ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)
25 octobre 2023 ( *1 )
« Clause compromissoire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Contrats concernant l’engagement de paiement irrévocable et le dispositif de garantie – Rejet de la demande de restitution des garanties liées aux contributions ex ante fournies sous la forme d’engagements de paiement irrévocables – Établissement dont l’agrément a été retiré – Article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution
(UE) 2015/81 – Responsabilité non contractuelle – Enrichissement sans cause »
Dans l’affaire T‑688/21,
BNP Paribas Public Sector SA, établie à Paris (France), représentée par Mes A. Champsaur et A. Delors, avocates,
partie requérante,
soutenue par
République française, représentée par Mme A.-L. Desjonquères et M. E. Leclerc, en qualité d’agents,
et par
Fédération bancaire française, établie à Paris, représentée par Mes A. Gosset-Grainville et M. Trabucchi, avocats,
parties intervenantes,
contre
Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mme C. De Falco, MM. C. Flynn et J. Kerlin, en qualité d’agents, assistés de Mes H.-G. Kamann, F. Louis, P. Gey, É. Bruc et A. Vallery, avocats,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. G. Hesse (rapporteur) et Mme B. Ricziová, juges,
greffier : M. L. Ramette, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 20 avril 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours, la requérante, BNP Paribas Public Sector SA, demande, en substance, en premier lieu, sur le fondement de l’article 272 TFUE et de l’article 340, premier alinéa, TFUE, d’une part, la constatation de la violation par le Conseil de résolution unique (CRU) de son obligation de restitution en application de la clause 12.5 des engagements de paiement irrévocables souscrits par elle pour les périodes de contribution allant de 2016 à 2021 et, d’autre part, la restitution des sommes que le
CRU aurait conservées en violation de ladite obligation contractuelle, ainsi que de tous frais, intérêts de retard et accessoires de toute nature qui y sont afférents, et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, la réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait du comportement du CRU en ce qui concerne des engagements de paiement irrévocables souscrits pour les périodes de contribution allant de 2016 à 2021, et, en second lieu, sur le fondement de
l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, la réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait du refus du CRU de lui restituer la garantie couvrant l’engagement de paiement irrévocable qu’elle a souscrit pour la période de contribution 2015.
Antécédents du litige
2 À la suite de la crise financière de 2008, ayant donné lieu à la crise de la zone euro, un cadre réglementaire visant à assurer la stabilité et la sécurité de l’activité bancaire dans l’Union européenne a été mis en place. Ce nouveau cadre se caractérise par un corpus réglementaire unique applicable de manière identique aux établissements de crédit de tous les États membres concernés. L’union bancaire repose sur trois piliers, en l’occurrence un mécanisme de surveillance unique (MSU), un mécanisme
de résolution unique (MRU) et un système européen de garantie des dépôts.
3 Le MRU, tel qu’instauré par le règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un MRU et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), prévoit la création d’un Fonds de résolution unique (FRU) auquel doivent contribuer les établissements de
crédit. Ce fonds est utilisé uniquement dans la mesure nécessaire à l’application effective des instruments de résolution (article 76, paragraphe 1, du règlement no 806/2014).
4 Conformément à l’article 70 du règlement no 806/2014, le CRU calcule, chaque année, la contribution individuelle de chaque établissement, aussi appelée « contribution ex ante ».
5 La perception annuelle des contributions auprès des établissements de crédit a été mise en place pour veiller à ce que, au terme d’une période initiale de huit années à compter du 1er janvier 2016, les moyens financiers disponibles du FRU atteignent au moins 1 % du montant des dépôts couverts de tous les établissements de crédit agréés dans tous les États membres participants (ci-après le « niveau cible »).
6 Selon l’article 8, paragraphe 3, du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au FRU (JO 2015, L 15, p. 1), au cours de la période initiale, dans des conditions normales, le CRU autorise le recours aux engagements de paiement irrévocables à la demande d’un établissement. Le CRU assure une répartition équitable, entre les établissements qui en font la
demande, du recours aux engagements de paiement irrévocables. Le montant des engagements de paiement irrévocables attribués ne peut être inférieur à 15 % du total des obligations de paiement de l’établissement concerné. Lorsqu’il calcule les contributions annuelles de chaque établissement, le CRU veille à ce que, pour toute année donnée, la somme de ces engagements de paiement irrévocables ne dépasse pas 30 % du montant total des contributions annuelles perçues conformément à l’article 70 du
règlement no 806/2014.
7 La requérante était un établissement de crédit français agréé jusqu’au 24 mars 2021, date à laquelle elle a obtenu de la Banque centrale européenne (BCE) le retrait de son agrément.
