ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
18 octobre 2023 ( *1 )
« Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Concours interne COM/1/AD 10/18 – Décision de ne pas inscrire le nom du requérant sur la liste de réserve – Égalité de traitement – Stabilité de la composition du jury – Compétence de pleine juridiction –Préjudice moral »
Dans l’affaire T‑535/22,
NZ, représentée par Me H. Tagaras, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mme M. Brauhoff, M. T. Lilamand, Mme I. Melo Sampaio et M. L. Vernier, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen (rapporteur), président, C. Mac Eochaidh et J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,
greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 11 juillet 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, NZ, demande l’annulation de la décision du jury du 10 février 2022 portant rejet de sa demande de réexamen de la décision du jury du 6 février 2020 de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve du concours interne COM/1/AD 10/18 (ci-après la « décision du 10 février 2022 »).
I. Antécédents du litige
2 Le 20 novembre 2018, la Commission européenne a, au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous d), du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), publié un avis de concours interne sur titres et épreuves ayant pour objet la constitution d’une liste de réserve pour le recrutement d’administrateurs dans les grades AD 10 (COM/1/AD 10/18) et AD 12 (COM/2/AD 12/18) dans cinq domaines.
3 La requérante et 217 autres personnes se sont portées candidates au concours interne COM/1/AD 10/18 dans le domaine « Coordination, communication, gestion des ressources humaines et budgétaires, audit » (ci-après le « domaine en cause »), pour lequel l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») souhaitait la constitution d’une liste de réserve de seize lauréats.
4 Par lettre du 10 octobre 2019, la requérante a été informée qu’elle avait obtenu l’une des meilleures notes lors de la sélection sur titres et qu’elle remplissait les conditions prévues pour être invitée à participer à l’épreuve orale.
5 Le 28 novembre 2019, elle a passé l’épreuve orale. Au total, 43 candidats ont passé l’épreuve orale entre le 28 novembre et le 13 décembre 2019.
6 Par lettre du 6 février 2020, le jury a décidé de ne pas inscrire le nom de la requérante sur la liste de réserve au motif qu’elle avait obtenu une note globale de 15,5/20 à l’épreuve orale, laquelle était inférieure au seuil de 16/20 qui devait être atteint pour figurer parmi les seize meilleurs candidats (ci-après la « décision du 6 février 2020 »).
7 Par lettre du 14 février 2020, la requérante a demandé le réexamen de la décision du 6 février 2020. Cette demande de réexamen a été rejetée par décision du jury du 29 avril 2020, à l’encontre de laquelle la requérante a introduit un recours fondé sur l’article 270 TFUE.
8 Par arrêt du 6 octobre 2021, NZ/Commission (T‑668/20, non publié, EU:T:2021:667), le Tribunal a annulé la décision du 29 avril 2020 au motif que cette décision était entachée d’une insuffisance de motivation.
9 En exécution de l’arrêt du 6 octobre 2021, NZ/Commission (T‑668/20, non publié, EU:T:2021:667), le jury, par la décision du 10 février 2022, adoptée par la voie d’une procédure écrite, a informé la requérante qu’il avait décidé de rejeter sa demande de réexamen du 14 février 2020 au motif que la note obtenue à l’épreuve orale (15,742/20, arrondie à 15,5/20) était inférieure à la note minimale requise pour figurer sur la liste de réserve (15,75/20, arrondie à 16/20).
10 Le 16 mars 2022, la requérante a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision du 10 février 2022, laquelle a été rejetée par décision de l’AIPN du 19 juillet suivant (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).
II. Conclusions des parties
11 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision du 10 février 2022 et la décision de rejet de la réclamation ainsi que, à titre subsidiaire, la décision du 6 février 2020 ;
– en toute hypothèse, condamner la Commission aux dépens.
12 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
A. Sur l’objet du litige
13 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’un candidat à un concours sollicite le réexamen d’une décision prise par un jury, c’est la décision prise par ce dernier après réexamen de la situation du candidat qui constitue l’acte lui faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, ou, le cas échéant, de l’article 91, paragraphe 1, du statut. La décision prise après réexamen se substitue, ce faisant, à la décision initiale du jury (voir arrêt du 6 octobre 2021,
NZ/Commission, T‑668/20, non publié, EU:T:2021:667, point 24 et jurisprudence citée).
14 Il y a donc lieu de considérer, en l’espèce, que l’acte faisant grief à la requérante est la décision du 10 février 2022 (ci-après la « décision attaquée »).
15 Quant aux conclusions dirigées contre la décision de rejet de la réclamation, il y a lieu de rappeler que la réclamation administrative, telle qu’elle est visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant
grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 34 et jurisprudence citée).
