ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)
20 décembre 2023 ( *1 )
« Concurrence – Ententes – Secteur des produits dérivés de taux d’intérêts libellés en euros – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Manipulation des taux de référence interbancaires de l’Euribor – Échange d’informations confidentielles – Restriction de concurrence par objet – Infraction unique et continue – Procédure “hybride” échelonnée dans le temps – Présomption d’innocence – Impartialité – Amendes – Montant de base – Valeur des ventes –
Article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 1/2003 – Obligation de motivation – Décision modificative complétant la motivation – Égalité de traitement – Proportionnalité – Compétence de pleine juridiction »
Dans l’affaire T‑106/17,
JPMorgan Chase & Co., établie à New York, New York (États-Unis),
JPMorgan Chase Bank, National Association, établie à Columbus, Ohio (États-Unis),
J.P. Morgan Services LLP, établie à Londres (Royaume-Uni),
représentées par Mmes B. Tormey, A. Holroyd, L. Ream, MM. N. French, N. Frey, D. Das, D. Hunt, N. English, solicitors, Mme M. Lester, KC, MM. D. Piccinin et D. Heaton, barristers,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par Mme F. van Schaik, MM. T. Baumé et M. Farley, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),
composé, lors des délibérations, de MM. S. Papasavvas, président, A. Kornezov, E. Buttigieg (rapporteur), Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. G. Hesse, juges,
greffier : Mme I. Kurme, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– les décisions du 5 juin 2019 et du 31 mars 2021 de suspendre la procédure en application de l’article 69, sous d), du règlement de procédure du Tribunal,
– le mémoire en adaptation déposé par les requérantes au greffe du Tribunal le 8 septembre 2021 et les observations de la Commission sur ce mémoire déposées au greffe du Tribunal le 26 novembre 2021,
à la suite de l’audience du 18 mars 2022,
vu l’arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission (C‑883/19 P, EU:C:2023:11), et les observations des parties qui y sont afférentes,
rend le présent
Arrêt ( 1 )
[omissis]
III. En droit
[omissis]
B. Sur la demande d’annulation de l’article 1er, sous c), de la décision attaquée
[omissis]
1. Sur l’existence d’un comportement infractionnel imputable aux requérantes (premier, deuxième et troisième moyens de la requête)
[omissis]
b) Sur le premier moyen contestant la participation de JP Morgan aux comportements de portée infractionnelle
[omissis]
2) Sur la contestation de la participation de JP Morgan aux pratiques en cause
i) Sur la participation aux pratiques de manipulation du taux Euribor
274 Les requérantes font valoir que le trader de JP Morgan n’a participé à aucun comportement ayant pour objet de manipuler l’Euribor ou l’EONIA. À cet égard, elles soutiennent que la thèse de la Commission à leur encontre, au demeurant non étayée par ses propres constatations factuelles, est totalement différente de celle qu’elle a retenue à l’encontre des autres destinataires de la décision attaquée en ce qu’aucune demande de manipulation de l’Euribor au profit du trader de JP Morgan ou par ce
dernier au profit du trader de Deutsche Bank ne ressortirait des échanges en cause. Par conséquent, il n’aurait pas été établi que les requérantes ont contribué à une quelconque manipulation de l’Euribor poursuivie par l’entente. À supposer que de telles demandes puissent être identifiées, la Commission n’aurait pas constaté que le trader de JP Morgan avait accepté ou donné suite à de telles demandes en s’adressant à son desk de trésorerie. Enfin, la Commission n’aurait pas établi que le trader
de JP Morgan avait également cherché à manipuler le taux EONIA.
275 Les constatations de la Commission, à supposer même qu’elles soient correctes, seraient tout au plus susceptibles de démontrer que le trader de JP Morgan a bénéficié d’informations transmises par le trader de Deutsche Bank concernant la manipulation entreprise par ce dernier. Or, une telle thèse d’une participation passive à l’infraction par l’approbation tacite ne serait pas avancée dans la décision attaquée et, en tout cas, ne serait pas établie, la Commission n’ayant pas démontré que le
trader de JP Morgan aurait été informé d’un quelconque accord anticoncurrentiel entre d’autres banques et aurait participé à une réunion au cours de laquelle un accord anticoncurrentiel aurait été conclu.
276 La Commission conteste les arguments des requérantes et fait valoir que les éléments de preuve, pris en tant que faisceau d’indices et considérés dans le contexte des faits et du marché, démontrent que JP Morgan a pris part à toutes les formes de collusion recensées dans la décision attaquée.
277 À cet égard, il ressort des échanges entre le trader de JP Morgan, d’une part, et les traders de Deutsche Bank et de Barclays, d’autre part, dont la matérialité a été confirmée ci-dessus (voir point 273 ci-dessus), considérés dans le contexte des autres éléments de preuve, que c’est à bon droit que la Commission a retenu la participation du trader de JP Morgan aux comportements relatifs à la manipulation du taux Euribor.
278 À titre liminaire, il convient de rejeter comme non fondé l’argument des requérantes selon lequel les comportements qui leur sont reprochés consisteraient uniquement en des demandes directes de manipulation des soumissions du taux Euribor. En effet, ainsi que le soutient à juste titre la Commission et ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, les comportements reprochés aux requérantes ont pris différentes formes, recensées au considérant 358 de la décision attaquée et rappelées au point 16 ci-dessus.
Ainsi, en soutenant que la Commission n’a pas établi dans la décision attaquée que JP Morgan a participé à la pratique de manipulation de l’Euribor, dans la mesure où la Commission n’aurait pas établi que le trader de Deutsche Bank avait demandé au trader de JP Morgan d’influencer les contributions à l’Euribor pour servir ses intérêts ou que le trader de JP Morgan avait adressé une demande similaire au trader de Deutsche Bank, les requérantes effectuent une lecture erronée de la décision
attaquée, en se fondant sur le seul considérant 490 de celle-ci, et limitent la portée des griefs retenus par la Commission à leur égard.
279 Ensuite, il convient de rappeler que la participation d’une entreprise à une réunion anticoncurrentielle crée une présomption du caractère illicite de cette participation, présomption que cette entreprise doit renverser par la preuve d’une distanciation publique, laquelle doit être perçue comme telle par les autres participants à l’entente (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P,
EU:C:2004:6, points 81 et 82 et jurisprudence citée, et du 3 mai 2012, Comap/Commission, C‑290/11 P, non publié, EU:C:2012:271, points 74 à 76 et jurisprudence citée). La raison qui sous-tend ce principe de droit est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission,
C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 82, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, EU:C:2007:52, point 48).
280 En l’espèce, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort des éléments de preuve sur lesquels s’est appuyée la Commission, pris en tant que faisceau d’indices, que le trader de JP Morgan s’est engagé dans des discussions avec les traders de Deutsche Bank et de Barclays ayant pour objectif d’influencer le niveau du taux Euribor dans le sens de leurs intérêts.
281 Premièrement, en répondant à la demande du trader de Deutsche Bank visant à mettre une contribution élevée qu’il allait vérifier auprès de sa trésorerie le niveau de sa contribution, le trader de JP Morgan a accepté, lors des échanges des 27 et 28 septembre 2006 (voir points 98 et 107 ci-dessus), de solliciter auprès de la trésorerie de sa banque une soumission aux contributions de l’Euribor dans le sens des préférences du trader de Deutsche Bank.
