ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
26 octobre 2023 ( *1 )
« Recours en annulation – Droit institutionnel – Application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie – Absence d’acte attaquable – Unanimité requise non atteinte – Irrecevabilité manifeste partielle – Demande d’un délai à même de permettre une reprise du recours – Incompétence manifeste partielle »
Dans l’affaire T‑48/23,
Eugen Tomac, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me R. Duta, avocat,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
composé de MM. R. da Silva Passos (rapporteur), président, S. Gervasoni et Mme I. Reine, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Eugen Tomac, demande, d’une part, l’annulation de la « décision » du Conseil de l’Union européenne du 8 décembre 2022 emportant non-adoption du projet no 15218/22 de décision du Conseil relative à l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Bulgarie et en Roumanie (ci-après le « projet no 15218/22 »), et, d’autre part, dans l’hypothèse où la qualité de requérant privilégié ne lui serait pas reconnue, l’octroi
d’un délai à même de permettre une reprise du recours, le cas échéant, par le Parlement européen ou une autre institution de l’Union européenne ou nationale agissant en cette qualité.
Antécédents du litige
2 L’acquis de Schengen, tel que visé à l’article 1er, renvoyant à l’annexe A, de la décision 1999/435/CE du Conseil, du 20 mai 1999, relative à la définition de l’acquis de Schengen en vue de déterminer, conformément aux dispositions pertinentes du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l’Union européenne, la base juridique de chacune des dispositions ou décisions qui constituent l’acquis (JO 1999, L 176, p. 1), est un corpus juridique visant la suppression graduelle des
contrôles aux frontières communes au sein des États membres de l’espace Schengen.
3 Le traité d’Amsterdam a annexé au traité UE et au traité CE le protocole intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne (JO 1997, C 340, p. 93). Par la suite, le protocole (no 19) sur l’acquis de Schengen intégré dans le cadre de l’Union européenne, annexé au traité UE (JO 2008, C 115, p. 290), a été annexé au traité de Lisbonne (JO 2010, C 83, p. 290).
4 En particulier, en ce qui concerne la Roumanie, l’article 4, paragraphes 1 et 2, du protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 29, ci-après le « protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union »), de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO
2005, L 157, p. 203), prévoit :
« 1. Les dispositions de l’acquis de Schengen, […] intégré dans le cadre de l’Union européenne, et les actes fondés sur celles-ci ou qui s’y rapportent, énumérés à l’annexe II, ainsi que tout nouvel acte de cette nature pris avant la date d’adhésion, sont contraignants et s’appliquent en [République de] Bulgarie et en Roumanie à compter de la date d’adhésion.
2. Les dispositions de l’acquis de Schengen qui a été intégré dans le cadre de l’Union européenne et les actes fondés sur celles-ci ou qui s’y rapportent et qui ne sont pas visés au paragraphe 1, bien qu’ils soient contraignants pour la [République de] Bulgarie et la Roumanie à compter de la date d’adhésion, ne s’appliquent dans chacun de ces États qu’à la suite d’une décision européenne du Conseil à cet effet, après qu’il a été vérifié, conformément aux procédures d’évaluation de Schengen
applicables en la matière, que les conditions nécessaires à l’application de toutes les parties concernées de l’acquis sont remplies dans l’État en question.
Le Conseil, après consultation du Parlement européen, statue à l’unanimité de ses membres représentant les gouvernements des États membres pour lesquels les dispositions du présent paragraphe ont déjà pris effet et du représentant du gouvernement de l’État membre pour lequel ces dispositions doivent prendre effet. […] »
5 À la suite de son adhésion à l’Union, le 1er janvier 2007, la Roumanie a entrepris, entre 2009 et 2011, une série de démarches au titre des procédures d’évaluation de Schengen, dans l’objectif de réunir les critères requis aux fins de l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen.
6 Les 29 septembre 2010 et 8 juillet 2011, la présidence du Conseil a élaboré, puis amendé, un premier projet de décision du Conseil relative à l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen dans la République de Bulgarie et en Roumanie, à savoir le projet no 14142/10, devenu le projet no 14142/1/10 (ci-après le « projet no 14142/10 »).
7 Par résolution, du 8 juin 2011, sur le projet no 14142/10 (JO 2012, CE 380, p. 160), le Parlement a pris position en faveur de ce projet.
8 Par conclusions, du 9 juin 2011, sur l’achèvement du processus d’évaluation concernant le degré de préparation de la Roumanie en vue de la mise en œuvre de l’ensemble des dispositions de l’acquis de Schengen (9166/3/11 REV 3), la formation « Évaluation de Schengen » du groupe « Affaires Schengen » du Conseil a pris acte de l’achèvement des procédures d’évaluation de Schengen concernant la Roumanie. Constatant que les conditions dans tous les domaines de l’acquis de Schengen étaient remplies en
Roumanie, il a conclu que le Conseil pouvait prendre la décision visée à l’article 4, paragraphe 2, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union.