8 Avant la mise en œuvre du MRU, la requérante a fourni, pour l’année 2015, une partie de sa contribution ex ante sous la forme d’un engagement de paiement irrévocable. Pour ce faire, elle a conclu avec le CRU, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR), un engagement de paiement irrévocable (ci-après l’« EPI 2015 »).
9 Pour les périodes de contribution allant de 2016 à 2021, la requérante a fourni au moins une part de ses contributions ex ante sous la forme d’un engagement de paiement irrévocable. À cet effet, elle a conclu avec le CRU, pour chacune de ces périodes, des engagements de paiement irrévocables (ci-après les « EPI 2016-2021 »).
10 Par courriel du 1er avril 2021, la requérante a avisé le CRU que, à sa demande, la BCE lui avait retiré son agrément. La requérante a alors demandé au CRU des informations sur les démarches à entreprendre pour obtenir le remboursement des garanties liées aux engagements de paiement irrévocables qu’elle avait conclus.
11 Par lettre du 14 avril 2021, le CRU a indiqué à la requérante les formalités à suivre pour obtenir la restitution des garanties couvrant les engagements de paiement irrévocables qu’elle avait conclus.
12 Le 29 juillet 2021, à la suite de plusieurs échanges, la requérante a notifié au CRU la résiliation de l’EPI 2015 et des EPI 2016-2021.
13 À la suite de nouveaux échanges, le CRU a, par lettre du 13 août 2021 (ci-après la « lettre du 13 août 2021 »), indiqué à la requérante qu’il lui restituerait les garanties couvrant l’EPI 2015 et les EPI 2016-2021 après la réception des espèces correspondant au montant engagé au titre de ces engagements.
14 Dans cette lettre, le CRU a rappelé que la requérante avait conclu avec lui plusieurs engagements de paiement irrévocables. Pour chacun de ces engagements, le CRU a précisé le montant engagé. À la suite de l’énumération de ces montants, il a, notamment, indiqué que, eu égard à l’article 70, paragraphe 4, du règlement no 806/2014, selon lequel les contributions dûment reçues n’étaient pas remboursées aux entités, et à l’article 7, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, selon lequel le
recours aux engagements de paiement irrévocables ne compromettait en aucune manière la capacité financière et la liquidité du FRU, l’annulation des EPI 2016-2021 et la restitution subséquente des garanties couvrant ces engagements ne pouvaient avoir lieu qu’après le versement en espèces d’une somme d’un montant égal au montant de l’engagement de paiement irrévocable concerné. Le CRU a alors invité la requérante à lui transférer une somme d’un certain montant et à l’en informer par courriel. Après
réception de ladite somme, il lui rembourserait les garanties, diminuées du montant des intérêts négatifs courus, à l’expiration d’un délai de quatorze jours bancaires après le jour de la réception de la notification de résiliation.
15 Le 25 octobre 2021, la requérante a, en substance, informé le CRU que, dans la mesure où, selon sa compréhension du cadre réglementaire applicable, elle n’avait pas à lui transférer les espèces correspondant à la somme totale des montants engagés au titre de l’EPI 2015 et des EPI 2016-2021 pour se voir restituer les garanties, elle n’allait pas procéder audit transfert.
Conclusions des parties
16 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler, sur le fondement des articles 256 et 263 TFUE, la lettre du 13 août 2021 ;
– faire droit à sa demande introduite sur le fondement de l’article 272 TFUE et de l’article 340, premier alinéa, TFUE en constatant que la position exprimée dans la lettre du 13 août 2021 est contraire aux stipulations des EPI 2016-2021 et en ordonnant au CRU de lui restituer les sommes correspondant aux garanties en espèces liées à ces engagements qu’il a conservées en violation de ses obligations contractuelles ainsi que tous frais, intérêts de retard et accessoires de toute nature qui y sont
afférents ;
– faire droit à sa demande introduite sur le fondement de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE en constatant que le refus du CRU de lui restituer les sommes correspondant aux garanties en espèces liées à l’EPI 2015 constitue un enrichissement sans cause et en ordonnant au CRU de lui verser ces sommes à titre de dommages-intérêts ainsi que tous frais, intérêts de retard et accessoires de toute nature qui y sont afférents ;
– à titre subsidiaire, faire droit à sa demande introduite sur le fondement de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE en constatant que le refus du CRU de lui restituer les sommes correspondant aux garanties en espèces liées aux EPI 2016-2021 constitue un enrichissement sans cause et en ordonnant au CRU de lui verser ces sommes à titre de dommages-intérêts ainsi que tous frais, intérêts de retard et accessoires de toute nature qui y sont afférents ;
– condamner le CRU aux dépens.