282 Deuxièmement, l’échange du 8 novembre 2006 (voir points 178 à 181 ci-dessus) démontre sans ambiguïté que le trader de JP Morgan et le trader de Deutsche Bank examinaient la possibilité d’aligner une future soumission Euribor de leurs banques respectives sur la base de leurs préférences pour un fixing Euribor-1M bas.
283 Troisièmement, lors de l’échange du 25 octobre 2006, le trader de Barclays a proposé sans ambiguïté au trader de JP Morgan de ne pas hésiter à lui demander des fixings Euribor selon ses intérêts, sans que ce dernier refuse l’offre ou se distancie, d’une autre manière, de celle-ci au sens de la jurisprudence rappelée au point 279 ci-dessus. De même, il ressort de l’échange du 26 octobre 2006 que le trader de Deutsche Bank a suggéré au trader de JP Morgan de s’adresser à lui afin de lui demander
les soumissions Euribor-1M selon ses intérêts. Le trader de JP Morgan ne s’est pas distancié d’une telle proposition et a refusé l’offre uniquement dans la mesure où le niveau des fixings qui était bas à ce moment convenait à ses intérêts.
284 Quatrièmement, il ressort des échanges des 27, 28 et 29 septembre 2006, des 25 et 26 octobre 2006 et du 8 novembre 2006 que les parties à ces échanges avaient l’intention de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles de manipulation de l’Euribor, en ce qu’elles ont à tout le moins examiné la possibilité de faire aligner le niveau de soumissions futures de leurs banques respectives.
285 Cinquièmement, d’une part, s’agissant de la manipulation du taux Euribor à la date IMM du mois de décembre, il ressort de l’échange du 15 décembre 2006 entre la responsable des soumissions et le trader de JP Morgan que ce dernier avait à tout le moins de forts soupçons en ce qui concernait cette manipulation et l’implication de Deutsche Bank dans celle-ci. Lors de l’échange du18 décembre 2006 avec le trader de Deutsche Bank, il a admis être satisfait du fixing de l’Euribor-3M, même si sa
position de trading était modeste, mais à tout le moins il n’avait pas d’intérêt contraire (voir point 211 ci-dessus). Il en ressort que le trader de JP Morgan a bénéficié des pratiques visant la manipulation du taux Euribor le 18 décembre 2006 en ajustant sa position de trading, ce qui lui a permis d’éviter des pertes, et ce quand bien même il n’a pas participé de manière active à la mise en œuvre de cette manipulation.
286 D’autre part, s’agissant de la manipulation du taux Euribor à la date IMM du mois de mars, les éléments de preuve démontrent sans ambiguïté que le trader de JP Morgan avait connaissance ou, à tout le moins, de forts soupçons en ce qui concernait cette manipulation (voir échange du 16 mars 2007 entre le trader de JP Morgan et le responsable des soumissions de cette banque, point 258 ci-dessus). En outre, au regard des communications banque E, de l’échange du 29 septembre 2006 et de l’échange du
15 décembre 2006 (voir points 208 et 209 ci-dessus) entre le trader de JP Morgan et le responsable des soumissions de sa banque, c’est à juste titre que la Commission a pu retenir, au considérant 490 de la décision attaquée, que le trader de JP Morgan savait que le trader de Deutsche Bank était disposé et capable d’influencer les niveaux des taux d’intérêt de référence Euribor. Ainsi, il est plausible de considérer que, quand ce dernier lui a communiqué les 4 et 8 janvier 2007 et le 6 février
2007 des informations sur la position de trading qu’il détenait pour cette date, ainsi que sur sa stratégie de trading, en ce qu’il indiquait qu’une telle position présentait peu de risque, le trader de JP Morgan pouvait raisonnablement prévoir que cette stratégie de trading reflétait les prévisions par le trader de Deutsche Bank du niveau du taux Euribor tel qu’il résulterait des pratiques de manipulation dans lesquelles ce dernier s’engageait.
287 Lors des échanges des 16 et 19 mars 2007, le trader de JP Morgan a explicitement affirmé avoir tenu compte des informations qui lui avaient été communiquées par le trader de Deutsche Bank et avoir, en conséquence, réduit sa position courte et même adopté une position « légèrement longue » sur les contrats à terme pour l’IMM de mars 2007. Il a ainsi réduit ses pertes. Il a ensuite remercié le trader de Deutsche Bank pour ses conseils.
288 Il en ressort que le trader de JP Morgan a bénéficié des pratiques visant à porter à la baisse le taux Euribor en date IMM de mars 2007, pratiques dont il avait connaissance bien que, ainsi que le soutiennent les requérantes, selon les éléments de preuve avancés par la Commission, il n’ait pas été mis au courant par le trader de Deutsche Bank des détails de ce plan et qu’il n’ait ainsi pas participé de manière active à sa mise en œuvre.
289 À cet égard, il convient de rappeler, à l’instar de la Commission aux considérants 348 et 364 de la décision attaquée, que les modes passifs de participation à l’infraction, telle que la présence d’une entreprise à des réunions au cours desquelles des accords ayant un objet anticoncurrentiel ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée, traduisent une complicité qui est de nature à engager sa responsabilité dans le cadre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE dès lors que l’approbation
tacite d’une initiative illicite, sans se distancier publiquement de son contenu ou la dénoncer aux entités administratives, a pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et de compromettre sa découverte (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 31 et jurisprudence citée).
290 Par conséquent, en application de la jurisprudence rappelée au point 279 ci-dessus, afin de renverser la présomption du caractère illicite d’une telle participation à une réunion anticoncurrentielle, l’entreprise doit apporter une preuve d’une distanciation publique (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa, C‑68/12, EU:C:2013:71, point 27 et jurisprudence citée). Or, aucun élément de preuve en ce sens n’a été présenté par les requérantes ni par rapport à la manipulation
du taux du 18 décembre 2006, ni à l’égard de la communication par le trader de Deutsche Bank au trader de JP Morgan des informations concernant sa stratégie de trading pour la date IMM du mars 2007. Au contraire, ainsi qu’il a été relevé aux points 285 et 286 ci-dessus, le trader de JP Morgan a ajusté sa stratégie de trading pour pouvoir tirer bénéfice de ces manipulations.
291 Les requérantes soutiennent qu’une telle participation passive à l’infraction en cause ne pouvait pas être retenue à leur égard, dans la mesure où l’obligation de se distancier publiquement d’une infraction n’aurait de pertinence que pour autant que la Commission prouve que l’entreprise a participé à une réunion au cours de laquelle un accord anticoncurrentiel a été conclu.
292 Toutefois, eu égard à la nature de l’infraction en cause, laquelle a pris la forme d’un réseau de contacts bilatéraux entre les différents acteurs (voir considérants 357 et 360 de la décision attaquée), aucune participation à une « réunion » au sens de l’argument des requérantes n’a pu être retenue par la Commission. Ainsi, celle-ci a pu à bon droit retenir un mode passif de participation des requérantes à certains comportements visant la manipulation des taux dans la mesure où le trader de
JP Morgan était au courant de l’existence des pratiques de manipulation des taux, notamment, par le trader de Deutsche Bank, avec qui il entretenait les contacts bilatéraux. Or, les requérantes ne contestent pas le caractère infractionnel de telles pratiques de manipulation des taux, ni le fait que le trader de JP Morgan devait être au courant d’un tel caractère infractionnel de ces pratiques (voir considérant 360 de la décision attaquée).
