ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie)
4 octobre 2023 ( *1 )
« Produits phytopharmaceutiques – Règlement (CE) no 1107/2009 – Règlement d’exécution (UE) 2020/17 – Non-renouvellement de l’approbation de la substance active chlorpyriphos-méthyl – Recours en annulation – Qualité pour agir – Recevabilité – Obligation d’examen de l’ensemble des conditions et des critères prévus par le règlement no 1107/2009 – Absence de conclusions de l’EFSA – Obligation de transparence – Droit d’être entendu – Obligation de motivation – Évaluations divergentes du risque par l’État
membre rapporteur et l’EFSA – Obligation de prendre en compte tous les éléments pertinents de l’espèce – Rapport intermédiaire d’une étude en cours – Principe de précaution – Charge et objet de la preuve – Erreur manifeste d’appréciation – Applicabilité de la méthode des références croisées et de l’approche fondée sur la force probante – Invocabilité des lignes directrices de l’ECHA et de l’EFSA »
Dans l’affaire T‑77/20,
Ascenza Agro, SA, établie à Setúbal (Portugal),
Industrias Afrasa, SA, établie à Paterna (Espagne),
représentées par Mes K. Van Maldegem, P. Sellar, M. Ombredane, avocats, et M. V. McElwee, solicitor,
parties requérantes,
soutenues par
European Crop Care Association (ECCA), établie à Overijse (Belgique), représentée par Mes S. Pappas et A. Pappas, avocats,
partie intervenante,
contre
Commission européenne, représentée par M. A. Dawes, Mme F. Castilla Contreras et M. M. ter Haar, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
Royaume de Danemark, représenté par Mmes M. Søndahl Wolff et J. Kronborg, en qualité d’agents,
par
République française, représentée par Mme A.-L. Desjonquères, en qualité d’agent,
et par
Health and Environment Alliance (HEAL), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me A. Bailleux, avocat,
parties intervenantes,
LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),
composé, lors des délibérations, de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius, Mme I. Reine, MM. L. Truchot (rapporteur) et M. Sampol Pucurull, juges,
greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,
vu les ordonnances du 8 juin 2020, Ascenza Agro/Commission (T‑77/20 R, non publiée, EU:T:2020:246), et du 8 juin 2020, Industrias Afrasa/Commission (T‑77/20 RII, non publiée, EU:T:2020:247),
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 8 septembre 2022,
vu, à la suite de la cessation de fonction de M. le juge Valančius le 26 septembre 2023, l’article 22 et l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Ascenza Agro, SA (ci-après « Ascenza ») et Industrias Afrasa, SA, demandent l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2020/17 de la Commission, du 10 janvier 2020, portant sur le non-renouvellement de l’approbation de la substance active chlorpyriphos-méthyl, conformément au règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et modifiant l’annexe du
règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission (JO 2020, L 7, p. 11, ci-après le « règlement attaqué »).
I. Antécédents du litige
2 Le chlorpyriphos-méthyl (ci-après le « CHP-méthyl ») est une substance active utilisée dans les produits phytopharmaceutiques pour lutter contre les organismes nuisibles et pour traiter, contre ces organismes, les céréales stockées ainsi que les entrepôts vides. Il appartient à un groupe de produits chimiques appelés organophosphorés. Le chlorpyriphos est une autre substance active appartenant à ce groupe.
3 La directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO 1991, L 230, p. 1), a établi le régime juridique applicable à l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques dans l’Union européenne. Elle comprenait des dispositions applicables aux produits phytopharmaceutiques et aux substances actives contenues dans ces produits.
4 L’article 4 de la directive 91/414, intitulé « Octroi, révision et retrait d’autorisations de produits phytopharmaceutiques », disposait ce qui suit :
« 1. Les États membres veillent à ce qu’un produit phytopharmaceutique soit autorisé uniquement :
a) si ses substances actives sont énumérées à l’annexe I […] »
5 L’article 5 de la directive 91/414, intitulé « Inscription des substances actives à l’annexe I », prévoyait ce qui suit :
« 1. Compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques, une substance active est inscrite à l’annexe I pour une période initiale ne pouvant excéder dix ans, s’il est permis d’escompter que les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active rempliront les conditions suivantes :
a) leurs résidus consécutifs à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires n’ont pas d’effets nocifs sur la santé humaine ou animale ou sur les eaux souterraines ou d’influence inacceptable sur l’environnement et, dans la mesure où ils sont significatifs du point de vue toxicologique ou environnemental, peuvent être mesurés par des méthodes d’usage courant ;
b) leur utilisation consécutive à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires n’a pas d’effet nocif sur la santé humaine ou animale ou d’influence inacceptable sur l’environnement, conformément à l’article 4[,] paragraphe 1[, sous b),] iv) et v).
[…] »
6 Le CHP-méthyl a été inscrit à l’annexe I de la directive 91/414 par la directive 2005/72/CE de la Commission, du 21 octobre 2005, modifiant la directive 91/414, en vue d’y inscrire les substances actives chlorpyriphos, chlorpyriphos-méthyl, mancozèbe, manèbe et métirame (JO 2005, L 279, p. 63). La directive 2005/72 est entrée en vigueur le 1er juillet 2006.
7 La directive 91/414 a été remplacée par le règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414 du Conseil (JO 2009, L 309, p. 1), lequel est entré en vigueur le 14 décembre 2009 et est devenu applicable le 14 juin 2011.
8 En vertu de l’article 78, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009, les substances actives inscrites à l’annexe I de la directive 91/414 ont été réputées approuvées. Elles sont désormais énumérées dans la partie A de l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission, du 25 mai 2011, portant application du règlement no 1107/2009, en ce qui concerne la liste des substances actives approuvées (JO 2011, L 153, p. 1).
9 L’article 14 du règlement no 1107/2009, intitulé « Renouvellement de l’approbation », est libellé comme suit :
« 1. Sur demande, l’approbation d’une substance active est renouvelée s’il est établi qu’il est satisfait aux critères d’approbation énoncés à l’article 4.
[…] »
10 L’article 4 du règlement no 1107/2009, intitulé « Critères d’approbation des substances actives », dispose ce qui suit :
« 1. Une substance active est approuvée conformément à l’annexe II s’il est prévisible, eu égard à l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, que, compte tenu des critères d’approbation énoncés aux points 2 et 3 de cette annexe, les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active satisfont aux conditions prévues aux paragraphes 2 et 3.
L’évaluation de la substance active vise en premier lieu à déterminer s’il est satisfait aux critères d’approbation énoncés aux points 3.6.2 à 3.6.4 et 3.7 de l’annexe II. Si tel est le cas, l’évaluation se poursuit pour déterminer s’il est satisfait aux autres critères d’approbation énoncés aux points 2 et 3 de l’annexe II.
[…] »
11 À l’annexe II du règlement no 1107/2009, intitulée « Procédure et critères d’approbation des substances actives, phytoprotecteurs et synergistes conformément au chapitre II », il est prévu ce qui suit :
« […]
3.6. Incidence sur la santé humaine
[…]
3.6.4. Une substance active, un phytoprotecteur ou un synergiste n’est approuvé(e) que si, sur la base de l’évaluation de tests de toxicité pour la reproduction effectués conformément aux exigences en matière de données pour les substances actives, les phytoprotecteurs ou les synergistes et d’autres données et informations disponibles, notamment une analyse de la documentation scientifique examinée par l’Autorité [européenne de sécurité des aliments], il/elle n’est pas – ou ne doit pas être –
classé(e) toxique pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B conformément aux dispositions du règlement (CE) no 1272/2008, à moins que l’exposition de l’homme à cette substance active, ce phytoprotecteur ou ce synergiste contenu dans un produit phytopharmaceutique ne soit négligeable dans les conditions d’utilisation réalistes proposées, c’est-à-dire si le produit est mis en œuvre dans des systèmes fermés ou dans d’autres conditions excluant tout contact avec l’homme et si les résidus de
la substance active, du phytoprotecteur ou du synergiste en question dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux ne dépassent pas la valeur par défaut fixée conformément à l’article 18, paragraphe 1, point b), du règlement (CE) no 396/2005.
[…] »
12 Le 18 septembre 2012, la Commission européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) no 844/2012, établissant les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de la procédure de renouvellement des substances actives, conformément au règlement no 1107/2009 (JO 2012, L 252, p. 26).
13 En juin 2013, deux entreprises produisant du CHP-méthyl, Ascenza, alors dénommée Sapec Agro SA, et Dow AgroSciences Ltd (ci-après, dénommées ensemble, les « demandeurs »), ont chacune présenté une demande de renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl.
14 L’approbation du CHP-méthyl par la Commission, qui devait initialement expirer le 30 juin 2016, a été prorogée à trois reprises, pour expirer finalement le 31 janvier 2020.
15 Le 9 février 2017, le Royaume d’Espagne, en tant qu’État membre rapporteur (ci-après l’« EMR ») et en concertation avec la République de Pologne, qui était l’État membre corapporteur, a transmis à Ascenza un projet de rapport d’évaluation relatif au renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl (ci-après le « projet de rapport d’évaluation »).
16 Dans le projet de rapport d’évaluation, l’EMR n’a pas conclu à l’existence d’effet nocif du CHP-méthyl sur la santé des êtres humains, en particulier à l’existence d’un potentiel génotoxique ou d’une neurotoxicité pour le développement. Il a proposé le renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl.
17 Le projet de rapport d’évaluation a été complété à la suite d’observations présentées par Ascenza. Il a été ensuite transmis à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et à la Commission le 3 juillet 2017, puis à Ascenza le 21 septembre 2017. L’EMR a maintenu sa proposition de renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl.
18 Au mois de juillet 2017, le projet de rapport d’évaluation a été communiqué par l’EFSA aux États membres et aux demandeurs afin de recueillir leurs observations.
19 L’EFSA a procédé à une consultation publique qui a débuté le 18 octobre 2017.
20 L’EMR a résumé les observations formulées en réponse dans un tableau de notification communiqué à Ascenza le 8 janvier 2018.
21 Dans ce tableau de notification, aucune observation relative au potentiel génotoxique du CHP-méthyl n’a été formulée. En revanche, des observations critiques du public relatives à l’étude sur la neurotoxicité pour le développement produite dans le dossier de renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl (ci-après l’« étude sur la neurotoxicité pour le développement ») l’ont été. Il a été indiqué, notamment, que l’étude sur la neurotoxicité pour le développement « n’était pas acceptable à cause
d’un manque de données concernant la hauteur du cervelet, en lien avec l’effet démontré de la substance proche qu’[était] le chlorpyri[ph]os sur la hauteur du cervelet à basse dose. »
22 Le 4 juillet 2018, les demandeurs ont été sollicités par l’EFSA aux fins de fournir des informations supplémentaires.
23 Après réception des réponses des demandeurs, l’EMR a actualisé le projet de rapport d’évaluation qu’il a transmis ensuite à l’EFSA au fur et à mesure de son actualisation, au cours des mois de février et de mars 2019. Dans le projet de rapport d’évaluation, l’EMR ne concluait pas à l’existence d’effet nocif du CHP-méthyl sur la santé des êtres humains et, en particulier, à l’existence d’un potentiel génotoxique ou d’une neurotoxicité pour le développement et proposait toujours le renouvellement
de l’approbation de cette substance.
24 Entre le 1er et le 5 avril 2019, l’EFSA a organisé des consultations d’experts afin d’examiner certains éléments concernant la toxicologie chez les mammifères.
25 Le 1er juillet 2019, la Commission a adressé un courrier à l’EFSA l’invitant à émettre, pour le 31 juillet 2019, une « déclaration » contenant un résumé des principaux résultats de l’évaluation du CHP-méthyl relative à la santé humaine et à indiquer s’il était prévisible que cette substance satisfasse aux critères d’approbation applicables à la santé humaine tels qu’ils résultent de l’article 4 du règlement no 1107/2009 (voir point 10 ci-dessus).
26 Dans le même courrier, la Commission a précisé que l’approbation du CHP-méthyl expirait le 31 janvier 2020 après que trois prorogations de la période d’approbation avaient été accordées. Elle a ajouté qu’une nouvelle prorogation devait être évitée s’il existait, au regard du travail déjà effectué par l’EFSA, des indications « claires » selon lesquelles les conditions d’approbation ne devaient plus être considérées comme remplies.
27 Le 31 juillet 2019, l’EFSA a transmis à la Commission et aux États membres une « déclaration » sur les résultats disponibles de l’évaluation des risques pour la santé humaine approuvée le même jour (ci-après la « déclaration du 31 juillet 2019 »). L’EFSA a publié cette déclaration sur son site Internet le 28 août 2019.
28 Dans la déclaration du 31 juillet 2019, l’EFSA a indiqué qu’elle avait été mandatée par la Commission avant que le « processus de contrôle par les pairs ne soit achevé ». Elle a précisé que l’évaluation des risques du CHP-méthyl avait été discutée lors des consultations d’experts qui s’étaient tenues en avril 2019 (voir point 24 ci-dessus) et que l’approche adoptée par les experts était largement fondée sur les similarités structurelles entre cette substance active et le chlorpyriphos. Elle a
ajouté que, après les consultations d’avril 2019, elle avait reconsidéré l’application de la méthode des références croisées, laquelle permettait de prendre en compte, pour l’évaluation des risques, les données provenant d’études réalisées avec une autre substance active que celle en cause et qu’il avait été décidé de débattre de cette question lors d’une rencontre d’experts ultérieure.
29 L’EFSA a précisé que les données réglementaires communiquées concernant la génotoxicité du CHP-méthyl n’avaient soulevé aucune préoccupation, mais que les experts avaient relevé qu’il n’existait pas de littérature publique disponible concernant le potentiel génotoxique du CHP-méthyl alors que plusieurs publications étaient disponibles pour le chlorpyriphos. Comme des préoccupations avaient été soulevées pour le chlorpyriphos concernant des aberrations chromosomiques et des atteintes à l’acide
désoxyribonucléique (ADN), les experts avaient conclu à l’existence de lacunes en matière de données pour le CHP-méthyl. Tous les experts s’étaient accordés pour considérer que ces incertitudes devaient être prises en compte dans l’évaluation du risque du CHP-méthyl et qu’il ne pouvait donc être exclu qu’il existe un risque potentiel d’atteintes à l’ADN.
30 En ce qui concerne la neurotoxicité pour le développement, selon l’EFSA, les experts avaient estimé que l’étude sur la neurotoxicité pour le développement (voir point 21 ci-dessus), qui ne faisait ressortir aucun effet sensible, présentait certaines limitations concernant les contrôles, rendant toute analyse statistique fiable impossible.
31 Par conséquent, selon l’EFSA, les experts s’étaient accordés pour considérer qu’aucune valeur de référence ne pouvait être établie tant pour la génotoxicité que pour la neurotoxicité pour le développement, ce qui rendait impossible l’évaluation du risque pour les consommateurs, les opérateurs, les travailleurs, les personnes présentes et les résidents.
32 Les experts avaient également pris en compte des données épidémiologiques révélant l’existence d’un lien entre l’exposition au chlorpyriphos ou au CHP-méthyl et des effets néfastes sur le développement neurologique des enfants.
33 En outre, l’EFSA a indiqué, dans la déclaration du 31 juillet 2019, que les experts avaient suivi une approche prudente en considérant que le CHP-méthyl remplirait aussi les critères pour être classé comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B (voir point 11 ci-dessus).
34 Le 12 août 2019, la Commission a transmis aux demandeurs un rapport de renouvellement prenant en compte la déclaration du 31 juillet 2019 et proposant le non-renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl (ci-après le « rapport de renouvellement »). Elle les a invités à présenter des observations.
35 Le 14 août 2019, la Commission a également invité les demandeurs à présenter des observations sur la déclaration du 31 juillet 2019.
36 Les 23 et 30 août 2019, Ascenza a formulé des observations sur la déclaration du 31 juillet 2019 et sur le rapport de renouvellement.
37 Le 5 septembre 2019, des experts de l’EFSA et des États membres se sont à nouveau réunis.
38 Les 9 et 16 septembre 2019, Ascenza a présenté des observations supplémentaires sur le rapport de renouvellement.
39 Le 24 septembre 2019, la Commission a adressé à l’EFSA un courrier lui demandant de mettre à jour, pour le 31 octobre 2019, la déclaration du 31 juillet 2019 aux fins de tenir compte de la réunion du 5 septembre 2019. La Commission a précisé que cette déclaration mise à jour devait contenir un résumé des principaux résultats de l’évaluation du CHP-méthyl relative à la santé humaine et indiquer s’il était prévisible que cette substance satisfaisait aux critères d’approbations applicables à la
santé humaine tels qu’ils résultent de l’article 4 du règlement no 1107/2009.
40 Le 15 octobre 2019, un projet de rapport d’évaluation mis à jour a été transmis à Ascenza par l’EMR. Dans ce projet, des préoccupations relatives à la génotoxicité étaient exprimées. En conclusion, il indiquait ce qui suit :
« La proposition pour le renouvellement de l’approbation de la substance active CHP-méthyl peut être faite quand les préoccupations relatives à la génotoxicité ont été clarifiées et quand l’examen par les pairs de la substance active a été finalisé. »
41 Le 15 octobre 2019, la Commission a répondu aux observations que lui avait fait parvenir Ascenza le 16 septembre précédent (voir point 38 ci-dessus). Dans sa réponse, elle a indiqué que, dans la mesure où des préoccupations importantes avaient été identifiées concernant la santé humaine et alors que l’évaluation pour l’environnement était reportée, elle avait considéré qu’il était approprié de demander à l’EFSA de confirmer, dans une déclaration, les préoccupations identifiées pour la santé
humaine.
42 Les 21 et 22 octobre 2019, le comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (ci-après le « comité permanent ») s’est réuni et a procédé, notamment, à un échange de vues sur la question du renouvellement du CHP-méthyl.
43 Le 11 novembre 2019, l’EFSA a transmis à la Commission et aux États membres sa déclaration mise à jour approuvée le 8 novembre 2019 (ci-après la « déclaration du 8 novembre 2019 »). Le 26 novembre 2019, l’EFSA a publié cette déclaration sur son site Internet.
44 Dans la déclaration du 8 novembre 2019, l’EFSA a rappelé que les données réglementaires soumises pour la génotoxicité du CHP-méthyl ne soulevaient aucune préoccupation. Elle a rappelé également que les experts avaient estimé, lorsqu’ils s’étaient réunis en avril 2019, qu’il n’existait pas de littérature publique disponible concernant le potentiel génotoxique du CHP-méthyl, alors que plusieurs publications étaient disponibles pour le chlorpyriphos. Dans la mesure où des problèmes de génotoxicité
avaient été soulevés pour ce dernier, il avait été considéré que, compte tenu de la similarité entre les deux substances, l’application de la méthode des références croisées était justifiée.
45 L’EFSA a ajouté que, lors de la rencontre d’experts du mois de septembre 2019 consacrée à l’application de la méthode des références croisées, ceux-ci avaient considéré, en ce qui concerne la structure moléculaire des deux substances actives, que les différences observées ne justifiaient pas de conclure à une différence dans leur potentiel génotoxique.
46 En outre, l’EMR, après avoir accompli des recherches complémentaires dans la littérature, avait trouvé des articles scientifiques relatifs au CHP-méthyl et apportant des éléments convergents avec les préoccupations soulevées pour le chlorpyriphos. Une majorité des experts avait alors estimé que les indications de la littérature, même si elles présentaient certaines limites, devaient être considérées dans le cadre d’une approche fondée sur la force probante des données et qu’elles soulevaient, sur
le fondement d’une approche prudente, des préoccupations s’agissant des dommages pour l’ADN que pourrait causer le CHP-méthyl. Les experts avaient donc conclu que les préoccupations soulevées pour le chlorpyriphos concernant le risque d’aberration chromosomique et d’atteinte à l’ADN pouvaient s’appliquer au CHP-méthyl, ce qui impliquait un potentiel génotoxique incertain.
47 Par ailleurs, selon l’EFSA, les experts avaient constaté l’insuffisance de l’étude sur la neurotoxicité pour le développement (voir point 21 ci-dessus), alors qu’une étude relative au chlorpyriphos faisait ressortir une réduction de la hauteur du cervelet à l’exposition à cette dernière substance. Ils avaient en outre pris en compte des données épidémiologiques révélant l’existence d’un lien entre l’exposition au chlorpyriphos ou au CHP-méthyl et des effets néfastes sur le développement
neurologique des enfants.
48 L’EFSA a également indiqué, dans la même déclaration du 8 novembre 2019, que les experts s’accordaient sur le fait qu’aucune valeur de référence ne pouvait être déterminée tant pour la génotoxicité que pour la neurotoxicité pour le développement, ce qui rendait impossible l’évaluation du risque que présentait le CHP-méthyl pour les consommateurs, les opérateurs, les travailleurs, les personnes présentes et les résidents.
49 L’EFSA a ajouté que les experts avaient indiqué que le CHP-méthyl remplirait les critères permettant d’être classé comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B, conclusion à l’égard de laquelle l’EFSA a émis des réserves.
50 Sur le fondement des considérations exposées aux points 44 à 49 ci-dessus, l’EFSA a considéré que les « critères relatifs à la santé humaine prévus à l’article 4 du règlement no 1107/2009 n’[étaient] pas remplis ».
51 Le 11 novembre 2019, Ascenza a été destinataire de la déclaration du 8 novembre 2019 et du rapport de renouvellement mis à jour. Le même jour, la Commission l’a invitée à formuler des observations sur ces deux documents.
52 Le 22 novembre 2019, Ascenza a présenté des observations sur le rapport de renouvellement et sur la déclaration du 8 novembre 2019.
53 Le 6 décembre 2019, les États membres, réunis dans le cadre du comité permanent, ont émis, à la majorité qualifiée, un avis favorable sur un projet de règlement ne renouvelant pas l’approbation du CHP-méthyl.
54 Le 10 janvier 2020, la Commission a adopté le règlement attaqué, dans lequel il a été indiqué ce qui suit :
«
(10) […] [L’EFSA] a transmis [la déclaration du 31 juillet 2019] à la Commission sur les résultats disponibles de l’évaluation des risques pour la santé humaine. Le 11 novembre 2019, l’[EFSA] a envoyé [la déclaration du 8 novembre 2019] à la Commission à la suite d’une nouvelle discussion entre experts qui s’est tenue en septembre 2019. Dans cette déclaration [, l’EFSA] confirme ses conclusions relatives à l’évaluation des risques pour la santé humaine, selon lesquelles il existe des domaines
critiques de préoccupation. Le potentiel génotoxique du [CHP]-méthyl ne saurait être exclu, compte tenu des préoccupations exprimées pour le chlorpyri[ph]os et de la littérature scientifique disponible sur le [CHP]-méthyl dans le cadre d’une approche fondée sur la force probante des données. Au cours de l’évaluation par les pairs, les experts ont considéré que l’application de la méthode des références croisées entre les deux substances était justifiée, étant donné leur structure et leur
comportement toxicocinétique semblables. Par conséquent, il n’est pas possible d’établir des valeurs de référence basées sur la protection de la santé pour le [CHP]-méthyl ni de procéder à une évaluation appropriée des risques pour les consommateurs et des risques non alimentaires. En outre, des préoccupations concernant la neurotoxicité pour le développement ont été soulevées. Celles-ci sont étayées par des données épidémiologiques révélant l’existence d’un lien entre l’exposition au
chlorpyri[ph]os et/ou au [CHP]-méthyl pendant le développement et des effets néfastes sur le développement neurologique des enfants. En outre, les experts chargés de l’évaluation par les pairs ont indiqué qu’il pouvait être approprié de classer le [CHP]-méthyl comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B, conformément aux critères établis par le règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil.
(11) La Commission a invité les demandeurs à faire part de leurs observations sur les déclarations de l’[EFSA]. Conformément à l’article 14, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement d’exécution (UE) no 844/2012, elle les a également invités à présenter leurs observations sur le […] rapport de renouvellement. Les demandeurs ont présenté leurs observations, et celles-ci ont fait l’objet d’un examen attentif.
(12) Toutefois, en dépit des arguments avancés par les demandeurs, les préoccupations concernant la substance active n’ont pas pu être dissipées.
(13) Il n’a donc pas été établi, pour ce qui concerne une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit phytopharmaceutique, que les critères d’approbation énoncés à l’article 4 du règlement (CE) no 1107/2009 sont remplis. L’évaluation des risques pour l’environnement, bien que non définitive, n’est pas de nature à modifier cette conclusion étant donné que les critères d’approbation relatifs aux effets sur la santé humaine ne sont pas remplis et ne devraient donc pas retarder
davantage la décision relative au renouvellement de l’approbation de la substance active. Il convient par conséquent de ne pas renouveler l’approbation de la substance active [CHP]-méthyl, conformément à l’article 20, paragraphe 1, point b), dudit règlement. »
55 Par ailleurs, le 10 janvier 2020, la Commission a également adopté le règlement d’exécution (UE) 2020/18, portant sur le non-renouvellement de l’approbation de la substance active chlorpyriphos, conformément au règlement no 1107/2009, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution no 540/2011 (JO 2020, L 7, p. 14).
56 Au considérant 10 du règlement 2020/18, il est indiqué ce qui suit :
« Le 31 juillet 2019, l’[EFSA] a envoyé sa déclaration à la Commission. Dans cette déclaration, [elle] confirme que les conclusions relatives à l’évaluation pour la santé humaine indiquent l’existence de domaines critiques de préoccupation. Sur la base des informations disponibles, il ne peut être exclu que le chlorpyri[ph]os présente un potentiel génotoxique, étant donné que des résultats positifs ont été observés dans plusieurs études in vitro et in vivo. Par conséquent, il n’est pas possible
d’établir des valeurs de référence basées sur la protection de la santé pour le chlorpyri[ph]os ni de procéder à une évaluation appropriée des risques pour les consommateurs et des risques non alimentaires. En outre, des effets de neurotoxicité pour le développement ont été observés dans l’étude disponible sur la neurotoxicité pour le développement chez les rats, et des données épidémiologiques révèlent l’existence d’un lien entre l’exposition au chlorpyri[ph]os et/ou au [CHP]-méthyl pendant le
développement et des effets néfastes sur le développement neurologique des enfants. En outre, il est indiqué que les experts chargés de l’évaluation par les pairs ont jugé approprié de classer le chlorpyri[ph]os comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B, conformément aux critères établis par le règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil. »
II. Conclusions des parties et procédure
57 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler le règlement attaqué ;
– condamner la Commission aux dépens.
58 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux relatifs à la procédure de référé ;
– condamner l’European Crop Care Association (ECCA) aux dépens liés à son intervention.
59 L’ECCA conclut à ce qu’il plaise au tribunal :
– annuler le règlement attaqué ;
– condamner la Commission aux dépens exposés par elle.
60 La Health and Environment Alliance (HEAL) conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens exposés par elle.
61 Le Royaume de Danemark conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.
62 La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.
63 Le Tribunal, en vertu de l’article 24, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, a posé plusieurs questions à l’EFSA ainsi qu’aux parties. Celles-ci y ont répondu dans les délais impartis.
III. Recevabilité du recours et des pièces produites en cours de procédure
64 Il convient d’examiner la recevabilité du recours, puis celle de certaines pièces du dossier.
A. Recevabilité du recours
65 Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas dudit article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.
66 Les requérantes n’étant pas destinataires du règlement attaqué, il convient de déterminer si celui-ci les concerne directement et individuellement.
67 Il y a lieu, tout d’abord, d’examiner la qualité pour agir d’Ascenza.
68 S’agissant de la condition de l’affectation directe, il convient de rappeler que cette condition requiert que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation incriminée sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 17 mai 2018, BASF
Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 33 et jurisprudence citée).