17 Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter la demande en annulation comme étant irrecevable ;
– rejeter les demandes au titre de l’article 272 TFUE comme étant non fondées ;
– rejeter les demandes au titre de l’article 340 TFUE comme étant irrecevables et, à titre subsidiaire, les rejeter comme étant non fondées ;
– condamner la requérante à payer l’intégralité des dépens et des frais qu’il a encourus, notamment ceux relatifs à la demande en annulation qui a fait l’objet d’un désistement, initialement introduite en vertu de l’article 263 TFUE.
18 La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’accueillir le recours de la requérante.
19 La Fédération bancaire française (FBF) conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer que le CRU a, en refusant de restituer les sommes correspondant aux garanties en espèces liées aux EPI 2016-2021, violé l’obligation de restitution qui s’imposait à lui en application desdits engagements ;
– ordonner au CRU de restituer à la requérante les sommes correspondant aux garanties en espèces qu’il a conservées en violation de ses obligations contractuelles.
En droit
20 Dans la requête, la requérante a demandé l’annulation, au titre de l’article 256 TFUE et de l’article 263 TFUE, de la lettre du 13 août 2021, avant d’y renoncer en cours d’instance.
21 Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner les autres chefs de conclusions de la requérante.
Sur le chef de conclusions fondé sur l’article 272 TFUE et l’article 340, premier alinéa, TFUE
22 Le Tribunal est compétent pour connaître de la demande de la requérante présentée sur le fondement de l’article 272 TFUE, en vertu des clauses compromissoires figurant à la clause 13.2 de chacun des EPI 2016-2021, lesquelles clauses attribuent compétence au Tribunal pour statuer sur tout différend portant sur la légalité, la validité, l’interprétation ou l’exécution de ces accords.
23 À l’appui du chef de conclusions fondé sur l’article 272 TFUE et l’article 340, premier alinéa, TFUE, la requérante, soutenue par la République française et la FBF, soutient que le CRU a violé l’obligation de restitution qui s’imposerait à lui en application de la clause 12.5 des EPI 2016-2021.
24 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 288 TFUE, le règlement no 806/2014 et le règlement d’exécution 2015/81 revêtent une portée générale, sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans tous les États membres concernés. La requérante et le CRU ne sont donc pas libres de conclure des accords qui iraient à l’encontre des dispositions de ces deux règlements, telles qu’interprétées par le juge de l’Union.
25 La clause 12.5 des EPI 2016-2021, invoquée par la requérante, stipule que « [l]e présent accord est sans préjudice de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81 ». Cette clause rappelle ainsi que les EPI 2016-2021 ne peuvent en aucun cas contrevenir à l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81.
26 Ainsi, en alléguant une violation de la clause 12.5 des EPI 2016-2021, la requérante fait en réalité valoir que sa situation, à savoir celle d’un établissement qui sort du champ d’application du règlement no 806/2014, relève de l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81. Selon l’interprétation proposée par la requérante, cette disposition réglementaire est claire et n’assortit d’aucune condition la restitution des garanties en espèces couvrant les engagements de paiement
irrévocables. La position exprimée dans la lettre du 13 août 2021, selon laquelle le CRU ne pourrait restituer les garanties en espèces couvrant les EPI 2016-2021 qu’après le versement d’une somme d’un montant correspondant à celui de la contribution pour laquelle ces instruments ont été utilisés, serait donc contraire à l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81.
27 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante et fait valoir, ainsi qu’il ressort du point 14 ci-dessus, une autre interprétation que celle proposée par la requérante.
28 En premier lieu, il importe de souligner qu’il découle de l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 que, pour chaque année de contribution, les établissements de crédit établis dans un État membre participant, comme c’était le cas de la requérante, sont tenus de verser la contribution ordinaire au FRU.
29 Conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, la perception annuelle des contributions ex ante des établissements de crédit a été mise en place pour veiller à ce que, au terme de la période initiale, les moyens financiers disponibles du FRU atteignent le niveau cible.
30 Compte tenu de cet objectif, le législateur de l’Union a précisé, à l’article 70, paragraphe 4, du règlement no 806/2014, que les contributions ex ante « dûment reçues » n’étaient pas remboursées. Par cette formulation, le législateur de l’Union a énoncé une règle dépourvue d’exception. C’est pourquoi aucune mention n’y est faite d’une possibilité d’ajuster a posteriori les contributions ex ante (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2022, ABLV Bank/CRU, C‑202/21 P, EU:C:2022:734, point 56). Il
en découle qu’un changement de statut d’un établissement, au cours de la période de contribution, n’a pas d’effet sur le montant de la contribution due pour l’année en question. Cette règle est, par ailleurs, reprise à l’article 12, paragraphe 2, du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11,
p. 44), qui vise également le CRU, ainsi que l’indique le considérant 7 de ce règlement délégué.