293 Sixièmement, il ressort des échanges des 27 et 28 septembre 2006 et du 8 novembre 2006 que le trader de JP Morgan a communiqué ou, à tout le moins, s’est engagé implicitement à communiquer à son concurrent des informations reçues des responsables des soumissions de sa banque. En effet, en promettant les 27 et 28 septembre 2006 de « vérifier » le niveau de la contribution de sa trésorerie, le trader de JP Morgan a entendu lever les incertitudes quant au niveau de la contribution envisagée par
cette dernière et donc, implicitement, s’est engagé à rendre compte des contacts qu’il envisageait d’établir avec celle-ci. De même, lors de l’échange du 8 novembre 2006, le trader de JP Morgan a communiqué au trader de Deutsche Bank l’information sur le niveau de soumission de sa banque obtenue lors des contacts antérieurs avec le desk de trésorerie.
294 Septièmement, le 2 octobre 2006, le 18 décembre 2006 et le 19 mars 2007, les traders de JP Morgan et de Deutsche Bank se sont engagés dans des échanges visant à contrôler ou à surveiller le comportement des membres de l’entente en ce qu’ils ont soit vérifié le niveau des soumissions de Deutsche Bank, soit échangé sur leur satisfaction concernant le niveau du taux Euribor dont ils savaient ou à tout le moins soupçonnaient qu’il avait été manipulé.
295 Enfin, il ressort sans ambiguïté des discussions des 27 et 28 septembre 2006, du 26 octobre 2006 et du 8 novembre 2006 que les traders de Deutsche Bank et de JP Morgan se sont communiqué leurs préférences quant aux fixings Euribor, ou leur position de trading permettant de déterminer de telles préférences, ce qui leur a permis de s’assurer que leurs intérêts convergeaient avant de poursuivre leur concertation visant à influencer les soumissions Euribor de leurs banques respectives dans le sens
de ces intérêts.
296 Il ressort de ce qui précède que, dans le cadre des échanges des 27, 28 et 29 septembre 2006, des 2, 25 et 26 octobre 2006, du 8 novembre 2006, du 18 décembre 2006, des 4 et 8 janvier 2007, du 6 février 2007 ainsi que des 16 et 19 mars 2007, le trader de JP Morgan a participé aux comportements relatifs à la manipulation du taux Euribor.
297 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments des requérantes.
298 Premièrement, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas constaté que le trader de JP Morgan avait demandé aux contributeurs de JP Morgan d’influencer les indices Euribor et EONIA ou de faire des contributions allant dans le sens des contacts avec d’autres traders. Elles relèvent également que la trésorerie de JP Morgan a soumis une contribution n’allant pas dans le sens de l’entente alléguée.
299 À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord (voir point 278 ci-dessus), que les comportements infractionnels reprochés à JP Morgan ne consistent pas en la manipulation de l’Euribor en tant que telle, mais en des échanges d’informations entre les traders reflétant leur intention d’influencer les soumissions de leurs banques au panel Euribor dans le sens de leurs propres intérêts. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 113, sous a) à f), du considérant 358 sous a) à f), et du
considérant 392, sous a) à f), de la décision attaquée, résumés au point 16 ci-dessus, ces échanges concernaient les préférences pour un niveau du taux de l’Euribor, parfois accompagnés de la communication des positions de trading détenues, la possibilité d’aligner les positions de trading et les soumissions à l’Euribor, une promesse de la part du trader impliqué de contacter une personne responsable des soumissions Euribor au sein de sa banque en vue de lui demander une soumission dans une
certaine direction ou à un niveau spécifique et un compte rendu de la réponse de cette dernière.
300 Or, les échanges entre les traders révèlent clairement la communication des préférences de taux, des positions de trading associées et d’une offre ou d’une intention du trader de JP Morgan d’influer sur la soumission de sa banque dans le sens des intérêts du trader de Deutsche Bank ou d’une intention de ce dernier et du trader de Barclays d’influencer les soumissions de leurs banques respectives dans le sens des intérêts du trader de JP Morgan.
301 Aux considérants 125, 135 et 634 de la décision attaquée, la Commission a retenu uniquement, en substance, que les arrangements entre les traders avaient été « complétés » et « mis en œuvre » par des communications entre eux et les responsables des soumissions au sein des départements de trésorerie de leurs banques et, « de temps à autre », par une cotation effectivement soumise par ces derniers des taux Euribor communiqués, coordonnés ou convenus. Les arguments des requérantes relatifs à
l’absence d’implication de la trésorerie de JP Morgan dans les pratiques visant à influencer le taux Euribor sont, tout au plus, susceptibles de démontrer une absence de mise en œuvre du comportement anticoncurrentiel par la trésorerie de la banque plutôt qu’une absence de participation des traders audit comportement (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 1991, Atochem/Commission, T‑3/89, EU:T:1991:58, point 100).
302 Dans ce contexte, il convient de relever que, en tout état de cause, plusieurs éléments de preuve retenus par la Commission, pris en tant que faisceau d’indices, rendent plausible le fait que le trader de JP Morgan a donné suite aux discussions avec le trader de Deutsche Bank quant au niveau souhaité du taux Euribor en établissant des contacts avec les responsables des soumissions de sa banque et a ainsi mis en œuvre des échanges collusoires.
303 En effet, les échanges des 27 et 28 septembre 2006, lors desquels le trader de JP Morgan a accepté de solliciter auprès de la trésorerie de sa banque une soumission aux contributions de l’Euribor dans le sens des préférences du trader de Deutsche Bank, doivent être lus dans le contexte du faisceau d’indices comprenant les communications banque E et les échanges du 28 septembre 2006 à 10 h 13, du 29 septembre 2006 et du 8 novembre 2006 ainsi que l’échange entre le trader de JP Morgan et la
responsable des soumissions de sa banque le 8 février 2007. Ce faisceau d’indices permet de démontrer, d’une part, l’existence de concertations entre les traders en cause et leurs desks de trésorerie respectifs concernant les soumissions Euribor ainsi que le fait que les traders considéraient qu’ils pouvaient bénéficier de la collaboration de leurs trésoreries quant aux soumissions au panel Euribor en fonction de leurs intérêts. D’autre part, ce faisceau d’indices met en évidence que les traders
avaient l’habitude d’échanger des informations en vue de coordonner les soumissions Euribor en fonction de leurs positions de trading respectives et que le trader de JP Morgan savait qu’un tel comportement impliquait de contacter les desks de trésorerie de leurs banques respectives (voir point 73 ci-dessus).
304 L’échange du 8 février 2007 est particulièrement révélateur du fait que le trader de JP Morgan n’hésitait pas à demander aux responsables des soumissions de sa banque de soumettre des contributions au panel Euribor dans le sens de ses intérêts (considérant 265 de la décision attaquée, voir point 242 ci-dessus) et du fait que le responsable des soumissions de JP Morgan s’est montré réceptif à une telle demande en répondant que le desk de trésorerie « allait faire de son mieux ».
