ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)
14 décembre 2022 ( *1 )
« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant les lettres majuscules « P » et « L » superposées – Marque de l’Union européenne figurative antérieure représentant une combinaison en miroir des lettres majuscules « P » et « L » superposées – Recevabilité du recours devant la chambre de recours – Qualité pour agir – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009
[devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »
Dans l’affaire T‑530/21,
Pierre Lannier, établie à Ernolsheim-lès-Saverne (France), représentée par Me N. Boespflug, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Pierre Lang Trading GmbH, établie à Vienne (Autriche), représentée par Me A. Ginzburg, avocat,
LE TRIBUNAL (dixième chambre),
composé, lors des délibérations, de M. A. Kornezov, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. G. Hesse (rapporteur), juges,
greffier : M. G. Mitrev, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 9 septembre 2022,
rend le présent
Arrêt ( 1 )
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Pierre Lannier, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 juin 2021 (affaire R 1915/2020-5) (ci-après la « décision attaquée »).
[omissis]
Conclusions des parties
10 La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.
11 L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
[omissis]
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 67, de l’article 68, paragraphe 1, et de l’article 94 du règlement 2017/1001 ainsi que de l’article 22, paragraphe 1, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625
16 En substance, la requérante formule plusieurs critiques à l’encontre de l’appréciation de la chambre de recours, dans la décision attaquée, concernant la réponse apportée par l’intervenante à l’irrégularité que lui avait notifiée le greffe des chambres de recours. La chambre de recours aurait admis, à tort, la recevabilité du recours. À l’appui de son argumentation, elle invoque la violation de l’article 67, de l’article 68, paragraphe 1, et de l’article 94 du règlement 2017/1001 ainsi que de
l’article 22, paragraphe 1, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625.
17 L’EUIPO et l’intervenante, Pierre Lang Trading GmbH, contestent cette argumentation.
18 En premier lieu, il convient d’examiner les arguments par lesquels la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir déclaré le recours de l’intervenante recevable.
19 Au titre du rappel des circonstances au regard desquelles la chambre de recours a examiné la recevabilité du recours devant elle, il y a lieu de préciser que, le 2 mars 2017, Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée, en vertu de l’article 41, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 46, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001]. Ainsi que l’expose le point 6 ci-dessus, le motif invoqué à l’appui de l’opposition
était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.
20 Par convention d’acquisition de société conclue le 4 avril 2019, Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. a été acquise avec l’intégralité de ses biens corporels et incorporels, y compris l’ensemble de ses marques, par l’entreprise PL Schmuckhandels GmbH nouvellement constituée, dont la dénomination sociale, selon l’extrait du registre des sociétés autrichien datant du 8 janvier 2021, a été modifiée, le 17 mai 2019, en Pierre Lang Trading GmbH.
21 Le 31 juillet 2020, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité.
22 Le 30 septembre 2020, un recours a été déposé contre la décision de la division d’opposition, sous la forme d’un formulaire mis à la disposition des intéressés par l’EUIPO. Sur ce formulaire, le nom de la partie requérante était Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H.
23 Le 30 novembre 2020, un mémoire exposant les motifs du recours a été déposé auprès de l’EUIPO, dans le délai prévu à l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, sous le nom Pierre Lang Europe Ges.m.b.H.
24 Le 11 janvier 2021, à la suite d’une lettre du greffe des chambres de recours dans laquelle celui-ci invitait la partie requérante devant la chambre de recours à clarifier son nom, l’EUIPO a reçu les documents suivants :
– une lettre précisant que le nom de la partie requérante devant la chambre de recours était Pierre Lang Trading GmbH ;
– une nouvelle version du mémoire exposant les motifs du recours dans laquelle apparaissait le nom Pierre Lang Trading GmbH ;
– la convention d’acquisition de société par laquelle Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. avait été acquise par l’intervenante ;
– un extrait du registre des sociétés autrichien relatif à l’intervenante indiquant son changement de dénomination sociale de PL Schmuckhandels GmbH à Pierre Lang Trading GmbH ;
– une copie de la demande présentée auprès de l’EUIPO le 5 janvier 2021 en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 tendant à l’enregistrement du transfert de la marque antérieure de Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. à l’intervenante.