31 À cet égard, le juge de l’Union a jugé, en particulier, que la circonstance selon laquelle une entité cessait d’exercer ses activités d’établissement de crédit au cours de la période de contribution, du fait du retrait de son agrément, n’avait pas d’incidence sur son obligation de verser l’intégralité de la contribution ex ante due au titre de ladite période de contribution (arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 85).
32 En deuxième lieu, comme le relève la requérante, pour satisfaire à leur obligation de contribution au FRU, les établissements de crédit ont, conformément à l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014, la possibilité soit de verser immédiatement leur contribution, soit de souscrire un engagement de paiement irrévocable.
33 En troisième lieu, l’article 7 du règlement d’exécution 2015/81 énonce certaines règles applicables aux engagements de paiement irrévocables, lesquels présentent la particularité d’être des contrats conclus pour une durée indéterminée permettant aux établissements de différer le paiement de leur contribution. Cette particularité a conduit le législateur de l’Union à instituer un régime spécifique propre à ces engagements.
34 L’article 7 du règlement d’exécution 2015/81 est rédigé de la manière suivante :
« 1. Le recours aux engagements de paiement irrévocables visés à l’article 70, paragraphe 3, du règlement (UE) no 806/2014 ne compromet en aucune manière la capacité financière ni la liquidité du Fonds.
2. Lorsqu’une mesure de résolution fait intervenir le Fonds conformément à l’article 76 du règlement (UE) no 806/2014, le CRU appelle tout ou partie des engagements de paiement irrévocables, effectués conformément au règlement (UE) no 806/2014, afin de rétablir la part des engagements de paiement irrévocables dans les moyens financiers disponibles du Fonds fixée par le CRU dans la limite du plafond fixé à l’article 70, paragraphe 3, du règlement (UE) no 806/2014.
Une fois que le Fonds reçoit dûment la contribution liée aux engagements de paiement irrévocables qui ont été appelés, les garanties dont sont assortis ces engagements sont restituées. Si le Fonds ne reçoit pas dûment, à première demande, le montant en espèces requis, le CRU saisit les garanties dont est assorti l’engagement de paiement irrévocable conformément à l’article 70, paragraphe 3, du règlement (UE) no 806/2014.
3. Les engagements de paiement irrévocables d’un établissement qui ne relève plus du champ d’application du règlement (UE) no 806/2014 sont annulés et les garanties dont ils sont assortis sont restituées. ».
35 C’est dans ce contexte que la requérante, soutenue par la République française et la FBF, fait valoir que l’annulation de l’engagement de paiement irrévocable et la restitution de la garantie prévues par l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81 impliquent que la part de contribution ex ante pour laquelle un engagement de paiement irrévocable a été conclu n’a pas à être fournie dès lors que l’établissement contributeur sort du champ d’application du règlement no 806/2014 et que
cet engagement n’a pas été appelé par le CRU dans le contexte d’une mesure de résolution. Lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle ne demandait pas la restitution de ses contributions en numéraire. Elle les aurait payées à hauteur de 85 % de sa contribution. Elle demanderait uniquement la restitution des sommes qu’elle aurait versées chaque année pour garantir les engagements de paiement irrévocables qu’elle souscrivait. Ce serait pourquoi sa demande ne serait pas contraire à la
jurisprudence issue des arrêts du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU (T‑758/18, EU:T:2021:28) et du 29 septembre 2022, ABLV Bank/CRU (C‑202/21 P, EU:C:2022:734).
36 À cet égard, il y a lieu de relever que, selon le sens commun, « irrévocable » se dit de choses qui ne peuvent être remises en cause. Un engagement de paiement irrévocable implique donc une obligation, qui ne peut être remise en cause, de payer la somme pour laquelle cet engagement est conclu.
37 En outre, il est vrai que, comme le souligne la requérante, l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81 ne précise pas explicitement que les établissements doivent d’abord verser leur contribution pour que leur garantie leur soit ensuite restituée. Toutefois, ainsi que cela a été rappelé aux points 28 et 29 ci-dessus, les établissements établis dans un État membre participant sont tenus de verser, durant la période initiale, une contribution annuelle au FRU afin que ce dernier
atteigne le niveau cible à la fin de ladite période.
38 Il s’ensuit que, si la garantie couvrant un engagement de paiement irrévocable était restituée sans réception préalable de la contribution pour laquelle cet engagement a été conclu, non seulement l’établissement ne satisferait pas à son obligation de verser l’intégralité de la contribution due au titre de la période où il relevait du champ d’application du règlement no 806/2014, mais la contribution ex ante sous la forme d’un engagement de paiement irrévocable n’atteindrait pas l’objectif de
doter le FRU de moyens financiers correspondant au niveau prévu par le législateur de l’Union.