305 Ces éléments de preuve, pris en tant que faisceau d’indices, rendent plausible le fait que le trader de JP Morgan a tenté d’influencer le niveau de contribution de la trésorerie de sa banque. En tout état de cause, il a explicitement accepté de donner suite à la demande en ce sens de la part du trader concurrent.
306 Deuxièmement, les requérantes soutiennent que le trader de JP Morgan n’a pas bénéficié, de manière significative, d’une quelconque manipulation des indices, notamment, s’agissant de la manipulation du 19 mars 2007, contrairement à ce qui ressortirait du considérant 364 de la décision attaquée.
307 À cet égard, il convient de relever que, dans le cadre de ce grief, les requérantes n’avancent que des arguments concernant la manipulation du 19 mars 2007. Or, s’agissant de cette manipulation, ainsi qu’il ressort des échanges des 16 et 19 mars 2007, le trader de JP Morgan a admis explicitement avoir ajusté sa stratégie de trading en suivant le conseil du trader de Deutsche Bank de prendre une position longue s’agissant du fixing IMM de mars et en avoir tiré le bénéfice, même si celui-ci
n’était pas important. Il convient d’en conclure que le trader de JP Morgan a tenu compte des informations échangées avec son concurrent pour déterminer son comportement sur le marché. Ce fait est également établi en ce qui concerne la manipulation du 18 décembre 2006.
308 En tout état de cause, s’agissant des autres échanges relatifs aux manipulations du taux, un tel argument est susceptible de démontrer, tout au plus, que les échanges entre les traders n’ont pas été suivis d’effets anticoncurrentiels sur le marché. Cette question est toutefois dépourvue de pertinence s’agissant des comportements restrictifs de concurrence par objet (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, points 123 et 124). Ainsi, un
tel argument pourrait, le cas échéant, s’avérer pertinent si les requérantes démontraient que la Commission avait commis une erreur en retenant que les comportements en cause étaient restrictifs de concurrence par objet, ce qu’il convient d’examiner dans le cadre du deuxième moyen.
309 Enfin, les requérantes soutiennent, en substance, que la conclusion de la Commission selon laquelle JP Morgan a cherché à manipuler l’EONIA est dépourvue de tout fondement.
310 À cet égard, ainsi qu’elle l’admet, la Commission n’a conclu à aucun moment dans la décision attaquée que JP Morgan avait participé aux pratiques de manipulation de l’EONIA, mais qu’elle avait participé à une infraction ayant pour objet de fausser le cours normal des composantes des prix dans le secteur des EIRD liés à l’Euribor et/ou à l’EONIA (voir article 1er de la décision attaquée). Les arguments des requérantes selon lesquels la Commission n’aurait pas démontré l’intention du trader de
JP Morgan de manipuler le taux EONIA sont donc inopérants.
311 En outre, il convient de relever que l’infraction en cause, telle qu’elle est définie dans la décision attaquée, consistait non seulement en la manipulation des indices de référence, mais également en l’échange d’informations sensibles sur des opérations liées, notamment, à l’EONIA. Les requérantes font uniquement valoir l’existence d’une segmentation du marché des produits dérivés fondés sur l’Euribor et ceux fondés sur l’EONIA sans toutefois étayer cette allégation par un quelconque élément de
preuve. En tout état de cause, la seule absence d’une incidence « automatique », directe ou indirecte, des fluctuations de l’Euribor sur l’EONIA, invoquée par les requérantes, à la supposer établie, ne saurait démontrer que les contrats EIRD indexés sur l’Euribor et ceux indexés sur l’EONIA n’appartiennent pas au même marché des EIRD. La Commission était donc en droit de retenir la participation de JP Morgan à l’infraction ayant pour objet de fausser le cours normal des composantes des prix dans
le secteur des EIRD liés à l’Euribor et/ou à l’EONIA, et ce quand bien même elle n’a pas constaté que JP Morgan avait participé aux pratiques visant la manipulation de l’EONIA.
312 Il résulte de ce qui précède que, sous réserve de l’examen du deuxième moyen (voir point 308 ci-dessus), les griefs des requérantes visant à démontrer que JP Morgan n’a pas participé aux pratiques de manipulation de l’Euribor doivent être rejetés comme non fondés.
[omissis]
2. Sur la qualification d’infraction unique retenue par la Commission (quatrième moyen de la requête)
[omissis]
b) Sur la deuxième branche du quatrième moyen, tirée de ce que la Commission n’a pas démontré que les requérantes avaient connaissance ou pouvaient raisonnablement prévoir le comportement infractionnel envisagé ou mis en œuvre par les autres parties
475 Dans le cadre de la deuxième branche du quatrième moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que c’est à tort que la Commission a considéré que le trader de JP Morgan avait connaissance ou pouvait raisonnablement prévoir le comportement infractionnel envisagé ou mis en œuvre par d’autres entreprises visant la manipulation des fixings de l’Euribor. En particulier, elles font valoir que ni les motifs de la décision attaquée propres à JP Morgan, figurant aux considérants 478 à 482 de la
décision attaquée, ni ceux concernant l’ensemble des banques, figurant aux considérants 458 à 465 de celle-ci, ne permettent de démontrer que JP Morgan avait ou aurait dû avoir connaissance de la portée générale et des caractéristiques essentielles de l’entente dans son ensemble. Enfin, en s’appuyant sur la jurisprudence, les requérantes font valoir que, dans un cas comme celui en l’espèce, la connaissance doit concerner les maturités et les directions spécifiques que les parties concernées
envisageaient de manipuler. Or, la décision attaquée ne satisferait pas à ce critère.
476 La Commission conteste ces arguments.
477 Il convient de relever, en ce qui concerne les motifs communs à l’ensemble des banques, que ceux-ci reposent sur le constat, énoncé au considérant 457 de la décision attaquée, selon lequel les traders participant aux échanges anticoncurrentiels étaient des professionnels qualifiés et avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance de la portée générale et des caractéristiques essentielles de l’entente.
478 À cet égard, la Commission s’est référée, premièrement, au considérant 458 de la décision attaquée, au contexte très spécifique dans lequel les traders opéraient, marqué par des échanges bilatéraux, enregistrés et contrôlés, lors desquels les traders, qui se contactaient mutuellement et de façon régulière, toujours pour le même type d’opération, utilisaient un langage codé. Elle a souligné, deuxièmement, au considérant 459 de la décision attaquée, que les traders impliqués dans les échanges
savaient que les traders d’autres banques étaient disposés à participer au même type de comportement collusoire concernant les composantes de fixation des prix et d’autres conditions de négociation des EIRD. Elle a, troisièmement, aux considérants 460 et 461 de la décision attaquée, fait valoir que les éléments de preuve montraient qu’il existait une connaissance générale répandue du caractère déclaratoire du processus de détermination des taux de l’Euribor et, partant, de la possibilité de
l’altérer par le biais des soumissions des banques du panel. Selon la Commission, les traders ayant pris part aux comportements collusoires en cause ne pouvaient pas ignorer que si davantage de banques modifiaient leurs soumissions le même jour et pour la même maturité d’Euribor, l’impact potentiel sur le taux d’intérêt de référence augmenterait en proportion du nombre de banques impliquées. Elle a, quatrièmement, au considérant 463 de ladite décision, mis en exergue le fait que chacune des
banques en cause était active sur le marché en cause depuis plusieurs années et que les traders n’avaient pas manifesté de surprise lorsqu’une demande de concertation leur avait été présentée. Elle a déduit de la conjonction de ces éléments, aux considérants 462 et 464 de la décision attaquée, en substance, que les traders participant à des échanges bilatéraux avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance du fait qu’il était vraisemblable que plusieurs banques soient impliquées dans les
arrangements collusoires, même si cette information ne leur avait pas été explicitement dévoilée. La Commission a également souligné, au considérant 465 de ladite décision, que les traders faisaient l’objet d’un niveau élevé d’enregistrement et de surveillance, de sorte qu’il devait être considéré que leur direction avait eu connaissance, ou avait pu avoir connaissance, des caractéristiques essentielles du plan collusoire et de l’implication de leurs employés dans ledit plan. Elle a ajouté
qu’elle devait prendre en compte les précautions prises par les traders pour dissimuler leurs arrangements.