25 C’est à la lumière de ces circonstances qu’il convient d’examiner les arguments par lesquels la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir déclaré le recours de l’intervenante recevable.
26 Premièrement, la requérante soutient que la chambre de recours a méconnu l’article 67 du règlement 2017/1001. En particulier, elle fait valoir que les pièces produites par l’intervenante pour procéder à la régularisation du recours sont insuffisantes. En substance, la requérante estime que les pièces produites ne permettent pas d’établir la qualité de l’intervenante pour intenter un recours devant la chambre de recours.
27 Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 41, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 alors applicable, une opposition à l’enregistrement de la marque peut être formée dans un délai de trois mois à compter de la publication de la demande de marque de l’Union européenne, au motif que la marque devrait être refusée à l’enregistrement en vertu de l’article 8 du même règlement. Dans le cas, comme en l’espèce, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, l’opposition peut
notamment être formée par les titulaires des marques de l’Union européenne dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.
28 En l’espèce, il est constant que Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. était la titulaire de la marque antérieure lorsqu’elle a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée le 2 mars 2017.
29 Au regard de la convention d’acquisition de société produite devant la chambre de recours, il y a lieu de relever que, à la suite de l’achat, le 4 avril 2019, de Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. et de l’ensemble de ses marques par l’intervenante, cette dernière est devenue la titulaire de la marque antérieure.
30 Il ressort du dossier que, à la suite du rejet de l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée le 31 juillet 2020, un recours a été introduit, le 30 septembre 2020, auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition. Ainsi qu’il ressort de l’acte de recours reproduit aux pages 82 et 83 du dossier de l’EUIPO, celui-ci a été déposé sous le nom Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H.
31 À cet égard, il importe de préciser que, selon la jurisprudence, lorsque l’EUIPO examine la recevabilité d’un recours introduit devant lui, il doit prendre en considération le registre des marques de l’Union européenne [arrêt du 11 février 2020, Jakober/EUIPO (Forme d’une tasse), T‑262/19, non publié, EU:T:2020:41, point 23]. Or, à la date d’introduction du recours contre la décision de la division d’opposition, le nom de la titulaire de la marque antérieure figurant audit registre était Pierre
Lang Europe Handelsges.m.b.H.
32 Il ressort également du dossier que, afin de satisfaire l’obligation découlant de l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, un mémoire exposant les motifs du recours a été déposé auprès de l’EUIPO le 30 novembre 2020. Sur ce document, le nom Pierre Lang Europe Ges.m.b.H. apparaissait.
33 Constatant que le mémoire exposant les motifs du recours avait été déposé au nom d’une entreprise désignée par une dénomination différente de celle inscrite au registre, le greffe des chambres de recours a, par lettre du 9 décembre 2020, demandé à l’auteure du recours de présenter des observations à ce sujet et de produire tout document susceptible d’étayer ces observations.
34 En réponse à cette demande, l’intervenante a demandé, le 11 janvier 2021, à régulariser le nom de la partie requérante devant la chambre de recours figurant dans l’acte de recours, en invoquant l’article 21, paragraphe 1, sous a), et l’article 23, paragraphe 1, sous c), du règlement délégué 2018/625. Elle a produit, à l’appui de sa demande, les documents mentionnés au point 24 ci-dessus.
35 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 21, paragraphe 1, sous a), du règlement délégué 2018/625, l’acte de recours déposé conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 doit contenir le nom de la partie requérante devant la chambre de recours sous la forme prévue à l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution 2018/626.