16 En effet, toute décision de rejet d’une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable (voir arrêt du 12 septembre 2019, XI/Commission, T‑528/18, non publié, EU:T:2019:594, point 20 et jurisprudence citée), de sorte que les conclusions dirigées contre cette décision sans contenu autonome par rapport à la décision initiale doivent être
regardées comme étant dirigées contre l’acte initial.
17 À cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision de rejet de la réclamation n’a pas une portée différente de celle de la décision attaquée étant donné que l’AIPN confirme la décision du jury de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve. Le seul fait que l’AIPN ait été amenée, en réponse à la réclamation, à compléter ou à modifier les motifs de la décision attaquée, ne saurait justifier que le rejet de cette réclamation soit considéré comme un acte autonome lui faisant
grief. En effet, la motivation dudit rejet est censée s’incorporer à la décision qui est attaquée contre laquelle cette réclamation a été dirigée (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2022, VI/Commission, T‑20/21, non publié, EU:T:2022:427, point 17 et jurisprudence citée).
18 Par conséquent, le présent recours doit être regardé comme étant dirigé contre la décision attaquée, dont la légalité doit être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation.
B. Sur le fond
1. Sur les conclusions en annulation
19 À l’appui de son recours, la requérante soulève sept moyens.
20 Par son troisième moyen, elle soutient que la décision attaquée est entachée d’une violation du principe d’égalité de traitement, car le jury n’est pas resté suffisamment stable dans sa composition lors de l’épreuve orale et que les mesures de coordination adoptées par ce jury, à les supposer établies, étaient inadéquates et insuffisantes.
21 La Commission conteste cette argumentation.
22 Elle considère que le jury a fonctionné de manière stable lors des épreuves orales avec un président suppléant exerçant des fonctions de coordination et un noyau d’examinateurs très présents.
23 Cette stabilité du jury n’appellerait pas de mesures de coordination d’une même rigueur que celle applicable aux concours généraux avec centre d’évaluation organisés depuis 2010. À cet égard, la Commission estime que le jury s’est doté de mesures de coordination suffisantes pour assurer le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats.
24 En tout état de cause, la requérante n’aurait pas établi en quoi une fluctuation de la composition du jury, à la supposer établie, aurait pu affecter ses droits.
a) Considérations liminaires
25 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’obligation de recruter les fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, imposée par l’article 27 du statut, implique que l’AIPN et le jury de concours doivent veiller, chacun dans l’exercice de ses compétences, à ce que les concours se déroulent dans le respect des principes d’égalité de traitement entre candidats et d’objectivité de la notation (voir arrêt du 6 juillet 2022, VI/Commission, T‑20/21,
non publié, EU:T:2022:427, point 29 et jurisprudence citée).
26 Pour pouvoir garantir que les appréciations du jury sur tous les candidats examinés lors des épreuves seront portées dans des conditions d’égalité et d’objectivité, il importe que les critères de notation soient uniformes et appliqués de manière cohérente à ces candidats. Cela suppose, notamment, que, dans toute la mesure du possible, la composition du jury reste stable lors du déroulement des épreuves du concours (voir arrêt du 7 février 2002, Felix/Commission,T‑193/00, EU:T:2002:29, point 37 et
jurisprudence citée ; voir, également, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2022, VI/Commission, T‑20/21, non publié, EU:T:2022:427, point 31 et jurisprudence citée).
27 Cette exigence s’impose de manière particulière dans les épreuves orales, telles que celles qui sont en cause dans le présent litige, dès lors que ces épreuves sont par nature moins uniformisées que les épreuves écrites (voir arrêt du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO, T‑548/18, EU:T:2021:4, point 33 et jurisprudence citée).
28 Toutefois, il a été jugé que le maintien de la stabilité de la composition du jury lors des épreuves n’était pas un impératif en soi, mais un moyen pour garantir le respect du principe d’égalité de traitement, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2022, VI/Commission, T‑20/21, non publié, EU:T:2022:427, point 35 et jurisprudence citée).
29 Ainsi, le jury peut valablement assurer la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation par d’autres moyens. En particulier, au vu de l’organisation des épreuves d’un concours et de l’organisation des travaux du jury, il peut être suffisant que la stabilité de la composition du jury soit maintenue seulement dans certaines phases clés du concours (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2022, VI/Commission, T‑20/21, non publié, EU:T:2022:427, point 34 et jurisprudence citée). Aussi, même
si la composition du jury n’est pas restée stable lors des épreuves, l’égalité de traitement entre les candidats peut être assurée si le jury met en place la coordination nécessaire afin de garantir l’application cohérente des critères de notation (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, points 208 à 216).