479 En ce qui concerne les motifs propres à JP Morgan, premièrement, la Commission a, au considérant 478 de la décision attaquée, retenu que certaines références dans les échanges impliquant le trader de JP Morgan indiquaient qu’il savait que les informations sur des préférences de taux d’intérêts futurs pour certaines maturités de l’Euribor qu’il partageait avec le trader de Deutsche Bank étaient susceptibles d’être communiquées par ce dernier à ses contacts dans d’autres banques. Deuxièmement, aux
considérants 479 et 480 de la décision attaquée, elle a relevé que le trader de JP Morgan avait connaissance du rapport étroit qu’entretenait le trader de Deutsche Bank avec le trader de Barclays. Troisièmement, au considérant 481 de la décision attaquée, la Commission a indiqué, d’une part, que le trader de Barclays avait déjà proposé au trader de JP Morgan de faire des soumissions à tout niveau qu’il pourrait souhaiter pour les fixings Euribor (échange du 25 octobre 2006) et, d’autre part,
que, compte tenu du fait que le trader de JP Morgan avait connaissance de la relation de trading très proche entre les traders de Barclays et de Deutsche Bank, il était en mesure de prévoir que, dès lors qu’il échangeait avec le trader de Deutsche Bank sur des préférences pour la fixation future du taux Euribor, des personnes dans d’autres banques seraient impliquées dans ces arrangements, y compris le trader de Barclays. Quatrièmement, au considérant 482 de la décision attaquée, la Commission a
mis en exergue deux références indirectes (échanges du 10 octobre 2006 entre le trader de Barclays et le trader de Deutsche Bank et du 8 novembre 2006 entre ce dernier trader et le trader de JP Morgan) qui attesteraient de l’implication du trader de JP Morgan dans les échanges collusoires et qui rendraient « encore moins vraisemblable » que JP Morgan n’ait pas eu connaissance ou n’ait pas été en mesure de prévoir que la collusion concernant les soumissions Euribor impliquait d’autres banques en
plus de Deutsche Bank.
480 À titre liminaire, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission selon lequel il conviendrait de retenir que, par le biais de ses contacts avec Deutsche Bank, JP Morgan a participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue et que cette circonstance suffirait pour qu’elle lui impute la responsabilité de l’ensemble desdits comportements.
481 En effet, les comportements anticoncurrentiels reprochés à JP Morgan ont eu lieu dans le cadre de discussions bilatérales. Ainsi, la circonstance selon laquelle les discussions auxquelles JP Morgan a participé avec Deutsche Bank relèvent de certaines des catégories générales envisagées aux considérants 113, 358 et 392 de la décision attaquée ne saurait, en elle-même, être suffisante pour lui imputer la responsabilité du comportement infractionnel, relevant des mêmes catégories, des banques avec
lesquelles elle n’a pas entretenu de contacts directs. En application de la jurisprudence citée au point 442 ci-dessus, il appartenait à la Commission de démontrer que JP Morgan avait connaissance de ces comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres banques, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir.
482 À cet égard, il importe de relever que les requérantes ne contestent concrètement la conclusion de la Commission dans la décision attaquée portant sur la connaissance par JP Morgan des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite du même objectif que pour autant que sont concernés les comportements visant la manipulation des fixings de l’Euribor.
483 Elles font uniquement valoir que « les éléments sont encore moins nombreux pour constater avec suffisamment de précision que [le trader de JP Morgan] avait connaissance du comportement des autres entreprises impliquées dans l’entente, de leur plan commun ou des caractéristiques essentielles de l’entente ». Même à supposer que, par un tel argument, les requérantes entendraient contester que le trader de JP Morgan avait connaissance du fait que les comportements n’étant pas relatifs aux
manipulations de l’Euribor faisaient partie d’un plan d’ensemble, elles n’ont avancé aucun argument concret en ce sens, en particulier s’agissant du fait que le trader de JP Morgan n’aurait pas eu connaissance de l’implication des autres banques dans les pratiques autres que les manipulations de l’Euribor.
484 S’agissant des arguments des requérantes visant à contester la connaissance par JP Morgan des comportements visant la manipulation des fixings de l’Euribor, envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite du même objectif, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort des points 277 à 312 ci-dessus, que la participation directe de JP Morgan aux pratiques visant à influencer les soumissions au panel Euribor en vue de manipuler ce taux a été établie par la
Commission s’agissant des échanges entre son trader et les traders de Deutsche Bank et de Barclays en dates des 27, 28 et 29 septembre 2006, des 2, 25 et 26 octobre 2006, du 8 novembre 2006, du 18 décembre 2006, des 4 et 8 janvier 2007, du 6 février 2007 et des 16 et 19 mars 2007. Ces échanges concernaient les différentes occurrences de la fixation de l’Euribor.
485 Les requérantes contestent, en substance, que le trader de JP Morgan savait ou pouvait raisonnablement prévoir que ces échanges s’inscrivaient dans un « plan d’ensemble » dépassant le cadre des échanges bilatéraux et impliquant d’autres banques.
486 À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce qui ressort notamment du considérant 459 de la décision attaquée, s’agissant de JP Morgan, la Commission ne dispose pas de preuves directes démontrant que, à travers ses contacts bilatéraux avec les traders de Deutsche Bank et de Barclays, le trader de JP Morgan a pris connaissance du fait que les comportements auxquels il participait avec ces traders s’inscrivaient dans une infraction unique impliquant d’autres banques. En effet, à
aucun moment, le trader de Deutsche Bank ou le trader de Barclays n’a fait part au trader de JP Morgan de l’implication d’autres banques dans les pratiques collusoires.
487 Toutefois, il importe de relever, premièrement, que, eu égard au fait que le trader de JP Morgan a échangé tant avec le trader de Deutsche Bank qu’avec le trader de Barclays sur les possibilités d’influencer les soumissions de leurs banques respectives, il savait qu’à tout le moins deux banques participaient aux pratiques de manipulation des taux. Certes, cette seule circonstance ne suffit pas pour démontrer que le trader de JP Morgan avait connaissance du fait que ses échanges avec ces traders
dépassaient le cadre bilatéral et que, à travers de ceux-ci, il participait à une infraction unique et continue avec d’autres banques. En effet, c’est à juste titre que les requérantes font valoir, en s’appuyant à cet égard sur la jurisprudence, que le fait que le trader de JP Morgan entretenait des contacts bilatéraux, même de manière parallèle avec les deux traders, ne suffit pas pour démontrer qu’il avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres
participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 86).