36 Lorsque l’acte de recours ne satisfait pas aux dispositions de l’article 21, paragraphe 1, sous a), du règlement délégué 2018/625, la chambre de recours doit rejeter le recours pour irrecevabilité, ainsi que le prévoit l’article 23, paragraphe 1, sous c), du même règlement, si, bien que la partie requérante en ait été informée, elle n’a pas remédié à l’irrégularité dans le délai imparti.
37 Il résulte de la lecture combinée de l’article 21, paragraphe 1, sous a), et de l’article 23, paragraphe 1, sous c), du règlement délégué 2018/625 ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution 2018/626 que l’identification incorrecte de la partie requérante dans l’acte de recours déposé conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 est un vice régularisable.
38 En l’espèce, il y a lieu de constater que, en déposant au greffe des chambres de recours les documents mentionnés au point 24 ci-dessus, l’intervenante a établi qu’elle était la titulaire de la marque antérieure au moment de l’introduction du recours devant la chambre de recours. Contrairement à ce que soutient la requérante, l’intervenante a également fourni des explications quant aux entreprises impliquées et aux différentes dénominations employées. Tout d’abord, comme en atteste notamment la
convention d’acquisition de société du 4 avril 2019, le nom Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. est celui de la prédécesseur de l’intervenante. Ensuite, l’apposition du nom Pierre Lang Europe Ges.m.b.H. sur le mémoire exposant les motifs du recours était le résultat d’une erreur de plume, comme le confirme l’intervenante au point 13 de son mémoire en réponse. Enfin, le nom Pierre Lang Trading GmbH est celui de l’intervenante. Selon lesdits documents, ce nom est désormais inscrit au registre
comme étant celui de la titulaire de la marque antérieure depuis le 5 janvier 2021.
39 Il s’ensuit que l’intervenante a prouvé sa qualité de titulaire de la marque antérieure à la date de l’introduction du recours, que l’identification incorrecte de la partie requérante dans l’acte de recours déposé conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 est un vice régularisable et que l’intervenante a procédé à la régularisation de l’acte de recours dans le délai imparti.
40 Dès lors, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’intervenante a donné une réponse satisfaisante à l’EUIPO et a régularisé son acte de recours, conformément à l’article 21, paragraphe 1, sous a), et à l’article 23, paragraphe 1, sous c), du règlement délégué 2018/625 ainsi qu’à l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution 2018/626.
41 En outre, comme le souligne l’EUIPO, l’intervenante était, à partir du 5 janvier 2021, la titulaire enregistrée de la marque antérieure. À ce titre, elle pouvait, conformément à l’article 20, paragraphes 11 et 12, du règlement 2017/1001, valablement procéder à la régularisation du recours.
42 Par ailleurs, en ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle, le jour de l’introduction du recours devant la chambre de recours, un document présent dans la base de données de l’EUIPO faisait état d’un transfert total de la marque antérieure au profit de l’intervenante, il est vrai que, en vertu de l’article 112 du règlement 2017/1001, l’EUIPO collecte et conserve dans sa base de données certaines informations.
43 Toutefois, il suffit de constater, à l’instar de l’EUIPO, que ce document, que la requérante a produit en annexe à la requête, concerne en réalité l’enregistrement international no 1290848 désignant les États-Unis et le Japon. Ce document ne fait pas état du transfert de la marque antérieure à l’intervenante, mais consigne l’inscription dans le registre international tenu par le bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) du transfert d’un enregistrement
international fondé sur la marque antérieure au profit de l’intervenante.
44 Enfin, certes, aux termes de l’article 23, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 207/2009, le transfert d’une marque n’est opposable aux tiers qu’après son inscription au registre. La non-opposabilité aux tiers des transferts qui n’ont pas été inscrits au registre vise à protéger celui qui a ou qui est susceptible d’avoir des droits sur une marque de l’Union européenne en tant qu’objet de propriété (arrêt du 4 février 2016, Hassan, C‑163/15, EU:C:2016:71, point 25).