30 En l’occurrence, en décidant que le concours comporterait cinq domaines ainsi que cinq listes de réserve distinctes, comportant chacune un nombre différent de lauréats, et en précisant, de surcroît, que les candidats ne pouvaient s’inscrire qu’à un seul domaine, l’AIPN a exclu toute possibilité de comparaison entre les candidats des cinq domaines du concours interne concerné. C’est donc seulement par rapport aux candidats ayant choisi le domaine en cause qu’il convient de vérifier si le principe
d’égalité de traitement a été respecté.
b) Sur l’existence d’une fluctuation dans la composition du jury lors des épreuves orales
31 Tout d’abord, il importe d’examiner si le jury a fonctionné de manière stable lors des épreuves orales.
32 En l’espèce, la Commission a indiqué lors de l’audience que, à la suite du départ à la retraite de l’un des membres du jury, le jury était finalement composé de dix membres lors des épreuves orales. Ces épreuves se sont déroulées sur neuf jours, entre le 28 novembre et le 13 décembre 2019, et, au cours de celles-ci, 43 candidats ont été interrogés.
33 D’emblée, il importe de constater que, par décision du jury du 5 septembre 2019, la présidence du jury de concours pour le domaine en cause a été confiée à A, l’un des deux présidents suppléants. Par ailleurs, il ressort du tableau reprenant la composition quotidienne de la formation du jury que les membres suppléants ont assumé un rôle plus étendu que celui qui est généralement le leur, puisqu’ils ont assisté à la très grande majorité des épreuves orales.
34 À cet égard, si un président suppléant ne saurait, en principe, agir en tant que président du jury que lorsque le titulaire a démissionné ou lorsqu’il est dans l’impossibilité de siéger, à la suite d’événements qui ne dépendent pas de la volonté de l’administration, le fait que le jury ait décidé que la présidence de l’un des domaines du concours serait exercée systématiquement par le président suppléant, dont l’aptitude à diriger les travaux du jury n’est pas contestée par la requérante, ne met
pas, en tant que tel, en danger l’égalité et l’objectivité du concours. Ce même raisonnement s’applique aux autres membres suppléants du jury dont l’aptitude à remplir leurs fonctions n’a pas été mise en doute. En effet, le choix de faire siéger une formation composée de façon stable de membres qualifiés ne pourrait que renforcer les conditions favorables à un traitement égal pour tous les candidats concernant le même domaine (voir, par analogie, arrêt du 10 novembre 2004, Vonier/Commission,
T‑165/03, EU:T:2004:331, points 37 à 41).
35 Cela étant, il ressort du tableau reprenant la composition quotidienne du jury que, sur seulement neuf jours d’épreuves, le jury a siégé en dix formations différentes de trois membres. Par ailleurs, aucun membre, titulaire ou suppléant, n’a participé à l’ensemble des épreuves.
36 Il en résulte que, alors même qu’il s’agissait d’un concours à participation réduite se déroulant sur une courte période de temps, le jury a connu une fluctuation importante dans sa composition.
37 Certes, comme le souligne la Commission, une certaine fluctuation de la composition du jury est admise dans les concours généraux à participation nombreuse compte tenu des difficultés pratiques inhérentes à l’organisation de ces concours. Toutefois, il s’agissait, en l’espèce, d’un concours interne impliquant, par nature, à ce stade du concours, une participation plus réduite.
38 Partant, il est permis d’exiger, dans un tel concours interne, un degré plus élevé de stabilité de la composition du jury que dans un concours général à participation nombreuse (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2010, Brune/Commission, F‑5/08, EU:F:2010:111, point 62).
39 Compte tenu de cette fluctuation importante dans la composition du jury, il convient, eu égard à son rôle prépondérant au sein du jury, de prendre en considération le taux de présence de A, le président suppléant qui a été désigné pour présider le jury du domaine en cause.
40 En effet, celui-ci a, par principe, l’obligation d’assister à toutes les épreuves afin de coordonner les travaux du jury et de veiller à ce que celui-ci applique uniformément les mêmes critères de notation et procède à une appréciation comparative de tous les candidats (voir arrêt du 29 septembre 2010, Brune/Commission, F‑5/08, EU:F:2010:111, point 46 et jurisprudence citée).
41 En l’espèce, A a été absent aux épreuves des 6 et 13 décembre 2019 en raison, d’une part, de conflits d’intérêts et, d’autre part, d’une indisponibilité. Il a ainsi présidé 33 entretiens sur 43.
42 Certes, une absence n’est pas, à elle seule, de nature à conduire à une violation du principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2010, Brune/Commission, F‑5/08, EU:F:2010:111, point 51). En effet, les absences du président du jury n’affectent pas la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation si son suppléant, qui le remplace lors de ces absences, était également présent lors d’une partie des épreuves qu’il a présidées, et ce afin d’assimiler les lignes
directrices en matière d’appréciation du jury telles qu’elles sont mises en œuvre par le président titulaire (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 211).