9 Bien qu’il eût été convenu, le 24 juin 2011, que la décision relative à l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen devrait être prise au plus tard en septembre 2011, le Conseil a toutefois reporté le vote sur l’adoption de cette décision lors d’une réunion du 22 septembre 2011.
10 Par résolution, du 13 octobre 2011, sur l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à Schengen (JO 2013, CE 94, p. 13), le Parlement a réitéré son soutien à l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen. Il a invité le Conseil à prendre les mesures nécessaires à cet effet.
11 Le projet no 14302/3/11 de décision du Conseil, du 7 décembre 2011, établi par la présidence du Conseil, n’a pas donné lieu à un vote du Conseil, lors d’une réunion du 9 décembre 2011.
12 Par résolution, du 11 décembre 2018, sur l’application de la totalité des dispositions de l’acquis de Schengen en Bulgarie et en Roumanie : suppression des contrôles aux frontières intérieures terrestres, maritimes et aériennes (JO 2020, C 388, p. 18), le Parlement a invité le Conseil, d’une part, à présenter dès que possible un nouveau projet de décision sur l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie, sur la base du projet no 14142/10 et, d’autre part, au moyen
d’un acte juridique unique, à prendre une décision immédiate aux fins de supprimer les contrôles aux frontières intérieures.
13 Par la suite, la Commission européenne a confirmé que la Roumanie remplissait les conditions nécessaires pour que les dispositions de l’acquis de Schengen soient reconnues applicables dans cet État et a invité le Conseil à prendre les mesures nécessaires à cet effet, dans une première communication au Parlement européen et au Conseil, du 2 juin 2021, intitulée « Stratégie pour un espace Schengen pleinement opérationnel et résilient » [COM(2021) 277 final], puis dans une seconde communication au
Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, du 24 mai 2022, intitulée « Rapport 2022 sur la situation dans l’espace Schengen » [COM(2022) 0301 final].
14 Par résolution, du 18 octobre 2022, sur l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’espace Schengen (JO 2023, C 149, p. 11), le Parlement a, à nouveau, invité le Conseil à faire tout le nécessaire pour adopter une décision sur l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie d’ici à la fin de l’année 2022.
15 Un rapport d’experts du 21 octobre 2022, établi, sous l’autorité de la Commission, dans le cadre d’une mission d’information volontaire en Bulgarie et en Roumanie sur l’application de l’acquis de Schengen et de ses développements depuis 2011 (13906/22), a confirmé les conclusions des procédures d’évaluation achevées en 2011. Ce rapport a également exposé que la Roumanie avait mis en œuvre l’acquis et ses outils et en avait même renforcé l’application dans tous les domaines. Dans une communication
au Parlement européen et au Conseil, du 16 novembre 2022, intitulée « Renforcer Schengen par la participation intégrale de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie à l’espace sans contrôles aux frontières intérieures » [COM(2022) 636 final], la Commission a renouvelé son invitation au Conseil à admettre l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen.
16 Le 29 novembre 2022, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union, la présidence du Conseil a établi le projet no 15218/22.
17 Le 8 décembre 2022, la formation « Justice et affaires intérieures » (JAI) du Conseil a siégé afin de statuer, au titre de la gouvernance politique de l’espace Schengen (à savoir du Conseil Schengen) et des activités non législatives, sur le projet no 15218/22 inscrit au point 3, sous a), de l’ordre du jour de la réunion, qui prévoyait qu’un vote pouvait être demandé en vue d’une éventuelle adoption. Lors de cette réunion, à défaut d’unanimité des représentants des gouvernements des États membres
s’agissant du projet no 15218/22, ce projet n’a pas été adopté.
18 Le requérant est un député européen de nationalité roumaine.
19 Par courriel du 15 décembre 2022, le requérant a demandé à la directrice générale JAI du secrétariat général du Conseil s’il lui était possible de lui communiquer les résultats du vote sur l’application intégrale de l’acquis de Schengen en Roumanie, inscrite à l’ordre du jour de la réunion du Conseil du 8 décembre 2022, ainsi que le procès-verbal de cette réunion ou le rapport qui y était afférent.
20 Par courriel du 16 décembre 2022, la directrice générale JAI du secrétariat général du Conseil a répondu au requérant que, au cours de cette réunion, le projet no 15218/22 n’avait effectivement pas été adopté et que, conformément aux articles 8 et 9 du règlement intérieur du Conseil, dans la mesure où il s’agissait de délibérations sur un acte non législatif non ouvertes au public, les résultats des votes ne faisaient l’objet d’aucune publicité. Elle a ajouté que le procès-verbal relatif à cette
procédure n’était pas non plus rendu public.
