet, comme le souligne à juste titre la Commission au considérant 355 du règlement attaqué, les trois premiers trimestres suivant la période d’enquête ne sont pas directement comparables aux trois derniers trimestres de la période d’enquête compte tenu des variations saisonnières et le pic
atteint en 2018, soit 263678 tonnes au troisième trimestre, ne saurait être comparé au résultat du troisième trimestre 2019, étant donné que les importations réalisées au cours de ce dernier ont été affectées par l’institution de droits provisoires.
280 Partant, il convient de rejeter les allégations des requérantes selon lesquelles les données relatives à la période postérieure à l’enquête ne révèlent aucune augmentation des importations.
281 Les requérantes font également valoir que l’adoption de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (JO 2018, L 328, p. 82), restreint les importations d’EMP.
282 À cet égard, force est de constater que cette directive a été adoptée après la période d’enquête et que son délai de transposition n’expirait que le 30 juin 2021, conformément à son article 36, paragraphe 1. En outre, en vertu de l’article 26, paragraphe 2, de ladite directive, la pleine limitation de l’importation des « biocarburants, bioliquides et combustibles issus de la biomasse produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine et animale, présentant un risque élevé d’induire
des changements indirects dans l’affectation des sols et dont la zone de production gagne nettement sur les terres présentant un important stock de carbone » sera progressive, à partir du 31 décembre 2023, conformément à l’article 26, paragraphe 2, de ladite directive. Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a estimé, au considérant 360 du règlement attaqué, que l’effet de cette directive n’était pas prévisible et qu’elle « n’a[vait] pas d’incidence sur
l’analyse en cours de la menace de préjudice que les importations indonésiennes font peser sur l’industrie de l’Union dans un avenir proche ».
283 Dès lors, il convient de rejeter les arguments des requérantes.
Sur la capacité suffisante et librement disponible de l’exportateur
284 S’agissant de la capacité de production librement disponible des exportateurs indonésiens, les requérantes soutiennent que la Commission a reçu des informations contradictoires des pouvoirs publics indonésiens et d’EBB et qu’elle a choisi de s’appuyer sur les informations reçues par EBB et le rapport « US Gain de Jakarta » de 2019 relatif aux biocarburants indonésiens. Dans ces conditions, la Commission aurait dû conclure que les éléments de preuve disponibles à ce sujet étaient peu probants.
285 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 244 ci-dessus, il appartient au Tribunal de vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées.
286 Dans ce cadre, il y a lieu de considérer que, lorsque les institutions évaluent un risque de menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union, compte tenu des capacités de production et d’exportation dans le pays exportateur, elles doivent tenir compte non seulement de l’existence d’autres marchés d’exportation, mais aussi d’une éventuelle évolution de la consommation intérieure dans le pays exportateur (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang
Steel/Conseil, T‑528/09, EU:T:2014:35, point 81).
287 En l’espèce, les requérantes ne remettent pas en cause les constatations de la Commission faites aux considérants 353 et 354 du règlement provisoire, fondées sur des informations fournies par les pouvoirs publics indonésiens, selon lesquelles les capacités de production des producteurs indonésiens de biodiesel dépassent largement la demande intérieure d’environ 300 % et que les capacités inutilisées des producteurs indonésiens au cours de la période d’enquête sont estimées à environ 40 % de la
consommation de l’Union. Elles ne contestent pas non plus la constatation de la Commission figurant au considérant 373 du règlement attaqué selon laquelle, selon le rapport « US GAIN de Jakarta » de 2019, la capacité indonésienne de production de biodiesel devrait passer de 11,5 milliards de litres à 13 milliards de litres entre 2019 et 2021.
288 Les requérantes font valoir que les pouvoirs publics indonésiens ont fourni des informations révélant une utilisation attendue des capacités de 85 % pour 2019. Or, il apparaît à la lecture des arguments des pouvoirs publics indonésiens du 6 septembre 2019 auxquels renvoient les requérantes que l’utilisation des capacités de 85 % pour 2019 résulte d’une extrapolation des données disponibles pour la période de janvier à mai 2019 et concerne la partie de la production utilisée par la demande
interne et externe. Les requérantes n’expliquent pas précisément comment ces données remettent en cause les conclusions de la Commission. En outre, même dans le cas de figure soumis par les requérantes, il demeurait, en 2019, 15 % des capacités de production non utilisées.