488 Cependant, ce fait et les éléments de preuve invoqués aux considérants 478 à 482 et 457 à 464 de la décision attaquée, appréciés globalement en tant que faisceau d’indices, constituent des preuves sérieuses, précises et concordantes permettant de démontrer que le trader de JP Morgan pouvait raisonnablement prévoir que les échanges visés au point 484 ci-dessus s’inscrivaient dans un « plan d’ensemble » impliquant d’autres banques.
489 En effet, il ressort sans équivoque des éléments de preuve avancés à cet égard par la Commission aux considérants 479 et 481 de la décision attaquée que le trader de JP Morgan était au courant des relations professionnelles étroites et d’amitié entre les traders de Deutsche Bank et de Barclays, ce qui est admis, en substance, par les requérantes. Ce constat n’est pas remis en cause par l’échange du 28 septembre 2006 entre le trader de Deutsche Bank et le trader de Barclays (voir considérant 480
de la décision attaquée), invoqué par les requérantes, même à supposer qu’il conviendrait de l’interpréter, à l’instar des requérantes, comme démontrant que ces traders s’efforçaient de dissimuler au trader de JP Morgan leurs activités illicites.
490 Au regard de ces circonstances, envisagées à la lumière du fait que, à travers ses contacts bilatéraux avec eux, le trader de JP Morgan savait que les traders de Deutsche Bank et de Barclays participaient à des comportements visant à influencer les soumissions au panel Euribor en vue de manipuler les taux, il pouvait raisonnablement prévoir que les informations sur les préférences pour des soumissions Euribor futures qu’il échangeait avec le trader de Deutsche Bank étaient partagées par ce
dernier avec le trader de Barclays.
491 Deuxièmement, le trader de JP Morgan avait également connaissance de l’implication des autres banques dans de telles pratiques de manipulation des taux, ou pouvait raisonnablement la prévoir. C’est à juste titre que la Commission se réfère à cet égard, au considérant 478 de la décision attaquée, à l’échange du 15 décembre 2006, lors duquel le trader de JP Morgan a confié à sa responsable des soumissions que certaines banques, dont Deutsche Bank, s’adonnaient à un « jeu » visant à manipuler vers
le haut les fixings Euribor-3M le 18 décembre 2006 (voir points 207 à 209 ci-dessus). C’est également à juste titre que la Commission invoque, au considérant 482 de la décision attaquée, à titre de « référence indirecte », l’échange du 8 novembre 2006. En effet, à la lumière de celui du 15 décembre 2006, lors duquel le trader de JP Morgan a indiqué que d’autres « fellows » s’étaient joints aux banques jouant un « jeu » consistant à « forcer les fixings à la hausse » (voir point 208 ci-dessus),
l’échange du 8 novembre 2006 doit être interprété en ce sens que le trader de JP Morgan pensait que les responsables des soumissions dans certaines banques autres que Deutsche Bank étaient plus disposés à suivre les préférences des traders quant aux futures soumissions Euribor. Enfin, il ressort de l’échange du 16 mars 2007 entre le trader de JP Morgan et le responsable des soumissions de sa banque que ce trader avait connaissance de l’existence de tentatives de manipulations du fixing
Euribor-3M de mars 2007 ou, à tout le moins, qu’il les soupçonnait, ce qui démontre également sa connaissance du fait que d’autres banques actives sur le marché des EIRD s’adonnaient à de telles pratiques (voir point 258 ci-dessus).
492 Examinés à la lumière des communications banque E, invoquées par la Commission au considérant 487 de la décision attaquée et desquelles il ressort que le trader de JP Morgan avait l’habitude d’échanger des informations avec des traders concurrents autres que le trader de Deutsche Bank en vue de coordonner les soumissions Euribor en fonction de leurs positions de trading respectives (voir points 73 et 75 ci-dessus), ces échanges permettent de retenir que le trader de JP Morgan aurait à tout le
moins pu raisonnablement prévoir que des banques autres que celles avec lesquelles il entretenait des contacts directs participaient aux comportements portant sur les manipulations du taux Euribor.
493 Troisièmement, plusieurs considérations relevées par la Commission en ce qui concerne l’ensemble des destinataires de la décision attaquée (voir point 478 ci-dessus) sont également pertinentes en tant qu’éléments d’un faisceau d’indices.
494 D’une part, la Commission a relevé, au considérant 460 de la décision attaquée, l’existence d’une « connaissance générale répandue » parmi les acteurs du marché du fait que le processus de détermination des taux de référence était déclaratoire et, par conséquent, que les soumissions pouvaient être décalées par les banques membres du panel en fonction de leur intérêt au moment de la soumission (voir aussi considérant 406 de ladite décision).
495 Afin de contester ces considérations, les requérantes renvoient à une déclaration du trader de JP Morgan dans son témoignage joint à la requête selon laquelle il n’avait pas une telle perception du processus des contributions au panel Euribor, à savoir qu’il ne pensait pas que les soumissions prenaient en considération les intérêts des banques du panel.
496 Ainsi qu’il ressort du point 60 ci-dessus, les déclarations du trader de JP Morgan ont une faible force probante. En l’absence de tout autre argument ou élément de preuve avancé par les requérantes, force est de constater qu’elles n’ont pas démontré que c’est à tort que la Commission a retenu l’existence d’une telle connaissance répandue parmi les acteurs du marché du caractère déclaratoire des soumissions des banques au panel Euribor, alors que celle-ci s’est appuyée à cet égard sur des
documents internes des banques participant à l’infraction, notamment ceux provenant des inspections (voir note en bas de page no 521 de la décision attaquée).
497 D’autre part, aux considérants 461 et 462 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les traders ne pouvaient pas ignorer que, si davantage de banques modifiaient leurs soumissions le même jour et pour la même maturité d’Euribor, l’impact potentiel sur le taux d’intérêt de référence augmenterait en proportion du nombre de banques impliquées, de sorte que le degré de succès des pratiques collusoires dépendait pour une large part de l’implication de davantage de banques. Pour ce motif
également, certaines des discussions entre les traders, comme celles auxquelles avait participé le trader de JP Morgan avec le trader de Deutsche Bank en janvier et en février 2007, démarraient un certain temps avant les fixings visés par les manipulations, afin de permettre aux traders d’aligner ou d’ajuster leurs positions de trading.
498 Il s’ensuit qu’un acteur important et qualifié du marché, tel que le trader de JP Morgan (voir, en ce sens et en substance, considérants 457 et 463 de la décision attaquée), était en mesure de déduire des circonstances rappelées aux points 494 et 497 ci-dessus que les manipulations de l’Euribor qu’il envisageait avec les traders de Deutsche Bank et de Barclays avaient plus de chance de réussir si plusieurs banques étaient impliquées, et ce quand bien même il n’avait pas été informé de façon
explicite par ces derniers de l’implication d’autres banques spécifiques.