Conclusions du requérant
21 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la « décision » du Conseil du 8 décembre 2022 emportant non-adoption du projet no 15218/22 ;
– dans l’hypothèse où la qualité de requérant privilégié ne lui serait pas reconnue, accorder un délai à même de permettre une reprise du recours, le cas échéant, au nom du Parlement ou d’une autre institution de l’Union ou nationale agissant en cette qualité ;
– condamner le Conseil aux dépens.
En droit
22 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable, il peut, à tout moment, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
23 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.
24 À titre liminaire, il convient de rappeler que la recevabilité du recours étant un moyen d’ordre public devant être soulevé d’office par le Tribunal, l’adoption d’une ordonnance sur le fondement de l’article 126 du règlement de procédure n’est pas subordonnée à la contestation, par la partie défenderesse, de la recevabilité du recours. Ainsi, dans le cas d’espèce, il est indifférent, pour apprécier le caractère manifeste de l’irrecevabilité, que la requête n’ait pas été signifiée à la partie
défenderesse et que celle-ci n’ait donc pas pu exciper du caractère manifestement irrecevable du recours (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2020, Credito Fondiario/CRU, C‑69/19 P, EU:C:2020:178, point 54 et jurisprudence citée).
25 Il résulte d’une jurisprudence bien établie concernant la recevabilité des recours en annulation qu’il convient de s’attacher à la substance même des actes attaqués ainsi qu’à l’intention de leurs auteurs pour qualifier ces actes. À cet égard, constituent en principe des actes attaquables, au sens de l’article 263 TFUE, tous les actes pris par les institutions, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui fixent définitivement la position d’une institution au terme d’une procédure
administrative et qui visent à produire des effets de droit obligatoires (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 42 ; du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, point 52, et du 19 novembre 2013, Commission/Conseil, C‑63/12, EU:C:2013:752, point 28 et jurisprudence citée).
26 C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu de vérifier si, en l’espèce, la non-adoption, par le Conseil, du projet no 15218/22 constitue un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE.
27 Il est vrai, comme le souligne le requérant, qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 2, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union que l’adoption d’une décision du Conseil relative à l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie ne peut intervenir qu’après vérification, conformément aux procédures d’évaluation de Schengen, de la réunion dans cet État membre des conditions nécessaires à l’application de toutes les parties concernées de l’acquis (voir
point 4 ci-dessus). Il est également vrai que, en l’espèce, cette vérification a été achevée par l’adoption le 9 juin 2011 des conclusions de la formation « Évaluation de Schengen » du groupe « Affaires Schengen » du Conseil (voir point 8 ci-dessus).
28 Toutefois, il convient de souligner que, selon ces mêmes dispositions, l’achèvement des procédures d’évaluation de Schengen, et de ladite vérification, n’est qu’une étape de la procédure, qui doit s’accompagner d’une consultation du Parlement, elle-même suivie de l’adoption d’une décision du Conseil sur l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie.
29 Surtout, il ressort de l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union qu’une telle décision ne peut être adoptée par le Conseil qu’à l’unanimité de ses membres représentant les gouvernements des États membres pour lesquels les dispositions de l’acquis de Schengen ont déjà pris effet et du représentant du gouvernement de la Roumanie pour lequel ces dispositions doivent prendre effet.
30 Ainsi, la décision du Conseil, visée à l’article 4, paragraphe 2, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union ne peut exister, malgré l’achèvement des procédures d’évaluation de Schengen, et alors produire des effets de droit obligatoires pour le requérant, que si elle est adoptée à l’unanimité dans les conditions rappelées au point 29 ci-dessus (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 juillet 2004, Commission/Conseil, C‑27/04, EU:C:2004:436, point 30).
31 Or, en l’espèce, il convient de souligner que, malgré l’achèvement des procédures d’évaluation de Schengen et l’adoption des résolutions du Parlement des 8 juin et 13 octobre 2011, 11 décembre 2018 et 18 octobre 2022, l’unanimité requise des représentants des gouvernements des États membres concernés n’a pas été atteinte au sein du Conseil s’agissant du vote sur le projet no 15218/22 (voir point 17 ci-dessus).
32 Par ailleurs, il convient de relever que l’article 4 du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union ne fixe aucun délai à l’expiration duquel la décision du Conseil, visée au paragraphe 2 de ce même article, doit ou est réputée intervenir.
33 Il serait donc en contradiction avec le libellé de cet article, qui prévoit expressément une procédure en plusieurs étapes et sans fixer de délai à cette fin, de faire découler de l’aboutissement des étapes préalables la déchéance du pouvoir du Conseil d’adopter, à l’unanimité des représentants des gouvernements des États membres concernés, une décision au sens dudit article. Ainsi, l’aboutissement de ces étapes, ou toute autre prise de position d’une institution de l’Union, ne saurait lier ces
représentants, ou présumer d’une prise de position de leur part, avant l’adoption formelle d’une telle décision dans les conditions rappelées au point 29 ci-dessus.