289 Les requérantes soutiennent également que les pouvoirs publics indonésiens ont fourni des informations tendant à démontrer que l’Indonésie passerait en 2020 d’un mélange obligatoire dit « B20 », c’est-à-dire d’un mélange de biodiesel et de diesel minéral contenant 20 % de biodiesel, à un mélange obligatoire « B30 », contenant 30 % de biodiesel, ce qui absorberait la totalité de la capacité librement disponible des producteurs indonésiens. La Commission aurait donc, à tort, pris le parti d’EBB
qui soutenait que la mise en œuvre de l’obligation de mélange « B20 » avait posé des problèmes et que le passage de l’obligation de mélange « B20 » à un mélange « B30 » pourrait poser des problèmes similaires.
290 Plus précisément, les requérantes font valoir qu’il ressort du rapport « US GAIN de Jakarta » de 2019 que l’obligation de mélange « B20 » n’a été étendue au secteur des transports ne relevant pas des obligations de service public qu’au mois de septembre 2018, ce qui a conduit à une augmentation de la consommation locale de biodiesel de 54 % en 2019 et que le taux de mélange a subi une augmentation exponentielle depuis 2017 (passant de 8,2 % en 2017 à 12,7 % en 2018, pour atteindre 19,9 %
en 2019). Des déclarations reprises dans ledit rapport affirmeraient que la mise en œuvre de l’obligation de mélange « B30 » est prévue pour 2020.
291 Il ressort des considérants 374 à 376 du règlement attaqué que la Commission a pris acte des observations des pouvoirs publics indonésiens concernant le passage de l’obligation de mélange « B20 » à une obligation de mélange « B30 ».
292 Or, la Commission a relevé, au considérant 382 du règlement attaqué, que, selon le rapport « US GAIN de Jakarta » de 2019, l’obligation de mélange « B20 », qui était un objectif obligatoire dès 2016, ne pourrait être satisfaite pour la première fois qu’en 2019, soit trois ans après la date limite fixée. Les requérantes acceptent, dans leurs écritures, l’exactitude de cette information.
293 Il ressort également du considérant 376 du règlement attaqué que la Commission a étudié les données fournies par les pouvoirs publics indonésiens en relation avec des informations fournies par EBB dans ses observations du 29 avril 2019, montrant que les opérateurs indonésiens rencontraient des difficultés en matière de distribution, de disponibilité des infrastructures de stockage et de mélange dans la mise en œuvre de l’obligation de mélange « B20 » et que cette obligation avait pour objectif
de réduire les importations de diesel minéral, plutôt que de réduire les exportations de biodiesel vers d’autres marchés. Elle a aussi pris en considération, au considérant 377 du règlement attaqué, des informations fournies par EBB démontrant que la mise en œuvre de l’obligation de mélange « B30 » devrait prendre du temps.
294 Concernant la possibilité d’augmentation des taux de mélange à 30 % en une seule année, la Commission a considéré, au point 383 du règlement attaqué, que, en tenant compte de l’augmentation des taux de mélange depuis 2011, une augmentation de 19,9 % à 30 % semblait extrêmement ambitieuse.
295 À cet égard, force est de constater que, comme le font valoir les requérantes (voir point 290 ci-dessus), l’augmentation la plus importante du taux de mélange a eu lieu de 2018 à 2019, le taux de mélange passant de 12,7 % à 19,9 %. Or, cette augmentation, de 7,2 points de pourcentage, était nettement inférieure aux 10 points de pourcentage nécessaires pour atteindre l’obligation de mélange « B30 » en une année.
296 Au vu des observations qui précèdent, la Commission s’est conformée à son obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 53), et c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation qu’elle a conclu, au considérant 384 du règlement attaqué, qu’il était peu probable qu’une obligation de mélange « B30 » soit
respectée dans un avenir proche et ait une incidence significative sur les capacités inutilisées en Indonésie à court terme.
297 Il y a lieu de constater que les requérantes restent en défaut d’apporter des éléments suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenues dans le règlement attaqué concernant l’obligation de mélange. Or, une telle preuve étant requise afin d’établir qu’une institution de l’Union a commis une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier l’annulation d’un acte (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11,
EU:T:2014:773, point 62), ces circonstances suffisent pour rejeter ces arguments des requérantes.