69 En l’espèce, le règlement attaqué modifie la liste des substances actives, dont l’incorporation dans les produits phytopharmaceutiques est approuvée, figurant à l’annexe du règlement d’exécution no 540/2011. En application de l’article 3 du règlement attaqué, cette modification impose aux États membres ayant accordé des autorisations pour des produits phytopharmaceutiques contenant le CHP-méthyl de les retirer au plus tard le 16 avril 2020. Il résulte de cette disposition que les États membres ne
disposent, à cet égard, d’aucune marge d’appréciation.
70 Par conséquent, le règlement attaqué produit directement des effets sur la situation juridique d’Ascenza, qui produit et commercialise le CHP-méthyl (voir, en ce sens, arrêts du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, points 35 et 36, et du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, point 51).
71 S’agissant de la condition de l’affectation individuelle, il convient de rappeler qu’un sujet autre que le destinataire d’un acte ne saurait prétendre être concerné individuellement, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si cet acte l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêt
du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223).
72 Il résulte d’une jurisprudence constante que l’auteur de la demande d’approbation d’une substance active, ayant soumis le dossier et ayant participé à la procédure d’évaluation, est individuellement concerné tant par un acte autorisant la substance active sous conditions que par un acte refusant l’autorisation (voir arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 45 et jurisprudence citée). Une telle jurisprudence s’applique également à l’auteur d’une demande de
renouvellement de l’approbation d’une substance active lorsque l’acte en cause rejette cette demande.
73 En l’espèce, il est constant, d’une part, qu’Ascenza, alors dénommée Sapec Agro, a été l’auteur de la demande de renouvellement du CHP-méthyl et a ensuite participé à la procédure de renouvellement. Dès lors, Ascenza est individuellement concernée par le règlement attaqué (voir, en ce sens, arrêts du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 46, et du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, point 64).
74 Il résulte des considérations exposées aux points 65 à 73 ci-dessus qu’Ascenza est recevable à contester le règlement attaqué, ce que la Commission a d’ailleurs expressément reconnu.
75 S’agissant d’Industrias Afrasa, la Commission émet des doutes quant à sa qualité pour agir.
76 À cet égard, il convient de rappeler que, pour des raisons d’économie procédurale, si une même décision est attaquée par plusieurs parties requérantes et qu’il est établi que l’une d’elles dispose de la qualité pour agir, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, point 31, et du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P,
EU:C:2011:368, points 36 et 37).
77 Or, ainsi qu’il a été constaté au point 74 ci-dessus, Ascenza a qualité pour agir contre le règlement attaqué.
78 Par conséquent, il y a lieu de considérer que le présent recours est recevable sans qu’il soit besoin d’examiner la qualité pour agir d’Industrias Afrasa.
B. Recevabilité de trois études publiées par l’EFSA en 2013, en 2016 et en 2017 et produites en cours de procédure par les requérantes
79 Aux termes de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, « les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié ».
80 Les requérantes ont produit, en annexe à la réplique, trois études publiées par l’EFSA en 2013, en 2016 et en 2017, lesquelles concourent à établir, selon elles, l’absence de risque génotoxique du CHP-méthyl.
81 Les requérantes ont indiqué avoir eu connaissance de ces trois études par une autre étude, relative à la génotoxicité du chlorpyriphos, publiée le 21 mai 2020, après l’introduction de leur recours.
82 Elles soutiennent, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal, qu’Ascenza n’était pas tenue de produire ces trois études dans le dossier de demande de renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl, pour justifier de l’absence de communication desdites études antérieurement à cette publication et à la production de la réplique.
83 Toutefois, cette circonstance, à la supposer établie, ne permet pas de conclure qu’elles ne pouvaient produire ces études à la date d’introduction de leur recours. En effet, ainsi qu’il ressort du point 80 ci-dessus, ces trois études avait été publiées avant l’adoption du règlement attaqué et, a fortiori, avant l’introduction du présent recours.
84 Par conséquent, les requérantes ne sauraient être regardées comme justifiant le retard dans la présentation desdites études à titre de preuves.
85 Celles-ci doivent donc être déclarées, en application des dispositions de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, irrecevables (voir, en ce sens, arrêts du 6 avril 2017, Alkarim for Trade and Industry/Conseil, T‑35/15, non publié, EU:T:2017:262, points 28 et 29, et du 18 septembre 2017, Uganda Commercial Impex/Conseil, T‑107/15 et T‑347/15, non publié, EU:T:2017:628, points 73 et 74).
IV. Examen au fond du recours
86 Les requérantes invoquent huit moyens, tirés, le premier, d’une violation des formes substantielles, le deuxième, d’une violation de l’obligation de transparence, le troisième, d’une violation du droit d’être entendu, le quatrième, d’une violation du principe de précaution, le cinquième, d’une violation de l’obligation de prendre en compte les éléments et les circonstances pertinents de la situation que le règlement attaqué entendait régir, le sixième, d’une violation du principe de bonne
administration, le septième, d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’évaluation des risques retenue par l’EFSA, puis par la Commission, et, le huitième, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une méconnaissance du principe de proportionnalité.
87 En outre, l’ECCA invoque trois moyens supplémentaires, les neuvième et dixième moyens étant tirés d’une violation de l’obligation de motivation et le onzième moyen d’une violation de l’article 14 du règlement d’exécution no 844/2012.
A. Sur le premier moyen, tiré d’une violation des formes substantielles
88 Les requérantes invoquent l’existence d’une violation des formes substantielles.
89 Premièrement, elles indiquent que le règlement attaqué s’est fondé à tort sur deux déclarations limitées à une seule partie de l’évaluation des risques, celle relative à la santé humaine.
90 De plus, l’article 4 du règlement no 1107/2009 ferait référence à l’annexe II de ce règlement, laquelle énumérerait une série de critères. Or, selon les requérantes, chacun de ces critères doit être examiné par l’EFSA lorsqu’elle adopte des conclusions, examen auquel celle-ci n’aurait pas procédé en l’espèce.
91 Enfin, la Commission ne pouvait, selon les requérantes, se fonder sur le fait que le CHP-méthyl devait être classé comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B pour « mettre fin à la procédure » de renouvellement de l’approbation de cette substance sans procéder à une évaluation complète de celle-ci.
92 Deuxièmement, les requérantes soutiennent que la procédure d’adoption du règlement attaqué est irrégulière, au motif que l’EFSA n’a pas adopté de conclusions, contrairement à ce que prévoirait l’article 13, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 844/2012. Elles se prévalent, à cet égard, d’un document de l’EFSA intitulé « Définitions des productions scientifiques et des publications connexes de l’EFSA », lequel a été diffusé sur le site Internet de cette dernière.
93 Par ailleurs, les requérantes rappellent que l’article 13, paragraphe 1, second alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012 prévoit la possibilité pour la Commission d’informer l’EFSA que des conclusions ne sont pas nécessaires. Or, la Commission n’aurait pas dûment informé l’EFSA à cet égard.
94 En outre, les requérantes indiquent que, à supposer même qu’il existe des conclusions, celles-ci seraient irrégulières, car lacunaires.
95 Troisièmement, selon les requérantes, les délais prévus à l’article 13 du règlement d’exécution no 844/2012 ont été méconnus.
96 Elles ajoutent que la méconnaissance de ces délais a nécessairement eu une incidence sur le contenu du règlement attaqué, dès lors que le vote au sein du comité permanent, en l’absence de cette méconnaissance, serait intervenu avant l’adoption par l’un des États membres d’une règle de conduite non pertinente l’ayant conduit à adopter un vote favorable.
97 L’ECCA soutient que le fait qu’une déclaration ait été produite ne dispensait pas l’EFSA de son obligation d’adopter des conclusions.
98 L’ECCA indique que les conclusions adoptées par l’EFSA doivent se prononcer sur l’ensemble des critères énumérés à l’annexe II du règlement no 1107/2009 et que la Commission ne pouvait adopter le rapport de renouvellement avant que l’EFSA n’ait achevé l’évaluation des risques.
99 L’ECCA soutient que, en raison de l’absence de mention de la méthode des références croisées dans le règlement no 1107/2009, l’application de cette méthode par l’EFSA, puis par la Commission, entraîne une violation des formes substantielles.
100 Le présent moyen est composé de trois griefs, tirés, le premier, de l’interdiction pour la Commission de mettre fin à la procédure de renouvellement du CHP-méthyl sans examiner l’ensemble des conditions et des critères prévus par les textes, le deuxième, de l’absence de conclusions de l’EFSA et, le troisième, du non-respect des délais prévus par les textes.
1. Interdiction pour la Commission de mettre fin à la procédure de renouvellement du CHP-méthyl sans examiner l’ensemble des conditions et des critères prévus par le règlement no 1107/2009
101 En premier lieu, il convient de déterminer si c’est à tort que la Commission n’a pas examiné l’ensemble des conditions prévues à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1107/2009.
102 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 4 du règlement no 1107/2009 est applicable en l’espèce, conformément aux dispositions de l’article 14, paragraphe 1, premier alinéa, du même règlement (voir point 9 ci-dessus).
103 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1107/2009, une substance active est approuvée conformément à l’annexe II dudit règlement s’il est prévisible que, compte tenu des critères d’approbation énoncés aux points 2 et 3 de cette annexe, les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active satisfont aux conditions prévues à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du même règlement.
104 L’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1107/2009 dispose ce qui suit :
« 2. Les résidus des produits phytopharmaceutiques, résultant d’une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires et dans des conditions réalistes d’utilisation, satisfont aux conditions suivantes :
a) ils n’ont pas d’effet nocif sur la santé des êtres humains, y compris les groupes vulnérables, ou sur la santé des animaux, compte tenu des effets cumulés et synergiques connus lorsque les méthodes d’évaluation scientifiques de ces effets, acceptées par l’[EFSA], sont disponibles, ou sur les eaux souterraines ;
b) ils n’ont pas d’effet inacceptable sur l’environnement.
[…]
3. Un produit phytopharmaceutique, dans des conditions d’application conformes aux bonnes pratiques phytosanitaires et dans des conditions réalistes d’utilisation, satisfait aux conditions suivantes :
a) il est suffisamment efficace ;
b) il n’a pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine, y compris les groupes vulnérables, ou sur la santé animale, directement ou par l’intermédiaire de l’eau potable (compte tenu des substances résultant du traitement de l’eau), des denrées alimentaires, des aliments pour animaux ou de l’air, ou d’effets sur le lieu de travail ou d’autres effets indirects, compte tenu des effets cumulés et synergiques connus lorsque les méthodes d’évaluation scientifiques de ces effets, acceptées
par l’[EFSA], sont disponibles ; ou sur les eaux souterraines ;
c) il n’a aucun effet inacceptable sur les végétaux ou les produits végétaux ;
d) il ne provoque ni souffrances ni douleurs inutiles chez les animaux vertébrés à combattre ;
e) il n’a pas d’effet inacceptable sur l’environnement […] »
105 Il y a lieu de relever, premièrement, que les conditions prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1107/2009, auxquelles l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement renvoie, concernent les résidus du produit phytopharmaceutique contenant la substance active en cause.
106 Ainsi, alors que l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 ne fait pas référence aux résidus des produits phytopharmaceutiques, il doit être interprété en ce sens que, pour qu’une substance active soit approuvée, il doit être prévisible que tant les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance que leurs résidus remplissent plusieurs conditions.
107 Deuxièmement, l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 prévoit qu’il est satisfait « aux conditions » prévues à l’article 4, paragraphes 2 et 3, dudit règlement et non à l’une de ces conditions. Il en va de même pour l’alinéa introductif de chacune desdites dispositions.
108 Au regard des considérations exposées aux points 105 à 107 ci-dessus, les conditions prévues à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1107/2009 doivent être regardées comme étant cumulatives.
109 Il suffit donc, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, qu’une seule de ces conditions ne soit pas remplie pour que la demande d’approbation d’une substance active soit rejetée.
110 En l’occurrence, pour adopter le règlement attaqué, la Commission a fait référence à l’article 4 du règlement no 1107/2009. À cet égard, elle s’est fondée sur les effets sur la santé humaine du CHP-méthyl et, plus précisément, sur trois motifs, tirés, le premier, du fait que « le potentiel génotoxique du [CHP]-méthyl ne saurait être exclu », le deuxième, de l’existence de « préoccupations concernant [s]a neurotoxicité pour le développement » et, le troisième, du fait qu’il « pouvait être
approprié de classer le [CHP]-méthyl comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B » (voir points 266 et 267 ci-après).
111 Dès lors que la Commission a ainsi considéré que l’existence d’effets nocifs sur la santé humaine du produit phytopharmaceutique contenant le CHP-méthyl et de ses résidus ne pouvait être exclue, c’est à bon droit qu’elle a pu ne pas procéder à un examen de cette substance au regard de l’ensemble des conditions figurant à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1107/2009.
112 Par conséquent, il convient d’écarter l’argument tiré de ce que la Commission aurait dû examiner l’ensemble des conditions prévues à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1107/2009.
113 En deuxième lieu, il convient de déterminer si c’est à tort que la Commission n’a pas examiné l’ensemble des critères prévus à l’annexe II du règlement no 1107/2009.
114 À cet égard, l’article 4 du règlement no 1107/2009, intitulé « Critères d’approbation des substances actives », fixe les conditions et les critères d’approbation d’une telle substance.
115 Ainsi qu’il a été dit au point 103 ci-dessus, aux termes de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1107/2009, une substance active est approuvée conformément à l’annexe II dudit règlement s’il est prévisible que, compte tenu des critères d’approbation énoncés aux points 2 et 3 de cette annexe, les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active satisfont aux conditions prévues à l’article 4, paragraphes 2 et 3, dudit règlement.
116 Si l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1107/2009 renvoie aux critères d’approbation de l’annexe II dudit règlement, lesquels doivent être pris en compte, il ne prévoit pas qu’une substance active est approuvée si les critères énoncés aux points 2 et 3 de cette annexe sont remplis ou, a fortiori, si l’un quelconque de ces critères l’est.
117 De même, l’annexe II du règlement no 1107/2009 ne prévoit pas, pour l’un des critères énoncés à ses points 2 et 3, que, lorsque ce critère est rempli, l’approbation de la substance en cause doit être accordée.
118 Selon le seul critère, mentionné au point 3.6.4 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, expressément invoqué par les requérantes au soutien de leur argumentation, une substance active « n’est approuvée que si » cette substance « n’est pas – ou ne doit pas être – classée toxique pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B ».
119 Il en résulte qu’une substance active n’est pas approuvée si elle est, ou doit être, classée toxique pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B.
120 Il convient de relever que les critères figurant aux points 3.6.2, 3.6.3 et 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, lesquels sont relatifs, respectivement, à la génotoxicité, à la carcinogénicité et aux effets perturbateurs endocriniens, sont libellés et doivent être interprétés de la même manière que celui qui est mentionné au point 3.6.4 de cette annexe (voir point 118 ci-dessus).
121 C’est en ce sens qu’il peut être fait référence, comme le font les requérantes et la Commission dans leurs écritures, à des « critères d’exclusion », par opposition aux conditions de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1107/2009, pour lesquelles l’article 4, paragraphe 1, du même règlement dispose que, dès lors qu’il est prévisible qu’elles sont remplies, la substance en cause doit être approuvée.
122 Compte tenu des considérations exposées aux points 114 à 121 ci-dessus, les critères énoncés aux points 2 et 3 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, en particulier ceux figurant aux points 3.6.2 à 3.6.5 de cette annexe, ne peuvent être regardés comme étant des critères d’approbation d’une substance active qui viendraient s’ajouter aux conditions d’approbation prévues à l’article 4, paragraphes 2 et 3, dudit règlement. A fortiori, ces critères ne peuvent être regardés comme des critères
alternatifs d’approbation d’une telle substance.
123 Par conséquent, la Commission n’était pas tenue d’examiner chacun de ces critères, dès lors qu’elle considérait que l’une des conditions cumulatives d’approbation d’une substance active figurant à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1107/2009 n’était pas satisfaite.
124 Ainsi, il convient d’écarter l’argument tiré de ce que l’EFSA aurait dû procéder à un examen du CHP-méthyl au regard de l’ensemble des critères mentionnés à l’annexe II du règlement no 1107/2009.
125 En troisième lieu, les requérantes soutiennent que la Commission, pour « justifier de mettre fin à la procédure d’évaluation des risques » en rejetant la demande de renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl, se serait fondée à tort, dans le règlement attaqué, sur l’indication, par les experts chargés de l’évaluation par les pairs, selon laquelle il pouvait être approprié de classer le CHP-méthyl comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B.
126 Les requérantes invoquent l’existence d’une « réserve » relative au critère figurant au point 3.6.4 de l’annexe II du règlement no 1107/2009. Cette disposition prévoit qu’une substance active ne peut être approuvée lorsqu’elle est classée comme étant toxique pour la reproduction de la catégorie 1B ou lorsqu’elle devrait l’être, à moins que l’exposition de l’homme à cette substance active ne soit négligeable dans les conditions d’utilisation réalistes proposées (voir point 11 ci-dessus).
127 Il est vrai que, en l’espèce, ni l’EFSA ni la Commission n’ont examiné l’exception, qualifiée de « réserve » par les requérantes, mentionnée au point 126 ci-dessus.
128 Toutefois, ce n’est que lorsque la Commission entend fonder un refus d’approbation d’une substance active sur le point 3.6.4 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, c’est-à-dire lorsqu’elle s’estime tenue, quels que soient les autres éléments figurant dans le dossier de demande d’approbation de la substance active en cause, de rejeter cette demande en vertu du classement de cette substance ou de la nécessité d’un tel classement, que cette exception doit être examinée.
129 Or, selon le règlement attaqué, l’existence d’effets nocifs sur la santé humaine du produit phytopharmaceutique contenant le CHP-méthyl et de ses résidus ne peut être exclue. Le règlement attaqué ne se fonde donc pas sur le classement de cette substance comme étant toxique pour la reproduction de catégorie 1B ou sur la nécessité d’un tel classement (voir points 110 et 111 ci-dessus).
130 Il convient de souligner, à cet égard, que, selon le troisième motif du règlement attaqué, il « pouvait être approprié de classer le [CHP]-méthyl comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B ». Ce motif n’est donc pas fondé sur le constat de l’existence d’un tel classement ou sur sa nécessité.
131 Par conséquent, la Commission n’était pas tenue de se prononcer sur l’exception prévue au point 3.6.4 de l’annexe II du règlement no 1107/2009.
132 Ainsi, la Commission n’a commis aucune erreur de droit en interprétant le point 3.6.4 de l’annexe II du règlement no 1107/2009.
133 Au regard des considérations exposées aux points 125 à 132 ci-dessus, il doit être conclu que la Commission n’était pas tenue d’examiner le caractère négligeable de l’exposition de l’homme au CHP-méthyl dans les conditions d’utilisation réalistes proposées avant de refuser de renouveler l’approbation de cette substance active.
134 L’argument tiré de l’absence d’un tel examen doit donc être écarté.
135 Il résulte de tout ce qui précède que le présent grief doit être écarté.
2. Absence de conclusions
136 Les requérantes soutiennent que la procédure d’adoption du règlement attaqué est irrégulière, au motif que l’EFSA n’a pas adopté de conclusions, contrairement à ce que prévoit l’article 13, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 844/2012.
137 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le règlement d’exécution no 844/2012 a été adopté pour établir les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de la procédure de renouvellement prévue à la sous-section 3, intitulée « Renouvellement et Réexamen », du règlement no 1107/2009.
138 Aux termes de l’article 12 du règlement no 1107/2009, intitulé « Conclusions de l’[EFSA] » :
« […]
2. S’il y a lieu, l’[EFSA] organise une consultation d’experts, y compris d’experts de l’État membre rapporteur.
Dans les cent vingt jours à compter de l’expiration de la période de présentation d’observations écrites, l’[EFSA] adopte, compte tenu de l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, en utilisant les documents d’orientation disponibles au moment de la demande, des conclusions dans lesquelles elle précise si la substance active est susceptible de satisfaire aux critères d’approbation de l’article 4 ; elle les communique au demandeur, aux États membres et à la Commission et les met
à la disposition du public […]
4. Les conclusions de l’[EFSA] contiennent des précisions sur la procédure d’évaluation et les propriétés de la substance active concernée.
[…] »
139 L’article 13 du règlement d’exécution no 844/2012 est également intitulé « Conclusions de l’[EFSA] ». Son paragraphe 1, premier alinéa, qui reprend mutatis mutandis la définition résultant de l’article 12, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1107/2009, prévoit ce qui suit :
« Dans les cinq mois suivant l’expiration du délai visé à l’article 12, paragraphe 3, l’[EFSA] adopte, compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques et en utilisant les documents d’orientation en vigueur à la date de la soumission des dossiers complémentaires, des conclusions dans lesquelles elle indique s’il est permis d’escompter que la substance active satisfait aux critères d’approbation énoncés à l’article 4 du règlement (CE) no 1107/2009. S’il y a lieu, l’[EFSA]
organise une consultation d’experts, y compris d’experts de l’État membre rapporteur et de l’État membre corapporteur. L’[EFSA] communique ses conclusions au demandeur, aux États membres et à la Commission. »
140 C’est au regard de ces dispositions qu’il y a lieu de définir la notion de « conclusions » adoptées par l’EFSA.
141 En l’occurrence, il convient de relever qu’aucune définition des conclusions ne figure dans les textes applicables.
142 Néanmoins, il ressort des dispositions rappelées aux points 138 et 139 ci-dessus que, sur le plan formel, les conclusions doivent être, d’une part, adoptées par l’EFSA et, d’autre part, communiquées au demandeur, aux États membres et à la Commission.
143 Certes, en l’espèce, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’imposent les dispositions précitées, la déclaration du 31 juillet 2019 n’a pas été communiquée à Ascenza.
144 Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé au point 43 ci-dessus, la déclaration du 8 novembre 2019 procède uniquement à une mise à jour de celle du 31 juillet 2019. Dans ces conditions, la communication de la déclaration du 8 novembre 2019 implique, en substance, celle de la déclaration mise à jour du 31 juillet 2019.
145 Dans la mesure où la déclaration du 8 novembre 2019 a été communiquée conformément à l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012, le critère formel énoncé au point 142 ci-dessus a été respecté par l’EFSA.
146 Par ailleurs, s’agissant du contenu des conclusions, il ressort des dispositions pertinentes du règlement no 1107/2009 et du règlement d’exécution no 844/2012 que, dans les conclusions qu’elle adopte, outre des « précisions » sur la procédure d’évaluation et les propriétés de la substance active concernée, l’EFSA « précise si la substance active est susceptible de satisfaire aux critères d’approbation de l’article 4 » du règlement no 1107/2009.
147 Ainsi, l’élément déterminant qu’il convient de prendre en considération aux fins de caractériser l’existence de conclusions est l’expression d’un avis de l’EFSA quant à l’aptitude d’une substance active à satisfaire aux conditions et aux critères de l’article 4 du règlement no 1107/2009.
148 En l’espèce, l’EFSA a estimé, tant dans la déclaration du 31 juillet 2019 que dans celle du 8 novembre de la même année, que le CHP-méthyl ne remplissait pas les critères d’approbation de l’article 4 du règlement no 1107/2009 en ce qui concerne la santé humaine.
149 Il y a donc lieu de constater que l’EFSA a adopté des conclusions au sens de l’article 13 du règlement d’exécution no 844/2012, ce qui ne saurait être remis en cause par les considérations suivantes.
150 Certes, premièrement, l’EFSA, dans un document intitulé « Définitions des productions scientifiques et des publications connexes de l’EFSA », diffusé sur son site Internet, a donné des définitions comme suit :
« A.2.1 Déclaration de l’EFSA
Une déclaration de l’EFSA est un document portant sur un sujet de préoccupation et préparé sous la forme d’un conseil ou d’une déclaration factuelle en vue de son examen par la Commission européenne, le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne, les États membres ou les parties concernées. Une déclaration de l’EFSA est généralement préparée dans un délai relativement court. Durant ce processus, l’EFSA peut consulter le comité scientifique, un groupe scientifique ou un de ses réseaux.
[…]
A.2.3 Conclusion de l’examen par les pairs des pesticides
Une conclusion de l’EFSA est une évaluation scientifique complète qui délivre les conclusions du processus d’examen par les pairs de l’évaluation des risques visant à établir si une substance active utilisée dans un produit phytopharmaceutique remplira les critères requis pour son homologation, tels qu’énoncés dans le cadre législatif d’application. »
151 Ainsi, en tenant compte des éléments figurant dans les définitions précitées, il pourrait être conclu, comme le soutiennent les requérantes (voir point 92 ci-dessus), que la déclaration du 31 juillet 2019 et celle du 8 novembre de la même année ne constituent pas des conclusions, mais des déclarations.
152 Toutefois, le document intitulé « Définitions des productions scientifiques et des publications connexes de l’EFSA », qui n’a pas de valeur normative, ne peut être pris en compte aux fins de définir la notion de « conclusions » au sens de l’article 13 du règlement d’exécution no 844/2012.
153 Secondement, il est vrai que la Commission elle-même a qualifié les documents dont elle demandait la communication de « déclarations » dans ses demandes adressées à l’EFSA le 1er juillet 2019 et le 24 septembre 2019 (voir points 25 et 39 ci-dessus). Bien que la base juridique sur laquelle se fondent ces demandes ne soit pas précisée, il ressort de l’article 29, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes
généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’EFSA et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1), que la Commission peut demander à l’EFSA d’émettre un avis scientifique sur toute question relevant de sa mission. L’EFSA, quant à elle, a répondu à ces demandes en produisant des documents qu’elle a également qualifiés de « déclarations » (voir points 27 et 43 ci-dessus).
154 Cependant, la caractérisation de l’existence de « conclusions » dépend, en premier lieu, du contenu du document en question et non de sa désignation.
155 Or, ainsi qu’il a été souligné au point 148 ci-dessus, l’EFSA s’est prononcée, dans les « déclarations » en cause, dans le sens que le CHP-méthyl ne remplissait pas les critères d’approbation prévus à l’article 4 du règlement no 1107/2009 en ce qui concerne la santé humaine.
156 Par conséquent, l’argument tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 13, paragraphe 1, second alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012 (point 93 ci-dessus), lesquelles prévoient une information de l’EFSA par la Commission lorsque cette dernière estime que des conclusions ne sont pas nécessaires, doit être écarté comme manquant en fait, dès lors qu’il présuppose que l’EFSA n’aurait pas adopté de conclusions.
157 Par ailleurs, les requérantes soutiennent également que, à supposer même que les déclarations de l’EFSA puissent être regardées comme des conclusions, elles seraient, en tout état de cause, illégales, car elles ne contiennent pas une évaluation complète du CHP-méthyl (voir point 94 ci-dessus).
158 À cet égard, il suffit de renvoyer aux motifs figurant aux points 112 et 124 ci-dessus.
159 Certes, l’EFSA, dans le document intitulé « Définitions des productions scientifiques et des publications connexes de l’EFSA », prévoit qu’une conclusion de l’EFSA est une évaluation scientifique complète (voir point 150 ci-dessus).
160 Toutefois, ce document ne saurait être regardé comme étant constitutif de lignes directrices au sens de la jurisprudence.
161 À cet égard, la Cour a jugé que les lignes directrices énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont une institution ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement. En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, l’institution en question s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir
d’appréciation (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 209 à 211).