39 Ainsi que l’a précisé la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, la circonstance selon laquelle une entité cesse d’exercer ses activités d’établissement de crédit au cours de la période de contribution, du fait du retrait de son agrément, n’a pas d’incidence sur son obligation de verser l’intégralité de la contribution ex ante due au titre de ladite période de contribution.
40 Pour apprécier la portée de l’obligation de verser l’intégralité de cette contribution, il n’y a pas lieu de se limiter, comme le soutient la requérante, à la seule partie du versement immédiatement effectué, sans tenir compte de l’autre partie fournie par le biais d’un engagement de paiement irrévocable.
41 En effet, l’article 7, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 dispose expressément que le recours à des engagements de paiement irrévocables ne doit en aucune manière compromettre la capacité financière ni la liquidité du FRU. L’annulation d’un engagement de paiement irrévocable, causée par la sortie de l’établissement du champ d’application du règlement no 806/2014, et la restitution de la garantie correspondante, prévues à l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81, ne
peuvent donc pas se faire au détriment du FRU (conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire ABLV Bank/CRU, C‑202/21 P, EU:C:2022:327, point 87). Si tel n’était pas le cas, l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81 méconnaîtrait l’objectif poursuivi par la perception annuelle des contributions ex ante tel qu’il découle des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014.
42 Ainsi, contrairement à ce que soutient la République française, l’article 7, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 s’applique au traitement des engagements de paiement irrévocables d’un établissement qui sort du champ d’application du règlement no 806/2014 et, partant, l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81 doit être interprété à la lumière de cette disposition.
43 Une telle interprétation est conforme au but poursuivi par l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81. Comme il a été rappelé au point 33 ci-dessus et ainsi qu’il ressort de la clause 11.2 des EPI 2016-2021, les engagements de paiement irrévocables sont conclus pour une durée indéterminée. Toutefois, il n’est pas souhaitable que ces contrats perdurent lorsque, à l’exemple de la requérante, une entité cesse ses activités d’établissement de crédit et sort ainsi du cercle des
entités, relevant du champ d’application du règlement no 806/2014, redevables de la contribution. Dès lors, ainsi que le fait valoir le CRU à bon droit, l’annulation de l’engagement de paiement irrévocable prévue à l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81 a pour but de mettre un terme à cet engagement, de sorte qu’il ne perdure pas après la sortie de l’établissement contributeur du champ d’application du règlement no 806/2014.
44 L’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81 n’a donc pas pour but de permettre aux établissements qui sortent du champ d’application de ce règlement de se soustraire à leur obligation de payer l’intégralité de la contribution due comme l’allèguent la requérante et les intervenantes, mais vise à s’assurer que les moyens financiers du FRU seront le plus rapidement possible à la disposition du CRU en cas de résolution, c’est-à-dire à sauvegarder la capacité financière et la liquidité
du FRU.
45 Par ailleurs, la circonstance selon laquelle la sortie d’un établissement diminuerait le montant total des dépôts couverts, et donc le niveau cible, à la supposer établie, n’affranchit pas non plus ledit établissement de payer l’intégralité de la contribution ex ante due au titre de la période de contribution.
46 À cet égard, il est constant que, chaque 1er janvier des années 2016 à 2021, la requérante relevait du champ d’application du règlement no 806/2014 et était ainsi redevable de la contribution au FRU.
47 Pour chacune de ces années, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, le CRU a calculé la contribution individuelle de la requérante en fonction, notamment, de la projection opérée par lui, l’année en question, du niveau cible devant être atteint au terme de la période initiale. Dès lors, le fait que le niveau cible puisse, après la sortie de la requérante du champ d’application du règlement no 806/2014, évoluer ne peut avoir aucun effet sur le calcul, et donc sur le
montant, des contributions dues pour la période antérieure à sa sortie du système. Par conséquent, contrairement à ce que suggèrent la République française et la FBF, le fait que la sortie de la requérante du champ d’application du règlement no 806/2014 puisse influencer le niveau cible, s’il était avéré, ne pourrait justifier de modifier le montant des contributions qu’elle devait pour les années 2016 à 2021. Cela ne saurait justifier non plus la restitution des garanties couvrant les EPI
2016-2021 sans le versement préalable des contributions pour lesquelles ces engagements ont été conclus.