Sur le niveau de prix des importations faisant l’objet des subventions
298 Les requérantes soutiennent que, concernant le niveau de prix des importations faisant l’objet des subventions, la Commission s’est contentée de renvoyer à ses conclusions en matière de sous-cotation, qui, comme il aurait été démontré dans le cadre du premier moyen, ne satisfont pas aux exigences de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base. De plus, les importations en provenance d’Indonésie n’exerceraient pas de pression sur les prix de l’Union.
299 À cet égard, il convient de rappeler que les arguments avancés par les requérantes dans le cadre de leur premier moyen visant à démontrer que la Commission a violé l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, lors de la détermination de la sous-cotation des prix, et que la Commission a retenu à tort que les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie avaient exercé une pression sur les prix de l’Union ont été rejetés dans leur intégralité. En outre, il ressort du tableau 7
repris au considérant 283 du règlement provisoire et il n’a pas été contesté par les requérantes, que le prix à l’importation du biodiesel en provenance d’Indonésie était de 671 euros par tonne pendant la période d’enquête, tandis que, comme il ressort du tableau 11 repris au considérant 325 du règlement provisoire, le prix de vente unitaire moyen dans l’Union a chuté de 832 euros par tonne à 794 euros par tonne entre 2017 et la période d’enquête.
300 En conséquence, il convient de rejeter ces arguments des requérantes et, partant, le sixième moyen.
Sur le septième moyen, tiré de la violation des droits de la défense des requérantes
301 Dans le cadre de leur septième moyen, les requérantes font valoir que certaines informations ne leur ont été divulguées que dans le règlement attaqué, les privant ainsi de la possibilité de formuler des observations à ce sujet. Selon les requérantes, il ne saurait être exclu que si elles avaient pu présenter leurs observations sur ces points, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.
302 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir arrêt du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598,
point 83 et jurisprudence citée).
303 En vertu dudit principe, les entreprises intéressées doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de subventions et du préjudice qui en résulterait (voir, par analogie, arrêts du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko
Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 76, et du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, EU:T:2004:317, point 289 et jurisprudence citée).
304 Si, certes, le respect des droits de la défense revêt une importance capitale dans les procédures d’enquêtes antisubventions (voir, par analogie, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 77 et jurisprudence citée), l’existence d’une irrégularité en ce qui concerne le respect de ces droits ne saurait conduire à l’annulation d’un règlement instaurant un droit compensateur que dans la mesure où il existe une
possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent, affectant ainsi concrètement les droits de la défense de la partie concernée (voir arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 77 et jurisprudence citée).
305 Selon la jurisprudence, il ne saurait être imposé à la partie requérante de démontrer que la décision des institutions aurait été différente, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue dès lors qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité procédurale affectant ainsi concrètement les droits de la défense (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P
et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, points 78 et 79).
306 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si les droits de la défense des requérantes ont été violés au cours de la procédure d’enquête.
307 En premier lieu, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir effectué, aux considérants 230 à 233 du règlement attaqué, de nouvelles constatations relatives à la faible sensibilité de la demande de biodiesel aux variations de prix sur le marché du biodiesel de l’Union, affirmant qu’un prix peu élevé du biodiesel n’entraînait pas une augmentation de la consommation et que la concurrence par les prix était donc un jeu à somme nulle quelles que soient les matières premières utilisées.
308 Cet argument doit être rejeté. Par les constatations figurant aux considérants 230 à 233 du règlement attaqué, la Commission a précisé la portée des explications fournies, d’abord, au considérant 289 du règlement provisoire, à savoir que, « dans la plupart des cas, le client final qui achète du biodiesel ne connaît pas la matière première utilisée pour le produire et ne cherche pas particulièrement à la connaître mais qu’il demande un produit qui ne dépasse pas un niveau maximal de TLF »,
ensuite, au considérant 299 dudit règlement, à savoir que « les importations d’EMP d’Indonésie à des prix subventionnés auraient pour effet de faire baisser le prix de la plupart des mélanges vendus sur le marché de l’Union », et, enfin, au considérant 328 du même règlement, à savoir qu’« une sous-cotation des prix d’environ 10 % exerce une forte pression à la baisse sur les prix ». Les requérantes ne sauraient donc prétendre que les considérants 230 à 233 du règlement attaqué comportaient des
éléments nouveaux modifiant l’analyse jusqu’alors tenue par la Commission et sur lesquels elles auraient dû pouvoir présenter des observations.