43 Toutefois, en raison du choix du jury de désigner un président suppléant pour présider le jury de concours pour le domaine en cause, celui‑ci ne pouvait pas lui-même être remplacé par son suppléant.
44 De plus, lors de ses deux jours d’absence, A a, à chaque fois, été remplacé par deux personnes différentes, à savoir par B, la présidente titulaire puis par C, l’autre président suppléant, l’un le matin, l’autre l’après-midi. Par ailleurs, ces deux personnes n’ont assisté à aucune épreuve présidée par A pour assimiler les lignes directrices en matière d’évaluation et, ainsi, assurer la continuité des appréciations du jury et garantir l’application cohérente et objective des critères de notation.
45 À cet égard, le Tribunal relève que les absences de A pouvaient être anticipées, à tout le moins pour ce qui est de celles pour cause de conflit d’intérêts, de sorte que le jury aurait pu s’organiser autrement afin d’assurer la continuité des appréciations du jury et l’application uniforme des critères de notation.
46 Enfin, indépendamment de la présence du président du jury aux épreuves, la présence importante d’un nombre suffisant d’examinateurs est requise pour que soient garanties la cohérence de la notation ainsi que l’appréciation comparative des candidats (arrêt du 29 septembre 2010, Honnefelder/Commission, F‑41/08, EU:F:2010:112, point 48).
47 À cet égard, il ressort du tableau reprenant la composition quotidienne du jury que les deux membres du jury les plus présents ont assisté, respectivement, à seulement six jours (27 entretiens sur 43) et quatre jours (22 entretiens sur 43) d’épreuves. S’agissant d’un concours interne impliquant, par nature, la participation d’un nombre réduit de candidats, ce taux de présence est insuffisant.
48 Il résulte d’un examen global de l’organisation des épreuves orales de ce concours à participation réduite que, tout d’abord, le jury a siégé en dix formations différentes en neuf jours, ensuite, A a été absent pendant deux journées d’épreuves sans être remplacé par un autre président ayant assisté à une partie des entretiens qu’il avait présidés afin d’assimiler les lignes directrices en matière d’évaluation et, enfin, le taux de présence des deux membres du jury constituant le « noyau
d’examinateurs » n’est pas très élevé pour un concours à participation réduite tel que celui en cause.
49 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce que soutient la Commission, le jury n’a pas fonctionné de manière suffisamment stable lors des épreuves orales.
50 Toutefois, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 28 et 29 ci-dessus, cette conclusion ne saurait, à elle seule, entraîner l’annulation de la décision attaquée.
c) Sur le maintien de la stabilité de la composition du jury dans les phases clés du concours et les mesures de coordination adoptées par le jury
51 Il convient d’examiner si le jury a maintenu une stabilité dans sa composition lors des phases clés du concours et a adopté des mesures de coordination nécessaires à la conduite de ses travaux dans le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats.
52 À cet égard, il convient de noter que les mesures de coordination auxquelles la Commission fait référence se distinguent de celles mises en place en vue des épreuves orales organisées dans les concours généraux qui ont recours à un centre d’évaluation. En effet, dans ces concours, il est notamment prévu plusieurs mesures visant à remédier à différents biais cognitifs généralement constatés chez les évaluateurs et à assurer ainsi la cohérence de la notation (voir, en ce sens, arrêt du 12 février
2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, points 24 à 26), lesquelles font défaut en l’espèce.
53 En l’occurrence, la Commission se prévaut uniquement du fait que le jury s’est réuni de façon régulière, avant, pendant et après les épreuves orales. À cet égard, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a indiqué que la stabilité et l’objectivité de l’évaluation avaient été assurées en utilisant le même matériel qui a été défini par consensus et que l’ensemble du jury s’était réuni pour décider de la procédure des épreuves orales, pour mettre en commun les notes individuelles et pour
valider la liste de réserve.
54 À cet égard, le Tribunal a jugé que la Commission doit démontrer que les réunions de coordination prévues ont eu lieu et que l’ensemble des membres du jury, à savoir le président, les présidents suppléants et les évaluateurs, ont effectivement assisté à ces réunions, ce qu’il convient d’examiner à partir des documents produits par la Commission et des listes de présence à ces réunions (arrêt du 6 juillet 2022, VI/Commission, T‑20/21, non publié, EU:T:2022:427, point 58).
1) Sur les réunions qui ont eu lieu avant les épreuves orales
55 Il importe de constater d’emblée que la composition du jury a évolué au cours de la procédure de concours. En particulier, la Commission a confirmé lors de l’audience que trois membres du jury, dont A, ont été désignés le 5 septembre 2019 ou après cette date. Ils n’ont donc pas assisté aux réunions de coordination du jury organisées avant cette date.