48 De plus, il a déjà été jugé que la sortie d’un établissement du champ d’application du règlement no 806/2014 ne lui ouvrait pas de droit à un nouveau calcul de la contribution ex ante dans la mesure où, si le CRU devait tenir compte de l’évolution de la situation juridique et financière des établissements de crédit au cours de la période de contribution concernée, il pourrait difficilement calculer de manière fiable et stable les contributions dues par chacun d’eux et poursuivre l’objectif
consistant à atteindre, à la fin de la période initiale, au moins 1 % du montant des dépôts couverts de tous les établissements agréés sur le territoire d’un État membre (arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, points 75 et 76).
49 Pour la même raison, la requérante et les intervenantes ne sauraient soutenir qu’il appartiendrait au CRU de restituer à la requérante les garanties couvrant les EPI 2016-2021 sans la réception préalable des contributions pour lesquelles ces engagements ont été conclus et d’ajuster les contributions individuelles à venir des autres établissements pour s’assurer que le niveau cible soit atteint.
50 Il résulte de ce qui précède que l’annulation de l’engagement de paiement irrévocable et la restitution de la garantie prévues par l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81 ne sauraient impliquer que la part de contribution ex ante pour laquelle un engagement de paiement irrévocable a été conclu n’a pas à être fournie lorsque l’établissement contributeur sort du champ d’application du règlement no 806/2014 (conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire ABLV Bank/CRU,
C‑202/21 P, EU:C:2022:327, point 87). Cet établissement reste tenu de payer l’intégralité de la contribution individuelle régulièrement calculée par le CRU pour la période en question et n’est pas autorisé à n’en payer qu’une fraction.
51 Par conséquent, la position exprimée par le CRU, dans la lettre du 13 août 2021, selon laquelle il ne peut restituer les garanties en espèces couvrant les EPI 2016-2021 qu’après le versement d’une somme d’un montant correspondant à celui de la contribution pour laquelle ces instruments ont été utilisés, n’est contraire ni à l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81 ni à la clause 12.5 des EPI 2016-2021 qui renvoie à cette disposition.
52 Les différents arguments de la requérante et des intervenantes en faveur d’une autre interprétation ne sont pas plus convaincants.
53 Premièrement, s’agissant des arguments selon lesquels le CRU aurait erronément interprété l’article 70, paragraphe 4, du règlement no 806/2014 en ce qu’il aurait confondu les contributions en espèces et les garanties en espèces couvrant les EPI 2016-2021, il y a lieu de relever que, s’il est vrai que le CRU a mentionné l’article 70, paragraphe 4, du règlement no 806/2014 dans la lettre du 13 août 2021, il ne ressort pas de cette lettre que celui-ci aurait appliqué cette disposition aux garanties
en espèces couvrant les EPI 2016-2021. Dans cette lettre, le CRU s’est limité à exiger de la requérante qu’elle verse une somme en espèces d’un montant équivalent à celui des EPI 2016-2021, conformément à son obligation de verser l’intégralité des contributions dues au titre de la période où elle relevait du champ d’application du règlement no 806/2014 (voir points 28 à 31 ci-dessus). Dès lors, le CRU n’a pas commis l’erreur d’interprétation qui lui est reprochée.
54 Deuxièmement, s’agissant des arguments relatifs à la non-applicabilité de l’article 7, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2015/81 à la situation de la requérante, il suffit de constater, compte tenu de la lettre du 13 août 2021, que le CRU n’a pas appliqué cette disposition. Dès lors, lesdits arguments sont inopérants.
55 Troisièmement, s’agissant des arguments tirés du principe d’égalité de traitement, et selon lesquels il y aurait une différence de situation juridique entre les établissements qui ont choisi de verser immédiatement leurs contributions en espèces et ceux qui ont préféré conclure des engagements de paiement irrévocables, il y a lieu de préciser que le fait que le Tribunal ait relevé dans l’arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU (T‑758/18, EU:T:2021:28, point 111), que le législateur de l’Union
avait estimé nécessaire de soumettre les engagements de paiement irrévocables à un « régime spécifique » ne permet pas, à lui seul, de différencier les établissements qui ont choisi de verser immédiatement leurs contributions de ceux qui ont conclu des engagements de paiement irrévocables. En l’espèce, la requérante relevait, chaque 1er janvier des années 2016 à 2021, du champ d’application du règlement no 806/2014 et tombait sous le coup de l’obligation de contribuer au FRU. La circonstance
selon laquelle la requérante n’a pas versé immédiatement l’intégralité de sa contribution pour les années en question n’a modifié en rien sa situation au regard de ses obligations de paiement découlant du règlement no 806/2014. Ainsi, contrairement à ce qu’elle fait valoir, la requérante se trouvait dans une situation comparable à celle de tous les établissements de crédit qui relevaient, le 1er janvier de chacune de ces années, du champ d’application du règlement no 806/2014. Son argument
soutenant le contraire ne saurait prospérer. Dès lors, tout comme ces établissements de crédit, elle est tenue de verser l’intégralité des contributions individuelles dues au titre de la période de contribution 2016-2021.