45 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce que soutient la requérante, les observations soumises par l’intervenante et les preuves produites à l’appui de celles-ci étaient suffisantes pour permettre à la chambre de recours de statuer, comme elle l’a fait, sur la recevabilité du recours. Ses arguments à cet égard doivent être écartés.
46 En ce qui concerne plus particulièrement l’article 67 du règlement 2017/1001, il convient de rappeler, à l’instar de la requérante, que, aux termes de cette disposition, toute partie à une procédure ayant conduit à une décision peut recourir contre cette décision pour autant que cette dernière n’a pas fait droit à ses prétentions. Or, la division d’opposition a rejeté dans son intégralité l’opposition fondée sur la marque antérieure. L’intervenante, en sa qualité de successeur de la société ayant
formé ladite opposition et de titulaire de la marque antérieure au jour de l’introduction du recours, était bien la personne lésée par la décision de la division d’opposition.
47 Dès lors, l’intervenante remplissait les conditions énoncées à l’article 67 du règlement 2017/1001.
48 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée ne méconnaît pas cette disposition. L’ensemble des arguments de la requérante tirés d’une violation de l’article 67 du règlement 2017/1001 doit être écarté.
49 Deuxièmement, la requérante fait valoir que le greffe des chambres de recours a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 42, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, en ce qu’il n’a ni vérifié que la personne intentant le recours avait la qualité requise pour le faire ni sollicité le président de la cinquième chambre de recours afin que cette dernière statue sans délai sur la recevabilité du recours, compte tenu du document présent dans la base de données de l’EUIPO
faisant état du transfert total de la marque antérieure.
50 À cet égard, d’une part, il résulte du point 33 ci-dessus que, contrairement à ce que soutient la requérante, le greffe des chambres de recours a demandé à l’intervenante de justifier de sa qualité pour former un recours contre la décision de la division d’opposition. Le greffe des chambres de recours n’a donc pas pu méconnaître l’article 42, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, en ce qu’il n’aurait pas vérifié que la personne intentant le recours avait la qualité requise pour le faire.
D’autre part, au vu du constat déjà opéré au point 43 ci-dessus, il y a lieu de constater, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de savoir s’il appartenait au greffe des chambres de recours de solliciter le président de la cinquième chambre de recours, que les arguments de la requérante ne sauraient en toute hypothèse prospérer.
51 Dans ces circonstances, il convient de constater que la violation de l’article 42, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625 alléguée par la requérante n’est pas établie et que les arguments soulevés à cet égard doivent être écartés.
52 Troisièmement, la requérante fait valoir que, en déclarant le recours de l’intervenante recevable, la chambre de recours a méconnu l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.
53 Il y a lieu de rappeler que, aux termes de cette disposition, le recours doit être formé par écrit auprès de l’EUIPO dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la décision et que, ensuite, un mémoire exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de la date de la notification de la décision.
54 Force est de constater, au regard des points 30 et 32 ci-dessus, que l’intervenante a déposé l’acte de recours et le mémoire exposant les motifs du recours dans les délais prévus par cette disposition. L’argument de la requérante à cet égard manque en fait et doit donc être écarté.
55 Quant à la version du mémoire exposant les motifs du recours déposé le 11 janvier 2021 (voir point 34 ci-dessus), il ressort du dossier que, comme le soutient l’EUIPO et comme l’admet la requérante, c’est le mémoire exposant les motifs du recours déposé le 30 novembre 2020, dans le délai prévu par l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 qui a été transmis à la requérante et qui a été pris en compte par la chambre de recours dans la décision attaquée.
56 Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée ne méconnaît pas cette disposition. Ses arguments à cet égard doivent donc être écartés.
57 Quatrièmement, la requérante soutient que, en considérant le mémoire exposant les motifs du recours recevable et, partant, le recours, la chambre de recours a méconnu l’article 22, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625.
58 Il y a lieu de rappeler que, aux termes de cette disposition, le mémoire exposant les motifs du recours contient une identification claire et précise de la procédure de recours à laquelle il renvoie, des motifs du recours sur lesquels se fonde la demande d’annulation de la décision attaquée et des faits, des preuves et des arguments à l’appui des motifs invoqués.