56 S’agissant des réunions qui ont eu lieu avant les épreuves orales, premièrement, il ressort du dossier que le jury s’est réuni le 13 mars 2019 pour assister à une formation donnée par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) comportant de nombreuses informations pratiques sur le déroulement de la procédure de concours. Aucune mesure de coordination n’a été adoptée lors de cette réunion.
57 Deuxièmement, les 11 et 29 avril 2019, le jury s’est réuni pour suivre une formation sur les techniques et bonnes pratiques d’entretien ainsi que pour préparer le contenu de l’épreuve orale et la pondération des différents éléments de cette épreuve. Il ressort également du procès-verbal de ces deux réunions que le jury a commencé à élaborer le contenu de l’épreuve orale, notamment la pondération des différents éléments de cette épreuve ainsi que les questions qui seraient posées aux candidats. Il
était, par ailleurs, prévu que les versions finales de la pondération, de l’entretien et des sujets de présentation soient finalisées au cours d’une réunion plénière prévue au mois de mai 2019.
58 Toutefois, outre les trois membres du jury qui n’avaient pas encore été désignés pour participer aux travaux du jury, un membre suppléant était absent lors de la réunion du 29 avril 2019. Par ailleurs, la Commission a confirmé lors de l’audience qu’aucune réunion n’avait eu lieu au mois de mai 2019.
59 Troisièmement, lors d’une réunion du 5 septembre 2019, le jury s’est réuni pour désigner un nouveau président suppléant qui serait responsable des travaux du jury dans le domaine en cause. Aucune autre décision concernant les épreuves orales de ce domaine n’a été prise lors de cette réunion au cours de laquelle quatre membres du jury, tel que finalement composé, étaient absents.
60 Quatrièmement, le jury s’est encore réuni le 27 septembre et le 4 octobre 2019. Toutefois, contrairement à ce qu’allègue la Commission, les procès-verbaux de ces réunions font apparaître qu’aucune discussion relative au contenu des épreuves orales n’a eu lieu lors de celles-ci.
61 Cinquièmement, la Commission indique que le jury s’est réuni le 13 novembre 2019 pour approuver le contenu des épreuves orales. Toutefois, il ressort du courriel tenant lieu de procès-verbal de cette réunion, transmis par B, la présidente titulaire du jury, à l’EPSO, que les membres du jury ont, s’agissant du domaine en cause, seulement convenu du « timing » des épreuves orales. En outre, quatre membres du jury, tel que finalement composé, étaient absents lors de cette réunion.
62 Sixièmement, la Commission indique que le jury s’est réuni le 18 novembre 2019 pour finaliser et approuver le contenu de l’épreuve orale. Toutefois, s’il ressort de la fiche de présence de cette réunion que certains membres du jury se sont réunis à cette date, l’allégation selon laquelle le contenu de l’épreuve orale aurait été approuvé et finalisé lors de cette réunion n’est pas étayée par un procès-verbal de ladite réunion.
63 En outre, il ressort de la liste de présence des membres du jury que six membres du jury n’ont pas participé à cette réunion. Or, selon le procès-verbal de la réunion du 29 avril 2019, le jury avait lui-même prévu d’approuver la version finale de la pondération, de l’entretien et des sujets pour la présentation orale au cours d’une prochaine réunion « plénière ». Dès lors, à supposer même que la réunion du 18 novembre 2019 ait eu pour objet d’approuver une telle version finale, il ne peut qu’être
constaté que cette approbation n’a pas eu lieu au cours d’une réunion « plénière ».
64 À cet égard, l’argument tiré du fait que le nombre de membres du jury présents à cette réunion était suffisant pour atteindre le quorum ne saurait être accepté. En effet, il ressort de la jurisprudence que les échanges entre tous les membres du jury qui ont lieu avant les épreuves présentent une importance particulière pour garantir l’égalité de traitement entre les candidats, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO,
T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5, point 79 et jurisprudence citée). De plus, ainsi que la Commission l’a admis lors de l’audience, la règle du quorum de présence adoptée par le jury lors de sa réunion du 13 mars 2019 était destinée à lui permettre de prendre des décisions « urgentes, nécessaires et imprévues avec un impact limité », ce qui n’est pas le cas des mesures de coordination adoptées en vue de garantir le respect de l’égalité de traitement lors des épreuves orales.
65 Septièmement, le jury s’est réuni les 19 et 22 novembre 2019. Toutefois, le Tribunal ne dispose d’aucune information sur le contenu de ces réunions, auxquelles étaient absents respectivement six et quatre membres du jury.