56 En outre, s’agissant de la prétendue différence de situation juridique entre les établissements qui restent dans le champ d’application du règlement no 806/2014 et ceux qui en sortent, il importe de souligner que le versement d’une contribution par un établissement de crédit ne lui ouvre aucun droit à bénéficier du FRU. En effet, conformément à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, une résolution est effectuée dans le seul intérêt public. Le FRU sert donc à garantir la stabilité
financière de l’union bancaire en tant que telle. Il n’est pas destiné à être un fonds de sauvetage des banques individuelles (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, points 70 à 72 ; voir, également, conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire ABLV Bank/CRU, C‑202/21 P, EU:C:2022:327, point 64).
57 Partant, il n’existe aucun lien automatique entre, d’une part, le versement de la contribution ex ante et, d’autre part, la possibilité de bénéficier du FRU.
58 Dans ces conditions, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la circonstance selon laquelle, du fait de sa sortie du champ d’application du règlement no 806/2014, elle ne peut plus bénéficier du FRU n’est pas de nature à établir qu’elle est dans une situation telle qu’elle devrait être libérée de l’obligation de verser une somme correspondant à l’intégralité du montant des contributions dues au titre de la période de contribution 2016-2021, période durant laquelle elle relevait encore
dudit règlement. Son argument à cet égard doit donc être écarté.
59 Au demeurant, ainsi que Mme l’avocate générale Kokott l’a relevé dans ses conclusions dans l’affaire ABLV Bank/CRU (C‑202/21 P, EU:C:2022:32734, points 65 et 66), bien que, lors du calcul de la contribution individuelle de chaque établissement, son profil de risque entre en jeu, il ressort de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 que le montant de la contribution dépend avant tout du montant du niveau cible, puisqu’il correspond pour l’essentiel à une fraction du montant du niveau
cible.
60 Cela signifie, comme le précise le considérant 11 du règlement d’exécution 2015/81, que la contribution individuelle d’un établissement de crédit dépend toujours de manière déterminante des contributions individuelles des autres établissements de crédit redevables de la contribution au cours de la période concernée. L’ajustement de la contribution d’un établissement de crédit nécessiterait donc toujours une rectification des contributions des autres établissements de crédit. Il s’ensuit que,
comme il a déjà été exposé au point 48 ci-dessus, si les contributions étaient ajustées de manière continue au cours d’une période de contribution, il serait impossible de déterminer de manière juridiquement sûre les contributions individuelles de tous les autres établissements. C’est la raison pour laquelle un changement de statut pendant la période de contribution n’a pas d’effet sur la contribution à verser (conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire ABLV Bank/CRU, C‑202/21 P,
EU:C:2022:327, point 67).
61 La contribution ex ante annuelle au FRU ne quantifie dès lors pas le risque que représente tout au long de la période de contribution un établissement contributeur pour la stabilité financière ou le recours au FRU (conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire ABLV Bank/CRU, C‑202/21 P, EU:C:2022:327, point 68). En d’autres termes, la contribution ex ante ne quantifie pas la possibilité d’une intervention du FRU au bénéfice de l’établissement contributeur.
62 Ainsi, l’impossibilité, pour la requérante, de bénéficier du FRU, après sa sortie du champ d’application du règlement no 806/2014, ne peut, en toute hypothèse, avoir aucun effet sur son obligation de payer l’intégralité de la contribution individuelle due au titre de la période de contribution 2016-2021.
63 Quatrièmement, s’agissant des arguments relatifs à la non-applicabilité des orientations de l’Autorité bancaire européenne (ABE), invoquées par le CRU dans ses écrits devant le Tribunal, à la situation de la requérante, il suffit de constater, compte tenu de la lettre du 13 août 2021, que le CRU n’a pas appliqué ces orientations à la situation de la requérante. Par suite, lesdits arguments sont inopérants.
64 Eu égard à ce qui précède, le chef de conclusions fondé sur l’article 272 TFUE et l’article 340, premier alinéa, TFUE doit être rejeté.
Sur les chefs de conclusions fondés sur l’article 340, deuxième alinéa, TFUE
65 À l’appui des chefs de conclusions fondés sur l’article 340, deuxième alinéa, TFUE visant respectivement l’EPI 2015 et les EPI 2016-2021, la requérante invoque l’enrichissement sans cause du CRU.