499 Dans ce contexte, il convient encore de rejeter les arguments des requérantes selon lesquels la Commission était tenue de démontrer une connaissance spécifique par le trader de JP Morgan du plan des autres banques et, notamment, des maturités du taux concerné et de la direction des manipulations envisagées. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 445 ci-dessus, la Commission doit seulement établir que l’entreprise concernée a connaissance ou pouvait raisonnablement
prévoir la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente globale. Or, en l’espèce, le trader de JP Morgan avait connaissance des caractéristiques essentielles de l’entente globale visant à influencer les flux de trésorerie dus au titre des contrats EIRD par le biais de l’action concertée des traders visant à influer sur les soumissions au panel Euribor de leurs banques respectives en vue de manipuler ce taux selon leurs intérêts.
500 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission (T‑180/15, EU:T:2017:795), invoqué dans ce contexte par les requérantes. En effet, les circonstances factuelles à l’origine de cet arrêt sont différentes de celles en l’espèce dans la mesure où la Commission a retenu à l’égard des requérantes dans cette affaire le rôle de facilitateur de l’entente au sens de l’arrêt du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission (T‑99/04, EU:T:2008:256), et non de membre
de l’entente comme en l’espèce s’agissant de JP Morgan. En outre, la connaissance par les requérantes dans cette affaire des objectifs communs des parties à l’entente avait été établie en s’appuyant sur une seule conversation dont le contenu était limité. C’est dans le contexte spécifique de l’appréciation de la durée de l’infraction commise par les requérantes dans cette affaire en tant que facilitateur de l’entente, et tout particulièrement du caractère continu d’une telle infraction, que le
Tribunal a écarté, au point 228 de son arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission (T‑180/15, EU:T:2017:795), invoqué par les requérantes, des éléments de preuve retenus par la Commission concernant les maturités de taux ou les directions des manipulations différentes de celles dont les requérantes dans cette affaire avaient connaissance. L’argument des requérantes fondé sur une analogie avec cet arrêt ne saurait donc prospérer. Il convient également de relever que les requérantes n’ont pas
avancé dans la requête de grief visant à contester le caractère continu de l’infraction retenu en l’espèce par la Commission.
501 Il résulte de ce qui précède que les éléments de preuve, appréciés globalement en tant que faisceau d’indices, permettent de démontrer que le trader de JP Morgan pouvait raisonnablement prévoir que les échanges visés au point 484 ci-dessus dépassaient le cadre bilatéral et s’inscrivaient dans une infraction unique impliquant d’autres banques ayant pour objectif d’altérer les flux de trésorerie dus au titre des EIRD par des actions concertées visant à manipuler le taux Euribor, et qu’il était
prêt à en accepter le risque. La deuxième branche du quatrième moyen doit dès lors être rejetée.
[omissis]
[omissis]
[omissis]
[omissis]
[omissis]
C. Sur la demande d’annulation de l’article 2, sous c), de la décision attaquée et la demande de réduction du montant de l’amende
[omissis]
[omissis]
[omissis]
2. Sur la demande de réduction du montant de l’amende imposée
[omissis]
704 En l’espèce, afin de déterminer le montant de l’amende visant à sanctionner le comportement infractionnel de JP Morgan, tel qu’il résulte de l’examen des cinq premiers moyens, il y a lieu de tenir compte des circonstances suivantes.
705 En premier lieu, s’agissant de la gravité et de la durée de l’infraction, il convient de relever ce qui suit.
706 Premièrement, il s’avère opportun d’utiliser la méthodologie qui, comme celle suivie en l’espèce par la Commission, identifie dans un premier temps un montant de base de l’amende, susceptible, dans un second temps, d’être ajusté en fonction des circonstances propres à l’affaire.
707 Tout d’abord, s’agissant de la valeur des ventes en tant que donnée initiale, il convient de prendre en compte, en tant que valeur de remplacement pour celle-ci, les recettes en numéraire réduites. En effet, ainsi qu’il ressort de l’examen de la troisième branche du sixième moyen, la valeur des recettes en numéraire réduites est susceptible, en l’espèce, de donner une base de départ appropriée pour déterminer le montant de l’amende, dans la mesure où cette valeur reflète l’importance économique
de l’infraction et le poids relatif de l’entreprise dans l’infraction.
708 À cet égard, il a, certes, été constaté, dans le cadre de l’examen de la deuxième branche du sixième moyen (voir point 657 ci-dessus), que la détermination par les banques des recettes en numéraire avait donné lieu, dans certains cas, à des approches différentes. Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 671 ci-dessus, aucune violation du principe d’égalité de traitement ne résulte de ces divergences.
709 En outre, le Tribunal estime qu’une autre méthodologie de calcul des recettes en numéraire, notamment telle que celles suivies par certaines banques pour répondre à la demande de renseignements du 12 octobre 2012, ne serait pas plus appropriée pour établir les recettes en numéraire. En effet, une méthodologie impliquant l’exclusion des jambes fixes des contrats ayant à la fois des jambes fixes et des jambes variables, l’exclusion des produits « exotiques » ou l’application d’une compensation
mensuelle plutôt que journalière, n’est pas plus appropriée pour déterminer, en l’espèce, la valeur des ventes en relation avec l’infraction sanctionnée et refléter ainsi de manière adéquate la réalité et l’ampleur économique de celle-ci ainsi que la position des entreprises dans cette infraction. En effet, premièrement, s’agissant des contrats EIRD disposant à la fois d’une jambe fixe et d’une jambe variable, le flux de trésorerie reflète l’écart entre le taux fixe et le taux variable à la date
de fixing, ainsi qu’il ressort du point 39 ci-dessus. Le Tribunal estime qu’il n’existe aucun motif pour exclure en particulier les flux découlant de l’une des deux « jambes » de tels EIRD. Deuxièmement, rien ne justifie d’exclure les produits « exotiques » des calculs des recettes en numéraire, alors que ceux-ci font également partie du marché pertinent des EIRD. Troisièmement, alors que la compensation journalière est la norme du marché, aucune circonstance particulière propre à la présente
affaire ne justifie de s’en écarter.
710 Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal décide de prendre en considération, dans le cadre de la détermination du montant de l’amende, la valeur des recettes en numéraire de JP Morgan retenue par la Commission dans la décision attaquée.
711 Ensuite, il importe de relever qu’il est constant entre les parties que le fait de retenir, en tant qu’assiette pour le calcul de l’amende, les seules recettes en numéraire aboutirait à l’imposition d’une amende trop dissuasive. Les parties s’accordent donc sur le fait qu’il est nécessaire de réduire ces recettes en numéraire par l’application d’un facteur de réduction.
712 Dans la décision attaquée, la Commission a appliqué un facteur de réduction uniforme fixé à 98,849 %.
713 S’agissant de la détermination de ce facteur de réduction, il convient de relever que celui-ci est le résultat d’un exercice complexe qui reflète plusieurs éléments, notamment la compensation inhérente à la négociation des produits dérivés en général ainsi que les spécificités de la compensation de ces produits et, plus particulièrement, des EIRD. Il s’agit donc d’une approximation d’une valeur construite. Ainsi, par définition, il n’existe pas un seul facteur de réduction possible.