66 Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que l’AIPN a notamment affirmé dans la décision de rejet de la réclamation, le jury, tel que finalement composé, ne s’est jamais réuni dans son entière composition avant le début des épreuves orales. En particulier, plusieurs membres du jury étaient absents lors des réunions des 11 et 29 avril ainsi que du 18 novembre 2019, au cours desquelles le contenu concret des épreuves orales a été discuté puis approuvé.
67 En outre, D, un des membres du jury qui était présent lors de l’épreuve de la requérante, a été désigné le 20 septembre 2019 en prévision du départ à la retraite d’un autre membre du jury le 30 novembre suivant. La Commission a indiqué lors de l’audience que D avait commencé à exercer ses fonctions au plus tard au moment où les épreuves orales ont commencé, à savoir le 28 novembre 2019. Ainsi, il n’a assisté à aucune réunion de coordination avant ces épreuves.
68 Il s’ensuit que la Commission n’est pas parvenue à établir que les mesures adoptées lors des réunions qui ont eu lieu avant les épreuves orales auraient permis d’assurer, à elles seules, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation de tous les candidats lors des épreuves.
2) Sur les échanges entre les membres du jury pendant les épreuves orales
69 La Commission avance que, pendant les épreuves orales, le jury a procédé à des échanges de vues à l’issue de chaque épreuve et à la fin de chaque journée afin de comparer les mérites des candidats examinés ce jour-là. À cet égard, elle a produit des déclarations sur l’honneur de la présidente titulaire et du président suppléant.
70 S’il est certes permis de supposer que les membres du jury qui ont interrogé les candidats ont nécessairement discuté des performances de ces derniers à l’issue de chaque épreuve et à la fin de chaque journée, il y a toutefois lieu de considérer que ces échanges de vues ont, compte tenu du nombre de formations dans lesquelles le jury a siégé, tout au plus permis au jury d’acquérir une connaissance comparative partielle des mérites de chaque candidat.
71 En outre, s’agissant des échanges de vues entre la présidente titulaire et le président suppléant désigné pour présider le jury de concours pour le domaine en cause, il y a lieu de constater que, lors de l’audience, la Commission a reconnu que la déclaration du président suppléant manquait de précision. Dans ces conditions, il n’est pas possible de conclure, en l’absence d’autres éléments de preuve apportés par la Commission, que la présidente titulaire et les deux présidents suppléants se sont
bien entretenus tout au long des épreuves orales afin d’assurer une évaluation cohérente des candidats.
72 Or, les échanges entre A, B et C pendant les épreuves étaient d’autant plus importants que, ainsi que cela ressort du point 44 ci-dessus, A a été remplacé soit par B, soit par C lors de deux journées d’épreuves, sans que ces derniers aient jamais assisté aux épreuves que A avait présidées.
3) Sur les délibérations du jury et l’adoption de la liste de réserve après les épreuves orales
73 Après les épreuves orales, le jury s’est réuni à deux reprises, le 17 décembre 2019 et le 31 janvier 2020, afin d’établir et d’approuver la liste de réserve dans le domaine en cause. Selon les déclarations sur l’honneur de B et de A, ces réunions ont été l’occasion pour les membres du jury de discuter de la prestation de certains candidats, dont la requérante, en vue d’évaluer s’ils possédaient des mérites équivalents aux candidats ayant obtenu la note minimale de 16/20, ce qui aurait justifié de
les placer sur la liste de réserve.
74 À cet égard, il ressort des listes de présence que, sans compter le membre du jury parti à la retraite avant le début des épreuves orales, quatre membres du jury étaient absents à la réunion du 17 décembre 2019 et que trois membres du jury n’ont pas assisté à celle du 31 janvier 2020.
75 En outre, D n’a assisté à aucune de ces deux réunions. À ce sujet, si la Commission ne reconnaît pas que ce membre du jury aurait été absent de toutes les réunions, la signature de l’intéressé ne figure sur aucune liste de présence. À cet égard, les justifications fournies par la Commission, selon lesquelles l’absence de mention de ce membre du jury était liée au « manque de mise à jour des listes de présence » ou au fait qu’il « n’avait pas de ligne pour signer » lesdites fiches, ne sont ni
convaincantes ni crédibles, compte tenu notamment du fait que ce membre du jury a été désigné le 20 septembre 2019, soit bien avant les réunions de délibérations finales. En tout état de cause, rien n’empêchait ce membre du jury d’ajouter son nom et sa signature de façon manuscrite sur les listes de présence.
76 Ainsi, contrairement à ce que l’AIPN a notamment affirmé dans la décision de rejet de la réclamation, le jury ne s’est pas réuni dans son entière composition pour discuter des appréciations comparatives des candidats et confirmer leurs notes finales sur la base des résultats des épreuves. En outre, deux membres du jury qui ont procédé aux entretiens des candidats dans le domaine en cause étaient absents des réunions du 17 décembre 2019 et du 31 janvier 2020.