162 Or, il résulte des observations communiquées au Tribunal par l’EFSA à la suite de la mesure d’organisation de la procédure adoptée sur le fondement de l’article 24 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que celle-ci n’a pas entendu donner de valeur contraignante au document intitulé « Définitions des productions scientifiques et des publications connexes de l’EFSA ».
163 Par conséquent, l’argument tiré de l’illégalité des conclusions de l’EFSA doit également être écarté.
164 Il résulte de tout ce qui précède que le présent grief doit être rejeté.
3. Non-respect des délais prévus par les dispositions réglementaires
165 Les requérantes soutiennent que l’absence d’adoption par l’EFSA de conclusions dans les délais prévus par les textes applicables constitue une violation des formes substantielles.
166 À cet égard, l’article 13, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 844/2012 prévoit que l’EFSA dispose, pour adopter ses conclusions, d’un délai de cinq mois courant à compter de la fin de la période de soixante jours pendant laquelle des observations peuvent être présentées sur le projet de rapport d’évaluation du renouvellement. Il résulte de l’article 13, paragraphe 3, du même règlement que ce délai peut être prorogé pour tenir compte du délai accordé au demandeur pour communiquer des
informations supplémentaires et à l’État membre rapporteur pour transmettre son évaluation sur ces informations.
167 Or, il est constant, en l’espèce, que le délai mentionné au point 166 ci-dessus n’a pas été respecté.
168 Toutefois, la méconnaissance d’un tel délai n’est assortie d’aucune sanction par les textes.
169 En outre, l’annulation éventuelle d’un règlement tel que le règlement attaqué, en dépit de l’absence de sanction légale et du seul fait du dépassement dudit délai, aurait pour seul effet de provoquer la réouverture de la procédure administrative, la durée de celle-ci étant ainsi prolongée au motif qu’elle a déjà été trop longue (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, EU:T:2010:15, points 70 et 71).
170 Par conséquent, le respect du délai prévu à l’article 13 du règlement d’exécution no 844/2012 obéit uniquement à une règle de bonne administration dont la non-observation, s’il n’est pas exclu qu’elle puisse éventuellement engager la responsabilité de l’Union pour le préjudice que l’institution concernée aurait causé aux demandeurs, n’est pas pour autant de nature à affecter, à elle seule, la légalité du règlement attaqué (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 novembre 2001, Z/Parlement,
C‑270/99 P, EU:C:2001:639, point 21).
171 Au regard des considérations qui précèdent, il convient d’écarter le présent grief.
172 Quant à l’argument de l’ECCA relatif au recours irrégulier à la méthode des références croisées, alors que cette méthode n’est pas mentionnée dans le règlement no 1107/2009 (voir point 99 ci-dessus), celui-ci sera examiné sur le fond, dans le cadre du septième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation quant à l’évaluation des risques retenue par l’EFSA, puis par la Commission.
173 En outre, s’agissant de l’invocation par l’ECCA de l’incompétence de la Commission pour adopter le règlement attaqué, il doit également être écarté comme dépourvu de fondement en droit. Il ressort en effet des dispositions de l’article 14, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 844/2012 que la Commission est compétente pour adopter un règlement tel que le règlement attaqué, qui est relatif au renouvellement de l’approbation d’une substance active.
174 Il y a donc lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble.
B. Sur le onzième moyen, tiré de la violation de l’article 14 du règlement d’exécution no 844/2012
175 L’ECCA fait valoir que l’article 14 du règlement d’exécution no 844/2012 a été méconnu, le rapport de renouvellement ne pouvant être présenté par la Commission au comité permanent avant l’achèvement de l’évaluation réalisée par l’EFSA.
176 L’article 14, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 844/2012 prévoit que la Commission présente un rapport de renouvellement au comité permanent dans les six mois qui suivent la date de réception des conclusions de l’EFSA et que ce rapport tient compte desdites conclusions.
177 En l’espèce, la Commission a certes transmis aux demandeurs, dès le 12 août 2019, le rapport de renouvellement. De plus, le comité permanent a procédé à un premier échange de vues sur la question du renouvellement du CHP-méthyl les 21 et 22 octobre 2019 (voir point 42 ci-dessus), c’est-à-dire avant l’adoption par l’EFSA de la déclaration du 8 novembre 2019.
178 Toutefois, le rapport de renouvellement étant fondé sur la déclaration du 31 juillet 2019 (voir point 34 ci-dessus), la Commission avait pris en compte les conclusions de l’EFSA (voir points 148 et 149 ci-dessus) avant d’adopter une première version de ce rapport.
179 En outre, la Commission a procédé par la suite à la mise à jour du rapport de renouvellement pour tenir compte de la déclaration du 8 novembre 2019 (voir point 51 ci-dessus). Il n’est pas allégué que le comité permanent, lorsqu’il s’est prononcé le 6 décembre 2019 (voir point 53 ci-dessus), ne s’est pas prononcé sur le fondement du rapport mis à jour.
180 Par conséquent, le rapport de renouvellement présenté au comité permanent lorsqu’il a émis son avis n’était pas antérieur à la dernière évaluation réalisée par l’EFSA, contrairement à ce que soutient l’ECCA.
181 Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter le présent moyen invoqué par l’ECCA comme non fondé, sans qu’il soit besoin de statuer au préalable sur sa recevabilité.
C. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de transparence
182 Les requérantes invoquent une violation de l’obligation de transparence.
183 Elles soutiennent que, entre le moment où Ascenza a soumis les informations supplémentaires qui lui avaient été demandées par l’EFSA (voir point 22 ci-dessus) et le début du mois d’avril 2019, quand ont été organisées des consultations d’experts (voir point 24 ci-dessus), ni la Commission ni l’EFSA ne se sont comportées de manière transparente à son égard. Elles ajoutent qu’Ascenza a été surprise par l’apparition de préoccupations relatives à la génotoxicité et à la neurotoxicité pour le
développement qui n’avaient jamais été émises jusqu’alors selon elles.
184 En outre, les requérantes se prévalent du fait qu’Ascenza n’a pas été informée de l’organisation des consultations d’experts du mois d’avril 2019, de l’absence d’adoption de conclusions par l’EFSA et de la demande de la Commission adressée à l’EFSA de produire des déclarations.
185 Enfin, les requérantes ajoutent qu’Ascenza n’a pas été informée de l’existence d’une étude relative à la génotoxicité du chlorpyriphos dont la réalisation aurait été confiée par l’EFSA à un institut de recherche en février 2019.
186 À cet égard, les requérantes précisent que cette étude n’a pas été communiquée à Ascenza lors de la procédure d’adoption du règlement attaqué et qu’elle n’a pas été communiquée non plus aux experts réunis lors des consultations d’avril et de septembre 2019. Les requérantes mentionnent également l’existence d’un rapport intermédiaire. À la suite d’une mesure d’instruction ordonnée par le Tribunal, l’EFSA a communiqué au Tribunal ce rapport intermédiaire qu’elle avait reçu le 30 avril 2019.
187 Il convient de rappeler qu’il incombe à la partie affectée qui invoque devant le Tribunal la violation d’une obligation de transparence au soutien de conclusions en annulation dirigées contre un acte de l’Union de portée générale de se prévaloir d’une disposition expresse lui conférant un droit procédural et relevant du cadre juridique régissant l’adoption dudit acte (voir, par analogie, arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, point 87 et jurisprudence citée).
188 En premier lieu, il y a lieu d’examiner si le règlement attaqué constitue un acte de portée générale.
189 À cet égard, il a été jugé que les mesures portant approbation, prolongation d’approbation ou renouvellement d’approbation de substances actives, adoptées sur le fondement du règlement no 1107/2009, avaient une portée générale (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2018, Mellifera/Commission, T‑12/17, EU:T:2018:616, point 71).
190 Or, le règlement attaqué est relatif au non-renouvellement de l’approbation de la substance active CHP-méthyl, conformément au règlement no 1107/2009, et concerne donc, de manière abstraite et générale, toute personne ayant l’intention de produire, de commercialiser ou d’utiliser cette substance ainsi que toute personne détenant des autorisations pour les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance (voir, en ce sens, arrêts du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13
et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 54 ; du 27 septembre 2018, Mellifera/Commission, T‑12/17, EU:T:2018:616, points 56 à 65, et du 9 février 2022, AMVAC Netherlands/Commission, T‑317/19, non publié, EU:T:2022:62, point 59).
191 Il s’ensuit que le règlement attaqué peut être qualifié d’acte de portée générale, sans que l’affectation individuelle d’Ascenza par cet acte (voir points 71 à 74 ci-dessus) soit susceptible de remettre en cause une telle qualification.
192 En effet, il y a lieu de distinguer, d’une part, la question de la portée générale ou individuelle d’un acte, laquelle dépend de l’acte pris en tant que tel, et, d’autre part, la question de l’affectation individuelle d’une partie requérante ordinaire, laquelle dépend de sa situation par rapport à cet acte.
193 À cet égard, si, au regard des critères de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, certains actes ont, de par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu’ils s’appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, ils peuvent, sans perdre leur caractère réglementaire, concerner, dans certaines circonstances, individuellement certains opérateurs économiques qui ont, s’ils sont également affectés directement par ces actes, qualité pour introduire un recours en annulation
à leur égard (voir, par analogie, arrêts du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, EU:C:1984:68, point 11, et du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, EU:C:1991:214, points 13 et 14).
194 Il résulte de ce qui précède que le règlement attaqué constitue un acte de portée générale.
195 En second lieu, il convient de déterminer si l’obligation de transparence invoquée par les requérantes relève du cadre juridique régissant l’adoption du règlement attaqué.
196 En l’occurrence, le cadre juridique applicable est constitué, d’une part, du règlement no 1107/2009, visant les dispositions générales relatives notamment à la procédure de renouvellement de l’approbation d’une substance active, et, d’autre part, du règlement d’exécution no 844/2012, prévoyant les dispositions spécifiques relatives à la mise en œuvre de la procédure de renouvellement de l’approbation d’une telle substance.
197 En particulier, dans le domaine de l’autorisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs substances actives, l’EFSA assure des fonctions d’évaluation scientifique des risques, ainsi qu’il résulte du considérant 12 du règlement no 1107/2009 et de l’article 12 dudit règlement, relatif aux conclusions de l’EFSA.
198 Or, le considérant 40 du règlement no 178/2002, qui institue l’EFSA, indique que la confiance des institutions de l’Union, du public et des parties intéressées dans l’EFSA est indispensable, de sorte qu’il est primordial d’en garantir, notamment, la transparence.
199 À cet égard, le considérant 12 du règlement no 1107/2009, comme le considérant 11 du règlement d’exécution no 844/2012, précise qu’il convient de prévoir des dispositions destinées à garantir la transparence du processus d’évaluation des substances actives.
200 Le respect de l’obligation de transparence en matière phytopharmaceutique est donc assuré par des dispositions spécifiques.
201 Par conséquent, il incombe, en l’espèce, aux requérantes de se prévaloir d’une disposition expresse du cadre juridique régissant l’adoption du règlement attaqué et leur conférant un droit procédural lié au respect d’une obligation de transparence.
202 À cet égard, les requérantes invoquent trois griefs au soutien du présent moyen. Ces griefs sont tirés, le premier, de l’apparition tardive de préoccupations concernant la génotoxicité et la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl, le deuxième, de la méconnaissance de l’obligation d’information d’Ascenza s’agissant d’événements intervenus au cours de la procédure d’adoption du règlement attaqué et, le troisième, de la méconnaissance de l’obligation d’information d’Ascenza quant à
l’existence d’une étude en cours au moment de l’adoption du règlement attaqué.
1. Préoccupations tardives concernant la génotoxicité et la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl
203 Les requérantes soutiennent qu’Ascenza a été surprise par l’apparition de réserves relatives à la génotoxicité et à la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl, qui, selon elles, n’ont été émises qu’à partir du mois d’avril 2019.
204 En l’espèce, c’est seulement lors des consultations d’experts organisées par l’EFSA en avril 2019 que des préoccupations relatives à la génotoxicité du CHP-méthyl ont été soulevées.
205 Toutefois, les requérantes n’invoquent aucune disposition expresse conférant un droit procédural à Ascenza et relevant du cadre juridique régissant l’adoption du règlement attaqué, alors qu’il leur incombe de le faire (voir points 187 et 201 ci-dessus).
206 En outre, ainsi qu’il a été indiqué aux points 139 et 166 ci-dessus, il ressort de l’article 13, paragraphes 1 et 3, du règlement d’exécution no 844/2012 que l’EFSA prend en compte, lorsqu’elle adopte des conclusions, de nouvelles données résultant de l’évolution des connaissances scientifiques et techniques, d’une éventuelle consultation d’experts ou d’une éventuelle demande d’informations supplémentaires adressée au demandeur.
207 Par conséquent, sur le fondement, notamment, comme en l’espèce, des résultats d’une consultation d’experts, l’EFSA était en droit de formuler de nouvelles objections en ce qui concerne le renouvellement de l’approbation de la substance active en cause à la date à laquelle elle préparait ses conclusions.
208 Par ailleurs, s’agissant de la neurotoxicité pour le développement, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, des préoccupations avaient été exprimées par le public à l’égard de l’étude sur la neurotoxicité pour le développement, sans toutefois que l’EMR conclue, à ce stade, à un potentiel neurotoxique pour le développement du CHP-méthyl (voir points 16 à 33 ci-dessus).
209 Compte tenu des considérations exposées aux points 205 à 208 ci-dessus, une circonstance telle que celle mentionnée au point 204 ci-dessus ne saurait être regardée comme constituant la violation d’éventuelles obligations de transparence s’imposant à la Commission ou à l’EFSA.
210 Le présent grief doit donc être écarté.
2. Méconnaissance de l’obligation d’information d’Ascenza au sujet de divers événements intervenus au cours de la procédure d’adoption du règlement attaqué
211 Les requérantes exposent qu’Ascenza n’a pas été informée, d’abord, de la rencontre d’experts organisée en avril 2019, ensuite, de l’absence d’adoption de conclusions par l’EFSA et, enfin, de la demande adressée par la Commission à l’EFSA afin qu’elle produise des déclarations.
212 Il convient de constater que les requérantes n’invoquent aucune règle de droit à l’appui du présent grief. En outre, les dispositions pertinentes relevant du cadre juridique régissant l’adoption du règlement attaqué ne prévoient pas d’obligation d’information du demandeur sur ces différents sujets.
213 En effet, premièrement, selon l’article 12, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 844/2012, l’EFSA communique au demandeur le projet de rapport d’évaluation du renouvellement. Deuxièmement, selon l’article 13, paragraphe 1, dudit règlement, elle communique ses conclusions au demandeur. Troisièmement, selon l’article 14, paragraphe 1, troisième alinéa, de ce même règlement, la possibilité est donnée à celui-ci de présenter des observations concernant le rapport de renouvellement, ce qui
suppose que ce rapport lui a été communiqué.
214 Dès lors qu’il appartient à la partie qui invoque devant le Tribunal la violation d’une obligation de transparence au soutien de conclusions en annulation dirigées contre un acte de l’Union de se prévaloir d’une disposition expresse lui conférant un droit procédural et relevant du cadre juridique régissant l’adoption dudit acte (voir point 187 ci-dessus), aucune méconnaissance d’une obligation de transparence ne peut être constatée en l’espèce.
215 Au surplus, il convient de relever, en premier lieu, que des conclusions ont été adoptées par l’EFSA (voir point 149 ci-dessus).
216 Par conséquent, l’argument tiré de la méconnaissance de l’obligation d’information d’Ascenza relative à l’absence de conclusions doit, en tout état de cause, être écarté comme manquant en fait.
217 En second lieu, s’agissant de l’argument relatif à l’absence d’information d’Ascenza sur la demande adressée par la Commission le 1er juillet 2019 à l’EFSA, l’invitant à émettre une déclaration (voir point 25 ci-dessus), il convient de relever qu’Ascenza a eu connaissance de cette déclaration le 14 août 2019, quand la Commission l’a invitée à présenter des observations à cet égard (voir point 35 ci-dessus). À cette date, elle avait donc connaissance de la décision prise par la Commission de
demander à l’EFSA de produire une déclaration. Elle pouvait en outre supposer qu’une seconde déclaration allait être adoptée, dès lors qu’il était fait référence, dans la déclaration du 31 juillet 2019, à une consultation d’experts relative à l’application de la méthode des références croisées devant avoir lieu ultérieurement (voir point 28 ci-dessus).
218 Par conséquent, à supposer même qu’une obligation d’information ait existé à cet égard, celle-ci n’aurait pas été méconnue.
219 L’argument doit donc, en tout état de cause, être écarté.
3. Méconnaissance de l’obligation d’information d’Ascenza sur l’existence d’une étude en cours à la date d’adoption du règlement attaqué
220 Les requérantes exposent qu’Ascenza n’a pas été informée de l’existence d’une étude dont les résultats ont été approuvés le 14 mai 2020 sur le site Internet de l’EFSA (ci-après l’« étude du 14 mai 2020 »).
221 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été pris (arrêts du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, EU:C:1979:29, point 7 ; du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, EU:C:2001:275, point 87, et du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil,
C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 37).
222 En l’espèce, l’étude du 14 mai 2020 est postérieure au règlement attaqué.
223 Par conséquent, cette étude ne peut être invoquée au soutien du présent moyen.
224 S’agissant des arguments concernant l’absence d’information d’Ascenza sur l’existence d’une étude en cours de réalisation lors de la procédure d’adoption du règlement attaqué et sur le rapport intermédiaire remis à l’EFSA le 30 avril 2019, il convient de relever qu’aucune disposition du règlement no 1107/2009 ou du règlement d’exécution no 844/2012 ne prévoit que le demandeur soit informé à cet égard.
225 Par conséquent, les arguments en cause doivent être écartés, compte tenu des considérations exposées aux points 187 et 201 ci-dessus.
226 Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter le présent grief ainsi que le deuxième moyen dans son ensemble.
D. Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu
227 Les requérantes soutiennent qu’Ascenza n’a pas eu la possibilité de présenter des observations complètes sur l’importance, la qualité et l’utilité de trois articles scientifiques sur lesquels l’EFSA s’est fondée dans la déclaration du 8 novembre 2019 pour son évaluation de la génotoxicité du CHP-méthyl.
228 En effet, les requérantes estiment que le compte rendu de ces articles, qui a été donné dans la déclaration du 8 novembre 2019, était trop bref.
229 Elles ajoutent que les observations d’Ascenza sur le rapport de renouvellement et sur la déclaration du 8 novembre 2019 ont été soumises après que l’EMR, l’EFSA et la Commission avaient achevé leur évaluation et que la seule entité qui a pu tenir compte desdites observations était le comité permanent, lequel n’est pas chargé de l’évaluation des risques.
230 Enfin, elles invoquent le fait qu’Ascenza n’a eu connaissance de la production de l’étude du 14 mai 2020 et du rapport intermédiaire remis à l’EFSA le 30 avril 2019 que trop tardivement. Elle n’aurait eu également connaissance de trois études publiées par l’EFSA en 2013, en 2016 et en 2017 que trop tardivement, par la référence faite à ces études dans l’étude du 14 mai 2020.
231 Selon l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le droit à une bonne administration et le respect des droits de la défense comportent le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard. En effet, le respect du droit d’être entendu dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe
fondamental du droit de l’Union qui doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce principe exige que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible les intérêts de ceux-ci soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments retenus à leur charge pour fonder l’acte litigieux (voir arrêts du 15 juin 2006, Dokter e.a., C‑28/05, EU:C:2006:408, point 74 et jurisprudence citée, et du 19 décembre 2019,
Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, point 86 et jurisprudence citée).
232 En revanche, s’agissant des actes de portée générale, ni le processus de leur élaboration ni ces actes eux-mêmes n’exigent, en vertu des principes généraux du droit de l’Union, tels que le droit d’être entendu, consulté ou informé, la participation des personnes affectées. Il en est autrement si une disposition expresse du cadre juridique régissant l’adoption dudit acte confère un tel droit procédural à une personne affectée (voir arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18,
EU:T:2019:873, point 87 et jurisprudence citée).
233 En l’espèce, ainsi qu’il a été dit aux points 71 à 74 et 191 à 194 ci-dessus, Ascenza est individuellement affectée par le règlement attaqué, de portée générale.
234 Les requérantes peuvent donc utilement invoquer une violation du droit d’être entendue d’Ascenza, alors même que le règlement attaqué constitue un acte de portée générale, dans la mesure où une disposition expresse du cadre juridique régissant l’adoption de ce règlement lui conférerait un tel droit procédural.
235 À cet égard, il convient de rappeler, premièrement, que, selon l’article 12, paragraphes 1 et 3, du règlement d’exécution no 844/2012, l’EFSA communique au demandeur le projet de rapport d’évaluation du renouvellement et autorise la présentation d’observations écrites pendant une période de 60 jours, deuxièmement, que, selon l’article 13, paragraphe 1, dudit règlement, elle communique ses conclusions au demandeur et, troisièmement, que, selon l’article 14, paragraphe 1, troisième alinéa, du même
règlement, la possibilité est donnée à celui-ci de présenter des observations concernant le rapport de renouvellement, qui lui-même doit tenir compte du projet de rapport d’évaluation du renouvellement et des conclusions de l’EFSA.
236 Or, les requérantes ne soutiennent pas que les garanties ainsi prévues par le règlement d’exécution no 844/2012 n’ont pas été respectées en l’espèce.
237 Dès lors, il convient d’examiner si, dans l’application de ces dispositions et de ces garanties, les griefs invoqués par les requérantes pourraient permettre de constater une violation du droit d’être entendu.
238 À cet égard, lesdits griefs sont tirés, premièrement, du caractère insuffisamment complet du compte rendu figurant dans la déclaration du 8 novembre 2019 de trois articles scientifiques relatifs à la génotoxicité (voir points 227 et 228 ci-dessus), deuxièmement, de l’impossibilité pour Ascenza de présenter des observations sur la déclaration du 8 novembre 2019 et sur le rapport de renouvellement avant que l’EMR, l’EFSA et la Commission n’aient achevé l’évaluation de la substance en cause (voir
point 229 ci-dessus) et, troisièmement, de l’impossibilité pour Ascenza de présenter des observations sur l’étude du 14 mai 2020 et sur d’autres études (voir point 230 ci-dessus).
1. Caractère insuffisamment complet du compte rendu figurant dans la déclaration du 8 novembre 2019 de trois articles scientifiques relatifs à la génotoxicité
239 En l’espèce, la déclaration du 8 novembre 2019 a été communiquée à Ascenza le 11 novembre 2019 et les références des articles en cause, ainsi qu’un lien hypertexte vers ceux-ci, figurent à la fin de cette déclaration.
240 En outre, la Commission indique, sans être démentie par les requérantes, que ces articles étaient publics.
241 Ainsi, les requérantes ne sont pas fondées à se prévaloir du caractère insuffisamment complet du compte rendu figurant dans la déclaration du 8 novembre 2019 de trois articles scientifiques relatifs à la génotoxicité.
242 Par conséquent, le présent grief doit être écarté.
2. Impossibilité pour Ascenza de présenter des observations sur la déclaration du 8 novembre 2019 et sur le rapport de renouvellement avant que l’EMR, l’EFSA et la Commission n’aient achevé l’évaluation du CHP-Méthyl
243 Le 22 novembre 2019, Ascenza a présenté des observations sur le rapport de renouvellement et sur la déclaration du 8 novembre 2019 et, le 6 décembre 2019, les États membres, réunis dans le cadre du comité permanent, ont émis, à la majorité qualifiée, un avis favorable sur un projet de règlement ne renouvelant pas l’approbation du CHP-méthyl. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que, entre-temps, l’EMR ait modifié le projet de rapport d’évaluation, l’EFSA ait modifié la déclaration du
8 novembre 2019 ou la Commission ait modifié le rapport de renouvellement (voir points 52 et 53 ci-dessus).
244 Il est donc vrai que les observations d’Ascenza sur le rapport de renouvellement et sur la déclaration du 8 novembre 2019 ont été soumises après que l’EMR, l’EFSA et la Commission ont achevé leur évaluation (voir point 229 ci-dessus).
245 Toutefois, cette circonstance ne permet pas de conclure à l’existence d’une violation du droit d’être entendu.
246 En effet, l’article 14, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012 dispose que le projet de règlement « tient compte » du projet de rapport d’évaluation du renouvellement émis par l’État membre rapporteur et des conclusions de l’EFSA.
247 Ainsi, la Commission et le comité permanent, lors de l’adoption d’un règlement relatif au renouvellement de l’approbation d’une substance active, ne sont pas liés par les constats opérés par l’EFSA ou l’État membre rapporteur et peuvent donc prendre en compte, lorsqu’ils se prononcent, les observations, y compris les critiques, présentées postérieurement par un demandeur sur ces constats (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07,
EU:T:2011:445, point 87 et jurisprudence citée).
248 En outre, le droit d’être entendu, qui ne vise pas à protéger les droits de l’administration et des instances consultatives, n’impose pas qu’une instance consultative, telle que l’EFSA ou l’État membre, en tant qu’il intervient comme rapporteur, puisse disposer des observations du demandeur relatives à la proposition ou à l’avis qu’elle a soumis, voire qu’elle puisse modifier cette proposition ou cet avis à la suite de ces observations. Il est seulement nécessaire que l’autorité décisionnelle en
dispose.
249 Par conséquent, le présent grief doit être écarté.
3. Impossibilité pour Ascenza de présenter des observations sur l’étude du 14 mai 2020 et sur d’autres études
250 Le droit d’être entendu exige que l’intéressé soit en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision [arrêts du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, EU:C:2008:746, point 37 ; du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 30, et du 14 juillet 2021, Griba/OCVV (Stark Gugger), T‑181/20, non publié, EU:T:2021:440, point 65].
251 Il résulte ainsi de la jurisprudence que seuls les éléments qui constituent le fondement de la mesure contestée, en ce sens qu’ils ont été pris en compte par l’institution concernée (voir, par analogie, arrêt du 3 février 2021, Moi/Parlement, T‑17/19, EU:T:2021:51, point 118), doivent être communiqués à l’intéressé.
252 Or, en l’espèce, la Commission n’a pas entendu fonder le règlement attaqué sur l’étude du 14 mai 2020 ou sur le rapport intermédiaire remis à l’EFSA le 30 avril 2019 ou encore sur les trois études publiées par l’EFSA en 2013, en 2016 et en 2017 (voir point 230 ci-dessus).
253 À cet égard, il convient de relever que ces documents ne sont mentionnés ni dans le règlement attaqué ni dans les déclarations de l’EFSA du 31 juillet et du 8 novembre 2019. Or, dans ces déclarations figure une liste exhaustive de toutes les études prises en compte pour l’évaluation par l’EFSA du CHP-méthyl.
254 Par conséquent, sauf pour les requérantes à démontrer que le contenu de ces différentes études aurait été pris en compte par l’EFSA ou par la Commission, il ne pouvait exister d’obligation de les communiquer à Ascenza.
255 Or, les requérantes ne produisent aucun élément à cet égard, de sorte que le présent grief doit être écarté.
256 Au surplus, s’agissant de l’invocation par les requérantes de trois études publiées par l’EFSA en 2013, en 2016 et en 2017, il y a lieu de rappeler que ces études ont été déclarées irrecevables (voir point 85 ci-dessus).
257 Le présent grief doit donc, en tout état de cause, être écarté à cet égard.
258 Il résulte de tout ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté dans son ensemble.
E. Sur le neuvième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation s’agissant de l’adoption par la Commission d’un règlement fondé sur une évaluation scientifique divergente de celle figurant dans le projet de rapport d’évaluation adopté par l’EMR
259 Selon l’ECCA, en cas de divergence entre les évaluations scientifiques de l’État membre rapporteur et celles de l’EFSA, il incombe à la Commission de justifier de façon circonstanciée et précise son choix de se fonder sur une évaluation plutôt que sur l’autre.