714 Les requérantes proposent un facteur de réduction alternatif de 99,91 % sans toutefois préciser les motifs pour lesquels un taux de réduction fixé à ce niveau serait plus approprié que celui retenu par la Commission. Elles se bornent à soutenir que l’application de la valeur AFR des EIRD au cours de la période pertinente « suggérerait » un taux de réduction « approprié » de 99,91 %. Or, ainsi qu’il a été relevé aux points 588 à 593 ci-dessus, l’approche proposée par les requérantes pour
calculer, en l’espèce, une valeur de remplacement pour la valeur des ventes, fondée sur AFR, ne saurait être privilégiée dans la mesure où elle n’est pas à même de mieux refléter l’importance économique de l’infraction que l’approche de la Commission fondée sur les recettes en numéraire réduites.
715 En tout état de cause, le Tribunal considère que l’application d’un tel facteur de réduction alternatif particulièrement élevé, voire excessif, risquerait de vider la sanction de son sens en la rendant négligeable et en portant de la sorte atteinte à la nécessité d’assurer le caractère suffisamment dissuasif de l’amende. L’application d’un facteur de réduction alternatif de 99,91 % préconisé par les requérantes conduirait donc à imposer une amende qui ne refléterait ni l’importance économique de
l’infraction, ni le poids relatif de JP Morgan dans celle-ci.
716 Dans la réplique, les requérantes avancent qu’un autre taux de réduction doit être appliqué aux recettes en numéraire de JP Morgan afin de refléter son poids sur le marché. Elles ne proposent toutefois aucun autre taux qui serait plus approprié et qui, en même temps, permettrait d’imposer une amende qui refléterait l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de JP Morgan dans celle-ci en assurant le caractère dissuasif de l’amende.
717 En tout état de cause, d’une part, il est constant entre les parties que le facteur de réduction s’élève à tout le moins à 98,849 %. D’autre part, le Tribunal rappelle que la fixation d’une amende dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction n’est pas un exercice arithmétique précis.
718 Deuxièmement, s’agissant de la gravité de l’infraction, le Tribunal estime approprié de prendre en considération la nature de l’infraction, l’étendue géographique de celle-ci ainsi que la mise en œuvre ou non de l’infraction.
719 S’agissant de la nature de l’infraction, dans la mesure où les comportements en cause portaient sur les facteurs pertinents pour la détermination des prix des EIRD, ils comptent de par leur nature parmi les restrictions de concurrence les plus graves. En outre, il importe de souligner que les pratiques en cause sont particulièrement graves et nocives dans la mesure où elles sont susceptibles non seulement de fausser la concurrence sur le marché des produits EIRD, mais aussi, plus largement, de
compromettre la confiance dans le système bancaire et les marchés financiers dans leur ensemble ainsi que leur crédibilité.
720 En effet, ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 721 de la décision attaquée, sans que ces éléments soient contestés par les requérantes, les indices de référence concernés reflétés dans la tarification des EIRD s’appliquent à tous les participants au marché des EIRD. En outre, ces taux étant fondés sur l’euro, ils revêtent une importance capitale pour l’harmonisation des conditions financières dans le marché intérieur et pour les activités bancaires dans les États membres.
721 S’agissant de l’étendue géographique de l’infraction, ainsi qu’il ressort des considérants 47 et 721 de la décision attaquée, l’entente couvrait à tout le moins l’ensemble de l’EEE, de sorte que les comportements en cause étaient susceptibles d’avoir une incidence sur les activités bancaires dans l’ensemble des États membres.
722 Il convient également de tenir compte du fait que le faisceau d’indices dont dispose le Tribunal rend à tout le moins plausible le fait que le trader de JP Morgan a mis en œuvre les comportements infractionnels convenus avec le trader de Barclays les 27 et 28 septembre 2006 en établissant des contacts avec les responsables des soumissions de sa banque (voir points 281 et 302 à 305 ci-dessus).
723 Troisièmement, il convient de retenir la durée de la participation des requérantes dans l’infraction telle qu’elle ressort de la décision attaquée, celle-ci n’ayant pas été contestée par les requérantes et n’étant pas affectée par la conclusion énoncée au point 317 ci-dessus concernant la participation de JP Morgan aux comportements infractionnels composant l’infraction unique en cause.
724 En deuxième lieu, s’agissant des circonstances atténuantes, le Tribunal constate que JP Morgan a joué un rôle moins important dans l’infraction que les acteurs principaux, notamment la banque D et la banque A. De même, l’intensité des contacts auxquels a participé le trader de JP Morgan était moindre que celle desdits acteurs principaux.
725 Toutefois, il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il a été relevé au point 696 ci-dessus, les échanges auxquels JP Morgan a participé se caractérisent par une fréquence et une régularité particulière. Le bien-fondé de ce constat n’est en aucun cas altéré par la conclusion énoncée au point 153 ci-dessus concernant la portée d’un des échanges retenus à l’encontre des requérantes dans la décision attaquée, à savoir celui du 10 octobre 2006.
726 Au demeurant, il importe de relever que la participation de JP Morgan aux comportements infractionnels a été intentionnelle et que les requérantes n’ont pas fait valoir qu’elles devraient bénéficier, en l’espèce, de la circonstance atténuante de négligence. En outre, les requérantes ont participé, fût-ce passivement, à un nombre non négligeable de contacts anticoncurrentiels, sans jamais manifester aucune réserve ou opposition, en participant à des échanges d’informations anticoncurrentiels. Ce
faisant, les requérantes ont donné l’impression à leurs concurrents qu’elles prenaient part à l’entente litigieuse et ont, ainsi, contribué à l’encourager. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 719 ci-dessus, les comportements en cause se caractérisent par une gravité accrue. Par conséquent, l’incidence sur le montant final de l’amende des circonstances atténuantes relatives à l’intensité moindre de la participation et au rôle moins important de JP Morgan dans l’infraction par rapport aux
acteurs principaux ne peut être que marginale.
727 En troisième lieu, le montant de l’amende déterminé par le Tribunal tient dûment compte de la nécessité d’imposer à JP Morgan une amende d’un montant dissuasif.
728 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce, au regard du principe d’individualisation de la sanction et de proportionnalité de celle-ci, en fixant le montant de l’amende à 337196000 euros, pour laquelle JPMorgan Chase & Co. et JPMorgan Chase Bank, National Association sont tenues solidairement responsables. Partant, il convient de rejeter les conclusions en réduction du montant de l’amende
infligée aux requérantes.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en ce qu’il est formé par J.P. Morgan Services LLP.
2) L’article 2, sous c), de la décision C (2016) 8530 final de la Commission, du 7 décembre 2016, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE [affaire AT.39914 – Produits dérivés de taux d’intérêt en euro (EIRD)] est annulé pour autant qu’il concerne JPMorgan Chase & Co. et JPMorgan Chase Bank, National Association.
3) Le montant de l’amende, auquel JPMorgan Chase & Co. et JPMorgan Chase Bank, National Association sont tenues solidairement responsables, est fixé à 337196000 euros.
4) Le recours est rejeté pour le surplus.
5) Chaque partie supportera ses propres dépens.
Papasavvas
Kornezov
Buttigieg
Kowalik-Bańczyk
Hesse
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 décembre 2023.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.
( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.