77 Or, il ressort de la jurisprudence que, eu égard au fait que l’établissement de la liste de réserve est un exercice de nature comparative, il est essentiel que le jury se réunisse dans son entière composition (voir, en ce sens, arrêts du 1er avril 1971, Rabe/Commission, 76/69, EU:C:1971:33, point 10, et du 6 juillet 2022, VI/Commission, T‑20/21, non publié, EU:T:2022:427, point 67 et jurisprudence citée), ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.
78 En effet, la présence de tous les membres du jury lors de la réunion de délibération finale est une garantie pour les candidats que la liste de réserve sera le résultat d’une confrontation de toutes les appréciations comparatives portées sur leurs performances et, partant, le fruit d’un exercice comparatif effectif.
79 La présence de tous les membres du jury lors de ces réunions délibératives était d’autant plus importante que, ainsi que cela ressort du point 70 ci-dessus, le jury a, lors des épreuves, tout au plus acquis une connaissance comparative partielle des mérites des candidats en raison du nombre de formations différentes qui ont interrogé les candidats.
80 Il importe encore de souligner que le jury n’avait pas prévu que la règle sur le quorum de présence puisse s’appliquer aux décisions prises lors des délibérations finales sur la liste de réserve.
81 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la décision attaquée est entachée d’une violation du principe d’égalité de traitement.
82 Quant à l’argument de la Commission, selon lequel la requérante n’a pas démontré que la fluctuation de la composition du jury avait affecté ses droits, il suffit de rappeler que, étant donné l’importance du principe d’égalité de traitement entre les candidats, le non-respect par le jury de la stabilité de sa composition constitue une violation des formes substantielles. En conséquence, la décision entachée d’un tel vice doit être annulée sans que l’intéressé soit tenu de prouver un effet négatif
particulier sur ses droits subjectifs ou de démontrer que le résultat du concours aurait pu être différent, si les formes substantielles en cause avaient été respectées (voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 2004, Vonier/Commission, T‑165/03, EU:T:2004:331, point 39 et du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO, T‑548/18, EU:T:2021:4, point 113).
83 En tout état de cause, le Tribunal peut d’autant moins exclure l’éventualité d’une incidence des irrégularités constatées ci-dessus sur les résultats obtenus par la requérante que sa note globale (15,742/20, arrondie à 15,5/20) n’est inférieure que de 0,008 points à la note minimale requise (15,75/20, arrondie à 16/20) pour l’inscription sur la liste de réserve (voir, par analogie, arrêt du 24 septembre 2002, Bachotet/Commission, T‑182/01, non publié, EU:T:2002:223, point 33).
84 Partant, il y a lieu d’accueillir le troisième moyen et d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens avancés par la requérante, ni de se prononcer sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure qu’elle a formulées.
2. Sur la demande d’exercice de la compétence de pleine juridiction
85 Lors de l’audience, la requérante a demandé au Tribunal de faire usage de sa compétence de pleine juridiction et de condamner la Commission à réparer les préjudices matériel et moral causés par la décision attaquée.
86 Interrogée sur ce point à l’audience, la Commission demande au Tribunal de rejeter cette demande.
87 La compétence de pleine juridiction conférée au juge de l’Union européenne par l’article 91, paragraphe 1, du statut, l’investit de la mission de donner aux litiges de caractère pécuniaire dont il est saisi une solution complète. Cette compétence vise notamment à permettre aux juridictions de l’Union de garantir l’efficacité pratique des arrêts d’annulation qu’elles prononcent dans les affaires de fonction publique, de sorte que, si l’annulation d’une décision erronée en droit prise par l’AIPN ne
suffit pas pour faire prévaloir les droits du fonctionnaire concerné ou pour préserver ses intérêts de manière efficace, le juge de l’Union peut d’office lui accorder une indemnisation (voir arrêt du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, points 49 et 50 et jurisprudence citée). Ainsi, même en l’absence de conclusions régulières à cet effet, aucune irrecevabilité pour tardiveté ne saurait être opposée sur une question que le Tribunal est amené à soulever, le cas échéant,
d’office (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 1992, Barbi/Commission, T‑68/91, EU:T:1992:90, point 43).
88 En l’espèce, il ressort de la jurisprudence que lorsqu’un candidat conteste le rejet de sa candidature à une procédure de sélection ayant pour objet la constitution d’une liste de lauréats, ce qui l’empêche d’occuper ultérieurement un emploi à pourvoir au sein de l’institution concernée et de bénéficier des avantages pécuniaires y afférents, le litige a un caractère pécuniaire (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 58 et du 6 juin 2006,
Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, points 53 à 56).