34 Dès lors, il demeure toujours loisible au Conseil de réinscrire le projet no 15218/22 à l’ordre du jour d’une nouvelle réunion ou à la présidence du Conseil d’établir un nouveau projet de décision du Conseil relative à l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie. Ce faisant, le vote sur le projet no 15218/22 n’implique pas de revenir sur l’achèvement des étapes préalables à l’adoption d’une décision du Conseil au sens de l’article 4, paragraphe 2, du protocole de
l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union, c’est-à-dire, en d’autres termes, de recommencer dans son entier la procédure prévue à cet article.
35 À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, faute de l’unanimité requise, aucune décision du Conseil n’a été prise au sens de l’article 4, paragraphe 2, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union et que le vote emportant non-adoption du projet no 15218/22 n’équivaut pas, en tant que tel, à un refus du Conseil de prendre ultérieurement une telle décision.
36 Ainsi, la non-adoption du projet no 15218/22 ne saurait être considérée comme donnant lieu à un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE (voir, par analogie, arrêt du 13 juillet 2004, Commission/Conseil, C‑27/04, EU:C:2004:436, point 34).
37 Par ailleurs, une telle conclusion n’est pas contraire au droit à un recours effectif, énoncé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dès lors qu’il résulte d’une jurisprudence constante que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union [voir arrêt du
30 avril 2020, Izba Gospodarcza Producentów i Operatorów Urządzeń Rozrywkowych/Commission, C‑560/18 P, EU:C:2020:330, point 62 et jurisprudence citée, et ordonnance du 20 mai 2021, LG e.a./Commission, T‑482/20, non publiée, EU:T:2021:290, point 64 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens et par analogie, ordonnance du 27 avril 2021, Macías Chávez e.a./Espagne et Parlement, T‑719/20, EU:T:2021:216, point 37 (non publié)]. En effet, dès lors que, comme il a été expliqué ci-dessus, le
vote emportant non-adoption du projet no 15218/22 n’est pas une décision prise par le Conseil au sens de l’article 4, paragraphe 2, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union et qu’il ne constitue pas un acte attaquable, le droit du requérant à un recours effectif ne saurait être invoqué pour faire échec à l’application des règles de recevabilité au présent recours (voir, en ce sens, ordonnance du 20 mai 2021, LG e.a./Commission, T‑482/20, non publiée, EU:T:2021:290, point 64).
38 Dès lors, le premier chef de conclusions, visant à faire annuler la « décision » du Conseil du 8 décembre 2022 emportant non-adoption du projet no 15218/22, doit être rejeté comme manifestement irrecevable, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments sur le fond du requérant présentés à cet égard.
39 Par ailleurs, s’agissant du second chef de conclusions, tendant à ce que, à défaut de reconnaître au requérant la qualité de requérant privilégié, le Tribunal accorde un délai afin de permettre une reprise du recours par le Parlement ou une autre institution de l’Union ou nationale agissant en cette qualité, d’une part, il y a lieu de souligner que, selon l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, la qualité de requérant privilégié est limitativement reconnue à un État membre, au Parlement, au Conseil
ou à la Commission. Dans ces conditions, cette qualité ne saurait être accordée, en l’espèce, au requérant.
40 D’autre part, il y a lieu de relever que le Tribunal n’a aucune compétence pour « accorder un délai » au Parlement, à une autre institution de l’Union ou à la Roumanie en vue d’introduire un recours contre la « décision » du Conseil du 8 décembre 2022 emportant non-adoption du projet no 15218/22. À cet égard, il convient de rappeler que les délais de recours, ayant été institués en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination, sont d’ordre
public et ne sont à la disposition ni des parties ni du juge (voir ordonnance du 25 octobre 2007, Estaser El Mareny/Commission, T‑274/06, non publiée, EU:T:2007:323, point 40 et jurisprudence citée).
41 Ainsi, il y a lieu de rejeter cette demande et, partant, le second chef de conclusions, pour incompétence manifeste.
42 Il s’ensuit que le recours doit être rejeté en partie comme manifestement irrecevable et en partie pour cause d’incompétence manifeste, sans qu’il soit nécessaire de le signifier au Conseil.
Sur les dépens
43 La présente ordonnance étant adoptée avant la signification de la requête au Conseil et avant que celui-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que le requérant supportera ses propres dépens, conformément à l’article 133 du règlement de procédure.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté en partie comme manifestement irrecevable et en partie pour cause d’incompétence manifeste.
2) M. Eugen Tomac supportera ses propres dépens.
Fait à Luxembourg, le 26 octobre 2023.
Le greffier
V. Di Bucci
Le président
R. da Silva Passos
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( *1 ) Langue de procédure : le français.