59 En l’espèce, le mémoire exposant les motifs du recours remplissait les conditions énoncées à l’article 22, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625. Bien que l’intervenante ait déposé un mémoire exposant les motifs du recours sous un nom différent de celui inscrit au registre, celle-ci a, en tout état de cause, corrigé cette erreur de plume, le 11 janvier 2021, dans le délai fixé à cet effet par le greffe des chambres de recours.
60 Ainsi, les arguments de la requérante à cet égard doivent être écartés.
61 En second lieu, il convient d’examiner les arguments de la requérante tirés de la violation de l’article 94 du règlement 2017/1001, en ce qu’ils ont trait à des vices de forme et de procédure qu’aurait commis la chambre de recours.
62 D’une part, la requérante soutient que la chambre de recours n’a donné aucune réponse aux arguments qu’elle a soulevés sur l’irrecevabilité du recours.
63 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Elle a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits
et, d’autre part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt
du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, EU:C:2004:649, points 63 à 65).
64 En particulier, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. Il leur suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [arrêt du 15 janvier 2015, MEM/OHMI (MONACO), T‑197/13, EU:T:2015:16, point 19].
65 La lecture de la décision attaquée permet de constater que la chambre de recours a exposé, aux points 15 à 18 de cette décision, les motifs pour lesquels elle a considéré, compte tenu des arguments de la requérante, que les différents éléments produits par l’intervenante le 11 janvier 2021 avaient été suffisants pour régulariser le recours et que celui-ci était conforme aux articles 66 et 67 et à l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. À ces points, la chambre de recours a exposé les
faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle, de sorte qu’elle n’avait pas à traiter un par un tous les arguments présentés par la requérante. Les arguments de la requérante à cet égard doivent donc être écartés.
66 D’autre part, la requérante fait valoir que ni le bien-fondé de la réponse de l’intervenante à la notification du greffe des chambres de recours ni son argumentation à ce sujet n’ont été effectivement débattus, et ce en violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001.
67 Il y a lieu de rappeler que, aux termes de cette disposition, les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position.
68 En l’espèce, il y a lieu de relever, à l’instar de l’EUIPO, que ce dernier a dûment signifié à la requérante tous les documents échangés entre le greffe des chambres de recours et l’intervenante au cours de la procédure de recours. En outre, il ressort du dossier que, dans le mémoire que la requérante a déposé le 22 mars 2021 auprès de l’EUIPO, celle-ci a contesté la recevabilité du recours de l’intervenante devant la chambre de recours pour des motifs semblables à ceux exposés dans sa requête
devant le Tribunal. La requérante a donc effectivement pris position sur ce sujet. Son argument selon lequel elle n’a pas pu se prononcer à cet égard, en violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, manque en fait et doit être écarté.
69 En outre, il ressort des points 15 à 18 de la décision attaquée que la chambre de recours s’est fondée sur les preuves présentées par l’intervenante, sur lesquelles la requérante a pris position dans son mémoire du 22 mars 2021. En revanche, si la requérante soutient que l’intervenante n’a pas pu prendre position sur les arguments développés à ce titre dans son mémoire, elle n’établit ni même n’allègue que la décision attaquée se fonde sur ces arguments. Par conséquent, dans la mesure où il ne
ressort pas de la décision attaquée que celle-ci se fonde sur lesdits arguments, ce défaut de prise de position ne peut caractériser une violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001.
70 Dans ces circonstances, force est de constater que la violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001 alléguée par la requérante n’est pas établie.
71 Il s’ensuit que le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 67, de l’article 68, paragraphe 1, et de l’article 94 du règlement 2017/1001 ainsi que de l’article 22, paragraphe 1, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, doit être écarté.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Pierre Lannier est condamnée aux dépens.
Kornezov
Kowalik-Bańczyk
Hesse
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.
( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.