66 En particulier, la requérante fait valoir que la conservation par le CRU des sommes correspondant aux garanties en espèces liées à l’EPI 2015 et aux EPI 2016-2021 ne repose sur aucune base juridique, qu’elle soit contractuelle ou réglementaire. Au contraire, le refus de restituer ces garanties opposé par le CRU serait contraire à l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81. Il en résulterait un enrichissement du CRU sans base légale et un appauvrissement corrélatif de la
requérante lié à cet enrichissement.
67 Le CRU estime que le Tribunal est incompétent pour connaître des demandes non contractuelles d’enrichissement sans cause concernant l’EPI 2015 et les EPI 2016-2021. Selon le CRU, en ce qui concerne l’EPI 2015, la simple évocation de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, ne peut avoir pour effet de modifier la nature contractuelle du litige et donc de le soustraire à la compétence de la juridiction nationale compétente en l’espèce. En ce qui concerne les EPI 2016-2021, le CRU soutient qu’il
ressort desdits engagements que le droit luxembourgeois doit régir toute demande délictuelle et en déduit qu’il n’est pas possible d’invoquer une responsabilité non contractuelle fondée sur le droit de l’Union. En toute hypothèse, ces demandes ne seraient pas fondées.
68 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est compétent, en vertu de l’article 268 TFUE, pour connaître des litiges relatifs à la réparation des dommages visés à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, aux termes duquel, « [e]n matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions ».
69 Il en va de même pour des demandes tendant à engager la responsabilité de l’Union pour enrichissement sans cause (voir, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2021, KY/Cour de justice de l’Union européenne, T‑433/20, non publié, EU:T:2021:840, point 35).
70 Nul contrat ne peut modifier cela.
71 Partant, il y a lieu d’écarter les exceptions d’incompétence opposées par le CRU.
72 Une action fondée sur l’enrichissement sans cause exige, pour être accueillie, la preuve d’un enrichissement sans base légale valable et d’un appauvrissement du demandeur lié audit enrichissement (voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2011, Agrana Zucker, C‑309/10, EU:C:2011:531, point 53).
73 La première condition n’est pas remplie, notamment, lorsque l’enrichissement puise sa justification dans des obligations contractuelles (voir arrêt du 6 octobre 2015, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑216/12, EU:T:2015:746, point 104 et jurisprudence citée).
74 En l’espèce, en ce qui concerne l’EPI 2015, il est constant que cet engagement définit la relation contractuelle entre la requérante, d’une part, et le CRU, l’ACPR ainsi que le FGDR, d’autre part. Selon la requérante, l’enrichissement du CRU correspond à la conservation de la somme correspondant à la garantie en espèces liée à l’EPI 2015. Toutefois, elle ne présente aucun élément établissant l’absence de fondement contractuel au prétendu enrichissement du CRU. D’ailleurs, elle a indiqué lors de
l’audience ne pas avoir saisi les tribunaux du ressort de la cour d’appel de Paris (France), compétents pour trancher d’éventuels litiges contractuels en vertu de la clause compromissoire figurant dans l’EPI 2015, et ne pas leur avoir demandé de constater l’absence de tout fondement contractuel audit enrichissement. Dans ces circonstances, la preuve d’un enrichissement sans base légale valable n’étant pas apportée, il y a lieu d’écarter l’argumentation de la requérante relative à ce prétendu
enrichissement.
75 En ce qui concerne les EPI 2016-2021, il convient de noter que le prétendu enrichissement du CRU, à savoir la conservation des sommes correspondant aux garanties en espèces liées auxdits engagements, trouve son fondement dans ces engagements, qui le lient à la requérante.
76 En effet, ainsi qu’il résulte des constatations exposées aux points 24 à 51 ci-dessus, ni l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81 ni celle de la clause 12.5 des EPI 2016-2021 ne pouvaient aboutir à la restitution des sommes correspondant aux garanties en espèces liées aux EPI 2016-2021 sans le versement préalable de la contribution obligatoire dont la requérante était redevable, conformément à l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.
77 Dès lors, il y a lieu de considérer que la décision du CRU de conserver les sommes correspondant aux garanties en espèces liées aux EPI 2016-2021 jusqu’au versement des contributions pour lesquelles ces instruments ont été utilisés est fondée sur une base légale valable et ne saurait, donc, constituer un enrichissement sans cause.
78 Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les chefs de conclusions fondés sur l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.
79 Eu égard à tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
80 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le CRU, conformément aux conclusions de ce dernier.
81 La République française supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.
82 Par ailleurs, aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supporte ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que la FBF supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) BNP Paribas Public Sector SA est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le CRU.
3) La République française et la Fédération bancaire française (FBF) supporteront leurs propres dépens.
Kowalik-Bańczyk
Hesse
Ricziová
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2023.
Le greffier
V. Di Bucci
Le président
S. Papasavvas
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( *1 ) Langue de procédure : le français.