260 Elle ajoute que le règlement attaqué ne contient pas d’« exposé des motifs » relatif à la recherche documentaire supplémentaire effectuée par l’EMR avant la déclaration du 8 novembre 2019.
261 Les requérantes font valoir que l’État membre rapporteur joue un rôle prépondérant dans la procédure de renouvellement de l’approbation d’une substance active.
262 À cet égard, il convient de relever que, si l’ECCA invoque une obligation de « motivation renforcée » s’imposant à la Commission, l’application d’une telle obligation dans une hypothèse telle que celle de l’espèce ne résulte ni des textes applicables ni de la jurisprudence.
263 S’agissant de l’obligation de motivation s’imposant à la Commission, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle.
L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce et il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, la
Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision concernée (voir arrêt du 6 septembre 2013, Sepro Europe/Commission, T‑483/11, non publié, EU:T:2013:407, point 101 et jurisprudence citée).
264 En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et que, s’agissant d’actes de portée générale, comme c’est le cas pour le règlement attaqué (voir point 194 ci-dessus), la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à l’adoption dudit acte et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre. Dans ce contexte, le juge de l’Union a itérativement jugé
qu’il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution (arrêts du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 115, et du 28 mai 2020, Agrochem-Maks/Commission, T‑574/18, EU:T:2020:226, point 59).
265 C’est au regard de la jurisprudence citée dans les points ci-dessus qu’il convient d’examiner le présent moyen.
266 À cet égard, il ressort du considérant 10 du règlement attaqué (voir point 54 ci-dessus), d’une part, que la Commission a retenu trois motifs pour refuser de renouveler l’approbation du CHP-méthyl.
267 Premièrement, le fait que « le potentiel génotoxique du CHP-méthyl ne saurait être exclu », deuxièmement, l’existence de « préoccupations concernant [s]a neurotoxicité pour le développement » et, troisièmement, le fait qu’il « pouvait être approprié de classer le [CHP]-méthyl comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B ». Ces éléments correspondent aux conclusions exprimées par les experts lors de la réunion de septembre 2019, lesquelles figurent dans la déclaration du
8 novembre 2019 (voir points 44 à 49 ci-dessus).
268 La Commission a ajouté que, malgré les arguments avancés par les demandeurs, les préoccupations concernant le CHP-méthyl n’avaient pu être dissipées. Elle en a conclu qu’il n’avait donc pas été établi que les critères d’approbation énoncés à l’article 4 du règlement no 1107/2009 étaient remplis (voir les considérants 12 et 13 du règlement attaqué, qui figurent au point 54 ci-dessus).
269 D’autre part, il résulte du considérant 10 du règlement attaqué que la Commission s’est fondée, pour adopter ce règlement, sur les deux déclarations publiées par l’EFSA les 31 juillet et 8 novembre 2019, selon lesquelles le CHP-méthyl suscitait des préoccupations pour la santé humaine.
270 Dans la mesure où, ainsi qu’il a été indiqué au point 43 ci-dessus, la déclaration du 8 novembre 2019 met à jour celle du 31 juillet 2019, la Commission a plus particulièrement fondé la motivation du règlement attaqué sur cette déclaration actualisée, dont elle a repris le contenu. Il y a donc lieu de prendre en compte cette dernière déclaration pour l’examen de la motivation du règlement attaqué.
271 À cet égard, la déclaration du 8 novembre 2019 indique, premièrement, s’agissant du potentiel génotoxique du CHP-méthyl, que, lors de la rencontre ayant eu lieu en avril 2019 (voir point 24 ci-dessus), les experts avaient discuté de la similarité structurelle entre la molécule de chacune des deux substances et avaient accepté d’appliquer la méthode des références croisées. En outre, les experts avaient relevé qu’il n’existait pas de littérature publique disponible concernant le potentiel
génotoxique du CHP-méthyl, alors que plusieurs publications étaient disponibles pour le chlorpyriphos. Dans la mesure où des préoccupations avaient été soulevées pour le chlorpyriphos concernant des aberrations chromosomiques et des atteintes à l’ADN, les experts avaient alors conclu à l’existence de lacunes en matière de données pour le CHP-méthyl. Ils s’étaient donc accordés sur le fait que de telles incertitudes devaient être prises en compte dans l’évaluation des risques du CHP-méthyl et
que, dès lors, il ne pouvait être exclu que cette substance puisse engendrer des atteintes à l’ADN (voir point 44 ci-dessus).
272 S’agissant de la rencontre d’experts ayant eu lieu en septembre 2019 (voir point 37 ci-dessus), laquelle portait sur la possibilité d’appliquer la méthode des références croisées, il est indiqué dans la déclaration du 8 novembre 2019 que les experts avaient considéré, en ce qui concerne la structure moléculaire des deux substances actives, que leurs différences ne justifiaient pas une différence dans leur potentiel génotoxique (voir point 45 ci-dessus).
273 Il y est indiqué, en outre, que l’EMR, après avoir accompli des recherches supplémentaires dans la littérature, avait trouvé des articles scientifiques relatifs au CHP-méthyl apportant des éléments allant dans le même sens que ceux relatifs au chlorpyriphos. Une majorité des experts avait alors estimé que les indications de la littérature, même si elles présentaient certaines limites, devaient être considérées dans le cadre d’une approche fondée sur la force probante des données et qu’elles
soulevaient, sur le fondement d’une approche prudente, des préoccupations s’agissant de dommages pour l’ADN que pourrait causer le CHP-méthyl. Les experts – et l’EFSA à leur suite – en avaient donc conclu que les préoccupations soulevées par le chlorpyriphos concernant le risque d’aberration chromosomique et d’atteinte à l’ADN pouvaient s’appliquer au CHP-méthyl, ce qui impliquait un potentiel génotoxique incertain (voir point 46 ci-dessus).
274 Deuxièmement, il ressort de la déclaration du 8 novembre 2019 que les experts réunis en septembre 2019 se sont fondés sur trois éléments pour parvenir à la conclusion qu’il existait des préoccupations concernant la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl. Ces éléments portaient sur l’existence d’insuffisances alléguées de l’étude sur la neurotoxicité pour le développement (voir point 47 ci-dessus) réalisée sur des rats, sur trois articles scientifiques qui révélaient l’existence d’un
lien entre l’exposition au chlorpyriphos ou au CHP-méthyl, ainsi que plus largement aux insecticides organophosphorés, et des effets néfastes sur le développement neurologique des enfants et, enfin, sur d’autres articles scientifiques qui contribuaient également à démontrer la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl.
275 Troisièmement, il ressort de la déclaration du 8 novembre 2019 que les experts réunis en septembre 2019 ont indiqué que le CHP-méthyl pouvait remplir les critères permettant d’être classé comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B, conclusion sur laquelle l’EFSA a émis des réserves.
276 Il y a lieu de constater que les éléments exposés aux points 266 à 275 ci-dessus sont détaillés et font apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution en cause.
277 Il est vrai, en premier lieu, que, dans plusieurs versions successives du projet de rapport d’évaluation, l’EMR a proposé le renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl.
278 En outre, il n’a pas conclu, dans ces versions, à l’existence d’effets nocifs du CHP-méthyl sur la santé des êtres humains et, en particulier, à l’existence d’un potentiel génotoxique ou d’une neurotoxicité pour le développement (voir points 16, 17 et 23).
279 Toutefois, dans la dernière version du projet de rapport d’évaluation, l’EMR a indiqué que deux études in vitro supplémentaires relatives au CHP-méthyl, ainsi qu’une nouvelle étude épidémiologique, montraient le potentiel génotoxique de cette substance. Il a alors rappelé que, dans le cadre d’une approche fondée sur la force probante des données, l’examen de la génotoxicité du CHP-méthyl n’avait pu conduire à aucune conclusion définitive. Il a ajouté que des valeurs de référence n’avaient pu
être proposées et en a conclu que la proposition pour le renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl pourrait être faite quand les préoccupations relatives à la génotoxicité auraient été clarifiées (voir point 40 ci-dessus).
280 Ainsi, à supposer même qu’il appartienne à la Commission, en cas de divergence entre les évaluations scientifiques de l’EMR et celles de l’EFSA, de justifier de façon circonstanciée et précise son choix d’une évaluation plutôt que d’une autre, il y a lieu de constater que l’existence d’une divergence suffisante dont dépendrait une telle obligation de motivation renforcée n’est pas établie en l’espèce.
281 Il y a lieu d’ajouter que les requérantes disposaient, à la date d’adoption du règlement attaqué, non seulement des déclarations de l’EFSA, mais également des différentes versions du projet de rapport d’évaluation. Elles étaient donc en mesure de contester la légalité du règlement attaqué sur le fondement d’une éventuelle contradiction entre le contenu de ces divers documents.
282 En second lieu, il est vrai également que ne figure pas, dans le règlement attaqué, d’exposé des motifs relatifs à la recherche documentaire à laquelle s’est livré l’EMR avant la réunion des experts du 5 septembre 2019 (voir point 46 ci-dessus).
283 Toutefois, les éléments détaillés exposés aux points 266 à 275 ci-dessus étaient suffisants, au regard de la jurisprudence citée aux points 263 et 264 ci-dessus, pour permettre aux requérantes de contester la légalité du règlement attaqué.
284 De plus, il résulte des considérations exposées au point 271 ci-dessus, lesquelles ne sont pas contestées par les requérantes, que, lors de la rencontre ayant eu lieu en avril 2019, les experts avaient conclu à l’existence de lacunes en matière de données pour le CHP-méthyl. Dans un tel contexte, l’EMR a pu être conduit à procéder à des recherches documentaires supplémentaires.
285 Enfin, ainsi qu’il ressort des considérations exposées au point 46 ci-dessus, la déclaration du 8 novembre 2019 comporte un ensemble d’explications sur la manière dont les études supplémentaires produites par l’EMR pour la réunion du 5 septembre 2019 ont été utilisées.
286 Les explications figurant dans la déclaration du 8 novembre 2019 sont, en outre, complétées de manière détaillée par l’EMR à la page 82 de la version du projet de rapport d’évaluation mise à jour et transmise le 15 octobre 2019 à Ascenza.
287 Il résulte de tout ce qui précède que le règlement attaqué, eu égard à sa nature d’acte de portée générale et au contexte dans lequel il a été adopté, lequel, en l’espèce, est caractérisé par le fait que les requérantes avaient accès, à la date d’adoption dudit règlement, aux déclarations de l’EFSA sur lesquelles se fonde ce règlement, ainsi qu’aux versions successives du projet de rapport d’évaluation, est suffisamment motivé.
288 Par conséquent, il convient d’écarter le présent moyen invoqué par l’ECCA comme non fondé, sans qu’il soit besoin de statuer au préalable sur sa recevabilité.
F. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de prendre en compte les éléments et les circonstances pertinents de la situation que le règlement attaqué entendait régir
289 Les requérantes soutiennent que ni la Commission ni le comité permanent ne peuvent prendre en compte des éléments non pertinents lorsqu’ils se prononcent sur le renouvellement de l’approbation d’une substance active.
290 Or, selon les requérantes, le vote favorable du comité permanent n’a pu être obtenu qu’avec le vote également favorable exprimé par la République de Finlande pour le compte du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. À cet égard, la République de Finlande aurait voté sur le fondement d’une consigne de vote donnée par ce dernier, laquelle serait fondée sur des considérations politiques sans lien avec les conditions relatives au renouvellement de l’approbation d’une substance active.
291 Dans la réplique, les requérantes invoquent également un grief tiré de l’absence de prise en compte par l’EFSA, puis par la Commission, d’éléments pertinents, à savoir l’étude du 14 mai 2020 et trois études publiées par l’EFSA en 2013, en 2016 et en 2017.
292 Il convient de relever que, dans le cadre du présent moyen, deux griefs distincts sont invoqués. Le premier est tiré du rôle décisif qu’aurait joué dans l’adoption du règlement attaqué la prise en compte par un État membre, puis par le comité permanent et, enfin, par la Commission, d’un élément non pertinent. Le second est tiré de l’absence de prise en compte par l’EFSA, puis par la Commission, d’éléments pertinents, à savoir l’étude du 14 mai 2020 et trois autres études.
1. Rôle décisif de l’élément non pertinent que constituerait la consigne de vote devant le comité permanent donnée par le Royaume Uni
293 En l’espèce, il est constant qu’un avis favorable du comité permanent a pu être obtenu avec le vote du Royaume-Uni. Or, ce vote, favorable aux mesures prévues par le règlement attaqué, a permis d’atteindre une majorité qualifiée, telle que les textes l’exigent.
294 Il est également constant que le Royaume-Uni ne souhaitait pas qu’une abstention de sa part empêche l’adoption du projet d’acte en cause.
295 Les requérantes soutiennent que, ainsi, un élément non pertinent a été pris en compte pour l’adoption de l’avis du comité permanent et pour l’adoption du règlement attaqué.
296 Plus particulièrement, les requérantes estiment que, dès lors que le vote favorable du comité permanent n’a pu être obtenu qu’avec le vote également favorable du Royaume-Uni, la prise en compte d’un élément non pertinent pour l’adoption du vote de cet État impliquait nécessairement la prise en considération de ce même élément aux fins de l’émission de l’avis du comité permanent et pour l’adoption du règlement attaqué, qui serait, dès lors, illégal.
297 Le moyen est donc dirigé contre les motifs du règlement attaqué et non contre sa procédure d’adoption.
298 S’il est vrai que le vote du Royaume-Uni a rendu possible l’émission d’un avis du comité permanent favorable au projet de règlement qui a permis ensuite l’adoption du règlement attaqué, les motifs sur le fondement desquels ce règlement a été adopté sont ceux exposés aux points 266 à 268 ci-dessus.
299 Or, il ressort de ces motifs que les éléments pris en compte par le Royaume-Uni pour son vote ne l’ont pas été par la Commission lorsqu’elle a adopté le règlement attaqué et qu’il en va de même pour le vote devant le comité permanent.
300 Par conséquent, en l’absence de lien entre l’illégalité alléguée, laquelle concerne les motifs du règlement attaqué, et les faits invoqués au soutien de celle-ci, à savoir les éléments pris en compte par le Royaume-Uni pour son choix de vote, le présent grief doit être écarté comme inopérant.
2. Absence de prise en compte de l’élément pertinent que constitueraient l’étude du 14 mai 2020 et trois autres études
301 Les requérantes invoquent l’absence de prise en compte par l’EFSA, puis par la Commission, de l’étude du 14 mai 2020 et de trois études publiées par l’EFSA en 2013, en 2016 et en 2017.
302 Il convient de rappeler que, dans les hypothèses où une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation, comme c’est le cas en l’espèce (voir points 414 à 416 ci-après), le contrôle du respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance fondamentale. Parmi ces garanties figurent pour l’institution compétente l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et celle de
motiver sa décision de façon suffisante. C’est seulement ainsi que les juridictions de l’Union peuvent vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14 ; du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C‑310/04, EU:C:2006:521, points 121 et 122, et du 6 novembre 2008, Pays-Bas/Commission, C‑405/07 P, EU:C:2008:613, point 56).
303 En premier lieu, s’agissant de l’étude du 14 mai 2020, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été pris (voir point 221 ci-dessus).
304 En l’espèce, l’étude du 14 mai 2020 était encore en cours d’élaboration à la date à laquelle l’EFSA a produit ses déclarations ainsi qu’à la date d’adoption du règlement attaqué. Cette étude ne pouvait donc être prise en compte ni par l’EFSA ni par la Commission ou le comité permanent.
305 En deuxième lieu, s’agissant de l’information selon laquelle une étude était en cours d’élaboration pendant la procédure d’adoption du règlement attaqué ainsi que du rapport intermédiaire dont l’EFSA a disposé au moment où elle procédait à l’évaluation du CHP-méthyl, il convient de relever que l’EFSA, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal sur le fondement de l’article 24 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, a indiqué que, à la suite des
recommandations figurant dans l’avis du groupe scientifique sur les produits phytopharmaceutiques et leurs résidus, adopté le 14 décembre 2016 et intitulé « Enquête sur les propriétés toxicologiques expérimentales des produits phytopharmaceutiques ayant un lien potentiel avec la maladie de Parkinson et la leucémie infantile », elle avait commencé à examiner la possibilité de commander une étude visant à explorer l’effet de deux pesticides, la perméthrine et le chlorpyriphos, dans des cellules
souches humaines à différents stades d’ontogenèse, ainsi qu’à étudier dans des modèles animaux la capacité de ces deux pesticides d’induire des leucémies infantiles.
306 Elle a ajouté qu’une procédure négociée avait été lancée le 12 décembre 2018 et que le marché auquel cette procédure de passation avait abouti avait été conclu le 1er février 2019 avec un institut espagnol de recherche, la date de livraison de l’étude étant fixée au 24 juillet 2020.
307 Elle a indiqué, enfin, que le rapport scientifique produit par cet institut avait été approuvé par l’EFSA le 14 mai 2020.
308 Les éléments mentionnés ci-dessus n’ont pas été contestés par les requérantes ou par l’ECCA.
309 Or, il résulte de ces éléments que l’étude du 14 mai 2020 avait été commandée dans un contexte n’ayant aucun lien avec la procédure d’adoption du règlement attaqué.
310 En outre, l’EFSA a également précisé, sans être contestée par les requérantes ou l’ECCA, que les méthodes utilisées dans le cadre de l’étude du 14 mai 2020 étaient celles d’une phase d’exploration scientifique et non d’une évaluation des risques d’une substance active imposée par la réglementation applicable.
311 De même, il convient de souligner que le rapport intermédiaire transmis le 30 avril 2019 à l’EFSA était un simple rapport provisoire.
312 Ainsi, alors que l’institut chargé de l’étude avait prévu de mettre en place des essais in vitro et in vivo, le rapport ne présentait, à ce stade, que les résultats des essais in vitro, les essais in vivo étant en cours. Les auteurs du rapport précisaient, à cet égard, qu’ils ne feraient pas de recommandation et n’adopteraient pas de conclusions tant que les essais in vivo ne seraient pas terminés et analysés.
313 Enfin, l’étude du 14 mai 2020 visait à analyser la contribution possible du chlorpyriphos à l’apparition de certaines altérations génétiques spécifiquement associées à la leucémie infantile. Sa portée, et donc celle du rapport intermédiaire, était ainsi limitée par rapport à la question plus générale de l’évaluation du potentiel génotoxique du chlorpyriphos.
314 Par conséquent, l’EFSA n’était pas tenue de prendre en compte, au titre de l’évaluation du CHP-méthyl, le rapport intermédiaire dont elle avait été destinataire le 30 avril 2019 et, a fortiori, de prendre en compte l’information selon laquelle une étude, à savoir l’étude du 14 mai 2020, était en cours pendant la procédure d’adoption du règlement attaqué.
315 Par ailleurs, s’agissant de l’invocation par les requérantes de trois études publiées par l’EFSA en 2013, en 2016 et en 2017, il suffit de rappeler que ces études ont été déclarées irrecevables (voir point 85 ci-dessus).
316 Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter le présent moyen.
G. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration
317 Les requérantes soutiennent que, contrairement à ce que semble indiquer le considérant 9 du règlement attaqué, selon lequel de nouvelles préoccupations pour la santé humaine ont été soulevées lors de la rencontre d’experts organisée en avril 2019 (voir point 24 ci-dessus), aucun élément du dossier ne permet d’étayer l’apparition de telles préoccupations à ce stade de la procédure d’adoption du règlement attaqué.
318 En effet, selon les requérantes, l’étude sur la neurotoxicité pour le développement avait déjà été soumise et examinée par l’EMR. Quant aux articles communiqués par l’EMR concernant la génotoxicité du CHP-méthyl, ils n’auraient été pris en compte par l’EFSA que dans la déclaration du 8 novembre 2019.
319 Par ailleurs, les requérantes estiment que la Commission n’aurait pas tenu compte d’éléments qui allaient à l’encontre d’un non-renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl, à savoir la position de l’EMR dans le projet de rapport d’évaluation ou lors de la réunion du comité permanent, les doutes et les réserves exprimés par l’EFSA dans les déclarations des 31 juillet et 8 novembre 2019 ou encore les limites méthodologiques de certains articles scientifiques pris en compte par celle-ci (voir
point 46 ci-dessus).
320 Les requérantes en déduisent que la Commission ne souhaitait pas renouveler l’approbation du CHP-méthyl et qu’elle a, dès lors, cherché des éléments pouvant justifier cette position.
321 Il convient de rappeler que le droit de l’Union exige que les procédures administratives se déroulent dans le respect des garanties conférées par le principe de bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux. Parmi ces garanties figure l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE, T‑286/15, EU:T:2018:718, point 176).
322 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu du règlement d’exécution no 844/2012, l’EFSA est en droit, sur le fondement, notamment, comme en l’espèce, des résultats d’une consultation d’experts, de formuler de nouvelles objections à l’égard du renouvellement de l’approbation de la substance active en cause au moment où elle prépare ses conclusions (voir points 206à 207 ci-dessus).
323 En outre, dans la déclaration du 8 novembre 2019, laquelle n’est pas contestée à cet égard, il est indiqué, s’agissant du potentiel génotoxique du CHP-méthyl, que, lors de la rencontre ayant eu lieu en avril 2019, les experts avaient discuté de la similarité structurelle entre la molécule de chacune des deux substances et avaient accepté d’appliquer la méthode des références croisées.
324 De plus, les experts avaient relevé qu’il n’existait pas de littérature publique disponible concernant le potentiel génotoxique du CHP-méthyl, alors que plusieurs publications étaient disponibles pour le chlorpyriphos.
325 Dans la mesure où des préoccupations avaient été soulevées pour le chlorpyriphos concernant des aberrations chromosomiques et des atteintes à l’ADN, les experts avaient alors conclu à l’existence de lacunes en matière de données pour le CHP-méthyl. Ils s’étaient donc accordés sur le fait que de telles incertitudes devaient être prises en compte dans l’évaluation des risques du CHP-méthyl et que, dès lors, il ne pouvait être exclu que cette substance puisse engendrer des atteintes à l’ADN (voir
point 44 ci-dessus).
326 S’agissant des préoccupations relatives à la neurotoxicité pour le développement, des critiques avait été émises à l’égard de l’étude sur la neurotoxicité pour le développement lors de la consultation du public qui avait débuté en octobre 2017 (voir point 21 ci-dessus).
327 De plus, dans la déclaration du 8 novembre 2019, il est indiqué que les experts avaient constaté l’insuffisance de l’étude sur la neurotoxicité pour le développement alors qu’une étude relative au chlorpyriphos faisait ressortir une réduction de la hauteur du cervelet à la suite de l’exposition à cette dernière substance. Ils avaient également pris en compte des données épidémiologiques révélant l’existence d’un lien entre l’exposition au chlorpyriphos ou au CHP-méthyl, ainsi que plus largement
aux insecticides organophosphorés, et des effets néfastes sur le développement neurologique des enfants (voir points 30 à 32ci-dessus).
328 Or, ces éléments ne sont pas contestés par les requérantes.
329 Il résulte de ce qui précède que, même si aucune donnée scientifique nouvelle ne semble avoir été ajoutée au dossier de renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl en avril 2019, les réflexions des experts lors de la rencontre qui s’est déroulée au cours de ce mois les ont conduits à émettre des doutes quant à l’absence de nocivité pour la santé du CHP-méthyl, sans qu’il soit possible d’identifier, au regard des éléments qui viennent d’être rappelés, une méconnaissance du principe de bonne
administration.
330 Cette conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par les autres éléments invoqués par les requérantes (voir point 319 ci-dessus).
331 Premièrement, s’agissant du contenu du projet de rapport d’évaluation, dans sa dernière version, l’EMR y a indiqué que deux études in vitro supplémentaires relatives au CHP-méthyl, ainsi qu’une nouvelle étude épidémiologique, montraient le potentiel génotoxique de cette substance.
332 Il a alors rappelé que, dans le cadre d’une approche fondée sur la force probante des données, l’examen de la génotoxicité du CHP-méthyl n’avait pu conduire à aucune conclusion définitive. Il a ajouté que des valeurs de référence n’avaient pu être proposées et en a conclu que la proposition pour le renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl pourrait être faite quand les préoccupations relatives à la génotoxicité auraient été clarifiées (voir point 279 ci-dessus).
333 Ainsi, la position de l’EMR, même si elle n’est pas identique en tous points à celle de l’EFSA, n’est pas susceptible, au regard de l’ensemble des éléments figurant aux points 323 à 327 ci-dessus, de conduire à un constat de méconnaissance du principe de bonne administration.
334 Quant à la position que l’EMR a exprimée au sein du comité permanent, elle s’est traduite par un vote qui a été pris en compte lors du décompte des votes. En outre, cette position ne saurait, en tant que telle, permettre de conduire à un constat de méconnaissance du principe de bonne administration.
335 Deuxièmement, si les requérantes soutiennent que l’EFSA aurait estimé que les résultats relatifs à la génotoxicité du CHP-méthyl étaient négatifs (voir point 319 ci-dessus), c’est-à-dire que cette substance ne présentait pas de risque pour la santé humaine, l’interprétation par les requérantes de la déclaration du 8 novembre 2019 est, à cet égard, erronée.
336 Troisièmement, les limites méthodologiques de certains articles scientifiques relatifs à la génotoxicité du CHP-méthyl pris en compte par les experts, puis par l’EFSA (voir point 319 ci-dessus), à les supposer établies, ne permettraient pas non plus de remettre en cause la conclusion figurant au point 329 ci-dessus.
337 En effet, des études exploratoires sont régulièrement menées dans le but spécifique de vérifier une hypothèse scientifique précise, de sorte qu’elles permettent, en complémentarité avec des études standard, l’identification des propriétés des substances en cause. Dès lors, une approche qui exclurait en règle générale le recours à des études non standard ou exploratoires rendrait impossible l’identification de substances présentant un risque (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 11 mai
2017, Deza/ECHA, T‑115/15, EU:T:2017:329, point 185, et du 16 décembre 2020, PlasticsEurope/ECHA, T‑207/18, EU:T:2020:623, point 88).
338 En outre, dans sa déclaration du 8 novembre 2019, sur laquelle la Commission s’est notamment fondée pour adopter le règlement attaqué, l’EFSA a également pris en compte d’autres éléments que les articles scientifiques en cause, à savoir des publications relatives au chlorpyriphos soulevant des préoccupations quant à la génotoxicité de cette substance, ce qui lui a permis, en application de la méthode des références croisées, de conclure à l’existence de préoccupations quant à la génotoxicité du
CHP-méthyl (voir point 44 ci-dessus).
339 Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter le présent moyen.
H. Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de précaution
340 Les requérantes soutiennent que l’EFSA a fait une application erronée du principe de précaution.
341 Elles invoquent trois griefs, tirés, le premier, de l’application irrégulière du principe de précaution au stade de l’évaluation des risques, le deuxième, de l’épuisement des exigences du principe de précaution consécutif à une évaluation complète de la substance litigieuse n’ayant suscité aucune préoccupation et, le troisième, du caractère purement hypothétique des considérations sur lesquelles serait fondée la déclaration du 8 novembre 2019.
1. Application irrégulière du principe de précaution au stade de l’évaluation des risques
342 Les requérantes soutiennent que, alors que le principe de précaution n’est pas applicable au cours de la phase d’évaluation des risques, mais seulement au cours de la phase de gestion des risques, l’EFSA a mis en œuvre en l’espèce ce principe au moment de l’évaluation du CHP-méthyl, lorsqu’elle a fait application de la méthode des références croisées.
343 Les requérantes relèvent que l’EFSA a indiqué, dans la déclaration du 8 novembre 2019, que la plupart des experts avait décidé, par précaution, d’appliquer au CHP-méthyl les mêmes conclusions qu’au chlorpyriphos, s’agissant de la génotoxicité. Elles mentionnent également d’autres extraits de cette déclaration, relatifs à la neurotoxicité pour le développement, qui indiqueraient que l’EFSA et les experts consultés avaient appliqué la méthode des références croisées sur le fondement du principe de
précaution.
344 L’ECCA fait valoir que, dans la déclaration du 8 novembre 2019, l’EFSA s’est fondée sur le principe de précaution et non sur une simple « approche prudente », pour justifier l’application de la méthode des références croisées. Elle invoque la communication de la Commission, du 2 février 2000, sur le recours au principe de précaution [COM(2000) 1 final, ci-après la « communication sur le principe de précaution »].
345 À cet égard, il découle du principe de précaution que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (arrêts du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços, C‑77/09, EU:C:2010:803, point 73, et du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 43).
346 Selon la jurisprudence de la Cour, une application correcte du principe de précaution présuppose, notamment, une évaluation complète du risque pour la santé fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale (arrêt du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços, C‑77/09, EU:C:2010:803, point 75).
347 Lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour la santé humaine persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives (arrêts du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços, C‑77/09, EU:C:2010:803, point 76, et du
1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 43).
348 En vertu de la jurisprudence citée aux points 345 à 347 ci-dessus, il appartient aux autorités chargées de l’évaluation des risques, telles que l’EFSA, de faire part à la Commission non seulement des conclusions certaines auxquelles elles parviennent, mais aussi des incertitudes qui subsistent, afin qu’elle adopte, le cas échéant, des mesures restrictives.
349 En l’espèce, dans la déclaration du 8 novembre 2019, il est indiqué, s’agissant du potentiel génotoxique du CHP-méthyl, que, lors de la rencontre ayant eu lieu en avril 2019, les experts avaient discuté de la similarité structurelle entre la molécule de chacune des deux substances et avaient accepté d’appliquer la méthode des références croisées. En outre, les experts avaient relevé qu’il n’existait pas de littérature publique disponible concernant le potentiel génotoxique du CHP-méthyl alors
que plusieurs publications étaient disponibles pour le chlorpyriphos. Dans la mesure où des préoccupations avaient été soulevées pour le chlorpyriphos concernant des aberrations chromosomiques et des atteintes à l’ADN, les experts avaient alors conclu à l’existence de lacunes en matière de données pour le CHP-méthyl. Ils s’étaient donc accordés sur le fait que de telles incertitudes devaient être prises en compte dans l’évaluation des risques du CHP-méthyl et que, dès lors, il ne pouvait être
exclu que cette substance puisse engendrer des atteintes à l’ADN. Par la suite, lors de la rencontre d’experts ayant eu lieu en septembre 2019, laquelle portait sur la possibilité d’appliquer la méthode des références croisées, les experts avaient considéré, en ce qui concerne la structure moléculaire des deux substances actives, que leurs différences ne justifiaient pas une différence dans leur potentiel génotoxique (voir points 271 et 272 ci-dessus).
350 Par ailleurs, il ressort également de la déclaration du 8 novembre 2019 que les experts réunis en septembre 2019 se sont fondés sur trois éléments pour parvenir à la conclusion qu’il existait des préoccupations concernant la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl. Il s’agit, tout d’abord, des insuffisances alléguées de l’étude sur la neurotoxicité pour le développement, deuxièmement, de trois articles scientifiques qui révélaient l’existence d’un lien entre l’exposition au
chlorpyriphos ou au CHP-méthyl, ainsi que, plus largement, aux insecticides organophosphorés, et des effets néfastes sur le développement neurologique des enfants et, troisièmement, d’autres articles scientifiques qui contribuaient également à démontrer la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl (voir point 274 ci-dessus).
351 Enfin, il ressort de la déclaration du 8 novembre 2019 que les experts réunis en septembre 2019 ont indiqué que le CHP-méthyl pouvait remplir les critères permettant d’être classé comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B, conclusion sur laquelle l’EFSA a émis des réserves (voir point 275 ci-dessus). L’EFSA a indiqué que les experts avaient appliqué à cet égard la même approche que pour le chlorpyriphos.
352 Par conséquent, les experts réunis en avril et en septembre 2019, puis, à leur suite, l’EFSA, ont procédé à une évaluation du risque pour la santé de l’utilisation proposée du CHP-méthyl faisant apparaître les incertitudes qui subsistaient à cet égard (voir points 349 à 351 ci-dessus).
353 Au regard des considérations exposées aux points 345 à 348 ci-dessus, une telle approche est conforme au principe de précaution, qui implique que les autorités chargées de l’évaluation des risques, telles que l’EFSA, communiquent également à la Commission les constats d’incertitudes auxquels elles sont parvenues, afin de permettre à cette dernière d’adopter, le cas échéant, des mesures restrictives.
354 Par ailleurs, le fait que les experts réunis en septembre 2019, puis l’EFSA, se fondent, par précaution, dans le cadre de l’évaluation des risques pour la santé humaine associés au CHP-méthyl, sur la méthode des références croisées et, à ce titre, sur les données disponibles à cet égard pour le chlorpyriphos ne permet pas de conclure qu’il aurait été fait usage à deux reprises du principe de précaution. En effet, la mise en œuvre de ce principe consiste en l’adoption de mesures de protection
lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé humaine (voir point 345 ci-dessus). Or, seule la Commission – et non l’EFSA qui n’est pas compétente pour le faire – a adopté en l’espèce des mesures de protection.
355 En outre, la conclusion selon laquelle le principe de précaution aurait été méconnu ne saurait résulter d’un simple contrôle formel des motifs du règlement attaqué et des déclarations sur lesquelles il se fonde et, à ce titre, du constat de l’emploi de certains termes tels que « précaution » ou « prudence ». Seul un examen du contenu desdits motifs, ainsi qu’il vient d’être fait aux points 349 à 352 ci-dessus, permettrait de parvenir, le cas échéant, à une telle conclusion.
356 Par conséquent, en l’espèce, l’argument des requérantes fondé sur l’utilisation du terme « précaution » dans la déclaration du 8 novembre 2019 à laquelle se réfère le règlement attaqué ne saurait conduire à conclure à une méconnaissance du principe de précaution.
357 Il résulte de tout ce qui précède que le principe de précaution n’a pas été méconnu en l’espèce.
358 La conclusion figurant au point 357 ci-dessus ne saurait être remise en cause par l’argument de l’ECCA, laquelle invoque la communication sur le principe de précaution.
359 À cet égard, il convient de souligner que l’ECCA n’invoque pas une illégalité du règlement attaqué tirée d’une méconnaissance par la Commission de lignes directrices qu’elle aurait adoptées et par lesquelles elle s’autolimiterait dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 209 à 211).
360 En effet, l’ECCA se borne à invoquer la communication sur le principe de précaution au soutien du moyen des requérantes tiré de la méconnaissance du principe de précaution et se prévaut de cette communication aux fins de déterminer les obligations que la Commission doit respecter en vertu dudit principe.
361 Or, le principe de précaution constitue un principe général du droit qui s’impose au législateur de l’Union (arrêts du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, points 41 et 42, et du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 184).
362 S’agissant d’un principe général du droit et de la détermination des obligations que les institutions de l’Union doivent respecter en vertu d’un tel principe, le Tribunal n’est pas lié par les considérations figurant dans des lignes directrices adoptées par celles-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, point 53).
363 Ainsi, à supposer même que la communication sur le principe de précaution puisse être regardée comme produisant des effets juridiques obligatoires à l’égard de la Commission, il convient de déterminer, non sur le fondement de cette communication, mais sur celle de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, les obligations qui s’imposent directement à la Commission en vertu du principe de précaution afin d’examiner dans quelle mesure le règlement attaqué pourrait être regardé comme étant
illégal. Or, cet examen, auquel il a été procédé aux points 345 à 356 ci-dessus, n’a pas permis de parvenir à un tel constat d’illégalité.
364 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient d’écarter le présent grief.
2. Épuisement des exigences du principe de précaution consécutif à une évaluation complète de la substance litigieuse n’ayant suscité aucune préoccupation
365 Selon les requérantes, les exigences qu’impose le principe de précaution sont remplies dès lors que l’ensemble des « données réglementaires » sont produites par le demandeur.
366 Les requérantes se fondent sur un extrait de la déclaration du 8 novembre 2019, relatif à la génotoxicité, selon lequel « les données réglementaires disponibles soumises concernant le CHP-méthyl n’ont soulevé aucune préoccupation ». Cet extrait confirmerait que les demandeurs avaient soumis l’ensemble des données pertinentes, que cet ensemble avait été examiné et que le résultat était « négatif ».
367 Dès lors, selon les requérantes, les exigences qu’imposait le principe de précaution étaient remplies et ces exigences étaient définitivement « épuisées ». Il n’aurait alors plus été possible pour l’EFSA de faire usage du principe de précaution, en particulier en appliquant la méthode des références croisées.
368 À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que la notion de « données réglementaires » utilisée par l’EFSA dans les déclarations des 31 juillet et 8 novembre 2019 n’est définie ni par le règlement no 1107/2009 ni par le règlement d’exécution no 844/2012.
369 En outre, elle n’est pas non plus définie dans le règlement (UE) no 283/2013 de la Commission, du 1er mars 2013, établissant les exigences en matière de données applicables aux substances actives, conformément au règlement no 1107/2009 (JO 2013, L 93, p. 1), et le règlement (UE) no 284/2013 de la Commission, du 1er mars 2013, établissant les exigences en matière de données applicables aux produits phytopharmaceutiques, conformément au règlement no 1107/2009 (JO 2013, L 93, p. 85).
370 Dès lors, le Tribunal, par la voie d’une mesure d’organisation de la procédure adoptée sur le fondement de l’article 24 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, a interrogé l’EFSA sur le sens de ces termes, dans le contexte des déclarations des 31 juillet et 8 novembre 2019.
371 L’EFSA a indiqué, sans être contestée par les requérantes, que les termes « données réglementaires » utilisés dans les déclarations des 31 juillet et 8 novembre 2019 faisaient référence à l’ensemble des essais et des études fournis par les demandeurs en vertu de la réglementation applicable. Elle a ajouté que, en complément des essais et des études ainsi produits, les demandeurs étaient également tenus de présenter des éléments de preuve tirés de la documentation scientifique accessible au
public.
372 Or, l’article 6, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 844/2012 prévoit que le demandeur soumet les dossiers complémentaires.
373 Aux termes de l’article 7 du règlement d’exécution no 844/2012, intitulé « Contenu des dossiers réglementaires » :
« 1. Le dossier complémentaire récapitulatif comprend les éléments suivants :
[…]
d) des données et des évaluations des risques qui ne figuraient pas dans le dossier d’approbation ou les dossiers de renouvellement ultérieurs et qui sont nécessaires […]
e) pour chaque point des exigences en matière de données applicables à la substance active conformément à un règlement établissant les exigences en matière de données pour les substances actives en vertu du règlement (CE) no 1107/2009, et pour lequel des données nouvelles sont nécessaires conformément au point d), les résumés et les résultats des essais et études, le nom de leur propriétaire et de la personne ou de l’institut qui les a effectués et la raison pour laquelle chaque essai ou étude
est estimé nécessaire ;
f) pour chaque point des exigences en matière de données applicables au produit phytopharmaceutique conformément à un règlement établissant les exigences en matière de données pour les produits phytopharmaceutiques en application du règlement (CE) no 1107/2009, et pour lequel des données nouvelles sont nécessaires conformément au point d), les résumés et les résultats des essais et études, le nom de leur propriétaire et de la personne ou de l’institut qui les a effectués pour un ou plusieurs
produits phytopharmaceutiques représentatifs des utilisations prévues et la raison pour laquelle chaque essai ou étude est estimé nécessaire ;
[…]
m) les résumés et les résultats de la documentation scientifique accessible validée par la communauté scientifique […]
3. Le dossier complémentaire complet contient le texte intégral des différents rapports d’essais et d’études visés au paragraphe 1, points e), f) et m).
[…] »
374 Ainsi, en indiquant que les « données réglementaires » communiquées par les demandeurs concernant la génotoxicité du CHP-méthyl n’avaient soulevé aucune préoccupation, l’EFSA s’est bornée à constater que les essais et les études produits par les demandeurs en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous e) et f), du règlement d’exécution no 844/2012 ne permettaient pas de constater l’existence de risques pour la santé humaine. Elle n’a donc pas fait référence à la documentation scientifique
accessible validée par la communauté scientifique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement d’exécution no 844/2012.
375 En second lieu, l’EFSA a indiqué, dans les déclarations des 31 juillet et 8 novembre 2019, que les experts avaient relevé qu’il n’existait pas de littérature publique disponible concernant le potentiel génotoxique du CHP-méthyl alors que plusieurs publications étaient disponibles pour le chlorpyriphos. Elle a ajouté que, comme des préoccupations avaient été soulevées pour le chlorpyriphos concernant des aberrations chromosomiques et des atteintes à l’ADN, les experts avaient conclu à l’existence
de lacunes en matière de données pour le CHP-méthyl. Elle a alors indiqué que les experts s’étaient accordés pour considérer que les incertitudes qui en résultaient devaient être prises en compte dans l’évaluation du risque du CHP-méthyl et qu’il ne pouvait donc être exclu qu’il y ait un risque potentiel d’atteintes à l’ADN (voir points 29 et 44 ci-dessus).
376 Dans la déclaration du 8 novembre 2019, l’EFSA a précisé que, lors de la rencontre d’experts du mois de septembre 2019 consacrée à l’application de la méthode des références croisées, ceux-ci avaient considéré, en ce qui concernait la structure moléculaire des deux substances actives, que leurs différences ne justifiaient pas une différence dans leur potentiel génotoxique (voir point 45 ci-dessus).
377 Enfin, il ressort également de la déclaration du 8 novembre 2019 que l’EMR, après avoir accompli des recherches complémentaires dans la littérature, avait trouvé des articles scientifiques relatifs au CHP-méthyl et apportant des éléments convergents avec ceux relatifs au chlorpyriphos. Une majorité des experts avait alors estimé que les indications de la littérature, même si elles présentaient certaines limites, devaient être considérées dans le cadre d’une approche fondée sur la force probante
des données et qu’elles soulevaient, sur le fondement d’une approche prudente, des préoccupations s’agissant des dommages pour l’ADN que pourrait causer le CHP-méthyl. Les experts avaient donc conclu que les préoccupations soulevées par le chlorpyriphos concernant le risque d’aberration chromosomique et d’atteinte à l’ADN pouvaient s’appliquer au CHP-méthyl, ce qui impliquait un potentiel génotoxique incertain (voir point 46 ci-dessus).
378 Par conséquent, l’examen de la génotoxicité du CHP-méthyl présenté par l’EFSA dans la déclaration du 8 novembre 2019 l’a conduite à la conclusion selon laquelle les préoccupations soulevées par le chlorpyriphos concernant les risques d’aberration chromosomique et d’atteinte à l’ADN pouvaient s’appliquer également au CHP-méthyl, ce qui impliquait un potentiel génotoxique incertain pour cette dernière substance (voir points 44 et 45 ci-dessus).
379 En outre, l’EFSA a également indiqué dans la déclaration du 8 novembre 2019 que les experts s’accordaient sur le fait qu’aucune valeur de référence ne pouvait être déterminée, notamment pour la génotoxicité, ce qui rendait impossible la tâche d’évaluation des risques que présentait le CHP-méthyl pour les consommateurs, les opérateurs, les travailleurs, les personnes présentes et les résidents (voir point 48 ci-dessus).
380 Le rappel des motifs des déclarations des 31 juillet et 8 novembre 2019, tel qu’il ressort des points 375 à 379 ci-dessus, conduit à constater que l’extrait de la déclaration du 8 novembre 2019 cité au point 366 ci-dessus, lorsqu’il est replacé dans son contexte, ne permet pas de conclure, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, que l’EFSA avait estimé dans ladite déclaration que les résultats relatifs à la génotoxicité du CHP-méthyl étaient « négatifs », c’est-à-dire que cette
substance ne présentait pas de risque pour la santé humaine, mais seulement que les essais et les études produits par les demandeurs en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous e) et f), du règlement d’exécution no 844/2012 ne permettaient pas de constater l’existence de risques pour la santé humaine.
381 Or, il convient de rappeler qu’une application correcte du principe de précaution présuppose, notamment, une évaluation complète du risque pour la santé fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale (voir point 346 ci-dessus).
382 De plus, dans le cadre de l’évaluation des risques, dès lors que cette évaluation doit être en particulier indépendante et objective, il est impératif de prendre en compte les éléments pertinents autres que les essais, les analyses et les études produits par le demandeur qui contrediraient ces derniers. Dans cette perspective, il convient non seulement de tenir compte des données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que des résultats les plus récents de la recherche internationale,
mais aussi de ne pas donner dans tous les cas un poids prépondérant aux études fournies par le demandeur (arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, points 93 et 94).
383 Il résulte de la jurisprudence citée aux points 381 et 382 ci-dessus, ainsi que des dispositions citées aux points 372 et 373 ci-dessus, que l’évaluation des risques liés à une substance active ne doit pas reposer seulement sur les essais et les études que la réglementation impose au demandeur de produire, mais se fonder également sur la littérature scientifique pertinente, récente et fiable disponible.
384 Cette conclusion est confirmée par le considérant 24 du règlement (UE) 2019/1381 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019, relatif à la transparence et à la pérennité de l’évaluation des risques de l’Union dans la chaîne alimentaire, et modifiant les règlements no 178/2002, (CE) no 1829/2003, (CE) no 1831/2003, (CE) no 2065/2003, (CE) no 1935/2004, (CE) no 1331/2008, no 1107/2009, (UE) 2015/2283 et la directive 2001/18/CE (JO 2019, L 231, p. 1). Ce règlement, dès lors qu’il a modifié
non seulement le règlement no 178/2002, instituant l’EFSA, mais aussi le règlement no 1107/2009, sur le fondement duquel le règlement attaqué a été adopté, est pertinent en l’espèce.
385 Il est indiqué ce qui suit au considérant 24 du règlement 2019/1381 :
« Le fait que l’[EFSA] fonde essentiellement son évaluation dans le domaine des procédures d’autorisation sur des études de l’industrie suscite certaines préoccupations parmi la population. Il est de la plus haute importance que l’[EFSA] fasse des recherches dans la littérature scientifique pour être en mesure de prendre en considération d’autres données et études existantes sur l’objet soumis à son évaluation. Afin d’apporter un niveau de garantie supplémentaire assurant que l’[EFSA] peut avoir
accès à l’ensemble des données et études scientifiques disponibles sur l’objet d’une demande ou d’une notification d’autorisation ou de renouvellement d’une autorisation ou d’une approbation, il convient de prévoir une consultation de tiers afin de déterminer si d’autres données ou études scientifiques pertinentes sont disponibles […] »
386 Ainsi, le fait que les essais et les études produits par les demandeurs concernant le CHP-méthyl n’avaient soulevé aucune préoccupation ne permet pas de conclure, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, que l’évaluation des risques qu’implique l’usage de cette substance active avait été définitivement réalisée.
387 Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter le présent grief.
3. Déclaration du 8 novembre 2019 qui serait fondée sur des considérations de nature purement hypothétique
388 Les requérantes soutiennent que la déclaration du 8 novembre 2019 repose sur des considérations de nature purement hypothétique s’agissant tant de l’évaluation de l’EFSA relative à la génotoxicité que de celle relative à la neurotoxicité pour le développement.
389 Par le présent grief, les requérantes doivent être regardées comme contestant le bien-fondé de l’évaluation des risques pour la santé associés à l’utilisation du CHP-méthyl.
390 À cet égard, les requérantes se bornent à citer deux extraits de la déclaration du 8 novembre 2019 dans lesquels les termes « précaution » ou « prudence » sont employés.
391 Or, ainsi qu’il a été dit au point 355 ci-dessus, la conclusion selon laquelle le principe de précaution aurait été méconnu ne saurait résulter d’un simple contrôle formel des motifs du règlement attaqué et des déclarations sur lesquelles il se fonde et, à ce titre, du constat de l’emploi de certains termes tels que « précaution » ou « prudence ».
392 Ainsi, l’invocation des extraits en cause ne suffit pas, en l’absence de tout argument relatif au contenu desdits motifs, pour établir le caractère hypothétique de l’évaluation de l’EFSA.
393 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient d’écarter le présent grief ainsi que le moyen tiré de la violation du principe de précaution dans son ensemble.
I. Sur le septième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation quant à l’évaluation des risques retenue par l’EFSA, puis par la Commission
394 Les requérantes contestent chacun des trois motifs fondant le règlement attaqué, le premier, relatif au potentiel génotoxique du CHP-méthyl, le deuxième, relatif à l’existence de préoccupations concernant la neurotoxicité pour le développement de cette substance, et, le troisième, relatif au fait qu’il « pouvait être approprié » de la classer comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B (voir points 266 et 267 ci-dessus).
395 Dès lors que ces motifs concernent l’évaluation des risques pour la santé humaine, il convient, avant d’examiner successivement les griefs relatifs à chacun d’eux, de rappeler le régime juridique applicable en matière d’évaluation des risques et, en particulier, d’évaluation des risques pour la santé humaine.
1. Régime juridique de l’évaluation des risques
396 Il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne le régime juridique de l’évaluation des risques, premièrement, les règles relatives à la charge de la preuve et à son objet ainsi que, deuxièmement, l’étendue du contrôle juridictionnel applicable.
a) Charge de la preuve et objet de la preuve
397 Premièrement, s’agissant d’une demande d’approbation d’une substance active, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 7 du règlement no 1107/2009, intitulé « Demande » :
« 1. La demande d’approbation ou de modification des conditions d’approbation d’une substance active est introduite par le producteur de la substance active auprès d’un État membre, dénommé “l’État membre rapporteur”, et est accompagnée d’un dossier récapitulatif et d’un dossier complet, établis conformément à l’article 8, paragraphes 1 et 2, ou d’une justification scientifique de la non-communication de certaines parties de ces dossiers ; il doit être démontré que la substance active
satisfait aux critères d’approbation établis à l’article 4.
[…] »
398 De plus, aux termes de l’article 8 du règlement no 1107/2009, intitulé « Dossiers » :
« 1. Le dossier récapitulatif comprend les éléments suivants :
a) les informations relatives à une ou plusieurs utilisations représentatives, sur une culture très répandue dans chaque zone, d’au moins un produit phytopharmaceutique contenant la substance active, qui démontrent que les critères d’approbation de l’article 4 sont respectés ; lorsque les informations présentées ne concernent pas toutes les zones ou portent sur une culture qui n’est pas très répandue, une justification de cette démarche doit être fournie ;
b) pour chaque point des exigences en matière de données applicables aux substances actives, les résumés et résultats des essais et études, le nom de leur propriétaire et de la personne ou de l’institut qui a effectué les essais et études ;
c) pour chaque point des exigences en matière de données applicables aux produits phytopharmaceutiques, les résumés et résultats des essais et études, le nom de leur propriétaire et de la personne ou de l’institut qui a effectué les essais et études pertinents pour l’évaluation des critères prévus à l’article 4, paragraphes 2 et 3, pour un ou plusieurs produits phytopharmaceutiques représentatifs des utilisations visées au point a), compte tenu du fait que, dans le dossier visé au paragraphe 2
du présent article, l’absence de données résultant du nombre limité d’utilisations représentatives proposées de la substance active, peut avoir pour conséquence une approbation assortie de restrictions ;
d) pour chaque essai ou étude impliquant l’utilisation d’animaux vertébrés, une justification des mesures prises pour éviter les essais sur les animaux et une répétition des essais sur les vertébrés ;
e) une liste de contrôle attestant que le dossier visé au paragraphe 2 du présent article est complet compte tenu des utilisations demandées ;
f) les raisons pour lesquelles les rapports d’essais et d’études présentés sont nécessaires pour la première approbation de la substance active ou pour la modification des conditions de son approbation ;
g) le cas échéant, la copie d’une demande de limite maximale de résidus visée à l’article 7 du règlement (CE) no 396/2005 ou une justification de la non- communication de ces informations ;
h) une évaluation de toutes les informations présentées.
2. Le dossier complet contient le texte intégral des différents rapports d’essais et d’études concernant l’ensemble des informations visées au paragraphe 1, points b) et c). Il ne contient pas de rapports d’essais ou d’études impliquant l’administration volontaire de la substance active ou du produit phytopharmaceutique à des êtres humains.
[…] »
399 À cet égard, la Cour a dit pour droit qu’il résultait de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1107/2009 que les essais, les études et les analyses nécessaires pour permettre l’approbation d’une substance active devaient être fournis par le demandeur et que cette règle constituait le corollaire du principe énoncé à l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement, selon lequel il appartient au demandeur d’apporter la preuve que la substance active visée par
une demande d’approbation satisfait aux critères posés à cet effet par le même règlement (arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, points 78 et 79).
400 La Cour a exposé qu’une telle obligation contribuait au respect du principe de précaution en assurant que l’absence de nocivité des substances actives et des produits phytopharmaceutiques n’était pas présumée (arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 80).
401 Par ailleurs, il convient de rappeler, d’une part, que, lorsque l’État membre rapporteur et l’EFSA considèrent que les éléments fournis par le demandeur sont insuffisants, il leur incombe de solliciter, en application de l’article 11, paragraphe 3, de l’article 12, paragraphe 3, et de l’article 37, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, la fourniture d’informations supplémentaires par le demandeur et, d’autre part, que les autres États membres et le public peuvent présenter des observations
sur le projet de rapport d’évaluation, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, dudit règlement.
402 En outre, la Cour a indiqué que la Commission était tenue impérativement de prendre en compte les éléments pertinents autres que les essais, les analyses et les études produits par le demandeur qui contrediraient ces derniers et qu’une telle approche était conforme au principe de précaution (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 93).
403 Elle a ajouté qu’il incombait à la Commission de tenir compte des données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que des résultats les plus récents de la recherche internationale et de ne pas donner dans tous les cas un poids prépondérant aux études fournies par le demandeur (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 94).
404 Elle en a conclu que, dans l’hypothèse où la Commission serait parvenue à la conclusion que, au regard de l’ensemble des éléments dont elle disposait, le demandeur n’avait pas établi de manière suffisante que les conditions auxquelles était subordonnée l’approbation ou l’autorisation demandée étaient satisfaites, elle était tenue de conclure au rejet de la demande, sans qu’il soit nécessaire, afin de parvenir à une telle conclusion, de procéder à une contre-expertise (arrêt du 1er octobre 2019,
Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 95).
405 Deuxièmement, les dispositions applicables en matière d’approbation des substances actives et celles applicables en matière de renouvellement de cette approbation, prévues par le règlement no 1107/2009 et le règlement d’exécution no 844/2012, sont analogues.
406 En effet, l’article 14 du règlement no 1107/2009, intitulé « Renouvellement de l’approbation », prévoit que, « [s]ur demande, l’approbation d’une substance active est renouvelée s’il est établi qu’il est satisfait aux critères d’approbation énoncés à l’article 4 » dudit règlement, termes qui s’apparentent à ceux utilisés à l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, dernière phrase, du règlement no 1107/2009.
407 De plus, comme pour une demande d’approbation d’une substance active, l’article 15 du règlement no 1107/2009 prévoit qu’une demande de renouvellement d’une telle approbation est introduite par un producteur de la substance en cause.
408 Par ailleurs, l’article 7 du règlement d’exécution no 844/2012, intitulé « Contenu des dossiers complémentaires », prévoit une liste d’éléments qui correspond, mutatis mutandis, à la liste figurant à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 (voir points 373 et 398 ci-dessus).
409 Troisièmement, compte tenu du caractère analogue des dispositions applicables en matière de demande d’approbation d’une substance active et de celles applicables pour le renouvellement de cette approbation, les considérations exposées aux points 399 à 404 ci-dessus s’appliquent également en matière de renouvellement de l’approbation d’une substance active.
410 Ainsi, il appartient à l’auteur d’une demande de renouvellement de l’approbation d’une substance active de produire l’ensemble des éléments énoncés à l’article 7 du règlement d’exécution no 844/2012 aux fins d’apporter la preuve que la substance en cause satisfait aux conditions posées à l’article 4 du règlement no 1107/2009 (voir point 399 ci-dessus).
411 La Commission fait droit à cette demande s’il ressort des éléments produits, ainsi que d’autres éléments pris en compte, le cas échéant, par les autorités chargées de l’évaluation de la substance active en cause, que cette substance satisfait auxdites conditions (voir points 401 à 404 ci-dessus), lesquelles sont cumulatives (voir point 108 ci-dessus).
412 À cet égard, il doit être prévisible, notamment, que tant les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance que leurs résidus n’ont pas d’effets nocifs sur la santé humaine (voir point 106 ci-dessus).
413 Au contraire, pour que la demande soit rejetée, c’est-à-dire pour qu’une mesure à la fois restrictive à l’égard des droits du producteur qui demande le renouvellement de l’approbation d’une substance active et protectrice de la santé humaine soit adoptée, il suffit qu’une simple incertitude quant à la présence d’un risque concernant cette dernière puisse être identifiée (voir points 345 à 347 ci-dessus).
b) Étendue du contrôle juridictionnel
414 Compte tenu des appréciations scientifiques complexes qui doivent être opérées lorsque, en application des dispositions du règlement no 1107/2009, il est procédé à l’évaluation des risques posés par l’utilisation des substances, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission à cet égard (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, EU:C:2007:443, points 74 et 75, et du 22 décembre 2010, Gowan Comércio
Internacional e Serviços, C‑77/09, EU:C:2010:803, point 55).
415 Il convient de préciser que le contrôle du juge sur l’appréciation des faits portée par la Commission, auteur de l’acte attaqué, s’effectue également, de manière indirecte, sur celle portée par l’EFSA, lorsque, comme en l’espèce, la Commission se fonde sur l’évaluation de cette dernière aux fins de déterminer l’existence d’un risque.
416 Il y a lieu d’ajouter que, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans ledit acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de cet
acte (voir arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 94 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 7 mai 2020, BTB Holding Investments et Duferco Participations Holding/Commission, C‑148/19 P, EU:C:2020:354, point 72).
2. Sur le potentiel génotoxique
417 L’un des motifs retenus par la Commission dans le règlement attaqué se fonde sur le constat, fait par les experts réunis en septembre 2019, puis par l’EFSA, selon lequel un potentiel génotoxique du CHP-méthyl ne saurait être exclu (voir point 267 ci-dessus).
418 Ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 44 à 46 ci-dessus, ce constat repose sur l’application tant de la méthode des références croisées que de l’approche fondée sur la force probante (ci-après, prises ensemble, les « deux méthodes »).
419 Dans le cadre du présent moyen, les requérantes contestent la manière dont les deux méthodes ont été appliquées en l’espèce par les experts réunis en septembre 2019, puis par l’EFSA.
a) Considérations générales portant sur les deux méthodes
420 Il y a lieu, d’une part, de préciser le contenu et la finalité des deux méthodes et, d’autre part, d’examiner la légalité du recours à ces méthodes par l’EFSA dans le domaine des produits phytopharmaceutiques, laquelle a été contestée à l’audience par l’ECCA.
1) Contenu et finalité des deux méthodes
421 Il est fait référence aux deux méthodes, d’une part, dans le règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1), qui établit des critères pour la classification et l’étiquetage des substances, dont certains sont pris en compte aux fins de
déterminer si une substance active peut faire l’objet d’une autorisation en vertu du règlement no 1107/2009 (voir point 11 ci-dessus), et, d’autre part, dans le règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et
abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, ci-après le « règlement REACH »).
422 Premièrement, s’agissant du contenu des deux méthodes, la méthode des références croisées est décrite au point 1.5 de l’annexe XI du règlement REACH comme étant une méthode selon laquelle les propriétés de certaines substances peuvent être prédites sur le fondement des données existantes relatives à d’autres substances de référence ayant une similarité structurelle avec les premières.
423 En ce qui concerne l’approche fondée sur la force probante, également désignée par les termes de « valeur probante » ou d’« éléments de preuve », il ressort du point 1.1.1.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 que les propriétés de certaines substances peuvent, par cette approche, être prédites sur le fondement de données provenant de plusieurs sources d’informations indépendantes, telles que des résultats d’essais in vitro, des données provenant d’essais sur des animaux, des informations
provenant de l’application de l’approche par catégories (regroupement, références croisées), des effets observés chez l’homme, par exemple des données de la médecine du travail et des données provenant de bases de données sur les accidents, des études épidémiologiques et cliniques ainsi que des informations obtenues par des études de cas et des observations bien documentées.
424 Deuxièmement, s’agissant de la finalité des deux méthodes, l’article 13, paragraphe 1, du règlement REACH prévoit que, en ce qui concerne la toxicité pour l’espèce humaine, les informations sont produites autant que possible par d’autres moyens que des essais sur des animaux vertébrés, c’est-à-dire par le recours à des méthodes alternatives, par exemple l’exploitation de données sur des substances structurellement proches (regroupement ou références croisées). De manière plus générale, cette
disposition prévoit que des informations sur les propriétés intrinsèques des substances peuvent être produites par d’autres moyens que des essais pour autant que les conditions énoncées dans l’annexe XI dudit règlement soient respectées.
425 Le recours aux études et aux essais peut ainsi être évité par l’usage de méthodes répertoriées à la section 1, intitulée « Les essais n’apparaissent pas comme nécessaires du point de vue scientifique », de l’annexe XI du règlement REACH, elle-même intitulée « Règles générales d’adaptation du régime d’essais standard visé aux annexes VII à X », parmi lesquelles figurent la méthode des références croisées et l’approche fondée sur la force probante.
426 Au point 1.5 de l’annexe XI du règlement REACH, qui concerne la méthode des références croisées, il est indiqué que cette méthode permet d’éviter de tester chaque substance pour chaque effet.
427 Elle peut ainsi être utilisée en cas d’absence de données concernant les substances soumises à l’évaluation des risques (arrêt du 21 juillet 2011, Nickel Institute, C‑14/10, EU:C:2011:503, point 63).
428 Au point 1.2 de l’annexe XI du règlement REACH, qui concerne l’approche fondée sur la force probante, il est indiqué que cette approche, lorsqu’elle permet de rassembler des éléments de preuve suffisants pour confirmer l’existence ou l’absence d’une propriété dangereuse particulière, conduit à renoncer à des essais supplémentaires sur des animaux, en particulier des animaux vertébrés.
429 L’approche fondée sur la force probante permet donc, tout comme la méthode des références croisées, d’éviter de tester chaque substance pour chaque effet (voir point 426 ci-dessus).
430 Il résulte des considérations exposées aux points 424 à 429 ci-dessus que les deux méthodes visent, en particulier, à limiter le recours aux essais sur des animaux vertébrés.
2) Légalité de l’usage des deux méthodes par l’EFSA pour l’évaluation des substances actives contenues dans les produits phytopharmaceutiques
431 Il convient de déterminer si les deux méthodes peuvent être utilisées par l’EFSA lorsqu’elle procède à l’évaluation d’une substance active.
432 À cet égard, il convient de rappeler que, selon les dispositions pertinentes du règlement no 1107/2009 et du règlement d’exécution no 844/2012, dans les conclusions qu’elle adopte, l’EFSA « précise si la substance active est susceptible de satisfaire aux critères d’approbation de l’article 4 » du règlement no 1107/2009.
433 Ainsi, le législateur de l’Union a attribué à l’EFSA une compétence en matière d’évaluation des substances actives aux fins de qualifier juridiquement, au regard des dispositions de l’article 4 du règlement no 1107/2009, les faits qui lui sont soumis et, donc, aux fins de porter une appréciation sur ces faits.
434 Par ailleurs, il y a lieu de relever que le règlement no 1107/2009 et le règlement d’exécution no 844/2012 n’imposent pas à l’EFSA d’appliquer des modalités d’évaluation précises.
435 Les seules dispositions apportant des précisions à cet égard sont, premièrement, l’article 12, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1107/2009, qui prévoit que l’EFSA adopte des conclusions « compte tenu de l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques », deuxièmement, l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012, qui, en matière d’évaluation d’une substance active aux fins du renouvellement de cette approbation, prévoit également que
l’EFSA adopte des conclusions « compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques », et, troisièmement, le point 1.2 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, qui prévoit que l’évaluation par l’EFSA doit être fondée sur des principes scientifiques et sur les recommandations d’experts.
436 Par conséquent, les dispositions applicables laissent à l’EFSA une large marge d’appréciation dans le choix des modalités d’évaluation qu’elle applique, la seule condition s’imposant à elle tenant au caractère scientifique de son évaluation.
437 Il convient, en outre, de rappeler que, compte tenu des appréciations scientifiques complexes qui doivent être opérées lorsque, en application des dispositions du règlement no 1107/2009, il est procédé à l’évaluation des risques posés par l’utilisation des substances, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission (voir points 414 et 415 ci-dessus).
438 Dès lors que la Commission s’est, en l’espèce, fondée sur l’évaluation des risques faite par l’EFSA (voir point 269 ci-dessus), le contrôle opéré par le juge sur cette évaluation doit également être limité à l’erreur manifeste d’appréciation.
439 C’est au regard des considérations exposées aux points 432 à 438 ci-dessus qu’il convient de déterminer si le grief de l’ECCA est fondé.
440 Or, ainsi qu’il ressort des points 421 à 428 ci-dessus, l’usage des deux méthodes est prévu tant par le règlement no 1272/2008 que par le règlement REACH. Ainsi, le législateur de l’Union a considéré que ces méthodes étaient suffisamment fiables, d’un point de vue scientifique, pour être utilisées aux fins de l’évaluation de substances chimiques dans d’autres domaines que celui des produits phytopharmaceutiques.
441 De plus, la Cour a indiqué, s’agissant de la méthode des références croisées, qu’elle était une méthode d’évaluation de substances largement reconnue par la communauté scientifique (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 juillet 2011, Nickel Institute, C‑14/10, EU:C:2011:503, point 71).
442 Enfin, si l’ECCA soutient que la méthode des références croisées ne peut être utilisée pour l’évaluation des substances actives en vertu du règlement no 1107/2009, parce que l’objectif de ce règlement, contrairement à celui du règlement REACH, est de « garantir une certitude juridique », il y a lieu de rappeler que, pour que la demande d’approbation d’une substance active ou de renouvellement d’une telle approbation soit rejetée, il suffit qu’une simple incertitude quant à la présence d’un
risque pour la santé puisse être identifiée (voir point 413 ci-dessus).
443 Par conséquent, l’ECCA n’est pas fondée à soutenir que le seul recours aux deux méthodes par l’EFSA dans le cadre de l’évaluation d’une substance active entache son évaluation d’une erreur manifeste d’appréciation.
444 Cet argument doit donc être écarté, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.
445 En outre, non seulement le recours aux deux méthodes pour l’évaluation des substances actives n’est pas manifestement erroné, mais il est justifié.
446 En effet, le considérant 11 du règlement no 1107/2009 prévoit qu’il convient, d’une part, de promouvoir l’élaboration de méthodes d’essais ne recourant pas aux animaux pour obtenir des données pertinentes en ce qui concerne la sécurité humaine et, d’autre part, de remplacer les essais sur les animaux actuellement utilisés. Il est ajouté, au considérant 40 de ce règlement, premièrement, qu’il convient de promouvoir le recours aux méthodes d’essais et à d’autres stratégies d’évaluation des risques
n’utilisant pas les animaux, deuxièmement, que les essais sur les animaux aux fins dudit règlement devraient être réduits au minimum et, troisièmement, que les essais sur les vertébrés ne devraient avoir lieu qu’en dernier recours.
447 Or, les deux méthodes, qui permettent d’éviter de tester chaque substance pour chaque effet, participent ainsi à la réduction des essais sur les animaux (voir points 424 à 430 ci-dessus).
448 Dans ces conditions, le recours aux deux méthodes pour l’évaluation des substances actives participe à la réalisation de l’un des objectifs poursuivis par le règlement no 1107/2009 et, par voie de conséquence, par son règlement d’application, le règlement d’exécution no 844/2012.
449 Il résulte des considérations exposées aux points 431 à 448 ci-dessus que l’EFSA peut, à bon droit, faire usage des deux méthodes aux fins d’évaluer une substance active (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 juillet 2011, Nickel Institute, C‑14/10, EU:C:2011:503, points 36 à 42 et 61 à 75).
450 C’est sur le fondement des considérations exposées aux points 421 à 449 ci-dessus qu’il convient d’examiner, dans un premier temps, les griefs et les arguments relatifs à la méthode des références croisées puis, dans un deuxième temps, ceux relatifs à l’approche fondée sur la force probante. Par ailleurs, les requérantes invoquent dans la réplique, au soutien du présent moyen, l’étude du 14 mai 2020 (voir point 220 ci-dessus) ainsi que trois autres études. Il conviendra d’examiner, dans un
troisième temps, les griefs et les arguments relatifs à ces études.
b) Méthode des références croisées
451 Les requérantes critiquent l’application de la méthode des références croisées faite en l’espèce par la Commission. Elles invoquent, au soutien du présent grief, trois arguments, tirés, le premier, d’une incohérence entre la conclusion à laquelle serait parvenue l’EFSA dans la déclaration du 8 novembre 2019 et le considérant 10 du règlement attaqué, le deuxième, de la méconnaissance des dispositions du règlement REACH relatives à la méthode des références croisées et, le troisième, de la
méconnaissance d’un document de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), intitulé « Cadre d’évaluation des références croisées », que celle-ci a publié sur son site Internet en mars 2017.
1) Incohérence entre la conclusion à laquelle serait parvenue l’EFSA dans la déclaration du 8 novembre 2019 et le considérant 10 du règlement attaqué
452 Il ressort du considérant 10 du règlement attaqué que la Commission, dans ledit règlement, a fondé l’évaluation des risques qu’emporterait le CHP-méthyl en matière de génotoxicité sur une application de la méthode des références croisées permettant de prendre en compte les données relatives au chlorpyriphos (voir points 266 à 268 ci-dessus).
453 Or, les requérantes invoquent un extrait de la déclaration du 8 novembre 2019 duquel il ressort que plusieurs différences entre le CHP-méthyl et le chlorpyriphos pourraient contribuer à des différences de toxicité et que des effets différents, en termes de toxicité, sont constatés entre les deux substances.
454 Les requérantes soutiennent, sur le fondement de cet extrait, que l’EFSA a estimé que les propriétés toxicologiques sur les mammifères des deux substances étaient « manifestement » différentes et elles en déduisent l’existence d’une incohérence entre la conclusion à laquelle serait parvenue l’EFSA dans la déclaration du 8 novembre 2019 et le considérant 10 du règlement attaqué.
455 À cet égard, il convient de relever, premièrement, que l’extrait invoqué par les requérantes figure dans la partie de la déclaration du 8 novembre 2019 consacrée à la toxicité pour les mammifères et non dans celle consacrée à la génotoxicité. Il ne saurait, dès lors, être tiré de conclusion définitive quant à l’évaluation par l’EFSA de la génotoxicité du CHP-méthyl sur le seul fondement d’un tel extrait, d’autant plus que la partie de la déclaration du 8 novembre 2019 consacrée à la génotoxicité
est subséquente à celle consacrée à la toxicité pour les mammifères.
456 Deuxièmement, dans la partie de la déclaration du 8 novembre 2019 consacrée à la génotoxicité, il est indiqué, s’agissant de la rencontre d’experts ayant eu lieu en avril 2019 (voir point 24 ci-dessus), que les experts avaient discuté de la similarité structurelle entre la molécule de chacune des deux substances et avaient accepté d’appliquer la méthode des références croisées. En outre, il est précisé que les experts avaient relevé qu’il n’existait pas de littérature publique disponible
concernant le potentiel génotoxique du CHP-méthyl, alors que plusieurs publications étaient disponibles pour le chlorpyriphos. Dans la mesure où des préoccupations avaient été soulevées pour le chlorpyriphos concernant des aberrations chromosomiques et des atteintes à l’ADN, les experts avaient alors conclu à l’existence de lacunes en matière de données pour le CHP-méthyl. Ils s’étaient donc accordés sur le fait que de telles incertitudes devaient être prises en compte dans l’évaluation des
risques et que, dès lors, il ne pouvait être exclu que le CHP-méthyl puisse engendrer des atteintes à l’ADN (voir point 29 ci-dessus).
457 S’agissant de la rencontre d’experts ayant eu lieu en septembre 2019 (voir point 37 ci-dessus), laquelle portait, notamment, sur la possibilité d’appliquer la méthode des références croisées (voir point 28 ci-dessus), il est indiqué, dans la même partie consacrée à la génotoxicité de la déclaration du 8 novembre 2019, que les experts avaient pris en compte les différences entre les deux substances en cause, telles qu’identifiées dans la partie précédente, consacrée à la toxicité pour les
mammifères, et qu’ils avaient considéré que ces différences ne justifieraient pas, compte tenu de la structure moléculaire desdites substances, une différence dans leur potentiel génotoxique.
458 Au regard des éléments mentionnés aux points 455 à 457 ci-dessus, il y a lieu de constater que les experts, après avoir pris en compte les différences entre le CHP-méthyl et le chlorpyriphos relatives à la toxicité pour les mammifères, ont considéré que, malgré ces différences, une application de la méthode des références croisées était possible.
459 Ce raisonnement a ensuite été repris par l’EFSA.
460 C’est donc à tort que les requérantes soutiennent qu’il existerait une incohérence entre la conclusion à laquelle est parvenue l’EFSA dans la déclaration du 8 novembre 2019 et le considérant 10 du règlement attaqué.
461 Par conséquent, le présent argument doit être écarté.
2) Violation des dispositions du règlement REACH relatives à la méthode des références croisées
462 Les requérantes soutiennent que les conditions d’application de la méthode des références croisées mentionnées dans le règlement REACH ne sont pas remplies en l’espèce. En effet, le CHP-méthyl et le chlorpyriphos ne pourraient être regardés comme étant des substances « structurellement proches » au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement REACH. Ils ne pourraient pas non plus être regardés comme des substances dont les propriétés sont « probablement similaires » ou « suivent un schéma
régulier en raison de leur similarité structurelle » comme le prévoit le point 1.5 de l’annexe XI du règlement REACH.
463 Il convient de rappeler à cet égard que, dans l’arrêt du 12 décembre 2014, Xeda International/Commission (T‑269/11, non publié, EU:T:2014:1069, points 49 et 75), le Tribunal a jugé qu’aucune obligation n’imposait à la Commission d’appliquer au cadre juridique établi par la directive 91/414, laquelle avait été remplacée par le règlement no 1107/2009 (voir point 7 ci-dessus), l’approche développée dans le règlement REACH, s’agissant, en particulier, des méthodes d’évaluation prévues par ce
règlement.
464 Il en va ainsi en l’espèce.
465 Certes, pour évaluer le CHP-méthyl, les experts et, à leur suite, l’EFSA ont fait usage de la méthode des références croisées prévue, ainsi qu’il ressort des points 421 à 426 ci-dessus, par le règlement REACH.
466 Toutefois, un règlement tel que le règlement attaqué, qui concerne l’approbation d’une substance active contenue dans un produit phytopharmaceutique et non l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, n’est pas adopté sur le fondement des dispositions du règlement REACH, mais de celles du règlement no 1107/2009 et du règlement d’exécution no 844/2012.
467 Par conséquent, le grief tiré de la violation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement REACH, dont les dispositions ne sont pas applicables en l’espèce, est inopérant.
468 Cependant, les requérantes pourraient être regardées comme invoquant, non pas une violation des textes cités au point 421 ci-dessus, mais l’erreur manifeste qu’aurait commise l’EFSA en appliquant à tort la méthode des références croisées, dans une hypothèse où cette méthode ne serait pas pertinente au motif que les deux substances en cause ne présenteraient pas, contrairement à ce qui serait nécessaire pour que l’application de cette méthode soit appropriée d’un point de vue scientifique, une
similarité structurelle.
469 À cet égard, selon les requérantes, l’absence de similarité entre les deux substances ressort des éléments figurant dans la déclaration du 8 novembre 2019. Les requérantes font ainsi référence à la « longueur différente du groupe alcoxy lié à l’atome de phosphore », à des « différences dans l’orientation stérique du groupement lié à l’enzyme », à des « différences dans le taux de réactivation ou de vieillissement », à des différences quant à la « toxicité aiguë », à des « différences de
puissance en cas d’exposition à court terme », à des « effets critiques supplémentaires [du CHP-méthyl] dans les études de toxicité à court terme et à long terme sur les glandes surrénales », à des « différences structurelles mineures […] susceptibles de contribuer à des différences quantitatives dans l’effet inhibiteur de l’[acétylcholinestérase] » et à une différence de vieillissement de l’acétylcholinestérase.
470 Les requérantes ajoutent que, alors que le chlorpyriphos a fait l’objet de la décision (UE) 2021/592 du Conseil, du 7 avril 2021, concernant la présentation, au nom de l’Union européenne, d’une proposition d’inscription du chlorpyriphos à l’annexe A de la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (JO 2021, L 125, p. 52), le CHP-méthyl n’a pas fait l’objet d’une proposition analogue.
471 Toutefois, nul ne conteste que les deux substances en cause appartiennent à un même groupe de substances chimiques appelées les organophosphates et que, globalement, elles ont une structure chimique similaire.
472 Par conséquent, à supposer même que les requérantes aient entendu remettre en question la conclusion motivée à laquelle sont parvenus les experts après avoir pris en compte les différences entre les deux substances en cause (voir point 457 ci-dessus), les éléments invoqués par celles-ci (voir points 469 et 470 ci-dessus) ne permettent pas de conclure qu’il serait manifeste qu’un constat de similarité entre les deux substances serait privé de toute plausibilité (voir point 416 ci-dessus).
473 En outre, en ce qui concerne plus particulièrement l’invocation de la décision 2021/592, il convient de rappeler que, dans le cadre d’un recours en annulation en vertu de l’article 263 TFUE, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été pris (voir point 221 ci-dessus). Ainsi, cette décision, qui est postérieure à l’adoption du règlement attaquée, ne saurait utilement être invoquée.
474 Le présent argument doit donc être écarté.
3) Méconnaissance du document de l’ECHA intitulé « Cadre d’évaluation des références croisées »
475 Les requérantes invoquent le document de l’ECHA intitulé « Cadre d’évaluation des références croisées » afin de démontrer que les conditions d’application de la méthode des références croisées n’étaient pas remplies en l’espèce. Elles invoquent, en particulier, une condition prévue dans ledit document et relative à la présentation d’une hypothèse justifiant l’application de cette méthode.
476 À cet égard, il convient d’apprécier dans quelle mesure le document de l’ECHA intitulé « Cadre d’évaluation des références croisées » est susceptible de lier l’EFSA ou la Commission, qui n’en sont pas les auteurs.
477 Ainsi qu’il a été dit au point 161 ci-dessus, en adoptant des règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, l’institution en question s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 211).
478 Cette jurisprudence n’a vocation à s’appliquer qu’à l’auteur des règles de conduite en cause.
479 Par conséquent, il ne peut valablement être soutenu que l’EFSA ou la Commission, qui ne sont pas les auteurs du document intitulé « Cadre d’évaluation des références croisées », ne sauraient se départir des règles qui figurent dans ce document sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime.
480 En outre, les requérantes n’établissent pas, ni même n’allèguent, que l’EFSA aurait indiqué, dans la déclaration du 8 novembre 2019, dans la déclaration précédente ou dans tout autre document, qu’elle entendait se fonder sur le document de l’ECHA intitulé « Cadre d’évaluation des références croisées ».
481 À supposer même que le document intitulé « Cadre d’évaluation des références croisées » puisse être regardé comme s’appliquant à l’EFSA et à la Commission, il est précisé à la page du document précédant celle consacrée à la table des matières que ledit document vise à aider les utilisateurs à se conformer aux obligations qui s’imposent à eux en vertu du règlement REACH. Il y est également rappelé que ledit règlement est la seule référence légale et que les informations contenues dans ce document
ne constituent pas un avis juridique.
482 Ainsi, le document intitulé « Cadre d’évaluation des références croisées » ne s’adresse pas à l’ECHA elle-même, mais aux utilisateurs dudit document, c’est-à-dire aux personnes souhaitant introduire une demande d’enregistrement de substance chimique. En outre, il ne vise pas à imposer des obligations, mais à fournir une aide à ces personnes.
483 Par conséquent, il ne saurait être conclu que, par le document intitulé « Cadre d’évaluation des références croisées », l’ECHA ait entendu s’autolimiter dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Un tel document ne saurait donc, par voie de conséquence, limiter le pouvoir d’appréciation de l’EFSA ou de la Commission, à supposer même qu’il leur soit applicable.
484 Compte tenu des considérations exposées aux points 476 à 483 ci-dessus, les requérantes ne sauraient utilement invoquer les dispositions du document intitulé « Cadre d’évaluation des références croisées » aux fins d’établir l’illégalité du règlement attaqué.
485 Le présent argument doit donc être écarté.
486 Il convient donc de rejeter, dans son ensemble, le grief relatif à la contestation de l’application par l’EFSA et par la Commission de la méthode des références croisées.
c) Approche fondée sur la force probante
487 Les requérantes invoquent, au soutien du présent grief, trois arguments, tirés, le premier, d’une méconnaissance d’une condition d’application de l’approche fondée sur la force probante imposant, selon elles, que chaque source individuelle de données soit insuffisante pour formuler des conclusions adéquates, le deuxième, d’une appréciation erronée des experts qui auraient considéré à tort que deux articles scientifiques, en dépit des limitations méthodologiques qui les affectaient, devaient
avoir une incidence plus importante sur leurs conclusions que l’ensemble des éléments relatifs à la génotoxicité contenu dans les « données réglementaires » et, le troisième, d’une méconnaissance des orientations de l’EFSA publiées en août 2017, sur l’utilisation de l’approche fondée sur la force probante dans le cadre d’évaluations scientifiques (ci-après les « orientations sur la force probante »).
1) Méconnaissance d’une condition d’application de l’approche fondée sur la force probante
488 Selon les requérantes, l’approche fondée sur la force probante ne peut s’appliquer que lorsque chaque source individuelle de données est insuffisante pour formuler des conclusions adéquates. Or, l’EFSA aurait reconnu, dans la déclaration du 8 novembre 2019, que l’ensemble des « données réglementaires » qu’Ascenza avait produit était complet. Ainsi, une approche fondée sur la force probante des données n’était pas applicable en l’espèce.
489 En premier lieu, au soutien de cet argument, les requérantes invoquent le point 1.2 de l’annexe XI du règlement REACH, lequel prévoit, notamment, que les « informations qui proviennent de plusieurs sources indépendantes peuvent être suffisamment probantes pour que l’on puisse émettre l’hypothèse ou parvenir à la conclusion qu’une substance présente ou non une propriété dangereuse particulière, alors que les informations provenant de chacune de ces sources, considérées isolément, sont jugées
insuffisantes à cet effet ».
490 Sur le fondement des considérations exposées aux points 463 à 467 ci-dessus, il convient d’écarter le présent argument comme inopérant en tant qu’il se fonde sur une violation des dispositions du règlement REACH.
491 En second lieu, les requérantes fondent également le présent argument sur une méconnaissance des orientations sur la force probante.
492 Elles invoquent un extrait des orientations sur la force probante selon lequel cette approche est applicable lorsqu’une « intégration des éléments de preuve » est nécessaire.
493 Or, selon les requérantes, les « données réglementaires » qu’Ascenza avait produites dans le dossier de demande de renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl avaient été qualifiées de complètes par l’EFSA et devaient donc être regardées comme suffisantes, sans qu’il soit besoin de recourir à l’approche fondée sur la force probante.
494 À supposer même que les requérantes puissent utilement invoquer l’extrait en cause des orientations sur la force probante au soutien de ses conclusions aux fins d’annulation (voir points 521 à 535ci-après), il convient de rappeler que, en indiquant, dans la déclaration du 8 novembre 2019, que les « données réglementaires » communiquées par les demandeurs concernant la génotoxicité du CHP-méthyl n’avaient soulevé aucune préoccupation, l’EFSA s’est bornée à constater que les essais et les études
produits par les demandeurs en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous e) et f), du règlement d’exécution no 844/2012 ne permettaient pas de constater l’existence de risques pour la santé humaine. Elle n’a pas ainsi entendu faire référence à la documentation accessible validée par la communauté scientifique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement d’exécution no 844/2012 (voir point 374 ci-dessus).
495 L’EFSA n’a donc pas considéré, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, que les données produites par les demandeurs étaient suffisantes pour formuler des conclusions adéquates et définitives et, en particulier, pour qu’elle puisse conclure à une absence de risque génotoxique présenté par le CHP-méthyl.
496 Au contraire, l’EFSA a indiqué dans les déclarations des 31 juillet et 8 novembre 2019 que les experts avaient relevé qu’il n’existait pas de littérature publique disponible concernant le potentiel génotoxique du CHP-méthyl alors que plusieurs publications étaient disponibles pour le chlorpyriphos. Elle a ajouté que, comme des préoccupations avaient été soulevées pour le chlorpyriphos concernant des aberrations chromosomiques et des atteintes à l’ADN, les experts avaient conclu à l’existence de
lacunes en matière de données pour le CHP-méthyl. Elle a alors indiqué que les experts s’étaient accordés pour considérer que les incertitudes qui en résultaient devaient être prises en compte dans l’évaluation du risque du CHP-méthyl et qu’il ne pouvait donc être exclu qu’il y ait un risque potentiel d’atteintes à l’ADN (voir point 375 ci-dessus).
497 Sur le fondement des considérations exposées aux points 491 à 496 ci-dessus, il convient d’écarter l’argument des requérantes comme manquant en fait en tant qu’il concerne la méconnaissance des orientations sur la force probante.
498 Il résulte de tout ce qui précède que le premier argument invoqué par les requérantes doit être écarté.
2) Appréciation erronée des experts concernant la prise en compte d’articles scientifiques relatifs à la génotoxicité du CHP-méthyl
499 En premier lieu, les requérantes soutiennent que les experts ont considéré à tort que des articles scientifiques relatifs à la génotoxicité du CHP-méthyl, en dépit de leurs limitations méthodologiques, devaient avoir une incidence plus importante sur leurs conclusions que l’ensemble des éléments relatifs à la génotoxicité du CHP-méthyl contenu dans les « données réglementaires ».
500 Il convient de rappeler que l’EFSA, en indiquant que les « données réglementaires » communiquées par les demandeurs concernant la génotoxicité du CHP-méthyl n’avaient soulevé aucune préoccupation, s’est bornée à constater que les essais et les études produits par les demandeurs en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous e) et f), du règlement d’exécution no 844/2012 ne permettaient pas de constater l’existence de risques pour la santé humaine. Elle n’a donc pas fait référence à la documentation
scientifique accessible validée par la communauté scientifique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement d’exécution no 844/2012 (voir point 374 ci-dessus).
501 Or, il résulte de la jurisprudence et des dispositions applicables que l’évaluation des risques liés à une substance active ne doit pas reposer sur les seuls essais et sur les seules études que la réglementation impose au demandeur de produire, mais doit se fonder également sur l’ensemble de la littérature scientifique pertinente disponible (voir point 383 ci-dessus).
502 À cet égard, l’EFSA a indiqué, dans la déclaration du 8 novembre 2019, que les experts, lorsqu’ils s’étaient réunis en avril 2019, avaient estimé qu’il n’existait pas de littérature publique disponible concernant le potentiel génotoxique du CHP-méthyl, alors que plusieurs publications étaient disponibles pour le chlorpyriphos, et que, dans ces publications, des problèmes de génotoxicité avaient été soulevés (voir point 29 ci-dessus).
503 L’EMR, après avoir accompli des recherches supplémentaires dans la littérature, a trouvé des articles scientifiques relatifs à la génotoxicité du CHP-méthyl apportant des éléments allant dans le même sens que ceux relatifs au chlorpyriphos (voir point 46 ci-dessus).
504 Une majorité des experts réunis en septembre 2019 a alors estimé que les indications de la littérature, même si elles présentaient certaines limites, devaient être considérées dans le cadre d’une approche fondée sur la force probante des données et qu’elles soulevaient, sur le fondement d’une approche prudente, des préoccupations s’agissant des dommages pour l’ADN que pourrait causer le CHP-méthyl (voir point 46 ci-dessus).
505 Les experts – et l’EFSA à leur suite – ont donc conclu que les préoccupations soulevées par le chlorpyriphos concernant le risque d’aberration chromosomique et d’atteinte à l’ADN pouvaient s’appliquer au CHP-méthyl, ce qui impliquait un potentiel génotoxique incertain (voir point 46 ci-dessus).
506 Ainsi, les experts et l’EFSA n’ont pas considéré que les articles scientifiques relatifs à la génotoxicité du CHP-méthyl communiqués par l’EMR devaient avoir une incidence plus importante sur leurs conclusions que l’ensemble des autres éléments relatifs à la génotoxicité du CHP-méthyl. Ils se sont bornés, conformément à la jurisprudence et aux dispositions auxquelles il est renvoyé au point 501 ci-dessus, à ne pas faire reposer l’évaluation des risques liés au CHP-méthyl sur les seuls essais et
sur les seules études que la réglementation imposait au demandeur de produire, mais ont également tenu compte de l’ensemble de la littérature scientifique pertinente disponible.
507 De plus, pour conclure à l’existence d’une incertitude quant au risque génotoxique malgré les résultats des essais et des études produits par les demandeurs en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous e) et f), du règlement d’exécution no 844/2012, les experts ne se sont pas seulement fondés sur les articles scientifiques relatifs à la génotoxicité du CHP-méthyl communiqués par l’EMR. Ils ont également pris en considération les publications disponibles relatives au chlorpyriphos mentionnées au
point 502 ci-dessus.
508 Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les experts ont pris en compte les limites des articles scientifiques relatifs à la génotoxicité du CHP-méthyl (voir point 504 ci-dessus).
509 Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il appartient aux autorités chargées de l’évaluation des risques de faire part à la Commission non seulement des conclusions certaines auxquelles elles parviennent, mais aussi des incertitudes qui subsistent (voir point 348 ci-dessus), ce qui a été fait en l’espèce par les experts et par l’EFSA.
510 Par conséquent, l’argument des requérantes doit être écarté en tant qu’il concerne le poids trop important qui aurait été accordé dans l’évaluation des experts à des articles scientifiques relatifs à la génotoxicité du CHP-méthyl communiqués par l’EMR.
511 En second lieu, les requérantes critiquent plus généralement le caractère non conforme de ces deux articles. Elles se prévalent d’un extrait du projet de rapport d’évaluation selon lequel les articles scientifiques en cause n’auraient pas été « réalisés en conformité avec les bonnes pratiques de laboratoires » et auraient « utilisé de nouvelles techniques non incluses dans les lignes directrices standard ».
512 À cet égard, premièrement, il convient de relever que, dans l’extrait en cause, l’EMR indique que, « [b]ien que les deux [articles] n’aient pas été réalisés en conformité avec les [bonnes pratiques de laboratoires] et aient utilisé de nouvelles techniques non incluses dans les lignes directrices standard, les préoccupations résultant de leurs résultats n’ont pas pu être rejetées grâce aux études fournies [par les demandeurs], dès lors [que ces dernières] ne permettaient pas d’analyser un
éventail plus large d’altérations de l’ADN ».
513 Par conséquent, il ne ressort pas de l’extrait invoqué que l’EMR aurait estimé que les deux articles en cause ne pouvaient être pris en compte au regard des limitations méthodologiques les concernant qu’il constatait.
514 Deuxièmement, si le moyen tiré d’une violation des dispositions du règlement REACH est inopérant en l’espèce (voir points 463 à 467 ci-dessus), les dispositions pertinentes dudit règlement peuvent être valablement prises en compte, à titre indicatif, aux fins de déterminer si la Commission, en reprenant à son compte une évaluation de l’EFSA faisant application d’une des deux méthodes, a commis une erreur manifeste d’appréciation.
515 Or, il convient de relever que le recours à des méthodes d’essai nouvellement mises au point n’est pas exclu au point 1.2 de l’annexe XI du règlement REACH, dans lequel il est même envisagé que de telles méthodes puissent fournir des éléments de preuve suffisants pour permettre de conclure qu’une substance possède une propriété dangereuse particulière ou, au contraire, qu’elle n’en possède pas.
516 Troisièmement, des études exploratoires sont régulièrement menées dans le but spécifique de vérifier une hypothèse scientifique précise, de sorte qu’elles permettent, en complémentarité avec des études standard, l’identification des propriétés des substances en cause. Dès lors, une approche qui exclurait en règle générale le recours à des études non standard ou exploratoires rendrait impossible l’identification de substances présentant un risque (voir jurisprudence citée au point 337 ci-dessus).
517 Par conséquent, l’argument des requérantes doit également être écarté en tant qu’il concerne le caractère non conforme des articles communiqués par l’EMR.
518 Il résulte des considérations exposées aux points 500à 517 ci-dessus que les éléments invoqués par les requérantes ne permettent pas de conclure qu’il aurait été fait un usage manifestement erroné des articles en cause, de telle sorte que les appréciations de l’EFSA et de la Commission à cet égard seraient privées de toute plausibilité (voir point 416 ci-dessus).
519 Le deuxième argument invoqué par les requérantes doit donc être écarté.
3) Méconnaissance des orientations sur la force probante
520 Les requérantes invoquent plusieurs extraits des orientations sur la force probante, lesquels auraient été méconnus par l’EFSA.
521 À cet égard, il convient de relever que si, en vertu de l’article 12 du règlement no 1107/2009 et de l’article 13 du règlement d’exécution no 844/2012, l’EFSA participe à l’évaluation des substances actives, elle n’est pas compétente pour statuer sur l’approbation de ces substances ou sur le renouvellement de cette approbation. Seule la Commission, laquelle, en vertu de l’article 79, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, est assistée par le comité permanent, est compétente pour le faire.
522 Par conséquent, l’invocation de la méconnaissance de lignes directrices adoptées par l’EFSA au soutien de conclusions en annulation dirigées contre un règlement tel que le règlement attaqué est, en principe, inopérante (voir points 477 et 478 ci-dessus).
523 Toutefois, en l’espèce, la Commission a fondé la motivation du règlement attaqué sur l’évaluation de l’EFSA ressortant de ses deux déclarations (voir point 269 ci-dessus). Par conséquent, une éventuelle méconnaissance par l’EFSA de lignes directrices qu’elle aurait adoptées aux fins d’encadrer l’évaluation des substances actives à laquelle elle procède aurait une incidence sur la légalité des motifs du règlement attaqué.
524 Il convient donc de déterminer si les orientations sur la force probante constituent des lignes directrices.
525 La Cour a jugé que les lignes directrices énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont une institution ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement. En effet, en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, l’institution en question s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir
d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir jurisprudence citée au point 161 ci-dessus).
526 Or, en vertu des dispositions de l’article 12, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1107/2009 et de l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012, lesquelles prévoient que l’EFSA indique dans ses conclusions si la substance active en cause est susceptible de satisfaire aux critères d’approbation de l’article 4 du règlement no 1107/2009, l’évaluation scientifique des risques qu’entraîne l’utilisation d’une substance active relève du pouvoir
d’appréciation de l’EFSA (voir point 433 ci-dessus), dont elle peut, dès lors, décider de limiter l’exercice.
527 De plus, contrairement au document intitulé « Cadre d’évaluation des références croisées » (voir point 479 ci-dessus), les orientations sur la force probante sont susceptibles, dès lors que l’EFSA en est l’auteur, d’imposer à cette autorité des obligations de nature juridique dont une partie requérante pourrait utilement se prévaloir dans une hypothèse telle que celle de l’espèce, où la Commission a fondé la motivation du règlement attaqué sur l’évaluation de l’EFSA.
528 Enfin, les orientations sur la force probante se distinguent à un autre égard du document intitulé « Cadre d’évaluation des références croisées » (voir points 481 et 482 ci-dessus). En effet, au point 1.5 des orientations sur la force probante, intitulé « Public et degré d’obligation », il est indiqué que ces orientations sont destinées à tous ceux qui contribuent aux évaluations de l’EFSA et qu’elles fournissent un cadre harmonisé, mais flexible, qui est applicable dans tous les domaines
relevant du travail de l’EFSA et dans tous les types d’évaluations scientifiques, y compris l’évaluation des risques. Il est ajouté que, dans la perspective d’améliorer la transparence, le comité scientifique, qui est l’auteur des orientations sur la force probante, considère que l’application de ces orientations est inconditionnelle pour l’EFSA.
529 Ainsi, en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication, intervenue en août 2017, qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, l’EFSA s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation (voir jurisprudence citée au point 161 ci-dessus).
530 Il résulte de ce qui précède que les orientations sur la force probante sont susceptibles de présenter un caractère contraignant à l’égard de l’EFSA. Tel est le cas des dispositions de ces orientations dont il ressort du libellé l’existence d’une obligation dont l’application est susceptible d’être contrôlée.
531 Par conséquent, et compte tenu également des considérations exposées au point 523 ci-dessus, l’argument tiré de la méconnaissance des orientations sur la force probante peut utilement être invoqué au soutien des conclusions en annulation des requérantes.
532 Toutefois, l’article 13 du règlement d’exécution no 844/2012 prévoit que l’EFSA adopte ses conclusions en utilisant des documents d’orientation « en vigueur à la date de la soumission des dossiers complémentaires ».
533 Or, il est constant que les dossiers complémentaires à l’appui de la demande de renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl ont été soumis en juillet 2015, alors que les orientations sur la force probante n’ont été publiées qu’en août 2017 (voir point 487 ci-dessus).
534 Il résulte de ce qui précède que les orientations sur la force probante n’étaient pas applicables à l’EFSA lorsqu’elle a adopté les deux déclarations ni à la Commission lorsqu’elle a adopté le règlement attaqué.
535 Pour ce motif, les requérantes ne sauraient utilement s’en prévaloir.
536 À supposer même que la disposition citée au point 532 ci-dessus ne soit pas applicable aux orientations sur la force probante, l’application de ces orientations aux seules demandes d’approbation de substances chimiques ou de renouvellement de cette approbation introduites après la publication desdites orientations est conforme aux principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité.
537 En effet, en règle générale, le principe de la sécurité des situations juridiques s’oppose à ce que l’application dans le temps d’un acte de l’Union voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication. Certes, il peut en être autrement, mais à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, EU:C:1979:14, point 20).
538 Or aucun élément du dossier ne permet de conclure que ces deux conditions seraient remplies.
539 Par conséquent, il convient d’écarter, en tout état de cause, le troisième argument des requérantes ainsi que, dans son ensemble, le grief relatif à la contestation de l’approche fondée sur la force probante retenue par l’EFSA dans ses deux déclarations, puis par la Commission dans le règlement attaqué.
d) Nouveaux éléments invoqués dans la réplique
540 Les requérantes invoquent l’étude du 14 mai 2020 (voir point 220 ci-dessus). Les résultats de cette étude permettent, selon elles, de conclure que le chlorpyriphos ne présente pas de potentiel génotoxique. Il en irait donc de même pour le CHP-méthyl. Il y aurait ainsi lieu de conclure à une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.
541 L’argument des requérantes concerne, premièrement, l’étude du 14 mai 2020 en tant que telle, deuxièmement, l’information relative au fait que cette étude était en cours lors de la procédure d’adoption du règlement attaqué, troisièmement, le rapport intermédiaire relatif à cette étude transmis le 30 avril 2019 à l’EFSA (voir point 186 ci-dessus) et, quatrièmement, d’autres études mentionnées dans l’étude du 14 mai 2020.
542 Premièrement, s’agissant de l’invocation par les requérantes de l’étude du 14 mai 2020, laquelle est postérieure à l’adoption du règlement attaqué, il suffit de rappeler que celle-ci ne pouvait être prise en compte, pour les motifs exposés aux points 220 à 223 ci-dessus.
543 Deuxièmement, s’agissant de l’existence d’une étude en cours dont les résultats n’étaient pas encore connus lors de la procédure d’adoption du règlement attaqué, cette seule circonstance ne permettrait de conclure à une éventuelle erreur manifeste d’appréciation entachant le règlement attaqué que dans la mesure où elle imposerait à la Commission de reporter l’adoption dudit règlement dans l’attente de la disponibilité des résultats de cette étude.
544 Or, les requérantes n’invoquent aucune disposition ni aucun principe qui imposerait à la Commission de reporter l’adoption d’une mesure telle que le règlement attaqué au seul motif qu’une étude est en cours.
545 À cet égard, il convient de rappeler que la Cour, après avoir relevé que les dispositions du règlement no 1107/2009 sont fondées sur le principe de précaution et qu’elles n’empêchent pas la Commission d’appliquer ce principe lorsqu’il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé humaine que représentent les substances actives faisant l’objet d’un réexamen conformément à l’article 21 dudit règlement, a jugé que le principe de précaution n’exigeait pas que l’adoption
d’un règlement retirant ou modifiant l’approbation d’une substance active soit différée au seul motif que des études susceptibles de remettre en cause les données scientifiques et techniques disponibles étaient en cours (arrêt du 6 mai 2021, Bayer CropScience et Bayer/Commission, C‑499/18 P, EU:C:2021:367, points 79 et 82).
546 Une telle solution adoptée dans le cadre d’une procédure par laquelle la Commission peut réexaminer à tout moment l’approbation encore valide d’une substance active vaut également s’agissant, comme en l’espèce, d’une procédure de renouvellement de l’approbation d’une telle substance, laquelle concerne l’approbation d’une substance active dont la période de validité a expiré ou va expirer.
547 Troisièmement, s’agissant du rapport intermédiaire dont l’EFSA a disposé au moment où elle procédait à l’évaluation du CHP-méthyl, eu égard aux éléments exposés aux points 305 à 314 ci-dessus, l’existence du rapport intermédiaire transmis le 30 avril 2019 à l’EFSA ne saurait conduire à un constat d’erreur manifeste d’appréciation de celle-ci, puis de la Commission, lorsqu’elles ont conclu que le potentiel génotoxique du CHP-méthyl ne saurait être exclu (voir points 266 à 268 ci-dessus).
548 Quatrièmement, s’agissant de l’invocation par les requérantes de trois études publiées par l’EFSA en 2013, en 2016 et en 2017, il suffit de rappeler que ces études ont été déclarées irrecevables (voir point 85 ci-dessus).
549 Il convient donc d’écarter dans son ensemble le grief relatif aux nouveaux éléments invoqués par les requérantes dans la réplique.
550 Au regard des considérations exposées aux points 417 à 549 ci-dessus, il y a lieu de conclure qu’il n’est pas manifeste que l’approche du risque que la Commission a retenue dans le règlement attaqué concernant la génotoxicité du CHP-méthyl se fonderait sur des appréciations privées de toute plausibilité (voir point 416 ci-dessus). Il convient donc d’écarter l’ensemble du grief relatif au potentiel génotoxique du CHP-méthyl.
3. Neurotoxicité pour le développement
551 Les requérantes soutiennent que c’est à tort que la Commission, à la suite de l’EFSA, s’est fondée sur trois articles scientifiques mentionnés dans la déclaration du 8 novembre 2019 pour conclure à l’existence de « préoccupations concernant la neurotoxicité pour le développement » du CHP-méthyl.
552 Elles indiquent que les articles en cause ne portent pas directement sur le CHP-méthyl. Elles contestent le lien que retient l’EFSA entre l’exposition au CHP-méthyl et les effets négatifs sur la santé constatés dans ces articles. À cet égard, elles se fondent sur une note en bas de page de la déclaration du 8 novembre 2019 qui remet en cause, selon elles, la prise en compte d’une exposition au CHP-méthyl dans ces articles. Elles se prévalent aussi du fait que le CHP-méthyl n’était pas utilisé
dans la région où avait été réalisée l’étude au fondement de l’un des articles.
553 Les requérantes contestent également la fiabilité et la pertinence de trois autres articles mentionnés par l’EFSA dans la déclaration du 8 novembre 2019.
554 Par ailleurs, elles indiquent, comme elles l’ont fait pour la génotoxicité (voir point 475 ci-dessus), que la Commission a fait usage de la méthode des références croisées pour le CHP-méthyl et l’ensemble des pesticides organophosphorés sans fournir l’hypothèse fondant cet usage et sa justification.
555 Il convient, à titre liminaire, de rappeler les éléments sur lesquels la Commission s’est fondée pour conclure, dans le règlement attaqué, à l’existence de « préoccupations concernant la neurotoxicité pour le développement » du CHP-méthyl.
556 À cet égard, la Commission a précisé, au considérant 10 du règlement attaqué, que les préoccupations concernant la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl étaient « étayées par des données épidémiologiques révélant l’existence d’un lien entre l’exposition au chlorpyri[ph]os et/ou au [CHP]-méthyl pendant le développement et des effets néfastes sur le développement neurologique des enfants ».
557 En outre, ainsi qu’il a été dit au point 269 ci-dessus, la Commission a fondé la motivation du règlement attaqué sur les deux déclarations de l’EFSA et, en particulier, sur celle du 8 novembre 2019, dont elle a repris le contenu.
558 Or, dans la déclaration du 8 novembre 2019, l’EFSA s’est fondée sur trois éléments pour parvenir à la conclusion selon laquelle il existait des préoccupations concernant la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl. Il s’agit, premièrement, des insuffisances alléguées de l’étude sur la neurotoxicité pour le développement (voir point 21 ci-dessus), deuxièmement, de trois articles scientifiques qui révéleraient l’existence d’un lien entre l’exposition au chlorpyriphos ou au CHP-méthyl,
ainsi que, plus largement, aux insecticides organophosphorés, et des effets néfastes sur le développement neurologique des enfants et, troisièmement, d’autres articles scientifiques qui contribueraient également à démontrer la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl.
559 Il convient donc de déterminer dans quelle mesure les arguments invoqués par les requérantes sont susceptibles de remettre en cause le choix de l’EFSA de se fonder sur les trois éléments mentionnés au point 558 ci-dessus pour conclure à l’existence de préoccupations concernant la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl.
560 S’agissant du premier élément mentionné au point 558 ci-dessus, à savoir l’étude sur la neurotoxicité pour le développement, laquelle portait sur des rats, il est indiqué dans la déclaration du 8 novembre 2019 que la hauteur du cervelet des nourrissons n’avait pu être évaluée, car seulement trois échantillons de contrôle étaient disponibles pour les femelles au soixante-douzième jour après la naissance. Compte tenu de cette faiblesse statistique, aucune analyse fiable n’avait pu être réalisée.
Les experts s’étaient alors accordés sur le fait que l’insuffisance des données relatives à la hauteur du cervelet devait être regardée comme une défaillance substantielle, dès lors qu’une étude sur le chlorpyriphos faisait apparaître une réduction de la hauteur du cervelet lors de l’exposition à cette substance. En outre, il est indiqué, dans la même déclaration, qu’aucune dose sans effet nocif observé ou dose maximale sans effet, c’est-à-dire la dose la plus élevée ne produisant aucun effet
nocif, n’avait pu être établie.
561 À cet égard, les requérantes se bornent à invoquer une absence de comparabilité entre l’étude sur la neurotoxicité pour le développement et l’étude relative au chlorpyriphos qui est mentionnée également dans la déclaration du 8 novembre 2019 (voir point 560 ci-dessus). Pour étayer cet argument, elles se fondent sur l’existence d’un délai de plus de quinze ans s’étant écoulé entre la réalisation des deux études ainsi que sur l’application de doses dix fois supérieures dans l’étude sur la
neurotoxicité pour le développement.
562 Toutefois, de tels éléments et, plus largement, l’argument tiré de l’absence de comparabilité entre les deux études en cause ne sont susceptibles de remettre en question, en tant que tel, ni le constat opéré par l’EFSA quant à l’absence de fiabilité intrinsèque de l’étude sur la neurotoxicité pour le développement ni le constat concernant l’apparition d’une réduction de la hauteur du cervelet lors de l’exposition au chlorpyriphos ressortant de l’étude relative à cette substance. En effet, ces
constats constituent les termes de la comparaison et l’argument des requérantes ne porte que sur la relation entre ces termes (voir points 560 et 561 ci-dessus).
563 Or, ces deux constats suffisent pour que l’existence d’une incertitude quant à la présence d’un risque neurotoxique pour le développement lié à l’utilisation du CHP-méthyl ne puisse être exclue.
564 Dans ces conditions, eu égard aux considérations exposées au point 413 ci-dessus, les arguments invoqués par les requérantes ne permettent pas de regarder comme manifestement erronée la conclusion des experts selon laquelle, dès lors qu’une étude sur le chlorpyriphos faisait apparaître une réduction de la hauteur du cervelet lors de l’exposition à cette substance, l’insuffisance des données relatives à la hauteur du cervelet devait être regardée comme une défaillance substantielle de l’étude sur
la neurotoxicité pour le développement.
565 Certes, les requérantes indiquent qu’il aurait été possible de demander une étude supplémentaire concernant le CHP-méthyl afin d’évaluer l’effet de cette substance sur la hauteur du cervelet.
566 Toutefois, il y a lieu de rappeler que c’est au demandeur qu’il appartient, s’agissant d’une demande de renouvellement de l’approbation d’une substance active, de produire l’ensemble des éléments énoncés à l’article 7 du règlement d’exécution no 844/2012 aux fins d’apporter la preuve que la substance en cause satisfait aux conditions posées à l’article 4 du règlement no 1107/2009 (voir point 410 ci-dessus).
567 Dès lors, la faiblesse statistique d’une étude produite par le demandeur ne saurait conduire au constat d’une insuffisance de l’évaluation de la substance en cause imputable à l’EFSA.
568 En outre, si les dispositions de l’article 13, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 844/2012 permettent à l’EFSA de demander des informations supplémentaires au demandeur, elles laissent une certaine marge d’appréciation à cette autorité. En effet, il est prévu, dans cette disposition, que l’EFSA sollicite la communication d’informations supplémentaires de la part du demandeur « si [elle] considère qu’il est nécessaire » de le faire.
569 Ainsi, en se bornant à indiquer que les autorités « pouvaient » demander une étude spécifique supplémentaire et qu’elles « avaient le choix », les requérantes ne démontrent pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.
570 S’agissant du deuxième élément mentionné au point 558 ci-dessus, constitué par les trois articles scientifiques cités dans la déclaration du 8 novembre 2019, ces articles, selon l’EFSA, montraient qu’une exposition prénatale aux insecticides organophosphorés, dont relevait le CHP-méthyl, produisait, selon une tendance constante, un déficit précoce, à la fois cognitif et comportemental.
571 Il convient de relever que lesdits articles se fondaient ainsi sur une corrélation entre l’exposition aux insecticides organophosphorés des populations humaines étudiées et des effets négatifs sur la santé de leurs membres.
572 Les requérantes contestent l’un des éléments de cette corrélation, à savoir l’exposition au CHP-méthyl des populations humaines étudiées.
573 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 3, point 32, du règlement no 1107/2009, un métabolite est un produit de dégradation d’une substance active qui est formé soit dans un organisme, soit dans l’environnement.
574 Or, bien que les trois articles scientifiques mentionnés au point 570 ci-dessus ne concernent pas spécifiquement l’exposition au CHP-méthyl, dans deux d’entre eux, un métabolite tant du CHP-méthyl que du chlorpyriphos a été mesuré dans les urines maternelles pour la population étudiée.
575 Certes, ainsi qu’il ressort d’une note en bas de page de la déclaration du 8 novembre 2019, il est possible qu’une proportion significative de ce métabolite présent dans les échantillons d’urine provienne d’une prise directe de celui-ci, déjà présent dans l’environnement, et non d’une ingestion de CHP-méthyl ou de chlorpyriphos. Toutefois, la note en bas de page en cause n’exclut pas la possibilité que la présence de ce métabolite dans les urines provienne, pour partie au moins, d’une telle
ingestion.
576 De même, le fait que le CHP-méthyl n’ait pas été utilisé à des fins agricoles dans la région dans laquelle s’est déroulée l’étude réalisée pour l’un des trois articles mentionnés au point 570 ci-dessus ou que, dans cette région, il ait existé une « charge supplémentaire aux précurseurs de pesticides par rapport à l’échantillon national », ne permet pas de conclure à une absence d’exposition des sujets étudiés au CHP-méthyl. En effet, les requérantes n’apportent pas d’éléments permettant
d’exclure que l’alimentation soit, pour la population étudiée, une source importante d’exposition à cette substance.
577 En outre, les trois articles scientifiques mentionnés au point 570 ci-dessus prenaient en compte également la présence dans les urines maternelles ou infantiles d’autres métabolites qui, même s’ils ne sont pas spécifiques aux insecticides organophosphorés, peuvent être produits à partir de leur dégradation. La présence de ces autres métabolites, constatée dans lesdits articles, conforte donc l’existence d’une exposition des populations étudiées aux insecticides organophosphorés, et donc d’une
corrélation entre cette exposition et les déficits cognitifs et comportementaux précoces constatés.
578 Compte tenu des considérations exposées aux points 570 à 577 ci-dessus, les arguments invoqués par les requérantes ne permettent pas de conclure au caractère manifestement erroné du constat selon lequel les résultats figurant dans les trois articles scientifiques mentionnés au point 570 ci-dessus contribuent à soulever des préoccupations quant à la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl en montrant que l’exposition prénatale aux insecticides organophosphorés est corrélée à la présence
de déficits cognitifs et comportementaux précoces.
579 S’agissant du troisième élément mentionné au point 558 ci-dessus, constitué par les trois articles scientifiques supplémentaires qui auraient également contribué à démontrer la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl, ces articles, comme le soutiennent les requérantes, ne portent pas spécifiquement sur le CHP-méthyl, mais sur les insecticides organophosphorés. Toutefois, cette seule circonstance ne permet pas d’infirmer la conclusion selon laquelle les résultats des études réalisées
pour ces articles confortent l’existence d’un lien entre l’exposition aux insecticides organophosphorés, dont relève le CHP-méthyl, et le risque de neurotoxicité pour le développement.
580 Ces articles constituent donc un élément concordant qui vient s’ajouter aux deux autres éléments déjà pris en compte par l’EFSA pour parvenir à la conclusion selon laquelle il existait des préoccupations concernant la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl.
581 Il convient d’ajouter, s’agissant des deux derniers éléments mentionnés au point 558 ci-dessus, que c’est à juste titre que la Commission souligne que les requérantes n’ont pas apporté d’indices susceptibles d’étayer le postulat implicite sur lequel elles fondent leur argumentation, à savoir le fait que le CHP-méthyl constituerait une exception au lien observé entre l’exposition aux insecticides organophosphorés et l’existence de déficits cognitifs et comportementaux précoces.
582 Il résulte de l’ensemble des considérations exposées aux points 555 à 581 ci-dessus qu’il ne peut être conclu, s’agissant de la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl, que la déclaration du 8 novembre 2019 et, par voie de conséquence, le règlement attaqué, dont la motivation est fondée, en particulier, sur l’évaluation qui figure dans cette déclaration, reposeraient sur des appréciations privées de toute plausibilité (voir point 416 ci-dessus).
583 Par ailleurs, à supposer même que les requérantes puissent être regardées comme invoquant un argument tiré d’une impossibilité de faire application de la méthode des références croisées s’agissant de la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl, le seul argument précis invoqué par les requérantes est l’absence de mention d’une hypothèse, assortie des justifications nécessaires, sur laquelle reposerait l’application de cette méthode.
584 Or, un tel argument, qui repose implicitement, mais nécessairement, sur l’invocation de dispositions du document de l’ECHA, peut être écarté sur le fondement des considérations exposées aux points 476 à 483 ci-dessus.
585 De plus, cette absence de mention d’une hypothèse ainsi que l’absence alléguée d’« explication convaincante » produite par l’EFSA ou par la Commission concernant l’application de la méthode des références croisées ne sauraient conduire à priver de toute plausibilité le constat selon lequel il existe des préoccupations concernant la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl, dès lors que ce constat repose sur trois éléments qui n’ont pas été valablement remis en cause par les requérantes.
586 Il résulte de tout ce qui précède que le présent grief doit être écarté dans son ensemble.
4. Classement comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B
587 Les requérantes soutiennent que les recommandations de l’EFSA pour le classement d’une substance active comme toxique au titre du règlement no 1272/2008 n’aboutissent pas, en général, à un tel classement. Ainsi, le CHP-méthyl n’aurait pas fait, par la suite, l’objet d’un classement comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B. Ce serait le cas également d’autres substances actives pour lesquelles l’EFSA avait proposé un tel classement.
588 Par ailleurs, la méthode des références croisées aurait été appliquée de manière illégale ou inappropriée et l’EFSA elle-même aurait émis des réserves à ce sujet.
589 À cet égard, il convient de rappeler que, dans le règlement attaqué, la Commission, pour refuser le renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl, s’est fondée sur trois motifs, à savoir, premièrement, le fait que « le potentiel génotoxique du [CHP]-méthyl ne saurait être exclu », deuxièmement, l’existence de « préoccupations concernant [s]a neurotoxicité pour le développement » et, troisièmement, le fait qu’il « pouvait être approprié de classer le [CHP]-méthyl comme substance toxique pour la
reproduction de la catégorie 1B » (voir point 267 ci-dessus).
590 Or, le grief des requérantes ne concerne que le troisième motif retenu par la Commission dans le règlement attaqué.
591 Dans la mesure où certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de cette décision sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif. En outre, dès lors que le dispositif d’une décision de la Commission repose sur plusieurs piliers de raisonnement dont chacun suffirait à lui seul à fonder ce dispositif, il n’y a lieu pour le Tribunal d’annuler cette décision, en principe,
que si chacun de ces piliers est entaché d’illégalité. Dans cette hypothèse, une erreur ou autre illégalité qui n’affecterait qu’un seul des piliers du raisonnement ne saurait suffire à justifier l’annulation de la décision litigieuse, dès lors que cette erreur n’a pu avoir une influence déterminante quant au dispositif retenu par l’institution auteur de cette décision (voir arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, points 42 et 43 et jurisprudence citée).
592 En l’espèce, le fait que « le potentiel génotoxique du [CHP]-méthyl ne saurait être exclu » et l’existence de « préoccupations concernant [s]a neurotoxicité pour le développement » sont des motifs qui n’ont pas été valablement remis en cause par les requérantes dans le cadre des griefs spécifiquement dirigés contre eux (voir points 417 à 586 ci-dessus). Or, ces motifs, pris ensemble, sont de nature à justifier à suffisance de droit l’adoption du règlement attaqué.
593 En effet, pour qu’une demande de renouvellement soit rejetée, c’est-à-dire pour qu’une mesure à la fois restrictive à l’égard des droits du producteur qui demande le renouvellement de l’approbation d’une substance active et protectrice de la santé soit adoptée, il suffit, comme c’est le cas en l’espèce, qu’une simple incertitude quant à la présence d’un risque pour la santé puisse être identifiée (voir point 413 ci-dessus).
594 En outre, le troisième motif, selon lequel il « pouvait être approprié » de classer le CHP-méthyl comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B, a été considéré par la Commission elle-même comme un motif surabondant, dès lors qu’il ne se trouvait qu’en troisième place, qu’il était introduit par l’expression « en outre » et qu’il se présentait comme étant fondé sur un hypothétique classement du CHP-méthyl comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1B (voir
point 54 ci-dessus).
595 Par conséquent, une éventuelle erreur entachant d’illégalité le troisième motif serait sans incidence sur le dispositif retenu par la Commission dans sa décision.
596 Il résulte de tout ce qui précède que le présent grief doit être écarté comme inopérant (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, points 35, 147 et 148).
597 L’ensemble du moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission lorsqu’elle s’est fondée sur l’évaluation des risques retenue par l’EFSA doit donc être écarté.
J. Sur le huitième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la méconnaissance du principe de proportionnalité
598 Les requérantes soutiennent que le règlement attaqué est contraire au principe de proportionnalité, car une mesure alternative consistant à renouveler l’approbation du CHP-méthyl sous réserve de la communication d’informations confirmatives était envisageable.
599 Les requérantes se fondent sur trois éléments, à savoir que les « données réglementaires » auraient été complètes, que l’EMR n’aurait pas conclu à un refus du renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl et, enfin, qu’Ascenza aurait proposé de clarifier les incertitudes identifiées au cours de la procédure ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué.
600 Elles invoquent, d’abord, les préoccupations relatives à la génotoxicité du CHP-méthyl qui n’ont été soulevées qu’à un stade tardif de la procédure, ensuite, l’étude du 14 mai 2020 et, enfin, les dispositions du point 3.6.4 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 (voir point 11 ci-dessus).
601 Les requérantes renvoient par ailleurs à des arguments qu’elles ont invoqués au soutien d’autres moyens qui ont été précédemment examinés et écartés, tels que la méconnaissance de l’obligation de transparence ou l’erreur manifeste d’appréciation quant à l’évaluation des risques retenue par l’EFSA, puis par la Commission.
602 Il convient de rappeler que, dans l’hypothèse où la Commission parviendrait à la conclusion que, au regard de l’ensemble des éléments dont elle dispose, le demandeur n’a pas établi à suffisance que les conditions auxquelles est subordonnée l’approbation ou l’autorisation demandée sont satisfaites, elle est tenue de conclure au rejet de la demande, sans qu’il soit nécessaire, afin de parvenir à une telle conclusion, de procéder à une contre-expertise (arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a.,
C‑616/17, EU:C:2019:800, point 95).
603 Dans une telle hypothèse, dès lors que la Commission est tenue de rejeter la demande en cause, le moyen tiré du caractère disproportionné de la mesure qu’elle a adoptée est inopérant.
604 En l’espèce, la Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi à suffisance que les conditions auxquelles était subordonné le renouvellement de l’approbation du CHP-méthyl étaient satisfaites.
605 Une telle conclusion n’a pas été valablement remise en cause par les requérantes (voir point 597 ci-dessus).
606 Par conséquent, les requérantes ne peuvent utilement invoquer la possibilité pour la Commission d’adopter une mesure alternative moins restrictive.
607 De plus, même si la marge d’appréciation dont dispose la Commission en tant que gestionnaire des risques identifiés lors de l’évaluation scientifique était prise en compte, l’ensemble des circonstances invoquées par les requérantes (voir points 598 à 601 ci-dessus) ne suffisent pas à permettre de conclure que la Commission, en choisissant de ne pas renouveler l’approbation du CHP-méthyl plutôt que de renouveler cette approbation sous réserve de la soumission de données confirmatives, aurait
commis une erreur manifeste d’appréciation.
608 Certes, l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 prévoit que l’approbation d’une substance active peut être subordonnée à des conditions et à des restrictions telles que la communication d’informations confirmatives supplémentaires aux États membres, à la Commission et à l’EFSA, lorsque « de nouvelles prescriptions sont établies durant le processus d’évaluation ou sur la base de nouvelles connaissances scientifiques et techniques ».
609 Toutefois, les dispositions précitées laissent une large marge d’appréciation à la Commission, dès lors qu’elles n’imposent pas à cette dernière d’accorder une approbation subordonnée à des conditions et restrictions plutôt que de refuser l’approbation ou son renouvellement.
610 Au demeurant, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été pris (voir point 221 ci-dessus).
611 Par conséquent, l’étude du 14 mai 2020, invoquée par les requérantes, ne peut être prise en compte, car elle est postérieure à la date d’adoption du règlement attaqué (voir points 222 et 223 ci-dessus).
612 Quant au rapport intermédiaire relatif à cette étude, lequel est antérieur à l’adoption du règlement attaqué, ainsi qu’à l’information selon laquelle une étude était en cours pendant la procédure d’adoption du règlement attaqué, eu égard aux considérations exposées aux points 305 à 314 ci-dessus, ces éléments ne sauraient conduire à un constat d’erreur manifeste d’appréciation de l’EFSA, puis de la Commission, lorsqu’elles ont conclu que le potentiel génotoxique du CHP-méthyl ne saurait être
exclu.
613 En outre, l’étude du 14 mai 2020 est sans lien avec le second motif retenu par la Commission dans le règlement attaqué, lequel est tiré de préoccupations concernant la neurotoxicité pour le développement du CHP-méthyl.
614 Ainsi, ces éléments ne permettent pas de conclure que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a décidé de ne pas renouveler l’approbation du CHP-méthyl plutôt que de renouveler cette approbation sous réserve de la communication d’informations confirmatives.
615 Par ailleurs, aucun des autres éléments invoqués par les requérantes (voir points 599 à 601 ci-dessus) n’est pertinent aux fins d’établir, d’une part, que les conditions prévues à l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 seraient remplies et, d’autre part, que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en ne renouvelant pas l’approbation du CHP-méthyl sous réserve de la communication d’informations confirmatives.
616 En outre, ces éléments ne sont pas fondés.
617 Premièrement, le fait que les essais et les études produits par les demandeurs concernant le CHP-méthyl n’avaient soulevé aucune préoccupation ne permet pas de conclure que l’évaluation des risques qu’implique l’usage de cette substance active avait été définitivement réalisée (voir point 386 ci-dessus).
618 Deuxièmement, ainsi qu’il ressort du point 280 ci-dessus, l’existence d’une divergence suffisante entre le projet de rapport d’évaluation et les conclusions de l’EFSA n’est pas établie en l’espèce.
619 Troisièmement, la circonstance qu’Ascenza aurait proposé de clarifier les incertitudes identifiées au cours de la procédure ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué ne permet pas de caractériser l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.
620 À cet égard, en se bornant à indiquer que les autorités « pouvaient » demander une étude spécifique supplémentaire et qu’elles « avaient le choix », les requérantes ne démontrent pas l’existence d’une violation de l’article 13, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 844/2012 (voir points 568 et 569 ci-dessus) ou du principe de proportionnalité.
621 Quatrièmement, le fait que ce ne soit qu’à la suite des consultations d’experts organisées en avril 2019 (voir point 24 ci-dessus) que l’EFSA a soulevé dans la déclaration du 31 juillet 2019 des préoccupations concernant la santé humaine (voir points 28 à 33 ci-dessus) ne permet pas de conclure à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.
622 Il en va d’autant plus ainsi que les dispositions applicables prévoient que, sur le fondement, notamment, comme en l’espèce, des résultats d’une consultation d’experts, l’EFSA est en droit de formuler de nouvelles objections au renouvellement de l’approbation de la substance active en cause au moment où elle prépare ses conclusions (voir points 206 à 207 ci-dessus), c’est-à-dire dans une phase ultérieure à celle au cours de laquelle elle peut, avec les États membres autres que l’État membre
rapporteur et le public, présenter des observations sur le projet de rapport d’évaluation.
623 En outre, s’agissant du motif du règlement attaqué relatif à la neurotoxicité pour le développement, il convient de rappeler que, lors de la mise à disposition du projet de rapport d’évaluation qui a débuté le 18 octobre 2017, des critiques avait déjà été émises par des membres du public à l’égard de l’étude sur la neurotoxicité pour le développement (voir point 21 ci-dessus).
624 Cinquièmement, les requérantes invoquent les dispositions du point 3.6.4 de l’annexe II du règlement no 1107/2009.
625 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de ces dispositions, une substance active n’est approuvée que si elle n’est pas – ou ne doit pas être – classée toxique pour la reproduction de la catégorie 1A ou de la catégorie 1B conformément aux dispositions du règlement no 1272/2008, à moins que l’exposition de l’homme à cette substance active ne soit négligeable dans les conditions d’utilisation réalistes proposées (voir point 11 ci-dessus).
626 Les requérantes soutiennent que, compte tenu de la « réserve » ainsi prévue par cette disposition, le constat que la condition, selon laquelle la substance litigieuse est classée ou doit être classée toxique pour la reproduction de la catégorie 1B, est remplie ne suffit pas à exclure l’approbation ou le renouvellement de l’approbation de la substance en cause.
627 Il convient toutefois de relever que l’argument des requérantes est dirigé contre le deuxième motif du règlement attaqué, lequel est tiré de l’existence de « préoccupations concernant la neurotoxicité pour le développement » du CHP-méthyl.
628 Or, ce motif n’a pas pour objet le critère tiré de la possibilité d’un classement du CHP-méthyl comme substance toxique pour la reproduction de la catégorie 1A ou de la catégorie 1B conformément aux dispositions du règlement no 1272/2008, mais l’existence de préoccupations quant à la neurotoxicité pour le développement de la substance en cause.
629 Cet argument doit donc être écarté comme inopérant.
630 Il résulte de l’ensemble des considérations exposées aux points 607 à 629 ci-dessus que les requérantes n’ont, en tout état de cause, pas établi le caractère manifestement disproportionné du règlement attaqué.
631 Le présent moyen doit donc être écarté.
K. Sur le dixième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation de l’application de la méthode des références croisées
632 L’ECCA soutient qu’une obligation de motivation renforcée s’imposait à la Commission en raison du fait qu’elle s’est fondée, à la suite de l’EFSA, sur la méthode des références croisées s’agissant de la génotoxicité du CHP-méthyl.
633 L’ECCA ajoute qu’il existe une contradiction interne au sein de la déclaration du 8 novembre 2019, dans la mesure où plusieurs différences entre le CHP-méthyl et le chlorpyriphos sont mentionnées.
634 Par ailleurs, l’ECCA indique qu’Ascenza a présenté, au cours de la procédure ayant donné lieu à l’adoption du règlement attaqué, des arguments détaillés sur l’illégalité du recours à la méthode des références croisées.
635 Enfin, l’ECCA se prévaut du fait que la Commission aurait, pour la première fois, réduit la durée de la procédure d’examen d’une demande de renouvellement en invitant l’EFSA à présenter des déclarations. Elle aurait donc dû motiver de manière plus détaillée les invitations qu’elle a adressées à l’EFSA à cet égard.
636 Les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas suffisamment exposé dans quelle mesure la méthode des références croisées était applicable au chlorpyriphos et au CHP-méthyl.
637 Les requérantes invoquent également l’insuffisante motivation des invitations adressées à l’EFSA pour que cette dernière présente des déclarations.
638 Les requérantes ajoutent que la Commission n’a pas suffisamment motivé les raisons pour lesquelles elle avait accordé plus d’importance à trois études non conformes qu’aux « données réglementaires » (voir points 365 à 374 ci-dessus).
639 À cet égard, il convient de relever à titre liminaire que, si l’ECCA invoque une obligation de « motivation renforcée » s’imposant à la Commission, l’application d’une telle obligation dans une hypothèse telle que celle de l’espèce ne résulte ni des textes applicables ni de la jurisprudence.
640 Par ailleurs, il y a lieu de renvoyer à la jurisprudence citée aux points 263 et 264 ci-dessus, au regard de laquelle il convient d’examiner le présent moyen.
641 En l’espèce, aux termes du considérant 10 du règlement attaqué :
« […] Le potentiel génotoxique du [CHP]-méthyl ne saurait être exclu, compte tenu des préoccupations exprimées pour le chlorpyri[ph]os et de la littérature scientifique disponible sur le [CHP]-méthyl dans le cadre d’une approche fondée sur la force probante des données. Au cours de l’évaluation par les pairs, les experts ont considéré que l’application de la méthode des références croisées entre les deux substances était justifiée, étant donné leur structure et leur comportement toxicocinétique
semblables. Par conséquent, il n’est pas possible d’établir des valeurs de référence basées sur la protection de la santé pour le [CHP]-méthyl ni de procéder à une évaluation appropriée des risques pour les consommateurs et des risques non alimentaires […] »
642 En outre, il convient de prendre en compte pour l’examen de la motivation du règlement attaqué les deux déclarations de l’EFSA et, en particulier, celle du 8 novembre 2019, dont la Commission a plus spécifiquement repris le contenu au sein du considérant 10 du règlement attaqué (voir points 269 et 270 ci-dessus).
643 Or, dans cette déclaration, il est indiqué, s’agissant de la rencontre d’experts ayant eu lieu en avril 2019 (voir point 24 ci-dessus), que les experts ont discuté de la similarité structurelle entre les deux molécules et ont accepté d’appliquer la méthode des références croisées. S’agissant de la rencontre d’experts ayant eu lieu en septembre 2019 (voir point 37 ci-dessus), laquelle était consacrée, notamment, à la possibilité d’appliquer la méthode des références croisées (voir point 28
ci-dessus), il est indiqué que les experts ont pris en compte les différences entre les deux substances en cause qu’ils avaient identifiées dans la partie de la déclaration du 8 novembre 2019 consacrée à la toxicité pour les mammifères et qu’ils ont considéré que ces différences ne justifiaient pas, compte tenu de la structure moléculaire de ces substances, une différence dans leur potentiel génotoxique (voir points 451 à 457 ci-dessus).
644 Au regard des éléments exposés aux points 641 à 643 ci-dessus, il y a lieu de conclure, contrairement à ce que soutiennent l’ECCA et les requérantes, que la motivation du règlement attaqué est suffisamment détaillée quant aux raisons pour lesquelles la méthode des références croisées a été appliquée.
645 Il convient d’ajouter, premièrement, que, contrairement à ce que soutient l’ECCA (voir point 633 ci-dessus), il n’existe pas de contradiction interne dans la déclaration du 8 novembre 2019, dès lors que l’EFSA a relevé que les experts avaient conclu à la possibilité d’appliquer la méthode des références croisées pour le CHP-méthyl et le chlorpyriphos, malgré les différences entre les deux substances qu’ils avaient précédemment constatées.
646 Deuxièmement, s’agissant du grief invoqué par l’ECCA concernant les arguments détaillés sur l’illégalité du recours à la méthode des références croisées qu’Ascenza aurait présentés pendant la procédure ayant donné lieu à l’adoption du règlement attaqué (voir point 634 ci-dessus), il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et
contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui (arrêt du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T‑340/03, EU:T:2007:22, point 166).
647 Il convient également de rappeler que, si la requête peut être étayée et complétée sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, les annexes ont une fonction purement probatoire et instrumentale. Elles ne sauraient dès lors servir à développer un moyen sommairement exposé dans la requête en avançant des griefs ou des arguments ne figurant pas dans celle-ci. La partie requérante doit indiquer dans la requête les griefs précis sur lesquels le
Tribunal est appelé à se prononcer ainsi que, de manière à tout le moins sommaire, les éléments de droit et de fait sur lesquels ces griefs sont fondés (arrêt du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T‑340/03, EU:T:2007:22, point 167).
648 Or, en l’espèce, l’ECCA, dans ses écritures, se borne à renvoyer à un ensemble d’annexes de la requête et à souligner la « pertinence et […] l’importance des arguments » qu’elles contiennent sans apporter la moindre précision quant à ces arguments.
649 Par conséquent, le grief mentionné au point 646 ci-dessus doit être écarté comme étant irrecevable.
650 Troisièmement, s’agissant de la motivation des invitations, adressées par la Commission à l’EFSA, à émettre des déclarations (voir point 637 ci-dessus), il convient de relever que, en l’espèce, les conclusions aux fins d’annulation présentées par les requérantes ne visent pas ces déclarations, mais le règlement attaqué. En outre, les requérantes n’excipent pas de l’illégalité de celles-ci. Par conséquent, un grief qui, comme le présent grief, est tiré d’un vice propre des déclarations doit être
regardé comme inopérant.
651 S’agissant de la motivation du règlement attaqué lui-même, en tant qu’il concerne les invitations en cause, il convient de rappeler que, au considérant 9 du règlement attaqué, la Commission a indiqué ce qui suit :
« En avril 2019, l’[EFSA] a organisé une rencontre d’experts afin d’examiner certains éléments liés à l’évaluation des risques pour la santé humaine. Compte tenu des préoccupations relatives à la génotoxicité et à la neurotoxicité pour le développement soulevées à l’occasion de cette rencontre, la Commission a adressé, le 1er juillet 2019, un mandat à l’[EFSA] l’invitant à émettre une déclaration sur les résultats disponibles de l’évaluation des risques pour la santé humaine et à fournir une
indication sur la question de savoir si la substance active était susceptible de satisfaire aux critères d’approbation applicables à la santé humaine énoncés à l’article 4 du règlement CE no 1107/2009. »
652 Compte tenu de la jurisprudence citée aux points 263 et 264 ci-dessus, la Commission n’avait pas à exposer de manière plus détaillé qu’elle ne l’a fait au considérant 9 du règlement attaqué les raisons pour lesquelles elle avait envoyé les invitations en cause au cours de la procédure d’adoption dudit règlement.
653 Quatrièmement, s’agissant de la motivation relative à l’importance supposément plus grande accordée aux articles complémentaires apportés par l’EMR lors de la seconde consultation d’experts ayant eu lieu en septembre 2019 plutôt qu’aux « données réglementaires » (voir point 638 ci-dessus), ainsi qu’il résulte des considérations exposées au point 506 ci-dessus, un tel argument manque en fait.
654 Il résulte des considérations exposées aux points 639 à 653 ci-dessus qu’il convient d’écarter le présent moyen, invoqué par l’ECCA, sans qu’il soit besoin de statuer au préalable sur sa recevabilité.
655 Il convient donc de rejeter le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
656 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, y compris les dépens relatifs à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission et de la HEAL.
657 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, le Royaume de Danemark et la République française supporteront leurs propres dépens.
658 Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supporte ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que l’ECCA, intervenue au soutien des conclusions des requérantes, supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Ascenza Agro, SA et Industrias Afrasa, SA supporteront, outre leurs propres dépens et ceux de la Commission européenne, y compris ceux relatifs aux procédures de référé, les dépens de la Health and Environment Alliance (HEAL).
3) Le Royaume de Danemark, la République française et l’European Crop Care Association (ECCA) supporteront chacun leurs propres dépens.
da Silva Passos
Reine
Truchot
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 octobre 2023.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.