89 En l’occurrence, il découle de ce qui précède que le jury n’a pas été en mesure d’assurer l’égalité de traitement des candidats interrogés lors des épreuves orales, en raison de l’instabilité de sa composition. Ainsi, c’est l’évaluation comparative des mérites de l’ensemble des candidats qui a été viciée par la fluctuation de la composition du jury. Cette illégalité affecte, en conséquence, non seulement la note de la requérante, mais également le seuil de 16 points sur 20 subordonnant
l’inscription du nom d’un candidat sur la liste de réserve.
90 En premier lieu, s’agissant du préjudice matériel découlant de l’illégalité mentionnée au point précédent, il y a lieu de rappeler que le préjudice matériel dont il est demandé réparation doit être réel et certain (voir arrêt du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 54 et jurisprudence citée).
91 À cet égard, la requérante ne saurait revendiquer un préjudice matériel découlant du fait que son nom devrait, en exécution du présent arrêt d’annulation, être inscrit directement sur la liste de réserve. En effet, une telle inscription reviendrait à la dispenser de l’épreuve orale prévue au point 4 de l’avis de concours mentionné dans le point 2 ci-dessus, laquelle subordonne l’inscription d’un candidat sur la liste de réserve à l’obtention d’une des meilleures notes à cette épreuve orale ainsi
que du minimum requis pour ladite épreuve (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2014, Brune/Commission, T‑269/13 P, EU:T:2014:424, point 57). En tout état de cause, l’inscription du nom d’un candidat sur la liste de réserve ne confère pas à ce dernier un droit à nomination, mais uniquement une vocation à être nommé (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05, EU:T:2007:218, point 52).
92 En outre, la requérante n’a pas non plus définitivement perdu la chance réelle d’être lauréate du concours interne en cause et, par suite, d’être nommée fonctionnaire de l’Union au grade AD 10, étant donné que l’organisation d’une nouvelle épreuve orale, mise en œuvre de façon autonome par rapport aux résultats de l’épreuve orale initiale (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2014, Brune/Commission, T‑269/13 P, EU:T:2014:424, point 32 et jurisprudence citée), aurait précisément pour objet de lui
restituer une telle chance. À cet égard, la requérante n’a pas déclaré qu’elle ne pourrait pas tirer avantage d’une telle mesure d’exécution du présent arrêt d’annulation et, dès lors, le Tribunal ne saurait exercer sa compétence de pleine juridiction pour condamner la Commission à réparer ce préjudice matériel [voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2015, EMA/Drakeford, T‑231/14 P, EU:T:2015:639, point 47 (non publié) et jurisprudence citée].
93 Partant, s’agissant du préjudice matériel allégué, le Tribunal considère que la preuve de l’existence d’un préjudice réel et certain n’est pas remplie.
94 En second lieu, s’agissant du préjudice moral, le Tribunal constate que, même si la réouverture du concours à l’égard de la requérante et l’organisation d’une épreuve orale mise en œuvre de façon autonome par rapport à l’épreuve orale entachée d’illégalité constitueraient une mesure d’exécution appropriée du présent arrêt d’annulation, la Commission est, en l’absence d’annulation de l’ensemble des résultats du concours, dans l’impossibilité de recréer les conditions dans lesquelles ce concours
aurait dû être organisé pour que soient garanties l’égalité de traitement entre tous les candidats et l’objectivité de la notation (voir, par analogie, arrêt du 19 mai 2015, Brune/Commission, F‑59/14, EU:F:2015:50, point 81).
95 Partant, l’annulation de la décision attaquée ne suffit pas pour préserver les intérêts de la requérante de manière efficace. En effet, cette annulation n’est pas, en elle-même, susceptible de réparer le préjudice moral certain subi par la requérante du fait de ne pas avoir eu la possibilité de passer, le 28 novembre 2019, l’épreuve orale initiale dans des conditions régulières. Dans ces circonstances, le Tribunal, évaluant le préjudice subi par la requérante ex aequo et bono, considère qu’une
somme de 4000 euros constitue une réparation appropriée du préjudice moral.
96 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de condamner la Commission à verser à la requérante, au titre du préjudice moral subi, la somme de 4000 euros et de rejeter la demande indemnitaire pour le surplus.
IV. Sur les dépens
97 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision du 10 février 2022, par laquelle le jury du concours interne COM/1/AD 10/18 a refusé, après réexamen, d’inscrire le nom de NZ sur la liste de réserve pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 10, dans le domaine « Coordination, communication, gestion des ressources humaines et budgétaires, audit », est annulée.
2) La Commission européenne est condamnée à verser à NZ, au titre du préjudice moral subi, la somme de 4000 euros.
3) La Commission est condamnée aux dépens.
Svenningsen
Mac Eochaidh
Martín y Pérez de Nanclares
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 octobre 2023.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le français.