309 En second lieu, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir introduit, aux considérants 251 à 254 du règlement attaqué, de nouveaux constats relatifs aux changements survenus sur le marché de l’Union depuis l’enquête précédente et au fait que les importations d’EMP étaient en concurrence avec d’autres types de biodiesel.
310 Cet argument doit être rejeté. Les requérantes ne sauraient ignorer que l’industrie de l’Union produisait désormais de l’EMP. Ce constat était, en effet, exposé aux considérants 292 à 294 du règlement provisoire. Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir violé les droits de la défense des requérantes en ne portant pas à leur connaissance le fait que l’industrie de l’Union produisait de l’EMP.
311 Dès lors, la Commission a exposé dans le règlement provisoire, au cours de la procédure administrative qui s’achève avec l’adoption du règlement définitif (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, EU:T:2002:280, point 131), sa position concernant les éléments invoqués par les requérantes exposés aux points 307 et 309 ci-dessus. Il en résulte que les requérantes avaient dès le stade de la communication du règlement provisoire la possibilité de
faire valoir leur point de vue sur ces points.
312 Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter le septième moyen et, par conséquent, de rejeter le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
313 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et par EBB, conformément aux conclusions de la Commission et d’EBB.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) PT Pelita Agung Agrindustri et PT Permata Hijau Palm Oleo sont condamnées aux dépens.
Gervasoni
Madise
Nihoul
Frendo
Martín y Pérez de Nanclares
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.
Signatures
Table des matières
Antécédents du litige
Conclusions des parties
En droit
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, lors de la détermination de la sous-cotation
Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’absence de prise en compte de l’ensemble des données pertinentes dans la détermination de la sous-cotation
– Sur la première méthode de calcul
– Sur la deuxième méthode de calcul
– Sur la troisième méthode de calcul
Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de l’absence de détermination de la sous-cotation des prix pour le produit de l’industrie de l’Union dans son ensemble et du fait d’avoir retenu à tort l’existence d’une pression sur les prix
– Sur la détermination de la sous-cotation des prix pour le produit dans son ensemble
– Sur la pression sur les prix
Sur le deuxième moyen, tiré de ce que le règlement attaqué, dans son analyse du lien de causalité, violerait l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base
Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission lorsqu’elle a conclu à l’existence d’une subvention sous la forme de fourniture d’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate
Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a conclu que les pouvoirs publics indonésiens ont chargé les fournisseurs d’HPB, ou leur ont ordonné, de fournir leurs produits moyennant une rémunération moins qu’adéquate
– Sur la taxe et le prélèvement à l’exportation
– Sur le contrôle des prix par PTPN
Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous b), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a conclu que les pouvoirs publics indonésiens avaient soutenu les revenus ou les prix
Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 2, et de l’article 6, sous d), du règlement de base, et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a conclu qu’un avantage avait été conféré aux producteurs indonésiens
Sur le quatrième moyen, tiré de ce que la Commission, en concluant à l’existence d’une subvention sous la forme d’un transfert direct de fonds, a commis une erreur manifeste d’appréciation et violé l’article 3, point 1, sous a), i), et point 2, du règlement de base
Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), i), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a qualifié de subventions les paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile
Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 2, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commises par la Commission lorsqu’elle a conclu à l’existence d’un avantage
Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 7 du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commises par la Commission dans le calcul du montant de l’avantage conféré par le régime du Fonds de plantation des palmiers à huile
Sur l’absence de déduction des prélèvements à l’exportation et des coûts de transport du montant de la subvention
Sur la répartition du montant de la subvention sur le chiffre d’affaires total du biodiesel
Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphes 1 et 8, du règlement de base, dans la détermination de l’existence d’une menace de préjudice important
Sur la situation de l’industrie de l’Union
Sur la nature des subventions en cause et les effets commerciaux qu’elles sont susceptibles d’entraîner
Sur le taux d’accroissement des importations faisant l’objet de subventions
Sur la capacité suffisante et librement disponible de l’exportateur
Sur le niveau de prix des importations faisant l’objet des subventions
Sur le septième moyen, tiré de la violation des droits de la défense des requérantes
Sur les dépens
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais