ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)
31 janvier 2024 ( *1 )
« Responsabilité non contractuelle – Environnement – Directive (UE) 2019/904 – Interdiction de mise sur le marché de produits fabriqués à base de plastique oxodégradable – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Absence de distinction entre les produits fabriqués à base de plastique oxodégradable et les produits fabriqués à base de plastique oxobiodégradable – Analyse d’impact – Égalité de traitement – Proportionnalité »
Dans l’affaire T‑745/20,
Symphony Environmental Technologies plc, établie à Borehamwood (Royaume-Uni),
Symphony Environmental Ltd, établie à Borehamwood,
représentées par MM. P. Selley, solicitor, J. Holmes, KC, et J. Williams, barrister-at-law,
parties requérantes,
contre
Parlement européen, représenté par M. L. Visaggio, Mme C. Ionescu Dima et M. W. Kuzmienko, en qualité d’agents,
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme A. Maceroni et M. M. Moore, en qualité d’agents,
et
Commission européenne, représentée par M. R. Lindenthal et Mme L. Haasbeek, en qualité d’agents,
parties défenderesses,
LE TRIBUNAL (première chambre élargie),
composé de MM. Van der Woude, président, D. Spielmann, V. Valančius, I. Gâlea (rapporteur) et T. Tóth, juges,
greffier : Mme I. Kurme, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 20 mars 2023,
vu, à la suite de la cessation des fonctions de M. le juge Valančius le 26 septembre 2023, l’article 22 et l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur recours fondé sur l’article 268 TFUE, les requérantes, Symphony Environmental Technologies plc et Symphony Environmental Ltd, demandent réparation du préjudice qu’elles auraient subi en raison de l’adoption de l’article 5 et du considérant 15 de la directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement (JO 2019, L 155, p. 1), dans la mesure où l’interdiction de mise sur le
marché de produits fabriqués à base de plastique oxodégradable, prévue audit article 5 et audit considérant 15, s’applique au plastique oxobiodégradable.
I. Antécédents du litige
2 Les requérantes sont des sociétés établies au Royaume-Uni, qui ont pour activité le développement, la production et la commercialisation de certains produits plastiques spécialisés, ainsi que des additifs et mélanges-maîtres utilisés dans la fabrication de ces produits.
3 Un mélange-maître est un composé de plusieurs substances chimiques incorporé dans un support polymère, qui est fourni, sous forme de granulés, aux fabricants de produits plastiques, lesquels l’incorporent dans les polymères qu’ils utilisent pour fabriquer leurs produits.
4 L’un des mélanges-maîtres produits par les requérantes, qu’elles commercialisent sous la marque d2w (ci-après le « mélange-maître d2w »), contient un additif dont elles prétendent qu’il favoriserait la dégradation abiotique du plastique auquel il a été incorporé, puis sa biodégradation, une fois sa durée de vie utile arrivée à son terme.
5 Un plastique oxodégradable est, selon la définition retenue à l’article 3, point 3, de la directive 2019/904, un plastique auquel a été ajouté un ou plusieurs additifs qui, sous l’effet de l’oxydation, conduit celui-ci à se fragmenter en microfragments ou à subir une décomposition chimique.
6 Un plastique biodégradable est, selon l’article 3, point 16, de ladite directive, un plastique susceptible de subir une décomposition physique ou biologique, de telle sorte qu’il se décompose finalement en dioxyde de carbone, en biomasse et en eau.
7 Selon les requérantes, l’additif contenu dans le mélange-maître d2w permettrait au plastique auquel il a été incorporé de se fragmenter, sous l’effet de l’oxydation, en débris (oxodégradation) dont la masse moléculaire serait suffisamment réduite pour qu’ils puissent être assimilés par des micro-organismes (biodégradation). De l’avis des requérantes, cet additif permettrait donc au plastique auquel il a été incorporé de se convertir en matériaux biodégradables.
8 Le 5 juin 2019 a été adoptée la directive 2019/904.
9 Selon le considérant 15 de cette directive :
« […] Les restrictions à la mise sur le marché instaurées par la présente directive devraient également couvrir les produits fabriqués à base de plastique oxodégradable, étant donné que ce type de plastique ne se biodégrade pas convenablement et contribue donc à la pollution de l’environnement par les microplastiques, qu’il n’est pas compostable, qu’il a une incidence négative sur le recyclage des plastiques conventionnels et qu’il ne présente pas d’avantage environnemental avéré […] »
10 L’article 5 de la directive 2019/904, intitulé « Restriction à la mise sur le marché », dispose :
« Les États membres interdisent la mise sur le marché des produits en plastique à usage unique énumérés dans la partie B de l’annexe et des produits fabriqués à base de plastique oxodégradable. »
II. Conclusions des parties
11 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– constater que le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne ont engagé leur responsabilité non contractuelle, en application de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE et/ou de l’article 41, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en adoptant l’article 5 et le considérant 15 de la directive 2019/904, dans la mesure où ces dispositions s’appliquent au plastique oxobiodégradable ;
– condamner le Parlement, le Conseil et la Commission à les indemniser à hauteur du préjudice subi, y compris tout préjudice supplémentaire qui surviendrait au cours de la présente procédure, et/ou du préjudice prévisible probable, ainsi qu’à leur verser les intérêts dont le montant et le taux seront déterminés au cours de la procédure ;
– à titre subsidiaire, enjoindre au Parlement, au Conseil et à la Commission de présenter au Tribunal, dans un délai raisonnable à compter du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire, le calcul chiffré de l’indemnisation convenu entre les parties ou, à défaut d’accord entre lesdites parties, leur enjoindre de présenter, dans le même délai, leurs propositions chiffrées ;
– en tout état de cause, condamner le Parlement, le Conseil et la Commission aux dépens.
12 Le Parlement et le Conseil concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
13 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable en ce qui la concerne et, en tout état de cause, comme non fondé ;
– condamner les requérantes aux dépens.
III. En droit
14 Par le présent recours, les requérantes demandent réparation du préjudice qu’elles estiment avoir subi du fait de l’interdiction de mise sur le marché des produits à base de plastique oxodégradable, prévue à l’article 5 de la directive 2019/904, dans la mesure où ladite interdiction s’applique aux produits fabriqués à base de plastique qu’elles qualifient d’oxobiodégradable. Le plastique oxobiodégradable serait un type de plastique auquel l’ajout d’un additif pro-oxydant, tel que celui contenu
dans leur mélange-maître d2w, permettrait de se biodégrader beaucoup plus rapidement que le plastique oxodégradable. En ne distinguant pas le plastique oxodégradable du plastique oxobiodégradable et en étendant, le cas échéant, aux produits fabriqués à base du second l’interdiction des produits fabriqués à base du premier, les trois institutions concernées auraient violé de manière suffisamment caractérisée plusieurs règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. Elles
auraient, ce faisant, causé un préjudice aux requérantes. Il existerait, de l’avis de celles-ci, un lien de causalité suffisamment direct entre ce préjudice et le comportement illégal desdites institutions.
15 Les trois institutions concernées font valoir qu’aucune des trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne n’est remplie et concluent au rejet du recours. Elles font notamment valoir qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre plastique oxodégradable et plastique oxobiodégradable. Selon elles, ces deux termes désignent un seul et même type de plastique, à savoir un plastique conventionnel auquel a été incorporé un additif qui accélère, sous l’effet de
l’oxydation, sa fragmentation ou sa décomposition chimique en très petits débris. Ce type de plastique ne se biodégraderait pas convenablement dans un délai raisonnable.
A. Sur la demande d’omission de certaines données envers le public
16 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 décembre 2020, les requérantes ont demandé l’omission de certaines données envers le public, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, afin d’assurer la protection du secret d’affaires s’agissant de leurs propres données ainsi que de données appartenant à des tiers.
17 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 23 juin 2021, les requérantes ont introduit une seconde demande d’omission de certaines données envers le public, conformément à l’article 66 du règlement de procédure. Cette demande porte sur des données mentionnées dans leurs répliques et cherche, elle aussi, à assurer la protection du secret d’affaires s’agissant de leurs propres données et de données appartenant à des tiers.
18 Par ces demandes, les requérantes souhaitent, en substance, l’omission des types de données suivants :
– les conséquences pour leurs clients de l’interdiction de mise sur le marché des produits à base de plastique oxodégradable, telles qu’elles ressortent, notamment, des déclarations de leurs agents ;
– l’évaluation du montant du préjudice prétendument subi en raison de ladite interdiction, ainsi que les données à la base de cette évaluation, c’est-à-dire, notamment, l’évolution de leurs pertes et profits, de leurs parts de marché et de la valeur de leurs actions ;
– le texte de normes européennes, américaines, britannique et internationale relatives à la biodégradation, à l’oxodégradation et au compostage du plastique, ainsi qu’un lexique relatif à la dégradation et à la biodégradation du plastique.
19 Contrairement à la demande d’omission des deux premières catégories de données mentionnées au point 18 ci-dessus, qui vise, selon les requérantes, à protéger leurs propres données, la demande d’omission de la troisième catégorie de données viserait à protéger des données sur lesquelles des tiers détiendraient des droits de propriété.
20 À cet égard, il convient de rappeler que, dans la conciliation entre la publicité des décisions de justice et le droit à la protection des données à caractère personnel et du secret d’affaires, le juge doit rechercher, dans les circonstances de chaque espèce, le juste équilibre, en ayant également égard au droit du public d’avoir accès, conformément aux principes inscrits à l’article 15 TFUE, aux décisions de justice (arrêt du 27 avril 2022, Sieć Badawcza Łukasiewicz – Port Polski Ośrodek Rozwoju
Technologii/Commission, T‑4/20, EU:T:2022:242, point 29).
21 En l’espèce, les données relevant des deux premières catégories mentionnées au point 18 ci-dessus ne figurent pas dans le présent arrêt.
22 S’agissant des données relevant de la troisième catégorie, ne figurent dans le présent arrêt que celles également mentionnées dans une étude publiée sur le site de la Commission, à savoir l’étude réalisée par Eunomia Research & Consulting Ltd pour la direction générale de l’environnement de la Commission, intitulée « The Impact of the Use of ‘Oxo-degradable’ Plastic on the Environment » (« L’impact de l’utilisation du plastique “oxodégradable” sur l’environnement d’avril 2017 (ci-après l’« étude
Eunomia »). Les données mentionnées dans cette étude étant déjà publiques, leur omission n’est pas nécessaire à la protection du secret d’affaires, contrairement à ce que prétendent les requérantes.
23 Dès lors, il n’existe pas de raison légitime de faire droit aux demandes de la requérante.
B. Observation liminaire
24 Avant d’analyser la recevabilité et le fond du recours, il convient de faire une remarque terminologique.
25 Le plastique auquel a été ajouté un additif pro-oxydant, tel celui contenu dans le mélange-maître d2w, est qualifié différemment par les parties au litige. Les requérantes le qualifient de « plastique oxobiodégradable », à distinguer, selon elles, du plastique oxodégradable, qui se biodégrade beaucoup plus lentement. Le Parlement emploie, lui aussi, dans ses écritures, l’expression« plastique oxobiodégradable », mais prend soin de préciser que cette expression désigne le plastique que les
requérantes prétendent biodégradable, prétention qu’il ne soutient pas. Le Conseil utilise l’expression « plastique CAP », pour désigner le plastique « contenant des additifs pro-oxydants ». La Commission se réfère au plastique « oxo(bio)dégradable », suggérant, par l’emploi de parenthèses, ses doutes quant au caractère biodégradable de ce type de plastique.
26 Le choix de l’expression employée pour désigner le type de plastique en cause n’est pas neutre, puisqu’il peut impliquer une prise de position quant au caractère biodégradable de ce type de plastique. Il convient donc d’utiliser, dans le présent arrêt, le terme le plus neutre possible. Par conséquent, exception faite des passages reprenant les arguments des parties, où la terminologie choisie par celles-ci sera conservée, et des références à l’article 5 de la directive 2019/904, où sera employée
l’expression « plastique oxodégradable » utilisée dans ledit article, l’expression employée sera celle de « plastique contenant un additif pro-oxydant ».
C. Sur la recevabilité
27 Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission fait valoir que le recours est irrecevable en tant qu’il est dirigé contre elle.
28 La Commission, soutenue par le Conseil, fait valoir que l’illégalité de l’interdiction de mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxodégradable, prévue à l’article 5 de la directive 2019/904, ne lui est pas imputable. Elle fait valoir que, d’une part, conformément à l’article 192, paragraphe 1, TFUE, la directive 2019/904 a été adoptée non pas par elle, mais par le Parlement et le Conseil, selon la procédure législative ordinaire, et, d’autre part, ladite interdiction ne
figurait pas dans la proposition qu’elle a présentée au Parlement et au Conseil le 28 mai 2018 [COM(2018)340 final – 2018/0172(COD), ci-après la « proposition de directive »], mais a été introduite par un amendement du Parlement, auquel le Conseil a donné son accord. La Commission souligne également qu’elle ne pouvait pas retirer sa proposition, les conditions d’un tel retrait n’étant, en l’espèce, pas remplies.
29 Enfin, de l’avis de la Commission, ni le fait qu’elle ait ouvert puis mis un terme à la procédure de restriction au titre des articles 68 à 73 du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement
(CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, ci-après le « règlement REACH »), ni le fait, à le supposer établi, que l’analyse d’impact soit déficiente et qu’elle ait manqué à ses obligations en matière de recherche et d’appréciation des preuves, n’ont pour effet de lui imputer l’interdiction de mise sur le marché
énoncée à l’article 5 de la directive 2019/904.
30 Les requérantes contestent cette irrecevabilité.
31 Selon la jurisprudence, alors que les recours en annulation ou en carence visent à sanctionner l’illégalité d’un acte juridiquement contraignant ou l’absence d’un tel acte, le recours en indemnité a pour objet la demande en réparation d’un préjudice découlant d’un acte ou d’un comportement illicite imputable à une institution ou à un organe de l’Union (arrêts du20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 55, et du 23 mai 2019, Steinhoff
e.a./BCE, T‑107/17, EU:T:2019:353, point 51).
32 Dès lors, l’adoption de la directive 2019/904 étant, conformément à l’article 294 TFUE, le fait du Parlement et du Conseil, il n’importe pas que la Commission n’ait pas adopté d’acte juridiquement contraignant. En effet, afin que la Commission soit considérée comme ayant engagé ou ayant contribué à engager la responsabilité de l’Union, il suffit que lui soit imputable un acte illicite, même non juridiquement contraignant, ou un comportement illicite.
33 Un tel acte ou comportement ne saurait certes être identifié dans la proposition de directive. En effet, ladite proposition prévoyait uniquement, en son article 5, que « [l]es États membres interdisent la mise sur le marché des produits en plastique à usage unique énumérés dans la partie B de l’annexe », la partie B de ladite annexe ne faisant aucune référence au plastique oxodégradable.
34 Néanmoins, les requérantes reprochent à la Commission le comportement par lequel, dans le cadre du compromis interinstitutionnel du 19 décembre 2018, elle a indiqué qu’elle « accept[ait] tous les amendements » apportés à sa proposition de directive. À cet égard, il convient de préciser que c’est l’amendement no 83 apporté par le Parlement à la proposition de directive, le 24 octobre 2018 [COM(2018)0340 – C8‑0218/2018 – 2018/0172(COD), ci-après l’« amendement du Parlement »], qui a introduit dans
ladite proposition l’interdiction des produits en plastique oxodégradable. Les trois institutions concernées se sont ensuite entendues, dans le cadre dudit compromis, pour intégrer cet amendement dans le texte de la future directive. C’est alors que la Commission a indiqué qu’elle acceptait tous les amendements.
35 Les requérantes reprochent également à la Commission d’avoir, par un courrier du 30 avril 2019 (ci-après le « courrier du 30 avril 2019 »), demandé à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de mettre un terme à la procédure de restriction en cours devant celle-ci concernant les plastiques contenant un additif pro-oxydant. Selon les requérantes, si l’ECHA avait mené cette procédure à son terme et si elle avait, notamment, constitué un dossier, comme le prévoit l’article 69, paragraphe 1,
du règlement REACH, les éléments supplémentaires ainsi portés à la connaissance des trois institutions concernées les auraient conduites à adopter à l’égard du plastique contenant un additif pro-oxydant d’autres mesures qu’une interdiction de mise sur le marché, voire à n’adopter aucune mesure.
36 Enfin, les requérantes reprochent à la Commission de s’être abstenue d’effectuer une analyse d’impact portant spécifiquement sur le plastique contenant un additif pro-oxydant et sur les produits fabriqués à base de ce type de plastique, ainsi que de ne pas avoir recherché, ou de ne pas avoir tenu compte, d’éléments de preuve pertinents concernant ce plastique et le risque qu’il présentait pour l’environnement et la santé humaine. De l’avis des requérantes, en possession d’éléments
supplémentaires, les trois institutions concernées auraient modifié leur appréciation.
37 La question de savoir si les comportements mentionnés aux points 34 à 36 ci-dessus sont illégaux et celle de savoir si, en l’absence de tels comportements, le Parlement et le Conseil auraient tout de même interdit la mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant concernent la détermination du fait générateur de responsabilité et du lien de causalité entre ce fait générateur et le préjudice allégué. Or, les questions qui se rapportent à l’examen des
conditions nécessaires à la mise en œuvre de la responsabilité non contractuelle de l’Union, telles que la détermination du fait générateur et du lien de causalité, se rattachent à l’examen du fond du présent recours et sont de ce fait sans incidence sur l’appréciation de sa recevabilité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 mai 2019, Steinhoff e.a./BCE, T‑107/17, EU:T:2019:353, points 42 à 47).
38 Partant, il y a lieu d’écarter l’argumentation de la Commission tendant à faire déclarer le recours irrecevable en tant qu’il est dirigé contre elle.
D. Sur le fond
39 À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.
40 Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (voir arrêt du 10 septembre
2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 32 et jurisprudence citée).
41 Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle de l’Union. En outre, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, points 13, 63 et 64, et du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian
Europe/Union européenne, C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 148).
42 S’agissant de la première de ces conditions, la Cour a précisé qu’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers est établie lorsqu’elle implique une méconnaissance manifeste et grave par l’institution concernée des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation, les éléments à prendre en considération à cet égard étant, notamment, le degré de clarté et de précision de la règle violée ainsi que l’étendue de la marge
d’appréciation que la règle enfreinte laisse à l’autorité de l’Union (arrêts du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 30, et du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 33).
43 À cet égard, il y a lieu, dans le contexte de la présente espèce, de préciser qu’une éventuelle violation suffisamment caractérisée des règles de droit en cause doit reposer sur une méconnaissance manifeste et grave des limites du large pouvoir d’appréciation dont le législateur de l’Union dispose dans l’exercice des compétences en matière environnementale au titre des articles 191 et 192 TFUE. En effet, l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique, d’une part, la nécessité pour le
législateur de l’Union d’anticiper et d’évaluer des évolutions écologiques, scientifiques, techniques et économiques de caractère complexe et incertain, et, d’autre part, la mise en balance et l’arbitrage par ce législateur entre les différents objectifs, principes et intérêts visés à l’article 191 TFUE (arrêt du 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T‑16/04, EU:T:2010:54, point 143).
44 Il convient d’apprécier, tout d’abord, si la première condition d’engagement de la responsabilité de l’Union est remplie.
45 À cet égard, les requérantes soulèvent cinq moyens d’illégalité, tirés de violations suffisamment caractérisées, premièrement, des articles 68 à 73 du règlement REACH, deuxièmement, des points 12 et 14 à 16 de l’accord interinstitutionnel entre le Parlement, le Conseil et la Commission « Mieux légiférer » du 13 avril 2016 (JO 2016, L 123, p. 1, ci-après l’« accord interinstitutionnel »), troisièmement, du principe général de proportionnalité, consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE, et de
l’article 191 TFUE, ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation, quatrièmement, du principe général d’égalité de traitement et, cinquièmement, des articles 16 et 17 et de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte et de l’article 49 TFUE.
1. Sur le premier moyen d’illégalité, tiré de la violation des articles 68 à 73 du règlement REACH
46 Par leur premier moyen d’illégalité, les requérantes soutiennent que l’interdiction de mise sur le marché des produits à base de plastique oxodégradable, prévue à l’article 5 de la directive 2019/904, a été adoptée en contournant la procédure de restriction prévue aux articles 68 à 73 du règlement REACH. Elles soulignent, à cet égard, qu’une procédure de restriction était en cours devant l’ECHA lorsque, sans tenir aucun compte de celle-ci, le Parlement a adopté l’amendement qui a ajouté les
produits en plastique oxodégradable à ceux dont la proposition de directive interdisait la mise sur le marché. Ladite procédure aurait toujours été en cours lorsque le Parlement et le Conseil se sont accordés sur cet amendement et lorsque le Parlement a adopté une résolution législative reprenant l’amendement en cause.
47 Par conséquent, de l’avis des requérantes, l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 a été adoptée sans que les trois institutions concernées apprécient convenablement si le plastique oxodégradable présente pour la santé humaine ou l’environnement un « risque inacceptable qui nécessite une action au niveau [de l’Union] », sans qu’elles « pr[ennent] en compte l’impact socio-économique, y compris l’existence de solutions de remplacement », comme l’exige l’article 68,
paragraphe 1, du règlement REACH, et sans qu’elles-mêmes soient invitées à adresser à l’ECHA leurs observations, en application de l’article 69, paragraphe 6, dudit règlement. Partant, l’adoption de ladite interdiction serait prématurée et illégale.
48 De l’avis des requérantes, en éludant la procédure de restriction prévue aux articles 68 à 73 du règlement REACH alors que seule l’ECHA est techniquement compétente pour enquêter et déterminer si le plastique oxodégradable et le plastique oxobiodégradable sont ou non justifiés d’un point de vue environnemental, les trois institutions concernées ont commis une violation suffisamment caractérisée des articles 68 à 73 du règlement REACH. Enfin, les requérantes soulignent que ledit règlement confère
des droits aux particuliers, dès lors que son article 69, paragraphe 1, prévoit que l’ECHA invite toutes les parties intéressées à présenter des observations sur les dossiers et les restrictions proposées, ainsi qu’à lui communiquer une analyse socio-économique.
49 Le Parlement, le Conseil et la Commission contestent l’argumentation des requérantes.
50 À cet égard, il convient de préciser que, aux termes de l’article 68, paragraphe 1, du règlement REACH, quand la fabrication, l’utilisation ou la mise sur le marché d’une substance entraînent pour la santé humaine ou l’environnement un risque inacceptable qui nécessite une action au niveau de l’Union, lesdites fabrication, utilisation et mise sur le marché peuvent faire l’objet de restrictions. Ces restrictions sont inscrites à l’annexe XVII dudit règlement.
51 À cette fin, l’article 69 du règlement REACH permet à la Commission d’inviter l’ECHA à élaborer un dossier. S’il ressort de ce dossier qu’une action au niveau de l’Union est nécessaire, l’ECHA propose des restrictions dans les douze mois de la réception de la demande de la Commission. Le dossier est alors publié sur le site Internet de l’ECHA, accompagné des propositions de restriction formulées par celle-ci, et les parties intéressées sont invitées à communiquer à l’ECHA leurs observations.
52 Le dossier fait ensuite l’objet, dans les neuf mois de sa publication, d’un avis du comité d’évaluation des risques de l’ECHA et, dans les douze mois de sa publication, d’un avis du comité d’analyse socio-économique de l’ECHA, selon les articles 70 et 71 du règlement REACH. Ces deux avis sont soumis à la Commission et publiés sur le site Internet de l’ECHA, conformément à l’article 72 dudit règlement.
53 Lorsque les conditions prévues à l’article 68, paragraphe 1, du règlement REACH sont remplies, la Commission élabore un projet de modification de l’annexe XVII à ce règlement, en application de l’article 73, paragraphe 1, de celui-ci. La décision finale est prise conformément à la procédure de réglementation avec contrôle, selon l’article 73, paragraphe 2, et l’article 133, paragraphe 4, du même règlement.
54 En l’espèce, une telle procédure a été engagée, mais n’a pas été menée à son terme.
55 En effet, par courrier du 22 décembre 2017, la Commission a invité l’ECHA à élaborer un dossier concernant les plastiques oxodégradables, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement REACH. La Commission et l’ECHA se sont ensuite entendues pour repousser la présentation dudit dossier à la fin du mois de juillet 2019, afin de permettre aux parties intéressées de communiquer des informations supplémentaires à l’ECHA, comme le montre un courriel envoyé aux requérantes par un agent de
l’ECHA le 30 octobre 2018. Toutefois, comme mentionné au point 35 ci-dessus, la Commission a ensuite, par le courrier du 30 avril 2019, demandé à l’ECHA de mettre un terme à la préparation du dossier en question, au motif qu’une intervention au titre du règlement REACH n’était plus nécessaire parce que, le 19 décembre 2018, un compromis interinstitutionnel avait été trouvé, dans le cadre de l’élaboration de la directive relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur
l’environnement, pour interdire la mise sur le marché des produits à base de plastique oxodégradable.
56 Comme l’indique le préambule de la directive 2019/904, c’est donc en suivant la procédure législative ordinaire, prévue à l’article 294 TFUE, qu’a été adoptée l’interdiction de mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxodégradable.
57 Les requérantes font valoir que, en adoptant l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 sans attendre l’issue de la procédure de restriction en cours, les trois institutions concernées ont contourné les articles 68 à 73 du règlement REACH. Ladite interdiction aurait été adoptée de manière prématurée et illégale, sans que l’ECHA, qui, contrairement auxdites institutions, dispose d’une expertise scientifique en la matière, puisse porter à la connaissance de celles-ci les éléments
qu’elle aurait rassemblés et sans qu’elle entende les requérantes. Un tel comportement constituerait une violation suffisamment caractérisée des articles 68 à 73 du règlement REACH, articles qui auraient pour objet de conférer des droits aux particuliers.
58 Une telle argumentation ne saurait être suivie car, d’une part, aucune violation des articles 68 à 73 du règlement REACH n’a été commise et, d’autre part, lesdits articles ne constituent pas des règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.
59 Premièrement, il ne saurait être considéré que l’interdiction de mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxodégradable devait être adoptée conformément à la procédure de restriction prévue aux articles 68 à 73 du règlement REACH.
60 En effet, la directive 2019/904 a été adoptée conformément à la procédure législative ordinaire prévue à l’article 294 TFUE. En outre, le préambule de cette directive indique qu’elle a pour base juridique l’article 192, paragraphe 1, TFUE. Or, cet article prévoit que le Parlement et le Conseil statuent conformément à ladite procédure.
61 En outre, l’article 2, paragraphe 4, du règlement REACH dispose que ce règlement « est applicable sans préjudice […] des dispositions [du] droit [de l’Union] relatives […] à l’environnement, y compris » plusieurs directives qu’il énumère. Ledit règlement réserve donc expressément l’application des actes de droit de l’Union relatifs à la protection de l’environnement. Certes, la directive 2019/904 ne figure pas parmi les dispositions énumérées à l’article 2, paragraphe 4, du règlement REACH.
Toutefois, l’adoption de cette directive est postérieure à celle de ce règlement. En outre, l’emploi de l’expression « y compris » indique que l’énumération qui figure à cet article n’est pas exhaustive.
62 Deuxièmement, il ne saurait davantage être considéré que les trois institutions concernées étaient tenues, sinon de suivre la procédure de restriction au titre des articles 68 à 73 du règlement REACH, du moins d’attendre l’issue de la procédure de restriction en cours pour adopter l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904.
63 En effet, le pouvoir d’initiative législative reconnu à la Commission par l’article 17, paragraphe 2, TUE et l’article 289 TFUE implique qu’il revient à celle-ci de décider de présenter, ou non, une proposition d’acte législatif et de déterminer l’objet, la finalité ainsi que le contenu de cette proposition (arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 146).
64 En outre, le pouvoir législatif réservé au Parlement et au Conseil à l’article 14, paragraphe 1, et à l’article 16, paragraphe 1, TUE implique qu’il revient exclusivement à ces institutions de déterminer le contenu d’un acte législatif (arrêt du 21 juin 2018, Pologne/Parlement et Conseil, C‑5/16, EU:C:2018:483, point 84).
65 Partant, contraindre la Commission, le Parlement et le Conseil à attendre l’issue de la procédure de restriction prévue aux articles 68 à 73 du règlement REACH pour adopter, respectivement, la proposition de directive et l’amendement introduisant dans cette proposition l’interdiction de mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxodégradable, reviendrait à limiter le pouvoir d’initiative législative de la première et le pouvoir législatif des seconds.
66 Troisièmement, la légalité de la directive 2019/904 ne saurait être examinée au regard du règlement REACH.
67 En effet, selon la jurisprudence, la légalité interne d’un acte de l’Union ne saurait être examinée au regard d’un autre acte de l’Union de même rang normatif, excepté s’il a été adopté en application de ce dernier acte ou s’il est expressément prévu, dans l’un de ces deux actes, que l’un prime l’autre (arrêt du 22 février 2022, Stichting Rookpreventie Jeugd e.a., C‑160/20, EU:C:2022:101, point 38).
68 Or, il ressort de l’article 289, paragraphes 1 et 3, TFUE que constituent des actes législatifs les actes juridiques adoptés selon la procédure législative ordinaire. Tel est le cas, comme indiqué au point 56 ci-dessus, de la directive 2019/904. Quant au règlement REACH, il a pour base juridique l’article 95 CE, lequel prévoyait l’application de la procédure de codécision décrite à l’article 251 CE. Or, la procédure législative ordinaire définie à l’article 294 TFUE reprend, en substance, la
procédure de codécision (ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, EU:T:2011:419, point 61), de sorte que le règlement REACH doit, lui aussi, être considéré comme un acte législatif. Partant, la directive 2019/904 et le règlement REACH doivent être considérés comme étant de même rang normatif (voir, par analogie, arrêt du 22 février 2022, Stichting Rookpreventie Jeugd e.a., C‑160/20, EU:C:2022:101, point 38).
69 De plus, la directive 2019/904 n’a pas été adoptée en application du règlement REACH.
70 En outre, dans la mesure où, comme indiqué au point 61 ci-dessus, l’article 2, paragraphe 4, du règlement REACH indique qu’il s’applique sans préjudice des dispositions de droit de l’Union relatives à l’environnement, il est clair que ledit règlement ne prévoit pas qu’il prime lesdites dispositions, telles que la directive 2019/904. Par ailleurs, ladite directive ne prévoit pas davantage que le règlement REACH prime ses dispositions.
71 Il découle des points 59 à 70 ci-dessus que les trois institutions concernées n’ont pas violé les articles 68 à 73 du règlement REACH.
72 En l’absence d’une violation de ces dispositions, il n’y a pas lieu d’examiner si celle-ci est suffisamment caractérisée, comme l’exige la jurisprudence relative à la première condition d’engagement de la responsabilité de l’Union, citée au point 42 ci-dessus.
73 En tout état de cause, les articles 68 à 73 du règlement REACH ne sauraient être considérés comme des règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.
74 À cet égard, les requérantes s’appuient sur l’article 69, paragraphe 6, du règlement REACH, qui prévoit que l’ECHA invite toutes les parties intéressées à lui communiquer, dans les six mois de la publication du dossier, leurs observations sur celui-ci et sur les restrictions proposées, ainsi qu’une analyse socio-économique, ou toute information pouvant contribuer à une telle analyse. De l’avis des requérantes, cette disposition confère un droit aux particuliers, celui de faire prendre en
considération leurs points de vue avant qu’une restriction ne soit adoptée.
75 En outre, selon l’article 71, paragraphe 1, du règlement REACH, l’ECHA invite les parties intéressées à présenter leurs observations sur le projet d’avis du comité d’analyse socio-économique.
76 Or, il est vrai que le droit d’être entendu constitue une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission, C‑650/19 P, EU:C:2021:879, point 140).
77 Toutefois, aucune disposition figurant aux articles 68 à 73 du règlement REACH ne garantit stricto sensu un droit d’être entendu aux parties intéressées. En particulier, le fait que l’article 69, paragraphe 6, sous a), et l’article 71, paragraphe 1, dudit règlement prévoient une consultation publique ne remet pas en cause le fait que ni l’ECHA ni la Commission ne sont tenues d’entendre un particulier qui serait concerné par la modification de l’annexe XVII du règlement REACH en sus de ladite
consultation publique (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 septembre 2015, VECCO e.a./Commission, T‑360/13, EU:T:2015:695, points 81 et 82).
78 Partant, il convient de rejeter le premier moyen d’illégalité.
2. Sur le deuxième moyen d’illégalité, tiré d’une violation suffisamment caractérisée des points 12 et 14 à 16 de l’accord interinstitutionnel
79 Par leur deuxième moyen d’illégalité, les requérantes soutiennent que, en s’abstenant d’effectuer une analyse d’impact concernant l’interdiction de mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxodégradable, prévue à l’article 5 de la directive 2019/904, les trois institutions concernées ont violé les points 12 et 14 à 16 de l’accord interinstitutionnel. En effet, l’analyse d’impact accompagnant la proposition de directive ne porterait que sur les engins de pêche et sur les
produits en plastique à usage unique énumérés dans la partie B de l’annexe à ladite proposition, parmi lesquels ne figurent pas les plastiques oxodégradables. Le Parlement et le Conseil auraient violé le point 15 de l’accord interinstitutionnel et la Commission, son point 16, en s’abstenant, respectivement, d’effectuer une analyse d’impact de l’amendement apporté par le Parlement à la proposition de directive et de compléter l’analyse d’impact initiale.
80 Les requérantes reconnaissent que le Parlement et le Conseil ne sont pas liés par l’analyse d’impact effectuée par la Commission et que les trois institutions concernées disposent d’une certaine marge d’appréciation afin de déterminer si, en cas d’amendement à la proposition de directive présentée par la Commission, une analyse d’impact complémentaire est nécessaire. Elles soulignent, toutefois, que la non-réalisation d’une analyse d’impact est l’exception et sa réalisation, le principe. En
l’espèce, les trois institutions concernées auraient dû effectuer une analyse d’impact portant sur les plastiques oxodégradables, dès lors qu’elles ne disposaient pas de suffisamment d’éléments de preuve scientifiques. Partant, lesdites institutions auraient commis une violation suffisamment caractérisée de l’accord interinstitutionnel, lequel conférerait des droits aux particuliers.
81 Le Parlement, le Conseil et la Commission contestent l’argumentation des requérantes.
82 L’argumentation des requérantes ne saurait être suivie. D’une part, aucune violation de l’accord interinstitutionnel n’a été commise et, d’autre part, les dispositions de celui-ci ne sauraient être considérées comme ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.
83 À cet égard, en premier lieu, le Tribunal constate que la Commission a effectué une analyse d’impact de sa proposition de directive. Toutefois, ladite analyse d’impact ne porte pas sur le plastique oxodégradable.
84 Or, il n’est pas contesté que l’adoption de l’amendement du Parlement ne s’est pas accompagnée d’une analyse d’impact portant sur ce type de plastique.
85 Il convient donc d’examiner si les points 12 et 14 à 16 de l’accord interinstitutionnel imposaient aux trois institutions concernées, ou à l’une ou l’autre d’entre elles, d’effectuer une analyse d’impact portant spécifiquement sur l’amendement du Parlement.
86 Il ressort clairement du libellé de ces points que tel n’était pas le cas.
87 En effet, le point 12 de l’accord interinstitutionnel indique, notamment, que les analyses d’impact constituent un outil visant à aider le Parlement, le Conseil et la Commission à statuer en connaissance de cause et qu’elles ne remplacent pas les décisions politiques prises dans le cadre du processus décisionnel démocratique.
88 Selon le point 13 dudit accord, la Commission procèdera à une analyse d’impact, notamment, des initiatives législatives susceptibles d’avoir une incidence économique, environnementale ou sociale importante.
89 Le point 14 du même accord indique que le Parlement et le Conseil tiendront pleinement compte des analyses d’impact de la Commission.
90 Cependant, selon la jurisprudence, une analyse d’impact ne lie pas le Parlement ni le Conseil, de sorte que le législateur de l’Union reste libre d’adopter des mesures autres que celles qui ont fait l’objet de cette analyse d’impact (arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 65).
91 En outre, aux termes du point 15 de l’accord interinstitutionnel, lorsqu’ils le jugeront approprié et nécessaire aux fins du processus législatif, le Parlement et le Conseil effectueront des analyses d’impact des modifications substantielles qu’ils apportent à la proposition de la Commission. Selon le même point 15, il appartient à chaque institution de déterminer ce qui constitue une modification « substantielle ».
92 Or, selon la jurisprudence, le point 15 de l’accord interinstitutionnel ne contient aucune obligation ferme à charge du Parlement et du Conseil. Ce point prévoit uniquement la faculté de procéder à l’actualisation de l’analyse d’impact si le Parlement et le Conseil « le juge[nt] approprié et nécessaire aux fins du processus législatif » (arrêt du 13 mars 2019, Pologne/Parlement et Conseil, C‑128/17, EU:C:2019:194, point 43).
93 En l’espèce, tant le Parlement que le Conseil font valoir qu’ils disposaient de suffisamment d’informations scientifiques et qu’une telle actualisation n’était donc pas nécessaire. Partant, il ne saurait leur être reproché de ne pas avoir effectué une analyse d’impact de l’amendement du Parlement.
94 Quant à la prétendue inaction fautive de la Commission, il convient de relever que le point 16 de l’accord interinstitutionnel indique que celle-ci « peut », de sa propre initiative ou à l’invitation du Parlement ou du Conseil, compléter sa propre analyse d’impact ou entreprendre un autre travail d’analyse qu’elle estime nécessaire. Il ressort clairement du libellé dudit point 16 que celui-ci ne contient aucune obligation pour la Commission de procéder à une actualisation de l’analyse d’impact.
Par conséquent, il ne saurait lui être reproché de ne pas y avoir procédé pour tenir compte de l’amendement du Parlement.
95 Il découle de ce qui précède que les trois institutions concernées n’ont pas violé les points 12 et 14 à 16 de l’accord interinstitutionnel.
96 En l’absence d’une telle violation, il n’y a pas lieu d’examiner si celle-ci est suffisamment caractérisée, comme l’exige la jurisprudence relative à la première condition d’engagement de la responsabilité de l’Union, citée au point 42 ci-dessus.
97 En second lieu et en tout état de cause, les points 12 et 14 à 16 de l’accord interinstitutionnel ne sauraient être considérés comme ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, dès lors que, comme le précise ledit point 12, les analyses d’impact constituent un outil visant à aider les trois institutions concernées à statuer en connaissance de cause.
98 Il convient donc de rejeter le deuxième moyen d’illégalité.
3. Sur le troisième moyen d’illégalité, tiré d’une violation suffisamment caractérisée du principe général de proportionnalité, consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE, et de l’article 191 TFUE, ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation
99 Par leur troisième moyen d’illégalité, les requérantes font valoir que, dans la mesure où elle s’applique au plastique oxobiodégradable, l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 est contraire au principe général de proportionnalité, consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE, et à l’article 191 TFUE et qu’elle repose sur des erreurs manifestes d’appréciation. Dès lors, en adoptant ladite interdiction, les trois institutions concernées auraient commis une violation suffisamment
caractérisée de règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.
100 Ce moyen se décompose en trois branches.
101 Par la première branche, les requérantes font valoir que les trois institutions concernées ne disposaient pas d’une évaluation scientifique exhaustive des risques posés par le plastique oxodégradable et que, dès lors, l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 est par elle-même contraire au principe général de proportionnalité, consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE, et à l’article 191 TFUE et qu’elle est fondée sur des erreurs manifestes d’appréciation.
102 Lesdites institutions ne pouvaient, selon les requérantes, adopter une mesure aussi intrusive sans bénéficier des éléments de preuve qui auraient été rassemblés au cours de la procédure de restriction prévue aux articles 68 à 73 du règlement REACH. Les trois institutions concernées auraient également dû disposer d’une analyse d’impact concernant spécifiquement le plastique oxodégradable ainsi que de toute autre évaluation scientifique des avantages et inconvénients de ce type de plastique. En
interdisant la mise sur le marché de celui-ci sans disposer de tels éléments, lesdites institutions auraient suivi une approche purement hypothétique des risques qu’il posait.
103 Les requérantes soulignent que la circonstance que les trois institutions concernées disposent, en matière environnementale, d’un large pouvoir d’appréciation ne les exempte pas de l’obligation de prendre en compte tous les éléments pertinents. Or, les études scientifiques sur lesquelles lesdites institutions prétendent, dans leurs mémoires en défense, s’être appuyées pour adopter l’interdiction de mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxodégradable ne distingueraient pas
entre plastique oxodégradable et plastique oxobiodégradable et ne recommanderaient pas une interdiction totale du second type de plastique. En outre, ces institutions n’auraient, en particulier, pas tenu compte des incidences économiques et sociales de ladite interdiction. Enfin, il existerait suffisamment d’éléments de preuve pour remettre en cause la proportionnalité de cette interdiction.
104 Par la deuxième branche de ce moyen, les requérantes soutiennent que les trois institutions concernées n’ont pas, ou pas suffisamment, établi l’existence d’un lien rationnel entre l’interdiction de mise sur le marché des produits à base de plastique oxodégradable et l’objectif de la directive 2019/904, à savoir la protection de l’environnement et de la santé humaine. Partant, ladite interdiction serait contraire au principe général de proportionnalité, consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE.
105 De l’avis des requérantes, aucune des quatre affirmations figurant au considérant 15 de cette directive n’est étayée.
106 Premièrement, l’affirmation selon laquelle le plastique oxodégradable ne se biodégrade pas convenablement ne reposerait sur aucun élément de preuve, puisque de tels éléments auraient dû être apportés dans le cadre de la procédure de restriction au titre des articles 68 à 73 du règlement REACH. Les études scientifiques sur lesquelles les trois institutions concernées prétendent s’être appuyées n’auraient pas conclu que le plastique oxodégradable ne se biodégrade pas convenablement, mais
simplement qu’il n’existe pas de preuve concluante de sa biodégradabilité. En outre, ladite affirmation serait contredite par d’autres études scientifiques, ainsi que par des essais réalisés en laboratoire, qui établiraient que le plastique oxobiodégradable se biodégrade convenablement.
107 Deuxièmement, selon les requérantes, l’affirmation selon laquelle le plastique oxodégradable n’est pas compostable est inexacte. En outre, les trois institutions concernées n’auraient pas indiqué en quoi la circonstance que le plastique oxobiodégradable n’est pas compostable constitue un risque pour l’environnement ou la santé humaine, ni pourquoi cette circonstance justifie l’interdiction du plastique oxobiodégradable alors que le plastique conventionnel, qui, lui non plus, n’est pas
compostable, n’est pas interdit.
108 Troisièmement, s’agissant de l’affirmation selon laquelle le plastique oxodégradable a une incidence négative sur le recyclage des plastiques conventionnels, les études scientifiques sur lesquelles les trois institutions concernées disent s’être appuyées ne nieraient pas qu’il serait possible de recycler le plastique oxodégradable et indiqueraient que l’utilisation de composés stabilisants pourrait permettre d’éviter que ce type de plastique ait une incidence négative sur le recyclage des
plastiques conventionnels. D’autres études établissent, selon les requérantes, que le plastique oxobiodégradable peut être recyclé de la même manière que le plastique conventionnel.
109 Quatrièmement, l’affirmation selon laquelle le plastique oxodégradable ne présente pas d’avantage environnemental avéré ne reposerait sur aucune étude scientifique.
110 Par la troisième branche de ce moyen, les requérantes font valoir, en substance, qu’une interdiction totale de mise sur le marché dépasse les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif de cette directive et qu’il existe d’autres mesures moins contraignantes. Partant, ladite interdiction violerait le principe général de proportionnalité, consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE.
111 Au soutien de cette troisième branche, les requérantes font valoir qu’il aurait été possible d’exclure ce type de plastique de l’interdiction en question, d’imposer la réalisation d’essais conformément à une norme reconnue afin d’évaluer la biodégradabilité de celui-ci, d’exiger qu’il contienne un marqueur permettant un tri automatique préalable au recyclage, de prévoir, à son égard, l’une des mesures non prohibitives figurant aux articles 4, 7, 8 et/ou 10 de la directive 2019/904, ou d’imposer
un étiquetage qui prévienne tout risque de confusion par les consommateurs. Les requérantes font également valoir que, au lieu d’interdire purement et simplement la mise sur le marché, les trois institutions concernées auraient dû prévoir une période de transition.
112 Le Parlement, le Conseil et la Commission contestent l’argumentation des requérantes.
113 Le Tribunal constate que, si la violation de l’article 191 TFUE est alléguée dans le cadre de la seule première branche du troisième moyen d’illégalité, en revanche, la violation du principe général de proportionnalité, consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE, est alléguée dans le cadre des trois branches de ce moyen. Dès lors, il convient de regrouper ces trois branches et d’examiner, premièrement, la violation de l’article 191 TFUE et, deuxièmement, la violation de l’article 5, paragraphe 4,
TUE.
a) Sur la première branche, en tant qu’elle est tirée d’une violation suffisamment caractérisée de l’article 191 TFUE
114 À titre liminaire, il convient de rappeler que, comme indiqué au point 43 ci-dessus, le législateur de l’Union dispose, dans l’exercice des compétences en matière environnementale qu’il tient des articles 191 et 192 TFUE, d’un large pouvoir d’appréciation.
115 Dès lors, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si le législateur de l’Union n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (arrêt du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, point 28).
116 En outre, selon l’article 191, paragraphe 2, TFUE, la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement est fondée, notamment, sur le principe de précaution. Selon l’article 191, paragraphe 3, TFUE, dans l’élaboration de ladite politique, l’Union tient compte, entre autres, des données scientifiques et techniques disponibles.
117 Or, le principe de précaution implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour l’environnement ou la santé humaine, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. Lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué, en raison de la nature non concluante des études menées, mais que la probabilité d’un
dommage réel pour l’environnement ou la santé humaine persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives (arrêt du 6 mai 2021, Bayer CropScience et Bayer/Commission, C‑499/18 P, EU:C:2021:367, point 80). À cet égard, il est défendu aux institutions d’adopter une approche purement hypothétique du risque et d’orienter leurs décisions à un niveau de « risque zéro » (voir, par analogie, arrêts du 9 septembre 2003, Monsanto
Agricoltura Italia e.a., C‑236/01, EU:C:2003:431, point 106 ; du 12 décembre 2014, Xeda International/Commission, T‑269/11, non publié, EU:T:2014:1069, points 55 et 56, et du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 69).
118 Par conséquent, sauf à adopter des mesures arbitraires qui ne sauraient en aucun cas être légitimées par le principe de précaution, l’autorité publique compétente doit veiller à ce que les mesures qu’elle prend, même s’il s’agit de mesures préventives, soient fondées sur une évaluation scientifique des risques aussi exhaustive que possible compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, point 60 ;
voir également, par analogie, arrêt du 12 décembre 2014, Xeda International/Commission, T‑269/11, non publié, EU:T:2014:1069, point 57).
119 Cette évaluation scientifique doit se fonder sur les meilleures données scientifiques disponibles et être menée de manière indépendante, objective et transparente (voir, par analogie, arrêt du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 70). Elle doit donner à l’autorité publique compétente une information suffisamment fiable et solide pour lui permettre de saisir toute la portée de la question scientifique posée et pour déterminer sa politique en connaissance de cause (voir,
par analogie, arrêts du 14 novembre 2013, ICdA e.a./Commission, T‑456/11, EU:T:2013:594, point 52, et du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 71).
120 Par conséquent, l’adoption de l’interdiction de mise sur le marché, prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 présupposait que, sur la base d’une évaluation scientifique aussi exhaustive que possible des risques posés par les produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant, les trois institutions concernées pouvaient, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer qu’existait un risque pour l’environnement ou la santé humaine. Il convient également de
rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus, la responsabilité extracontractuelle de l’Union n’est engagée que lorsque la violation de la règle de droit en cause est suffisamment caractérisée.
121 À cet égard, le Tribunal estime que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ni la circonstance qu’aucune analyse d’impact n’a été réalisée concernant les produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant, ni le fait que la Commission a mis un terme à la procédure de restriction prévue aux articles 68 à 73 du règlement REACH et que, par conséquent, les trois institutions concernées ne disposaient ni d’un dossier élaboré par l’ECHA, ni d’une proposition de
restriction, ni des avis du comité d’évaluation des risques et du comité d’analyse socio-économique prévus par le règlement REACH, n’établissent que l’interdiction desdits produits, prévue à l’article 5 de la directive 2019/904, a été adoptée sans qu’ait été menée une évaluation scientifique aussi exhaustive que possible des risques qu’ils posent. En effet, il ressort des points 78 et 98 ci-dessus que lesdites institutions n’étaient tenues ni de réaliser une telle analyse d’impact ni de suivre
la procédure prévue aux articles 68 à 73 du règlement REACH pour adopter ladite interdiction. Afin de satisfaire aux exigences de la jurisprudence citée au point 118 et 119 ci-dessus, il suffit que les trois institutions concernées aient disposé, au cours de la procédure législative, d’une information suffisamment fiable et solide pour leur permettre de saisir toute la portée de la question scientifique posée et de déterminer leur politique en connaissance de cause, quelles que soient l’origine
et la forme d’une telle information.
122 Or, le considérant 15 de la directive 2019/904 justifie l’extension de l’interdiction prévue à son article 5 aux produits à base de plastique oxodégradable par le fait que, premièrement, ce type de plastique ne se biodégrade pas convenablement et contribue donc à la pollution de l’environnement par les microplastiques, deuxièmement, il n’est pas compostable, troisièmement, il a une incidence négative sur le recyclage des plastiques conventionnels et, quatrièmement, il ne présente pas d’avantage
environnemental avéré.
123 Partant, il y a lieu d’examiner si, bien qu’aucune analyse d’impact n’ait été réalisée et que la procédure de restriction prévue aux articles 68 à 73 du règlement REACH n’ait pas été menée à son terme, chacune de ces quatre affirmations repose néanmoins sur une évaluation scientifique aussi exhaustive que possible des risques que présentent les produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant et si, sur la base d’une telle évaluation, les trois institutions concernées
pouvaient, sans commettre d’erreurs manifestes d’appréciation, conclure à l’existence de risques pour l’environnement et la santé humaine.
1) Sur l’affirmation selon laquelle le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se biodégrade pas convenablement
124 S’agissant de l’affirmation selon laquelle le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se biodégrade pas convenablement, il convient de préciser, à titre liminaire, que, selon une définition, non contestée par les parties, figurant dans un rapport de la Commission au Parlement et au Conseil concernant les incidences sur l’environnement de l’utilisation des plastiques oxodégradables, et notamment des sacs en plastique oxodégradable [COM(2018) 35 final], du 16 janvier 2018 (ci-après le
« rapport du 16 janvier 2018 »), la biodégradation est le processus par lequel une matière est décomposée par des micro-organismes et désagrégée en éléments naturels, c’est-à-dire en dioxyde de carbone, en biomasse et en eau. Elle peut se produire dans un milieu riche en oxygène (biodégradation aérobie) ou dans un milieu pauvre en oxygène (biodégradation anaérobie).
125 Dans leurs mémoires en défense, les trois institutions concernées disent s’être appuyées sur les éléments de preuve suivants pour conclure que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se biodégradait pas convenablement : l’étude Eunomia, mentionnée au point 22 ci-dessus , le rapport du 16 janvier 2018, mentionné au point 124 ci-dessus ; un rapport de la Fondation Ellen MacArthur intitulé « Oxo Statement » (« Déclaration oxo »), du 6 novembre 2017 (ci-après la « déclaration oxo ») ; une
étude réalisée par S. Deconinck et B. De Wilde pour PlasticsEurope AISBL, une association européenne de producteurs de plastique, intitulée « Benefits and challenges of bio- and oxo-degradable plastics » (« Avantages et difficultés présentés par les plastiques biodégradables et les plastiques oxodégradables »), du 9 août 2013 (ci-après l’« étude De Wilde »), et une étude réalisée par l’université de Loughborough (Royaume-Uni) pour le département de l’environnement, de l’alimentation et des
affaires rurales du gouvernement du Royaume-Uni, intitulée « Assessing the Environmental Impacts of Oxo-degradable Plastics Across Their Life Cycle » (« Évaluation des incidences environnementales des plastiques oxodégradables tout au long de leur cycle de vie »), de janvier 2010 (ci-après l’« étude de l’université de Loughborough »).
126 Premièrement, l’étude Eunomia précise qu’elle n’emploiera pas le terme de plastique « oxobiodégradable », celui-ci étant employé par les industriels du plastique pour commercialiser leurs produits comme biodégradables, mais l’expression de plastique « contenant un additif pro-oxydant », celle-ci se contentant de décrire une particularité physique du plastique en cause sans indiquer s’il est biodégradable.
127 Il ressort de l’étude Eunomia que la biodégradation du plastique contenant un additif pro-oxydant n’est pas possible en l’absence d’une phase préalable au cours de laquelle celui-ci est exposé au rayonnement ultraviolet et à la chaleur. Cette phase préalable a pour objet de réduire, par oxydation, la masse moléculaire du plastique afin qu’il se fragmente en débris. Ladite étude indique que, sans cette phase préalable, la biodégradation ne se produit pas, ou se produit dans un délai beaucoup plus
long, parce que le plastique n’a pas atteint un degré de fragmentation suffisant pour être assimilable par des micro-organismes. La lumière et la chaleur variant en fonction des conditions locales, il est très difficile d’estimer le délai et le degré de fragmentation nécessaires pour que la biodégradation puisse se produire. Toutefois, l’additif pro-oxydant accélère la fragmentation du plastique lors de cette phase préalable, de sorte que le plastique contenant un tel additif se fragmente plus
rapidement que le plastique conventionnel lorsqu’il est exposé au rayonnement ultraviolet et à la chaleur.
128 S’agissant de la phase suivante, à savoir la biodégradation proprement dite (assimilation par des micro-organismes), il ressort de l’étude Eunomia que la biodégradation, à l’air libre, du plastique contenant un additif pro-oxydant n’est que partiellement démontrée. S’il semble que, à l’air libre, ledit plastique puisse se dégrader, il n’est pas certain qu’il se dégrade intégralement et dans un délai raisonnable. En effet, ce n’est que dans le cadre d’expériences menées en laboratoire qu’une
biodégradation satisfaisante (quasiment intégrale, dans un délai de deux ans, le plus court observé) a été obtenue. Une telle biodégradation n’a jamais été observée en situation réelle. En outre, s’il est possible de considérer la biodégradation, à l’air libre, du plastique contenant un additif pro-oxydant comme beaucoup plus rapide que celle du plastique conventionnel, l’incidence négative sur l’environnement pourrait être d’autant plus grande pendant cette phase de biodégradation.
129 Concernant la biodégradation du plastique contentant un additif pro-oxydant lorsque celui-ci est mis en décharge, l’étude Eunomia conclut que l’hypothèse selon laquelle la biodégradation n’a pas lieu est étayée. Selon cette étude, s’il peut y avoir biodégradation dans les couches externes de la décharge, où ledit plastique est exposé à l’oxygène (biodégradation aérobie), en revanche, la biodégradation est faible, voire inexistante, dans les couches profondes de la décharge, où il y a peu
d’oxygène. Toutefois, dans ces couches profondes, la biodégradation anaérobie est possible. Or, la biodégradation anaérobie produit du méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus nocif que le dioxyde de carbone produit par la biodégradation aérobie. Partant, le plastique contenant un additif pro-oxydant est légèrement plus problématique que le plastique conventionnel, parce que, contrairement à ce dernier, il peut générer des émissions de gaz à effet de serre.
130 Enfin, selon l’étude Eunomia, les données scientifiques disponibles sont insuffisantes pour déterminer s’il y a ou non biodégradation du plastique contenant un additif pro-oxydant en milieu marin. Ladite étude mentionne, toutefois, que les résultats de certaines expérimentations suggèrent que, dans un tel milieu, ce type de plastique se fragmente plus rapidement que le plastique conventionnel, mais que sa biodégradation suit un rythme beaucoup plus lent que sur terre, à l’air libre, ce qui
signifie que des débris pourraient rester dans l’environnement indéfiniment ou pendant une période suffisamment longue pour porter sérieusement atteinte à l’environnement.
131 Deuxièmement, selon le rapport du 16 janvier 2018, qui reprend les conclusions de l’étude Eunomia, une exposition préalable du plastique contenant un additif pro-oxydant à la chaleur et/ou au rayonnement ultraviolet est une condition nécessaire pour que, lors de la phase suivante, il y ait biodégradation. Il ressort également de ce rapport, en premier lieu, que rien ne permet de conclure avec certitude que la biodégradation à l’air libre de ce type de plastique se produit effectivement en
situation réelle. En deuxième lieu, toujours selon ce rapport, la biodégradation du plastique contenant un additif pro-oxydant en décharge est possible dans les couches externes de la décharge, mais est faible, voire inexistante, dans les couches profondes, où ce type de plastique serait plus problématique que le plastique conventionnel du point de vue des gaz à effet de serre. En troisième lieu, le même rapport indique que les données disponibles ne permettent pas d’affirmer avec certitude
qu’il y a biodégradation en milieu marin dans un laps de temps raisonnable et que, en tout état de cause, celle-ci serait probablement beaucoup plus lente que sur terre, à l’air libre, et causerait des dommages environnementaux considérables.
132 Or, tant l’étude Eunomia que le rapport du 16 janvier 2018 étaient à la disposition des trois institutions concernées lors de l’élaboration et de l’adoption de la directive 2019/904. En effet, c’est le 16 janvier 2018, soit avant l’adoption, le 5 juin 2019, de cette directive, que ledit rapport a été présenté par la Commission au Parlement et au Conseil, en application de l’article 20 bis, paragraphe 2, de la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative
aux emballages et aux déchets d’emballages (JO 1994, L 365, p. 10), telle que modifiée par la directive (UE) 2015/720 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2015 (JO 2015, L 115, p. 11). Quant à l’étude Eunomia, elle est à la base du rapport du 16 janvier 2018, qui renvoie à celle-ci à de nombreuses reprises. Il en découle que ladite étude était, elle aussi, à la disposition des trois institutions concernées avant le 5 juin 2019.
133 Troisièmement, la déclaration oxo confirme qu’il n’est pas établi que le plastique contenant un additif pro-oxydant se biodégrade convenablement dans un délai raisonnable. Cette déclaration, signée par de nombreuses entreprises et organisations professionnelles, organisations non gouvernementales, institutions, organismes de recherche, scientifiques et membres du Parlement européen, figure sur le site Internet de la Fondation Ellen MacArthur, dont l’objet est de promouvoir l’économie circulaire.
Il en ressort que c’est à tort que le plastique contenant un additif pro-oxydant est commercialisé comme la solution à la pollution par les plastiques et qu’il est présenté comme biodégradable dans un délai raisonnable. En effet, après la fragmentation dudit plastique en petits débris, la biodégradation est fonction des conditions environnementales, qui sont variables, et elle dure souvent plus longtemps, voire beaucoup plus longtemps, que quelques mois ou même plusieurs années. Pendant ce laps
de temps, des fragments persistent dans l’environnement, ce qui peut avoir un impact négatif sur celui-ci et sur la santé humaine.
134 Il n’importe pas que la version initiale de la déclaration oxo, publiée le 6 novembre 2017 et résumée au point précédent, ait été retirée en juin 2018 du site Internet de la Fondation Ellen MacArthur afin de permettre à cette fondation d’examiner la plainte d’un tiers, ni que ladite déclaration ait été modifiée avant d’être remise en ligne en mai 2019. En effet, les modifications apportées en 2019 clarifient le contenu de cette déclaration, mais n’en changent pas le sens.
135 Or, d’une part, la déclaration oxo a été publiée sur le site Internet de la Fondation Ellen MacArthur, c’est-à-dire qu’elle est dans le domaine public. D’autre part, une telle publication, qu’il s’agisse de la version initiale ou de la version modifiée de ladite déclaration, est antérieure à l’adoption, le 5 juin 2019, de la directive 2019/904.
136 En outre, le rapport du 16 janvier 2018, dont il a été établi au point 132 ci-dessus qu’il était accessible aux trois institutions concernées, fait référence à la déclaration oxo.
137 Partant, la déclaration oxo doit être considérée comme ayant été dans le domaine public et donc accessible aux trois institutions concernées lors de l’élaboration et de l’adoption de la directive 2019/904 (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, point 39).
138 Quatrièmement, l’étude De Wilde confirme, elle aussi, les conclusions de l’étude Eunomia et du rapport du 16 janvier 2018 concernant la biodégradation du plastique contenant un additif pro-oxydant.
139 En effet, comme le relève la Commission, il ressort de l’étude De Wilde que, bien que deux articles, l’un de Jakubowicz, I., Yarahmadi, N., et Arthurson, V., intitulé « Kinetics of abiotic and biotic degradability of low‑density polyethylene containing prodegradant additives and its effect on the growth of microbial communities » (« Cinétique de la dégradabilité abiotique et biotique du polyéthylène basse densité contenant des additifs pro-dégradants et son effet sur la croissance des
communautés microbiennes »), publié en mai 2011 (ci-après l’« étude de Jakubowicz de 2011 »), et l’autre de Chiellini, E., Corti, A., et Swift, G., intitulé « Biodegradation of Thermally-oxidised, Fragmented Low-density Polyethylenes » (« Biodégradation des polyéthylènes basse densité, fragmentés et oxydés thermiquement »), de 2003 (ci-après l’« étude de Chiellini et Corti »), aient fait état d’un important pourcentage de biodégradation de ce type de plastique, tous les autres articles
disponibles font état d’un niveau de biodégradation inexistant ou (très) faible. Ladite étude conclut que la question de savoir quel niveau de biodégradation peut atteindre le plastique contenant un additif pro-oxydant est débattue.
140 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le simple fait que l’étude De Wilde date d’août 2013 ne suffit pas à établir que cette étude est obsolète. En effet, les requérantes se contentent, à cet égard, d’une affirmation générale, non étayée et sans référence à des passages précis de ladite étude.
141 En outre, la conclusion de l’étude De Wilde quant au niveau faible, voire inexistant, de biodégradation atteint par le plastique contenant un additif pro-oxydant ne saurait être invalidée par la circonstance que les essais sur lesquelles elle repose ont été réalisés en laboratoire et non en milieu réel. En effet, cette circonstance a été prise en compte par ladite étude. En outre, il ressort, notamment, des points 127 et 133 ci-dessus que les conditions environnementales sont variables, donc
difficiles à reproduire en laboratoire.
142 Enfin, d’une part, l’étude De Wilde a été publiée sur Internet, comme l’atteste l’hyperlien figurant en note de bas de page du mémoire en défense de la Commission, c’est-à-dire qu’elle est dans le domaine public. D’autre part, l’étude Eunomia, dont il a été établi au point 132 ci-dessus qu’elle était accessible aux trois institutions concernées avant l’adoption de la directive 2019/904, fait référence à l’étude De Wilde. Il en découle que, conformément à la jurisprudence citée au point 137
ci-dessus, l’étude De Wilde était également accessible à ces institutions lors de l’élaboration et de l’adoption de ladite directive.
143 Cinquièmement, l’étude de l’université de Loughborough vient, elle aussi, au soutien des conclusions de l’étude Eunomia et du rapport du 16 janvier 2018 concernant la biodégradation du plastique contenant un additif pro-oxydant.
144 En effet, comme le relève le Parlement, il ressort de ladite étude que la fragmentation en débris de ce type de plastique est fonction des conditions environnementales et qu’il est donc impossible d’évaluer le temps nécessaire à celle-ci, mais qu’elle semble néanmoins durer, à l’air libre et dans les conditions du Royaume-Uni, de deux à cinq ans. Selon la même étude, la biodégradation du plastique contenant un additif pro-oxydant, qui ne peut avoir lieu qu’après ladite fragmentation, s’effectue
très lentement, de sorte que le terme « biodégradable » est quasiment dépourvu de sens, à moins qu’il ne s’accompagne de la mention du taux de biodégradation et des conditions dans lesquelles celle-ci s’effectue, ceci de préférence par rapport à une norme largement reconnue. L’étude de l’université de Loughborough recommande la réalisation d’études supplémentaires pour déterminer s’il y a biodégradation intégrale et, si tel est le cas, dans quel délai.
145 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne saurait être déduit du simple fait que l’étude de l’université de Loughborough date de janvier 2010 qu’elle est obsolète. En effet, les requérantes se contentent, à cet égard, d’une affirmation générale, sans préciser quels aspects de cette étude seraient obsolètes ni apporter d’éléments au soutien de leur affirmation. Au demeurant, la circonstance que l’étude de l’université de Loughborough soit mentionnée à de nombreuses reprises dans
l’étude Eunomia, qui date d’avril 2017, tend au contraire à suggérer qu’elle est toujours d’actualité.
146 En outre, la conclusion de l’étude de l’université de Loughborough quant à l’incertitude entourant la biodégradation du plastique contenant un additif pro-oxydant ne saurait être remise en cause par le document intitulé « OPA Response to Loughborough Report » (« Réponse de l’OPA à l’étude de l’université de Loughborough »), produit par les requérantes en annexe à leurs mémoires en réplique au Parlement et au Conseil. Selon ce document, ladite étude aurait confondu l’oxo-biodégradation avec
l’hydro-biodégradation.
147 En effet, il y a lieu de rappeler que le principe qui prévaut dans le droit de l’Union est celui de la libre appréciation des preuves, lequel régit les procédures de recours, et que le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et de tenir compte, notamment, de l’origine de ce document, des circonstances de son
élaboration ainsi que de son destinataire et de se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (arrêt du 16 mai 2019, GMPO/Commission, T‑733/17, EU:T:2019:334, point 60).
148 Or, comme le fait valoir, sans être contredit, le Parlement, le document mentionné au point 146 ci-dessus a pour auteur l’Oxo-Biodegradable Plastics Association (OPA), dont les seuls cadres actifs seraient le directeur financier et le directeur de Symphony Environmental. En outre, ledit document ne s’accompagne d’aucun élément de preuve étayant les affirmations qui y figurent.
149 Dès lors, le document en question ne dispose que d’une faible valeur probante (voir, par analogie, arrêt du 14 mars 2017, Bank Tejarat/Conseil, T‑346/15, non publié, EU:T:2017:164, points 85 et 86).
150 Enfin, d’une part, l’étude de l’université de Loughborough est disponible sur le site Internet du département de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales du gouvernement du Royaume-Uni. D’autre part, ladite étude est citée à de nombreuses reprises par l’étude Eunomia, dont il a été établi au point 132 ci-dessus qu’elle était à la disposition des trois institutions concernées avant l’adoption de la directive 2019/904. Il en découle que, conformément à la jurisprudence citée au
point 137 ci-dessus, l’étude de l’université de Loughborough était, elle aussi, accessible à ces institutions.
151 Il résulte des points 124 à 150 ci-dessus que, lors de l’élaboration et de l’adoption de la directive 2019/904, les trois institutions concernées disposaient d’une évaluation scientifique exhaustive du risque que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se biodégrade pas convenablement, et qu’elles pouvaient, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer un tel risque comme établi.
152 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel l’étude Eunomia, le rapport du 16 janvier 2018 et la déclaration oxo ne tiennent pas compte de la distinction entre plastique oxodégradable et plastique oxobiodégradable. Comme indiqué au point 14 ci-dessus, la biodégradation beaucoup plus rapide du second plastique et, partant, l’existence d’une distinction entre plastique oxodégradable et plastique oxobiodégradable serait, selon les requérantes,
établie par différents éléments de preuve, dont elles reprochent aux trois institutions concernées de ne pas avoir tenu compte. Les éléments de preuve en question sont les suivants : premièrement, les points 23 et 24 du témoignage du président-directeur général des requérantes, du 16 décembre 2020 (ci-après le « témoignage du président-directeur général des requérantes ») ; deuxièmement, un avis sur la technologie relative aux plastiques oxobiodégradables, du 2 novembre 2018 (ci-après l’« avis
du 2 novembre 2018 ») ; troisièmement, l’étude réalisée par la Queen Mary University of London, intitulée « Microbial Degradation of Plastic in Aqueous Solutions Demonstrated by CO2 Evolution and Quantification » (« Dégradation microbienne du plastique dans des solutions aqueuses, démontrée par l’évolution et la quantification du CO2 »), publiée en 2020 (ci-après l’« étude de la Queen Mary University ») ; quatrièmement, le rapport du Laboratoire d’Océanographie Microbienne de Banyuls-sur-Mer
(France), du 4 septembre 2020 ; cinquièmement, la réponse de M. Ignacy Jakubowicz, du 21 août 2017, à un document de la Fondation Ellen MacArthur relatif aux additifs oxodégradables et photodégradables contenus dans les plastiques (ci-après la « réponse de M. Jakubowicz à la Fondation Ellen MacArthur») ; sixièmement, le témoignage du scientifique senior de Symphony Environmental, du 23 juin 2021 (ci-après le « témoignage du scientifique senior de Symphony Environmental »), et, septièmement,
l’étude réalisée par le Laboratoire d’Océanographie Microbienne de Banyuls-sur-Mer, intitulée « Degradation, Biodegradation and toxicity of Oxo-biodegradable Plastics in the oceans » (« Dégradation, biodégradation et toxicité des plastiques oxo-biodégradables dans les océans »), du 10 mars 2021 (ci-après l’« étude Oxomar »).
153 Premièrement, s’agissant des points 23 et 24 du témoignage du président-directeur général des requérantes, celui-ci y affirme, s’agissant de la biodégradation du plastique contenant un additif pro-oxydant, que les trois institutions concernées n’auraient pas démontré que ce type de plastique ne se biodégraderait pas convenablement ; qu’une interdiction totale de mise sur le marché ne serait donc pas justifiée ; que lesdites institutions n’auraient pas suffisamment apprécié les conséquences
économiques, sociales et environnementales de leur intervention, et qu’elles n’auraient pas établi que les produits à base de plastique contenant un additif pro-oxydant figurent au nombre des déchets retrouvés le plus fréquemment sur les plages. Le président-directeur général des requérantes souligne également que les trois institutions concernées n’ont tenu aucun compte de l’avis de l’ECHA, qui n’était pas convaincue que ledit plastique se fragmentait en microplastiques.
154 Cependant, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté. En particulier, les appréciations complexes portées par son auteur ne doivent être examinées qu’en fonction des seuls éléments dont celui-ci disposait au moment où il les a effectuées (voir, par analogie, arrêt du 11 septembre 2018, Apimab Laboratoires e.a./Commission, T‑14/16, non publié, EU:T:2018:524, points 124 et 137).
155 Partant, il ne saurait être reproché aux trois institutions concernées de ne pas avoir tenu compte du témoignage du président-directeur général des requérantes, celui-ci ayant été établi spécifiquement pour le présent recours et étant donc postérieur à l’adoption de la directive 2019/904.
156 Par ailleurs, le témoignage en question émane du président-directeur général des requérantes. Dès lors, conformément à la jurisprudence citée aux points 147 et 149 ci-dessus, son auteur ne saurait être qualifié d’indépendant de celles-ci et ce témoignage ne dispose ainsi que d’une faible valeur probante.
157 Certes, au soutien de ses affirmations, le président-directeur général des requérantes invoque trois documents annexés à son témoignage, à savoir, premièrement, une étude réalisée par Eunomia Research & Consulting, intitulée « Analysis of Branded Items found on UK Beaches » (« Analyse des objets de marque trouvés sur les plages du Royaume-Uni »), du 9 mai 2019, deuxièmement, un courriel adressé par un agent de l’ECHA aux requérantes, du 30 octobre 2018 et, troisièmement, le courrier du 30 avril
2019, mentionné aux points 35 et 55 ci-dessus.
158 S’agissant de l’étude mentionnée au point 157 ci-dessus, le président-directeur général des requérantes affirme que cette étude n’a identifié aucun produit à base de plastique contenant un additif pro-oxydant parmi les déchets retrouvés sur les plages du Royaume-Uni. Cependant, il convient de relever que cette étude a pour seul objet d’identifier les marques des divers objets retrouvés sur ces plages, afin de déterminer quelles entreprises ont mis ces objets sur le marché. Dès lors, cette étude
ne précise pas les types de plastique dont sont composés, le cas échéant, les objets retrouvés.
159 S’agissant du courriel mentionné au point 157 ci-dessus, il suffit de relever que cette agence y indique n’être « à ce stade, pas convaincue que des microplastiques se forment » à partir du plastique contenant un additif pro-oxydant – étant précisé que le terme « microplastiques » désigne généralement des fragments inférieurs à 5 mm, qui ont tendance à s’accumuler dans l’environnement plutôt que de se biodégrader dans un délai raisonnable. Dès lors, ce courriel ne saurait être considéré comme
une prise de position ferme de l’ECHA. Au contraire, dans la mesure où l’ECHA y indique avoir besoin d’un délai supplémentaire afin de déterminer si les informations reçues démontrent la formation de microplastiques et avoir l’intention de demander aux requérantes des informations supplémentaires, ledit courriel met en évidence les doutes de l’ECHA sur ce point.
160 S’agissant du courrier du 30 avril 2019, il convient de rappeler que la Commission y demande à l’ECHA de mettre un terme à la procédure de restriction engagée au titre des articles 68 à 73 du règlement REACH. Toutefois, ledit courrier ne saurait être considéré comme l’expression d’un manque d’intérêt de la Commission pour l’obtention de données scientifiques, dès lors que, comme il ressort du point 121 ci-dessus, elle peut recueillir des données scientifiques auprès d’autres sources.
161 Partant, il ne saurait être reproché aux trois institutions concernées de ne pas avoir tenu compte des points 23 et 24 du témoignage du président-directeur général des requérantes.
162 Deuxièmement, s’agissant de l’avis du 2 novembre 2018, les requérantes disent s’appuyer sur les éléments de preuve cités dans ledit avis. Il s’agit, d’une part, d’une étude réalisée par M. Eyheraguibel et autres, intitulée « Characterisation of oxidised oligomers from polyethylene films by mass spectometry and NMR spectroscopy before and after biodegradation by a Rhodococcus rhodochrous strain » (« Caractérisation des oligomères oxydés de films de polyéthylène par spectométrie de masse et
spectroscopie RMN avant et après biodégradation par une souche de Rhodococcus rhodochrous »), du 23 mai 2017, qui constate un taux de biodégradation de 95 % pour un échantillon de polyéthylène de haute densité contenant un additif pro-oxydant, après exposition, pendant 240 jours, à une bactérie spécifique du sol. D’autre part, selon l’avis du 2 novembre 2018, une étude réalisée par M. Dussud et autres, intitulée « Colonisation of Non-biodegradable and Biodegradable Plastics by Marine Organisms »
(« Colonisation des plastiques non biodégradables et biodégradables par des organismes marins »), du 18 juillet 2018, conclut que la colonisation des échantillons de plastique contenant un additif pro-oxydant est, après 6 semaines d’exposition à certaines bactéries marines, 30 fois plus élevée que la colonisation des échantillons de plastique conventionnel.
163 Or, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, doivent figurer dans la requête. Ainsi, il n’appartient
pas au Tribunal de rechercher et d’identifier dans les annexes les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêts du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, points 40 et 41, et du 15 octobre 2020, Zhejiang Jiuli Hi-Tech Metals/Commission, T‑307/18, non publié, EU:T:2020:487, point 239).
164 En l’espèce, la seule mention, dans la requête, de l’avis du 2 novembre 2018 est un renvoi, dans une note en bas de page, à l’annexe de 14 pages contenant cet avis. Dans cette note en bas de page, les requérantes se contentent d’indiquer ce qui suit : « [v]oir, par exemple, les éléments de preuve cités dans [l’avis du 2 novembre 2018] ». Tout au plus les requérantes relèvent-elles, dans la même note en bas de page, que cet avis renforce leur conclusion selon laquelle « l’interdiction énoncée à
l’article 5 repose sur une base erronée et/ou insuffisamment fondée, dans la mesure où elle s’applique aux plastiques oxobidoégradables », et qu’il met en évidence « les questions qui auraient dû être prises en compte ». Dans leurs répliques au Parlement, au Conseil et à la Commission, les requérantes se contentent soit d’un renvoi général à l’annexe contenant l’avis du 2 novembre 2018, soit d’un renvoi à 6 pages dudit avis, sans préciser quel est l’argument pertinent dans cet ensemble de
6 pages.
165 Par ailleurs, ledit avis étant rédigé par un avocat sans aucune formation scientifique, il ne saurait être compté au nombre des meilleures données scientifiques disponibles au sens de la jurisprudence citée au point 119 ci-dessus. En outre, bien que ledit avocat dise avoir été encouragé à se comporter en juge indépendant et à faire part de ses réserves lorsqu’il rédigerait son avis, il n’en reste pas moins qu’il est mandaté et rémunéré par Symphony Environmental Technologies pour rédiger cet
avis. Dès lors, selon la jurisprudence citée aux points 147 et 149 ci-dessus, il ne saurait être attribué qu’une faible valeur probante à l’avis en question.
166 Il en est d’autant plus ainsi que les éléments de preuve cités dans l’avis du 2 novembre 2018 ne sont pas produits en annexe à cet avis. La seconde étude, à savoir celle de M. Dussud et autres, ne figure pas au dossier, tandis que la première, c’est-à-dire celle de M. Eyheraguibel et autres, n’y figure que parce qu’elle a été produite par les requérantes au stade de la réplique. Partant, il n’est pas possible de vérifier avec exactitude la fiabilité de cet avis.
167 Dès lors, il ne saurait être reproché aux trois institutions concernées de ne pas avoir tenu compte de l’avis du 2 novembre 2018.
168 Troisièmement, s’agissant de l’étude de la Queen Mary University, les requérantes s’appuient sur un passage de celle-ci, d’où il ressortirait que, dans une solution aqueuse, ce type de plastique se dégrade 90 fois plus rapidement que le plastique conventionnel.
169 À cet égard, il y a lieu de relever que l’étude de la Queen Mary University indique avoir appliqué une nouvelle méthode pour tester la biodégradabilité d’un échantillon de plastique contenant un additif pro-oxydant. Cette nouvelle méthode consiste non pas à placer ledit échantillon dans le sol, c’est-à-dire dans un milieu dont on ne connaît ni la concentration en bactéries ni le type de bactéries qu’il contient, mais à déposer une bactérie spécifique sur l’échantillon. En appliquant cette
méthode, la Queen Mary University dit avoir constaté qu’un tel échantillon, qui a été exposé à un rayonnement ultraviolet pendant 450 heures, puis à une bactérie spécifique du sol, présente au bout de 35 jours une biodégradation 90 fois supérieure à celle d’un échantillon de plastique conventionnel soumis au même traitement.
170 Toutefois, les trois institutions concernées ont bien tenu compte, non pas de l’étude de la Queen Mary University, qui n’était pas encore disponible, mais du moins du contenu de celle-ci. En effet, l’étude Eunomia fait référence à des informations communiquées par le Dr R. Rose, l’un des auteurs de l’étude de la Queen Mary University. À cet égard, l’étude Eunomia souligne que la méthode utilisée par la Queen Mary University est loin de faire l’unanimité et qu’il n’est pas certain que les
résultats observés en laboratoire par cette université puissent être obtenus en situation réelle.
171 En outre, l’étude de la Queen Mary University est postérieure à l’adoption de la directive 2019/904, puisqu’elle date d’août 2019 et qu’elle a été publiée en 2020. Partant, conformément à la jurisprudence citée au point 154 ci-dessus, il ne saurait être reproché aux trois institutions concernées de ne pas avoir tenu compte de ladite étude.
172 Quatrièmement, s’agissant du rapport du laboratoire de Banyuls-sur-Mer, les requérantes soulignent qu’il indique que le plastique contenant un additif pro-oxydant, notamment celui produit par les requérantes, se biodégrade en milieu marin et ceci de manière beaucoup plus efficace que le plastique conventionnel.
173 Cependant, le rapport du laboratoire de Banyuls-sur-Mer, qui date du 4 septembre 2020, est postérieur à l’adoption de la directive 2019/904. Dès lors, conformément à la jurisprudence citée au point 154 ci-dessus, il ne pouvait pas être pris en compte par les trois institutions concernées. En tout état de cause, ledit rapport n’est pas une étude scientifique présentant les résultats d’essais réalisés, mais un document d’une page et demie présentant un projet dénommé Oxomar.
174 Cinquièmement, les requérantes s’appuient sur la réponse de M. Jakubowicz, professeur associé du Research Institutes of Sweden (RISE), à la Fondation Ellen MacArthur. Celui-ci y indique que, selon lui, « [l]e processus de dégradation [du plastique contenant un additif pro-oxydant] ne se résume pas à une fragmentation, mais consiste en un changement intégral du matériau [:] le polymère ayant une masse moléculaire élevée se décompose en fragments monomères et oligomères, les molécules
hydrocarbures deviennent des molécules contenant de l’oxygène, lesquelles peuvent être bio-assimilées ».
175 À cet égard, il suffit de relever que la réponse de M. Jakubowicz à la Fondation Ellen MacArthur est une simple déclaration d’une page et demie, qui ne renvoie à aucune étude scientifique. À supposer même que, comme le relève la Commission, ladite réponse s’appuie sur deux articles antérieurs, à savoir l’étude de Jakubowicz de 2011 et celle de Chiellini et Corti, il a été relevé au point 139 ci-dessus que, selon l’étude De Wilde, l’opinion exprimée par ces deux articles est singulière. En outre,
lesdits articles sont dûment mentionnés dans l’étude Eunomia.
176 Partant, il ne saurait être reproché aux trois institutions concernées de ne pas avoir tenu compte de la réponse de M. Jakubowicz à la Fondation Ellen MacArthur.
177 Sixièmement, s’agissant du témoignage du scientifique senior de Symphony Environmental, en premier lieu, les requérantes s’appuient sur celui-ci afin de répondre aux éléments de preuve apportés par les trois institutions concernées dans leurs mémoires en défense, c’est-à-dire, afin d’établir qu’il existe une distinction entre plastique oxodégradable et plastique oxobiodégradable. Le scientifique senior de Symphony Environmental relève, premièrement, que la norme TR 15351, élaborée par le Comité
européen de normalisation (CEN) et citée dans l’étude Eunomia, distingue l’oxodégradation, définie comme une « dégradation résultant du clivage oxydatif des macromolécules », de l’oxobiodégradation, définie comme une « dégradation résultant de phénomènes oxydatifs et à médiation cellulaire, simultanément ou successivement ». Deuxièmement, la composition chimique du plastique oxodégradable différerait de celle du plastique oxobiodégradable, l’additif pro-oxydant que contient le second lui
permettant de satisfaire à la définition de l’oxobiodégradation par la norme TR 15351. Troisièmement, bien qu’il n’existe aucune norme européenne relative à l’oxobiodégradation, diverses normes et méthodes nationales distingueraient plastique oxodégradable et plastique oxobiodégradable. Quatrièmement, divers scientifiques soutiendraient l’existence d’une telle distinction.
178 En deuxième lieu, les requérantes s’appuient sur ledit témoignage afin d’établir que le plastique contenant un additif pro-oxydant est biodégradable. Le scientifique senior de Symphony Environmental fait valoir, premièrement, que l’étude Eunomia reconnaît que la question cruciale n’est pas de savoir si ce type de plastique subit une biodégradation intégrale, mais de déterminer si le délai nécessaire à celle-ci peut être considéré comme acceptable. Deuxièmement, la biodégradabilité du plastique
contenant un additif pro-oxydant serait établie par de nombreux éléments de preuve. Troisièmement, il serait impossible de tester la biodégradation en milieu réel et les conditions en laboratoire seraient généralement moins favorables à la biodégradation que les conditions réelles. Quatrièmement, différentes études démontreraient la biodégradabilité en milieu marin dudit plastique.
179 Il convient de relever que le témoignage du scientifique senior de Symphony Environmental émane d’un salarié de l’une des requérantes, en charge du produit d2w, qu’il a été établi à la demande des requérantes et spécifiquement pour le présent recours, et qu’il vise à défendre leurs intérêts. Partant, conformément à la jurisprudence citée aux points 147 et 149 ci-dessus, il ne dispose que d’une faible valeur probante. En outre, ledit témoignage étant postérieur à l’adoption de la directive
2019/904, conformément à la jurisprudence citée au point 154 ci-dessus, il ne saurait être reproché aux trois institutions concernées de ne pas en avoir tenu compte.
180 Il est vrai que les affirmations du scientifique senior de Symphony Environmental sont étayées par des pièces annexées à son témoignage et que, dans leurs mémoires en réplique, les requérantes s’appuient sur trois de ces annexes, à savoir : en premier lieu, le rapport préparé par le laboratoire Intertek pour l’ECHA, intitulé « Oxo-biodegradable plastics and the microplastics : towards a logical approach » (« Les plastiques oxo-biodégradables et les microplastiques : vers une approche logique »),
du 24 mai 2018 (ci-après le « rapport du laboratoire Intertek ») ; en deuxième lieu, une contribution rédigée par un scientifique, intitulée « Evidence in Response to the UK Government’s July 2019 Call for Evidence on Standards for Bio-Based, Biodegradable, and Compostable Plastics » (« Éléments de preuve en réponse à l’appel à contributions lancé en juillet 2019 du gouvernement britannique concernant les normes pour les plastiques biosourcés, biodégradables et compostables »), du 7 octobre 2019
(ci-après la « contribution du 7 octobre 2019 »), et, en troisième lieu, le résultat d’un test effectué par le laboratoire Eurofins le 25 juillet 2017 (ci-après le « test du laboratoire Eurofins du 25 juillet 2017 »).
181 Toutefois, et en tout état de cause, aucune de ces trois annexes au témoignage du scientifique senior de Symphony Environmental n’étaye utilement l’argumentation des requérantes.
182 En effet, s’agissant du rapport du laboratoire Intertek, lequel relève, notamment, que « quelle que soit la vitesse de dégradation [du plastique oxobiodégradable], elle est supérieure à celle du plastique conventionnel » et que « les différences entre les résultats des quelques études qui ont été menées jusqu’ici, sont une question de degré », il y a lieu de souligner que ce rapport a été préparé à la demande de Symphony Environmental. Dès lors, conformément à la jurisprudence citée aux
points 147 et 149 ci-dessus, il ne saurait être reconnu audit rapport qu’une faible valeur probante.
183 En ce qui concerne la contribution du 7 octobre 2019, qui conclut qu’« [i]l est très improbable qu’une formation de microplastiques se produise dans le cas des plastiques oxobiodégradables », il y a lieu de préciser qu’elle est postérieure à l’adoption de la directive 2019/904. Conformément à la jurisprudence citée au point 154 ci-dessus, il ne saurait être reproché aux institutions de ne pas en avoir tenu compte. En tout état de cause, la contribution du 7 octobre 2019 n’est pas une étude
scientifique présentant les résultats d’essais, mais une simple déclaration de 6 pages, rédigée en réponse à un appel à contributions du gouvernement du Royaume-Uni portant sur les normes relatives aux plastiques biosourcés, biodégradables et compostables.
184 S’agissant du test du laboratoire Eurofins du 25 juillet 2017, effectué sur un échantillon de plastique contenant le mélange-maître d2w des requérantes, celui-ci met en évidence un taux de biodégradation de 88,86 %, obtenu en 121 jours. Toutefois, il convient de souligner que la fragmentation et l’assimilation du plastique par des micro-organismes sont fonction des conditions environnementales. Or, comme il ressort, notamment, des points 127 et 133 ci-dessus, lesdites conditions sont variables
et ne correspondent pas aux conditions d’un essai réalisé en laboratoire. Partant, la circonstance qu’un taux de biodégradation de 88,86 % ait été obtenu en laboratoire n’établit pas que le même taux sera obtenu, dans le même délai, en situation réelle.
185 Partant, il ne saurait être reproché aux trois institutions concernées de ne pas avoir tenu compte du témoignage du scientifique senior de Symphony Environmental, du rapport du laboratoire Intertek, de la contribution du 7 octobre 2019 et du test du laboratoire Eurofins du 25 juillet 2017.
186 Septièmement, s’agissant de l’étude Oxomar, produite en annexe au témoignage du scientifique senior de Symphony Environmental, ses auteurs concluent que certains éléments tendent à démontrer que le plastique contenant un additif pro-oxydant se biodégrade en milieu marin. Ils ignorent toutefois si une telle biodégradation est intégrale.
187 Toutefois, l’étude Oxomar, qui date du 10 mars 2021, est postérieure à l’adoption de la directive 2019/904. Conformément à la jurisprudence citée au point 154 ci-dessus, il ne saurait être reproché aux trois institutions concernées de ne pas en avoir tenu compte.
188 En outre, ladite étude n’établit pas que le plastique contenant un additif pro-oxydant subit une biodégradation intégrale en milieu marin dans un délai de 2 ans. Il ne saurait donc être considéré qu’elle infirme, notamment, les conclusions de l’étude Eunomia sur ce point.
189 Il convient enfin de relever que, au soutien de leur argument mentionné au point 152 ci-dessus, les requérantes font encore valoir que la norme la plus couramment utilisée en Europe pour tester la biodégradabilité du plastique, à savoir la norme EN 13432, n’est pas pertinente s’agissant du plastique contenant un additif pro-oxydant.
190 À cet égard, les requérantes ne prétendent pas que le plastique contenant leur mélange-maître d2w satisfait à la norme EN 13432, dont l’étude Eunomia précise qu’elle requiert, s’agissant de la dégradation aérobie, un taux de conversion en dioxyde de carbone et en biomasse d’au moins 90 % en une période maximum de 6 mois.
191 Elles prétendent que la norme EN 13432 évalue la biodégradation d’un échantillon de plastique dans des conditions particulières, à savoir celles du compostage industriel. Elles en déduisent que, dans la mesure où le plastique contenant le mélange-maître d2w n’est pas conçu pour être composté et où il n’est pas commercialisé comme compostable, la norme EN 13432 n’est pas pertinente pour apprécier sa biodégradation. Ce serait la norme américaine ASTM D 6954 qui devrait être utilisée pour mesurer
la biodégradation de ce type de plastique, celui-ci étant conçu pour se biodégrader à l’air libre, et non dans les conditions particulières du compostage industriel.
192 Il est vrai que l’étude Eunomia indique que, au niveau de l’Union, il n’existe pas une, mais des normes qui permettent d’évaluer la biodégradabilité du plastique, que certaines de celles-ci sont de simples méthodes, que certaines sont nationales et qu’elles ne cessent d’évoluer.
193 Il est également vrai que, chaque milieu (compostage industriel, eau douce, milieu marin, sol et décharge) ayant ses propres conditions, les normes permettant de mesurer la biodégradation dans un milieu déterminé ne permettent pas de mesurer celle-ci dans les autres milieux. Ainsi, l’étude Eunomia indique que les normes applicables à la biodégradation par compostage, au nombre desquelles figure la norme EN 13432, se distinguent des normes permettant de mesurer la biodégradation en eau douce, en
milieu marin ou dans le sol, ainsi que des normes conçues pour mesurer la dégradation du plastique contenant un additif pro-oxydant. Ces dernières se sont développées récemment. Parmi elles figurent la norme américaine ASTM D 6954, la norme britannique BS 8472 :2011 et la norme française AC T 51-808. La même étude précise que le développement de normes mesurant spécifiquement la dégradation du plastique contenant un additif pro-oxydant s’explique par le fait qu’aucune des autres normes n’exige
une exposition préalable de l’échantillon à un rayonnement ultraviolet et/ou à la chaleur, alors que, faute d’une telle exposition préalable, il est quasiment certain que l’échantillon ne se biodégradera pas.
194 L’étude Eunomia précise encore que les producteurs de plastique contenant un additif pro-oxydant ne commercialisent pas celui-ci comme compostable, conformément à la norme EN 13432, mais prétendent, au contraire, qu’il ne se prête pas au compostage.
195 Enfin, interrogées au moyen d’une mesure d’organisation de la procédure, les trois institutions concernées se sont accordées à dire que la norme EN 13432 était pertinente pour apprécier la biodégradation du plastique par compostage industriel, mais que d’autres normes pouvaient, en fonction de l’utilisation prévue, être pertinentes pour apprécier sa biodégradation.
196 Toutefois, comme le relève l’étude Eunomia, le seul environnement dont les conditions puissent être reproduites de manière satisfaisante en laboratoire est le compostage, parce qu’il s’agit d’un processus industriel, qui est, en tant que tel, maîtrisé. Partant, s’agissant des autres environnements, les résultats des tests effectués en laboratoire ne sont pas nécessairement reproductibles en situation réelle. Ainsi, à supposer qu’un échantillon de plastique contenant un additif pro-oxydant fasse
l’objet d’un test destiné à apprécier sa biodégradation dans des conditions qui ne soient pas celles du compostage industriel, en application d’une norme autre que la norme EN 13432, par exemple la norme ASTM D 6954, le résultat de ce test, effectué en laboratoire, ne serait pas nécessairement reproductible en situation réelle. Comme indiqué au point 184 ci-dessus, si le compte-rendu du test effectué, le 25 juillet 2017, par le laboratoire Eurofins indique que l’échantillon de plastique
contenant le mélange-maître d2w satisfait à la norme ASTM D 6954, puisqu’il a atteint un taux de biodégradation de 88,86 %, cela ne démontre pas que le même taux sera obtenu en situation réelle.
197 En outre, il y a lieu de constater que, comme l’a indiqué le Parlement en réponse à la mesure d’organisation de la procédure mentionnée au point 195 ci-dessus, il n’existe pas de norme unifiée, au niveau de l’Union, qui permette d’évaluer la biodégradation du plastique contenant un additif pro-oxydant, mais uniquement des normes nationales, dont les critères et les seuils diffèrent. Par exemple, selon l’étude Eunomia, alors que la norme américaine ASTM D 6954 retient un seuil de 60 % de
dégradation, la norme britannique BS 8472 définit un seuil de 50 % de transformation de la masse carbonique.
198 Enfin, il ressort de l’étude Eunomia que le compostage industriel est, de tous les environnements, le plus agressif, c’est-à-dire le plus favorable à la biodégradation. Partant, il est peu probable qu’un échantillon de plastique contenant un additif pro-oxydant qui ne se biodégrade pas convenablement dans les conditions du compostage industriel et qui ne satisfait pas à la norme EN 13432, se biodégrade convenablement dans d’autres environnements, par exemple dans le sol ou en milieu marin. Il ne
saurait dès lors être considéré que la norme EN 13432 est dépourvue de toute pertinence s’agissant d’apprécier la biodégradation de ce type de plastique dans des conditions autres que celles du compostage industriel.
199 Dès lors, il y a lieu de considérer que, en estimant, sur la base d’études réalisées en application de la norme EN 13432, que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se biodégradait pas convenablement, les trois institutions concernées n’ont pas excédé les limites du large pouvoir d’appréciation dont, selon la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus, elles disposent en matière environnementale.
200 Partant, l’argumentation des requérantes résumée au point 152 ci-dessus ne saurait être suivie.
201 Dès lors, il découle des points 124 à 200 ci-dessus que les trois institutions concernées disposaient d’une évaluation scientifique aussi exhaustive que possible du risque que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se biodégrade pas convenablement et que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation qu’elles ont considéré qu’un tel risque existait.
2) Sur l’affirmation selon laquelle le plastique contenant un additif pro-oxydant n’est pas compostable
202 S’agissant de l’affirmation figurant au considérant 15 de la directive 2019/904, selon laquelle le plastique oxodégradable n’est pas compostable, il y a lieu de préciser que le rapport du 16 janvier 2018 indique que le compostage est une biodégradation améliorée, réalisée dans des conditions contrôlées et essentiellement caractérisées par une aération forcée et une production naturelle de chaleur résultant de l’activité biologique à l’intérieur de la matière.
203 Dans leurs mémoires en défense, la Commission et le Parlement disent s’être appuyés sur l’étude Eunomia, sur le rapport du 16 janvier 2018, sur la déclaration oxo et sur l’étude De Wilde pour conclure que le plastique contenant un additif pro-oxydant n’était pas compostable.
204 Comme indiqué aux points 132, 135 et 142 ci-dessus, ces documents étaient à la disposition des trois institutions concernées lors de l’élaboration et de l’adoption de la directive 2019/904.
205 En effet, il ressort de l’étude Eunomia que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se prête à aucune forme de compostage et qu’il ne satisfait pas à la norme EN 13432, laquelle, comme indiqué au point 190 ci-dessus, exige une biodégradation de 90 % dans un délai de 6 mois. L’étude Eunomia relève, à cet égard, que le pourcentage de biodégradation le plus élevé obtenu dans le cadre d’une étude scientifique est très inférieur à 90 % et qu’il a été obtenu dans un délai bien supérieur à
ceux en vigueur dans l’industrie du compostage, entraînant ainsi un risque d’épandage de fragments de plastique. Comme indiqué au point 194 ci-dessus, ladite étude indique encore que la plupart des producteurs de ce type de plastique ne prétendent pas que celui-ci soit compostable.
206 Le rapport du 16 janvier 2018 confirme que, selon les données disponibles, les plastiques oxodégradables semblent ne se prêter à aucune forme de compostage ou de digestion anaérobie et ne pas répondre aux normes applicables aux emballages valorisables par compostage actuellement en vigueur dans l’Union. Ce rapport relève également qu’il se pourrait que les fragments de plastique générés par le processus nuisent à la qualité du compost.
207 La déclaration oxo indique, elle aussi, que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne satisfait à aucune norme applicable aux emballages plastiques ou à la récupération du plastique, parce que sa biodégradation dure trop longtemps et que des fragments de plastique peuvent subsister dans le compost et, dès lors, avoir un impact sur la qualité de celui-ci, voire se répandre dans l’environnement.
208 De même, l’étude De Wilde conclut que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne répond pas aux différentes normes relatives au compostage industriel ou domestique.
209 Il résulte des points 202 à 208 ci-dessus que, lors de l’élaboration et de l’adoption de la directive 2019/904, les trois institutions concernées disposaient d’une évaluation scientifique exhaustive du risque que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne soit pas compostable et qu’elles pouvaient, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer l’existence d’un tel risque comme établie.
210 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel les trois institutions concernées n’auraient pas tenu compte d’éléments de preuve qui, selon elles, démontrent que le plastique contenant un additif pro-oxydant est compostable et qu’il ne constitue pas un risque, à savoir, premièrement, les points 23 et 24 du témoignage du président-directeur général des requérantes, deuxièmement, les points 56 et 58 du témoignage du scientifique senior de Symphony
Environmental, troisièmement, le test du laboratoire Eurofins du 25 juillet 2017 et, quatrièmement, une proposition du Comité européen des régions d’amender l’article 3 de la directive 2019/904.
211 Il y a lieu de relever que, aux points 23 et 24 de son témoignage, le président-directeur général des requérantes se contente d’affirmer que, d’une part, les trois institutions concernées n’ont pas expliqué pourquoi le compostage du plastique oxodégradable est souhaitable et, d’autre part, lesdites institutions n’ont pas indiqué les raisons pour lesquelles le fait que ce type de plastique n’est pas compostable constitue un risque pour l’environnement ou la santé humaine de nature à justifier son
interdiction.
212 De même, aux points 56 et 58 de son témoignage, le scientifique senior de Symphony Environmental affirme que le plastique contenant un additif pro-oxydant n’a pas été conçu pour satisfaire à la norme EN 13432, que, pour de nombreuses raisons, il n’est pas nécessaire que ce type de plastique soit compostable et que le fait qu’il ne le soit pas ne justifie pas son interdiction.
213 Toutefois, il ne saurait être reproché aux trois institutions concernées de ne pas avoir tenu compte des points 23 et 24 du témoignage du président-directeur général des requérantes et des points 56 et 58 du témoignage du scientifique senior de Symphony Environmental, pour les raisons indiquées, respectivement, aux points 155 et 156 et au point 179 ci-dessus.
214 En outre, les requérantes ne sauraient, afin de démontrer que le plastique contenant leur mélange-maître d2w est compostable, faire valoir que celui-ci a été soumis avec succès à des tests effectués conformément à la norme ISO 14855, à savoir, notamment, le test du laboratoire Eurofins du 25 juillet 2017. En effet, il ressort du point 184 ci-dessus que la circonstance qu’un certain taux de biodégradation ait été obtenu en laboratoire n’établit pas que le même taux sera obtenu, dans le même
délai, en situation réelle.
215 Par ailleurs, il ne saurait être reproché aux trois institutions concernées de ne pas avoir tenu compte de la proposition du Comité européen des régions, lors des travaux préparatoires de la directive 2019/904, d’amender l’article 3 de celle-ci de sorte que ne soient pas considérés comme du « plastique » certains polymères synthétiques, à savoir ceux qui sont considérés comme biodégradables selon la norme ASTM D 6002. Il s’agit des polymères synthétiques qui « peuvent subir une décomposition
biologique dans un site de compostage […] dans une mesure comparable à celle des matériaux réputés compostables ». En effet, il ne découle pas de ladite proposition d’amendement que le plastique contenant un additif pro-oxydant figure au nombre des polymères synthétiques qui peuvent subir une telle décomposition.
216 Enfin, le Tribunal constate que les requérantes se contredisent quant au caractère compostable du plastique contenant un additif pro-oxydant. En effet, elles affirment, dans la requête, que « en réalité, le plastique oxobiodégradable est compostable ». Cependant, elles n’en reconnaissent pas moins, dans leurs répliques, au terme d’une comparaison entre ce type de plastique et le plastique conventionnel, que ce dernier n’est pas « non plus » compostable et, dans leur réponse aux mesures
d’organisation de la procédure, que le plastique contenant un additif pro-oxydant « n’est pas destiné à être traité dans des installations contrôlées de traitement de déchets ».
217 Quant à l’argument des requérantes selon lequel le caractère non compostable du plastique contenant un additif pro-oxydant ne représente pas un risque pour l’environnement ou la santé humaine, il y a lieu de souligner que le caractère non compostable de ce type de plastique, pris ensemble avec la circonstance qu’il ne se biodégrade pas convenablement, qu’il ne se prête pas au recyclage et qu’il ne présente pas d’avantage environnemental avéré, a pour conséquence que, laissé à l’air libre, il se
fragmentera en microplastiques qui persisteront dans l’environnement avant d’éventuellement subir une biodégradation. Il y a lieu de considérer que, conformément à la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus, la question de savoir si, eu égard, notamment, au fait qu’il ne se biodégrade pas convenablement, le caractère non compostable du plastique contenant un additif pro-oxydant constitue un risque pour l’environnement ou la santé humaine relève du pouvoir d’appréciation des trois institutions
concernées.
218 Il découle des points 202 à 217 ci-dessus que les trois institutions concernées disposaient d’une évaluation scientifique aussi exhaustive que possible du risque que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne soit pas compostable et que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation qu’elles ont considéré qu’un tel risque existait.
3) Sur l’affirmation selon laquelle le plastique contenant un additif pro-oxydant a une incidence négative sur le recyclage des plastiques conventionnels
219 S’agissant de l’affirmation figurant au considérant 15 de la directive 2019/904, selon laquelle le plastique oxodégradable a une incidence négative sur le recyclage des plastiques conventionnels, il convient de relever que, dans leurs mémoires en défense et en duplique, les trois institutions concernées disent s’être appuyées sur l’étude Eunomia, sur le rapport du 16 janvier 2018, sur la déclaration oxo et sur l’étude de l’université de Loughborough au soutien de cette affirmation.
220 Comme indiqué aux points 132, 135 et 150 ci-dessus, ces documents étaient à la disposition desdites institutions lors de l’élaboration et de l’adoption de la directive 2019/904.
221 Selon l’étude Eunomia, les éléments recueillis suggèrent que les technologies actuellement disponibles ne permettent pas d’identifier le plastique contenant un additif pro-oxydant pour le séparer des autres plastiques. Il serait donc recyclé avec les plastiques conventionnels. Or, ceci affecterait la qualité du plastique recyclé. Si l’utilisation de composés stabilisants permettrait, dans certains cas, d’éviter une telle détérioration de la qualité du plastique recyclé, il serait néanmoins
difficile de déterminer la quantité de stabilisants nécessaire, celle-ci dépendant de la concentration et du type d’additif pro-oxydant utilisé.
222 En outre, l’étude Eunomia indique que la dégradation, avant recyclage, du plastique contenant un additif pro-oxydant semble avoir un impact sur les qualités physiques et sur la durée de vie du plastique recyclé. Cette étude en déduit que le plastique recyclé ne se prête pas à toutes les utilisations finales et qu’il ne devrait notamment pas être utilisé pour des produits à longue durée de vie. Il serait cependant possible de produire un plastique recyclé qui puisse être utilisé pour des produits
à durée de vie plus courte. L’étude Eunomia conclut que, si le plastique recyclé contient du plastique contenant un additif pro-oxydant, ceci a un impact négatif sur la possibilité de commercialiser le plastique recyclé, sur sa qualité et sur son prix.
223 Le rapport du 16 janvier 2018, qui reprend les conclusions de l’étude Eunomia, affirme que les technologies actuellement disponibles ne permettent pas aux entreprises de retraitement d’identifier et d’isoler le plastique contenant un additif pro-oxydant et que celui-ci sera donc nécessairement recyclé avec le plastique conventionnel, ce qui peut entraîner une détérioration de la qualité des matières recyclées. Il serait difficile de doser les composés stabilisants qui pourraient prévenir une
telle détérioration. En outre, selon ledit rapport, il est impossible de contrôler le degré de vieillissement subi par le plastique contenant un additif pro-oxydant avant que celui-ci ne soit recyclé. Le rapport du 16 janvier 2018 souligne l’effet négatif exercé par ces éléments sur le prix du plastique recyclé et conclut que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se prête pas au recyclage.
224 La déclaration oxo indique, elle aussi, que les technologies actuelles ne permettent pas de séparer le plastique contenant un additif pro-oxydant du plastique conventionnel et qu’il est difficile d’évaluer tant le degré de vieillissement que celui-là a déjà atteint que la quantité de composés stabilisants nécessaire pour prévenir la dégradation du plastique recyclé. Ladite déclaration en déduit que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se prête pas à un recyclage à grande échelle.
225 De même, l’étude de l’université de Loughborough indique que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se prête pas au recyclage, en raison de la présence, dans la matière recyclée, d’additifs pro-oxydants qui accéléreront sa dégradation. L’ajout de composés stabilisants serait délicat, en raison de l’incertitude quant à la quantité de stabilisants nécessaire et au degré d’oxydation déjà atteint.
226 Il résulte des points 219 à 225 ci-dessus que, lors de l’élaboration et de l’adoption de la directive 2019/904, les trois institutions concernées disposaient d’une évaluation scientifique exhaustive du risque d’incidence négative du plastique contenant un additif pro-oxydant sur le recyclage des plastiques conventionnels, et qu’elles pouvaient, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer l’existence d’un tel risque comme établie.
227 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel lesdites institutions auraient omis de tenir compte des documents suivants : premièrement, le rapport du laboratoire autrichien TCKT, intitulé « Effect of mechanical recycling on the properties of films containing oxo-biodegradable additive » (« Effet du recyclage mécanique sur les propriétés des films contenant un additif oxo-biodégradable »), du 17 mars 2016 (ci-après le « rapport du laboratoire TCKT
de mars 2016 ») ; deuxièmement, un autre rapport du même laboratoire, intitulé « Weathering study on LDPE (with and without d2w/oxobiodegradable additive) » [« Étude de l’altération du LDPE (avec et sans additif d2w/oxo-biodégradable) »], du 27 juillet 2016 (ci-après le « rapport du laboratoire TCKT de juillet 2016 ») ; troisièmement, un rapport du laboratoire sud-africain Roediger, intitulé « Recycling report on d2w oxo-biodegradable plastics » (« Rapport sur le recyclage des plastiques
oxo-biodégradables d2w »), du 21 mai 2012 (ci-après le « rapport du laboratoire Roediger ») ; quatrièmement, une étude de Samper, M. D., et autres, intitulée « Interference of Biodegradable Plastics in the Polypropylene Recycling Process » (« Interférence des plastiques biodégradables dans le processus de recyclage du polypropylène »), de 2018 (ci-après l’« étude de M. Samper ») ; et, cinquièmement, les points 48 à 52 du témoignage du scientifique senior de Symphony Environmental.
228 Il est vrai qu’il ressort du rapport du laboratoire TCKT de mars 2016 que la matière recyclée obtenue à partir de plastique contenant le mélange-maître d2w peut être utilisée pour des produits à durée de vie courte, comme des sacs poubelle ou des sacs de courses. En outre, il ressort du rapport du même laboratoire de juillet 2016 – qui a pour objet d’examiner si des sacs de courses en plastique contenant un additif pro-oxydant peuvent être recyclés pour en faire des produits en plastique épais
destinés à une utilisation à long terme – que, si la présence, dans la matière recyclée, de plastique contenant un additif pro-oxydant peut avoir des effets négatifs, comme l’augmentation des fissures en surface, de tels effets négatifs ne se produiraient pas lorsqu’un composé stabilisant est ajouté. Le rapport du laboratoire Roediger indique, lui aussi, que la présence de plastique contenant le mélange-maître d2w est sans incidence négative significative sur la matière recyclée.
229 Toutefois, tant le rapport du laboratoire TCKT de mars 2016 que celui du laboratoire Roediger sont mentionnés dans l’étude Eunomia. Or, comme indiqué au point 132 ci-dessus, celle-ci était à la disposition des trois institutions concernées lors de l’élaboration et de l’adoption de la directive 2019/904. Il ne saurait donc être reproché auxdites institutions de ne pas avoir tenu compte de ces deux rapports.
230 En outre, il ressort de l’étude Eunomia que le rapport du laboratoire TCKT de mars 2016 et celui du laboratoire Roediger ont été tous deux commandés par l’industrie du plastique contenant un additif pro-oxydant. En outre, il ressort du rapport du laboratoire TCKT de juillet 2016 qu’il a été établi à la demande des requérantes. Dès lors, conformément à la jurisprudence citée aux points 147 et 149 ci-dessus, il ne saurait être conféré qu’une faible valeur probante à ces trois rapports, en
particulier à celui du laboratoire TCKT de juillet 2016.
231 Enfin, l’étude Eunomia relève une incohérence dans les résultats consignés dans le rapport du laboratoire Roediger, sans que ledit rapport explique cette incohérence. Cette étude relève également qu’il est difficile d’accorder du crédit aux conclusions du rapport du laboratoire TCKT de mars 2016, en raison du manque de clarté concernant, notamment, l’évolution des différents échantillons, chacun contenant un pourcentage différent de plastique contenant un additif pro-oxydant.
232 Quant à l’étude de M. Samper, il convient de relever, à l’instar de la Commission, qu’elle ne porte pas sur le recyclage du plastique contenant un additif pro-oxydant, mais sur celui des polymères biodégradables. Il ne saurait être déduit du fait que la mise sur le marché du type de plastique objet de l’étude de M. Samper n’a pas été interdite alors qu’il se prête mal au recyclage, que la mise sur le marché du plastique contenant un additif pro-oxydant ne devrait pas non plus être interdite. En
effet, selon la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus, la détermination de l’existence du risque représenté par chaque type de plastique relève de la marge d’appréciation des trois institutions concernées.
233 Enfin, concernant le témoignage du scientifique senior de Symphony Environmental, il est vrai que les points 48 à 52 de celui-ci, auxquels renvoient les mémoires en réplique, indiquent, notamment, que le plastique contenant un additif pro-oxydant peut être recyclé de la même manière que le plastique conventionnel et qu’il n’est pas nécessaire de séparer celui-là de celui-ci pour le recycler. Toutefois, pour les raisons indiquées au point 179 ci-dessus, il ne saurait être reproché aux trois
institutions concernées de ne pas avoir tenu compte des points 48 à 52 du témoignage du scientifique senior de Symphony Environmental.
234 Il découle des points 219 à 233 ci-dessus que les trois institutions concernées disposaient d’une évaluation scientifique aussi exhaustive que possible du risque que le plastique contenant un additif pro-oxydant ait une incidence négative sur le recyclage des plastiques conventionnels et que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation qu’elles ont considéré qu’un tel risque existait.
4) Sur l’affirmation selon laquelle le plastique contenant un additif pro-oxydant ne présente pas d’avantage environnemental avéré
235 S’agissant de l’affirmation figurant au considérant 15 de la directive 2019/904, selon laquelle le plastique oxodégradable ne présente pas d’avantage environnemental avéré, le Parlement et la Commission disent s’être appuyés, respectivement, sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 16 janvier 2018 intitulée « Une stratégie européenne sur les matières plastiques dans une économie circulaire »
[COM(2018) 28 final] et sur l’étude De Wilde.
236 Or, l’étude De Wilde, qui a pour objet d’apprécier, notamment, les avantages et les désavantages des plastiques oxodégradables par rapport aux avantages et désavantages des plastiques dits biodégradables, se contente de conclure que les premiers ne sont pas biodégradables, sans mettre en avant d’avantages avérés. Surtout, la communication de la Commission mentionnée au point précédent indique, à sa page 17, que « certains nouveaux matériaux prétendument biodégradables, comme les “plastiques
oxodégradables”, se sont révélés n’offrir aucun avantage prouvé pour l’environnement par rapport aux plastiques traditionnels, tandis que leur fragmentation rapide en microplastiques suscite des inquiétudes ». Au demeurant, il ne ressort pas des évaluations scientifiques de la biodégradation, du compostage et du recyclage du plastique contenant un additif pro-oxydant, mentionnées aux points 124 à 234 ci-dessus, que ce type de plastique présente, sous l’un de ces aspects, un avantage avéré.
237 Toutefois, d’une part, les requérantes font valoir que lesdites institutions auraient dû tenir compte de l’avis de la commission de la pêche du Parlement sur la proposition de directive, qui recommandait de définir clairement le plastique biodégradable.
238 D’autre part, les requérantes considèrent comme particulièrement révélateur le fait que, dans leurs avis sur la proposition de directive, respectivement, du 3 et du 11 octobre 2018, la commission de l’agriculture et du développement rural et la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement aient proposé d’interdire la mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxodégradable, sans toutefois avancer aucune justification à cet
égard.
239 Or, selon l’article 59, paragraphe 1, du règlement intérieur du Parlement (JO 2019, L 302, p. 1), la position de celui-ci au sens de l’article 294, paragraphe 3, TFUE est arrêtée par un vote en session plénière et non par l’avis de l’une de ses commissions. Peu importe, dès lors, qu’une commission, telle celle de la pêche, ait un autre avis que celui arrêté en session plénière. À plus forte raison, peu importe qu’une commission, telles celle de l’agriculture et du développement rural et celle
l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, ne justifie pas son avis. Partant, il ne saurait être reproché au Parlement, encore moins au Conseil et à la Commission, de ne pas avoir tenu compte de tels avis.
240 Il résulte des points 235 à 239 ci-dessus que les trois institutions concernées disposaient d’une évaluation scientifique aussi exhaustive que possible des éventuels avantages environnementaux du plastique contenant un additif pro-oxydant et qu’elles pouvaient, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, conclure à l’absence d’avantages avérés.
241 Partant, lesdites institutions disposaient d’une évaluation scientifique aussi exhaustive que possible des risques mentionnés au considérant 15 de la directive 2019/904, à savoir que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se biodégrade pas convenablement, qu’il ne soit pas compostable, qu’il ait une incidence négative sur le recyclage des plastiques conventionnels et qu’il ne présente pas d’avantage environnemental avéré. Lesdites institutions pouvaient donc, sans commettre d’erreur
manifeste d’appréciation, considérer l’existence de ces risques comme caractérisée.
5) Sur la liste annexée aux mémoires en réplique, qui reprend l’ensemble des documents dont les trois institutions concernées ont prétendument omis de tenir compte
242 Enfin, il convient de préciser que les requérantes ont produit, en annexe aux mémoires en réplique, une liste qui reprend l’ensemble des documents dont les trois institutions concernées ont, selon les requérantes, omis de tenir compte (ci-après la « liste annexée aux mémoires en réplique »).
243 La plupart des documents figurant sur ladite liste ont déjà fait l’objet d’un examen ci-dessus.
244 Parmi ceux qui n’ont pas fait l’objet d’un tel examen, certains sont postérieurs à l’adoption de la directive 2019/904, à savoir : premièrement, la norme britannique PAS 9017 :2020, qui date d’octobre 2020 ; deuxièmement, l’étude de Babetto, A. S., Antunes, M. C., Bettini, S. H. P., et Bonse, B. C., intitulée « A Recycling-Focused Assessment of the Oxidative Thermomechanical Degradation of HDPE Melt Containing Pro‑oxidant » (« Évaluation axée sur le recyclage de la dégradation oxydative
thermomécanique du polyéthylène à haute densité fondu contenant un pro-oxydant »), publiée sur Internet le 21 décembre 2019 ; troisièmement, l’étude de Saikrishnan, S., Jubinville, D., Tzoganakis, C., et Mekonnen, T. H., intitulée « Thermo-mechanical degradation of polypropylene (PP) and low‑density polyethylene (LDPE) blends exposed to simulated recycling » [« Dégradation thermomécanique de mélanges de polypropylène (PP) et de polyéthylène basse densité (LDPE) exposés à un recyclage simulé »],
publiée en décembre 2020 ; et, quatrièmement, l’étude de Åkesson, D., Kuzhanthaivelu, G., et Bohlén, M., intitulée « Effect of a Small Amount of Thermoplastic Starch Blend on the Mechanical Recycling of Conventional Plastics » (« Effet d’une petite quantité de mélange d’amidon thermoplastique sur le recyclage mécanique des plastiques conventionnels »), publiée le 24 octobre 2020. Conformément à la jurisprudence citée au point 154 ci-dessus, il ne saurait être reproché aux trois institutions
concernées de ne pas avoir tenu compte de ces quatre documents.
245 L’un des documents figurant sur la liste annexée aux mémoires en réplique est mentionné dans l’étude Eunomia, laquelle était accessible aux trois institutions concernées lors de l’élaboration et de l’adoption de la directive 2019/904. Celles-ci en ont donc tenu compte. Il s’agit de l’étude de Jakubowicz, I., et Enebro, J., intitulée « Effects of Reprocessing of Oxobiodegradable and Non‑degradable Polyethylene on the Durability of Recycled Materials » (« Effets du recyclage du polyéthylène
oxobiodégradable et du polyéthylène non dégradable sur la durabilité des matériaux recyclés »), de mars 2012.
246 Un autre des documents figurant sur la liste annexée aux mémoires en réplique, à savoir l’annexe A.27 à la requête, qui comprend des courriers adressés par des scientifiques à l’ECHA s’agissant du plastique oxobiodégradable, ne fait l’objet que d’un renvoi général dans la requête. Celle-ci se contente, en effet, d’indiquer que lesdits courriers ont été envoyés en réponse à la consultation publique lancée par l’ECHA concernant ce type de plastique et que leurs auteurs s’opposent à son
interdiction. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 163 ci-dessus, il n’appartient au Tribunal ni d’identifier, parmi les courriers figurant dans l’annexe A.27, qui compte 100 pages et plus de 30 courriers, lesquels sont pertinents, fiables et documentés, ni de déterminer quel est l’argument des requérantes qu’ils étayent. Les mémoires en réplique se contentent, eux aussi, d’un renvoi général à cette annexe. Il y a, toutefois, une exception, qui concerne un courrier du Dr R. Rose du
3 mai 2018. Celui-ci fait l’objet d’un renvoi spécifique dans la requête et les mémoires en réplique. Il est, cependant, cité au soutien du quatrième moyen d’illégalité et sera donc examiné dans le cadre de celui-ci.
247 Enfin, l’un des documents figurant sur la liste annexée aux mémoires en réplique ne fait l’objet d’aucun renvoi dans la requête ou les mémoires en réplique. Il s’agit de l’étude de Jin, H., Gonzalez‑Gutierrez, J., Oblak, P., Zupančič, B., et Emri, I., intitulée « The effect of extensive mechanical recycling on the properties of low‑density polyethylene » (« Effet du recyclage mécanique extensif sur les propriétés du polyéthylène basse densité »), de novembre 2012. Seul le témoignage du
scientifique senior de Symphony Environmental, lui-même annexé aux mémoires en réplique, renvoie à cette étude. Or, la jurisprudence citée au point 163 ci-dessus vise également la réplique (arrêt du 11 juillet 2018, Europa Terra Nostra/Parlement, T‑13/17, non publié, EU:T:2018:428, point 86). Dès lors, le Tribunal ne saurait tenir compte de cette étude.
248 Partant, il ne saurait être reproché aux trois institutions concernées de ne pas avoir tenu compte des documents figurant sur la liste annexée aux mémoires en réplique.
249 Il y a donc lieu de conclure que, ainsi qu’il est relevé au point 241 ci-dessus, c’est à tort que les requérantes prétendent que les trois institutions concernées auraient commis une erreur manifeste d’appréciation, d’une part, en adoptant l’interdiction de mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant alors qu’elles ne disposaient pas d’une évaluation scientifique aussi exhaustive que possible des risques présentés par ce type de plastique et,
d’autre part, en considérant établie l’existence desdits risques.
250 Le pouvoir que le législateur de l’Union tire de l’article 191 TFUE faisant, selon la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus, l’objet d’un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation, il convient de conclure que les trois institutions concernées n’ont pas violé cette disposition.
251 En l’absence de violation de l’article 191 TFUE, il n’y a pas lieu d’examiner si celle-ci est suffisamment caractérisée, comme l’exige la jurisprudence relative à la première condition d’engagement de la responsabilité de l’Union, citée au point 42 ci-dessus.
252 Il convient donc de rejeter la première branche du troisième moyen d’illégalité, en tant qu’elle est tirée d’une violation suffisamment caractérisée de l’article 191 TFUE et d’erreurs manifestes d’appréciation.
b) Sur la violation suffisamment caractérisée du principe général de proportionnalité, consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE
253 Par les deuxième et troisième branches ainsi que, en partie, la première branche de leur troisième moyen d’illégalité, les requérantes soutiennent que l’interdiction de mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxodégradable, prévue à l’article 5 de la directive 2019/904, est contraire au principe général de proportionnalité, consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE.
254 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés
par rapport aux buts visés (arrêt du 13 mars 2019, Pologne/Parlement et Conseil, C‑128/17, EU:C:2019:194, point 94).
255 S’agissant du contrôle juridictionnel du respect de ce principe, dans un cadre technique complexe et à caractère évolutif, le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant aux éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’il adopte, tandis que le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un
détournement de pouvoir ou encore si le législateur de l’Union n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut en effet substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle du législateur de l’Union à qui le traité a conféré cette tâche (arrêt du 13 mars 2019, Pologne/Parlement et Conseil, C‑128/17, EU:C:2019:194, point 95).
256 Au vu de ces considérations, il y a lieu d’examiner si c’est à juste titre que les requérantes font valoir, par la deuxième branche de leur troisième moyen d’illégalité, que, dans la mesure où elle s’applique au plastique oxobiodégradable, l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 n’est pas apte à réaliser l’objectif de ladite directive, puis, si, comme elles le soutiennent par la troisième branche du même moyen, ladite interdiction dépasse les limites de ce qui est nécessaire
à la réalisation de cet objectif.
257 Quant à la première branche du troisième moyen, il convient de rappeler que celle-ci est, en partie, tirée de ce que l’interdiction en question est disproportionnée du simple fait de l’absence d’évaluation scientifique des risques pour l’environnement et la santé humaine posés par le plastique oxodégradable. Or, il y a lieu de constater que les requérantes font ainsi valoir, en substance, que, l’existence de tels risques n’étant pas établie, ladite interdiction ne saurait être apte à protéger
contre eux. La première branche, en tant qu’elle est tirée de cet argument, se confond donc avec la deuxième et sera examinée avec celle-ci.
1) Sur la deuxième branche, tirée de ce que, dans la mesure où elle s’applique au plastique oxobiodégradable, l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 n’est pas apte à réaliser l’objectif de ladite directive, et sur la première branche, en tant qu’elle est tirée du même argument
258 Il résulte des points 124 à 249 ci-dessus que les trois institutions concernées n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le plastique contenant un additif pro-oxydant présentait des risques pour l’environnement et la santé humaine, dès lors qu’il ne se biodégradait pas convenablement, n’était pas compostable, avait une incidence négative sur le recyclage des plastiques conventionnels et ne présentait pas d’avantage environnemental avéré.
259 Partant, conformément à la jurisprudence citée au point 255 ci-dessus, une mesure interdisant la mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant doit être considérée comme apte à réaliser l’objectif de protection de l’environnement et de la santé humaine, énoncé au considérant 36 et à l’article 1er de la directive 2019/904.
2) Sur la troisième branche, tirée de ce que, dans la mesure où elle s’applique au plastique oxobiodégradable, l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 dépasse les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi par ladite directive
260 Par la troisième branche du troisième moyen d’illégalité, les requérantes soutiennent que dans la mesure où elle s’applique au plastique oxobiodégradable, la mesure prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 dépasse les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif de protection de l’environnement et de la santé humaine que poursuit cette directive.
261 En premier lieu, les requérantes font valoir qu’il existe d’autres mesures moins contraignantes qu’une interdiction pure et simple de mise sur le marché, à savoir : premièrement, exclure le plastique oxobiodégradable de la définition du « plastique oxodégradable » à l’article 3, point 3, de ladite directive et, par voie de conséquence, du champ d’application de l’article 5 de celle-ci ; deuxièmement, soumettre le plastique oxobiodégradable à la réalisation de tests conformément à la norme
américaine ASTM D 6954 ou à d’autres normes comparables ; troisièmement, exiger que le plastique oxobiodégradable contienne un marqueur qui permette un tri automatique préalable au recyclage ; quatrièmement, inclure ce type de plastique dans le champ d’application des articles 4, 7, 8 et/ou 10 de la directive 2019/904 ; ou, cinquièmement, imposer un étiquetage qui prévienne tout risque de confusion par les consommateurs.
262 Toutefois, aucune des cinq mesures proposées par les requérantes ne permet d’atteindre l’objectif poursuivi par la directive 2019/904.
263 Premièrement, s’agissant de la proposition des requérantes d’exclure le plastique oxobiodégradable de la définition du « plastique oxodégradable » à l’article 3, point 3, de la directive 2019/904, il a déjà été constaté, dans le cadre de l’examen de la première branche du présent moyen, que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que les trois institutions concernées ont considéré que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se biodégrade pas convenablement dans un délai
raisonnable et que, par conséquent, il n’y a pas lieu de distinguer entre plastique oxodégradable et plastique oxobiodégradable. Partant, exclure le plastique contenant un additif pro-oxydant de la définition du « plastique oxodégradable » audit article 3, point 3, de la directive 2019/904 reviendrait à limiter le champ d’application de l’interdiction prévue à l’article 5 de cette directive aux produits en plastique à usage unique énumérés dans la partie B de son annexe, ce qui irait à
l’encontre de la lettre même de cet article.
264 Deuxièmement, s’agissant de la proposition des requérantes de soumettre le plastique contenant un additif pro-oxydant à la réalisation de tests conformément à la norme américaine ASTM D 6954 ou à d’autres normes comparables, il a déjà été constaté au point 197 ci-dessus que, dans la mesure où il n’existe pas de norme unifiée, au niveau de l’Union, qui permette d’évaluer la biodégradation dudit plastique, mais uniquement des normes nationales, les trois institutions concernées n’ont pas excédé
les limites de leur pouvoir d’appréciation en ne se fondant pas sur la norme ASTM D 6954 ou sur d’autres normes comparables.
265 Troisièmement, s’agissant de la proposition des requérantes d’exiger que le plastique contenant un additif pro-oxydant contienne un marqueur qui le rende identifiable par une machine à tri automatique afin qu’il soit séparé des plastiques conventionnels et ne soit pas recyclé avec eux, il ressort de l’étude Eunomia que la technologie actuelle ne permet pas un tri automatique du plastique contenant un additif pro-oxydant, et du rapport du 16 janvier 2018 que « [l]es technologies actuellement
disponibles ne permettent […] pas aux entreprises de retraitement d’identifier et de séparer les plastiques oxodégradables ».
266 La Commission souligne, à cet égard, que les techniques de séparation automatique traditionnellement utilisées, telles que la spectroscopie proche infrarouge, ne permettent pas de détecter le plastique contenant un additif pro-oxydant et que, par conséquent, de nouvelles machines de tri automatique devraient être développées à cette fin, mais qu’il ne s’agit pas d’une option économiquement viable pour l’industrie du recyclage. Or, les requérantes se contentent d’affirmer que le développement de
nouvelles machines de tri automatique est économiquement viable, sans apporter aucun élément de preuve au soutien d’une telle affirmation ni démontrer qu’il est effectivement possible de mettre en place le marqueur qu’elles proposent.
267 Quatrièmement, les requérantes proposent d’inclure le plastique contenant un additif pro-oxydant dans le champ d’application des articles 4, 7, 8 et/ou 10 de la directive 2019/904, lesquels permettent aux États membres d’adopter les mesures suivantes : mesures de réduction de la consommation (article 4) ; mesures prévoyant l’apposition d’un marquage informant les consommateurs, d’une part, des solutions appropriées de gestion de déchets issus du produit en cause ou des moyens d’élimination des
déchets à éviter pour ce produit et, d’autre part, de la présence de plastique dans le produit et des effets nocifs de l’élimination inappropriée des déchets issus de celui-ci (article 7) ; mesures prévoyant la mise en place de régimes de responsabilité élargie des producteurs pour la mise sur le marché de produits à base de plastique contenant un additif pro-oxydant (article 8) ; mesures de sensibilisation visant à informer les consommateurs et à encourager des habitudes de consommation
responsable (article 10).
268 Toutefois, eu égard au large pouvoir d’appréciation, rappelé au point 255 ci-dessus, dont dispose le législateur de l’Union pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’il adopte, il ne saurait être considéré que les trois institutions concernées ont excédé les limites d’un tel pouvoir en estimant, eu égard aux risques présentés par les produits à base de plastique contenant un additif pro-oxydant, notamment au risque qu’ils ne se biodégradent pas convenablement, qu’il convenait
d’interdire leur mise sur le marché, plutôt que de soumettre celle-ci à l’une ou l’autre des mesures visées aux articles 4, 7, 8 et/ou 10 de la directive 2019/904, lesquelles seraient, au demeurant, susceptibles de varier d’un État membre à l’autre.
269 Cinquièmement, s’agissant de la proposition des requérantes d’imposer un étiquetage des produits à base de plastique contenant un additif pro-oxydant qui prévienne tout risque de confusion des consommateurs, elle rejoint leur proposition de soumettre lesdits produits aux mesures prévues par les articles 7 ou 10 de la directive 2019/904. Elle doit donc, pour les raisons mentionnées au point 268 ci-dessus, être rejetée.
270 En second lieu, les requérantes soutiennent que, au lieu d’interdire purement et simplement la mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant, les trois institutions concernées auraient dû prévoir une période de transition, comme l’a fait l’ECHA dans sa proposition de restriction relative aux microplastiques ajoutés intentionnellement.
271 Une telle argumentation ne saurait être suivie.
272 Il est vrai que la communication de l’ECHA intitulée « Proposition de restriction sur les microplastiques ajoutés intentionnellement – questions et réponses » de septembre 2020, produite par les requérantes, indique que cette agence a proposé une restriction au titre du règlement REACH, dans laquelle elle recommande d’interdire la mise sur le marché des microplastiques utilisés dans les produits cosmétiques, mais prévoit une période de transition allant de quatre à huit ans.
273 Toutefois, il convient de souligner que le délai de transposition de l’article 5 de la directive 2019/904, adoptée le 5 juin 2019, expire, selon l’article 17, paragraphe 1, de celle-ci, le 3 juillet 2021 et qu’un tel délai pourrait être considéré comme équivalant, en pratique, à une période de transition de deux ans qui accompagnerait l’interdiction de mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant. En outre, les périodes de transition préconisées
par l’ECHA s’agissant des microplastiques ajoutés intentionnellement à des produits cosmétiques ne s’appliquent pas dans tous les cas. Ainsi, elles ne s’appliquent pas aux produits cosmétiques contenant des microbilles, parce que celles-ci peuvent être facilement remplacées par des substances naturelles comme des amandes en poudre, des noix de coco ou des graines d’olive. Enfin, comme le soutient la Commission, eu égard aux utilisations, non complexes, du plastique contenant un additif
pro-oxydant, il y a lieu de considérer que les trois institutions concernées n’ont pas excédé les limites de leur marge d’appréciation en estimant que les produits fabriqués à base de ce type de plastique devaient être interdits sans que soit prévue une période de transition.
274 Partant, les requérantes ne sauraient s’appuyer sur les périodes de transition recommandées par l’ECHA s’agissant des microplastiques ajoutés intentionnellement pour faire valoir qu’une interdiction pure et simple des produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant, non assortie d’une période de transition, est disproportionnée.
275 En troisième lieu, les requérantes font valoir que les inconvénients causés par l’interdiction de mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant seraient démesurés par rapport aux buts visés, dans la mesure où les trois institutions concernées auraient omis d’apprécier les incidences sociales et économiques de ladite interdiction.
276 Or, la protection de la santé humaine a une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques et la protection de l’environnement constitue un des objectifs essentiels de l’Union. L’importance de tels objectifs est de nature à justifier des conséquences économiques négatives, mêmes considérables, pour certains opérateurs (arrêt du 12 décembre 2014, Xeda International/Commission, T‑269/11, non publié, EU:T:2014:1069, point 138).
277 En outre, les requérantes se contentent d’affirmer que les trois institutions concernées ont omis d’apprécier les incidences sociales et économiques de l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904. Elles n’expliquent pas en quoi consistent les prétendus inconvénients sociaux et économiques posés par celle-ci, mais font simplement référence, sans étayer cet argument, aux obstacles mis au développement d’une technologie oxobiodégradable plus efficace.
278 Il convient donc de conclure que l’interdiction de mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant ne dépasse pas les limites de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de protection de l’environnement et de la santé humaine poursuivi par la directive 2019/904.
279 Dès lors, il découle des points 259 et 278 ci-dessus que ladite interdiction ne viole pas le principe général de proportionnalité, consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE.
280 En l’absence de violation de ce principe, il n’y a pas lieu d’examiner si celle-ci est suffisamment caractérisée, comme l’exige la jurisprudence relative à la première condition d’engagement de la responsabilité de l’Union, citée au point 42 ci-dessus.
281 Il convient donc de rejeter les deuxième et troisième branches du troisième moyen d’illégalité, ainsi que sa première branche, en tant qu’elle est tirée d’une violation suffisamment caractérisée du principe général de proportionnalité, consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE.
282 Partant, il convient de rejeter le troisième moyen dans son intégralité.
4. Sur le quatrième moyen d’illégalité, tiré d’une violation suffisamment caractérisée du principe général d’égalité de traitement
283 Par leur quatrième moyen d’illégalité, les requérantes font valoir que les trois institutions concernées ont violé le principe général d’égalité de traitement, d’une part, en interdisant la mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxobiodégradable, mais non celle des produits fabriqués à base de plastique conventionnel, à l’exception de neuf produits à usage unique et, d’autre part, en interdisant la mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique
oxobiodégradable, mais non celle des produits fabriqués à base de plastiques commercialisés comme « compostables ».
284 S’agissant, en particulier, de la différence de traitement entre produits fabriqués à base de plastique oxobiodégradable et produits fabriqués à base de plastique conventionnel, à l’exception de neuf produits à usage unique, les requérantes font valoir qu’il n’a pas été démontré que le plastique oxobiodégradable porterait davantage atteinte à l’environnement que le plastique oxodégradable ou le plastique conventionnel. Le plastique oxobiodégradable ne se fragmenterait pas en microplastiques et
se biodégraderait plus rapidement que le plastique conventionnel. Il ne serait pas davantage susceptible que le plastique conventionnel de faire l’objet de dépôts sauvages. Il se prêterait au recyclage de la même manière que le plastique conventionnel. Toujours s’agissant de la différence de traitement entre produits fabriqués à base de plastique oxobiodégradable et produits fabriqués à base de plastique conventionnel, à l’exception de neuf produits à usage unique, les requérantes font également
valoir que rien ne justifie que seuls neuf produits à usage unique fabriqués à base de plastique conventionnel soient interdits, alors que tous les produits fabriqués à base de plastique oxobiodégradable le sont.
285 À titre subsidiaire, les requérantes soutiennent que l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 entraîne une distorsion de concurrence entre différents types de plastiques biodégradables.
286 Le Parlement, le Conseil et la Commission contestent l’argumentation des requérantes.
287 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 5 décembre 2013, Solvay/Commission, C‑455/11 P, non publié, EU:C:2013:796, point 77 et jurisprudence citée).
288 Le caractère comparable de situations différentes s’apprécie au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêts du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26, et du
19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 67).
289 Il convient d’examiner, d’une part, si les trois institutions concernées ont violé le principe général d’égalité de traitement en interdisant la mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxobiodégradable, mais non celle des produits fabriqués à base de plastique conventionnel, à l’exception de neuf produits à usage unique, puis, d’autre part, si elles ont violé ledit principe en interdisant la mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxobiodégradable,
mais non celle des produits fabriqués à base de plastiques commercialisés comme « compostables ».
290 S’agissant, en premier lieu, de la première des deux violations mentionnées au point 289 ci-dessus, le Tribunal estime que les produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant ne sauraient être considérés comme étant dans une situation comparable à celle des produits fabriqués à base de plastique conventionnel.
291 En effet, d’une part, il découle de l’examen du troisième moyen d’illégalité que, sur la base de l’évaluation scientifique des risques qui était accessible aux trois institutions concernées lors de l’élaboration et de l’adoption de la directive 2019/904, il ne saurait être exclu que le plastique contenant un additif pro-oxydant soit, du moins sous certains aspects ayant trait, notamment, à son recyclage et à sa biodégradation en décharge, plus problématique que le plastique conventionnel.
292 À cet égard, il ressort des points 129 et 131 ci-dessus que, selon l’étude Eunomia et le rapport du 16 janvier 2018, en cas de biodégradation dans les couches profondes d’une décharge, le plastique contenant un additif pro-oxydant serait légèrement plus problématique que le plastique conventionnel du point de vue des gaz à effet de serre.
293 En outre, comme indiqué au point 234 ci-dessus, le plastique contenant un additif pro-oxydant ne saurait être recyclé avec le plastique conventionnel sans affecter la qualité de la matière recyclée.
294 Enfin, il ressort des points 127 à 131 ci-dessus que, selon l’étude Eunomia et le rapport du 16 janvier 2018, le plastique contenant un additif pro-oxydant se fragmente plus rapidement que le plastique conventionnel, mais qu’il n’est pas exclu que cette fragmentation plus rapide du premier ait pour conséquence que, à l’air libre comme en milieu marin, l’incidence négative de celui-ci sur l’environnement en soit accrue, parce qu’elle est concentrée sur une période plus courte.
295 C’est ce que souligne, s’agissant des déchets marins, la section 4.3 du rapport du 16 janvier 2018, selon laquelle « [l]a fragmentation des plastiques oxodégradables étant généralement plus rapide que celle des plastiques traditionnels, les effets négatifs associés à la présence de microplastiques dans le milieu marin sont concentrés sur une période plus courte. Cette concentration des effets pourrait, en définitive, être pire qu’une diffusion des effets sur une période plus longue, car la
proportion des individus, espèces et habitats touchés augmenterait, de même que le poids des effets pour chaque individu ».
296 C’est également ce que souligne l’étude Eunomia à propos de de la biodégradation en milieu ouvert. Selon ladite étude, « il est possible que la dégradation du plastique contenant un additif pro-oxydant soit beaucoup plus courte que celle du plastique conventionnel. Toutefois, il convient de se demander si l’incidence sur l’environnement n’est pas d’autant plus importante pendant la phase de biodégradation, eu égard au scénario contrefactuel ».
297 Les requérantes ne sauraient, afin de réfuter les constatations aux points 291 à 294 ci-dessus, s’appuyer sur le courrier adressé par le Dr R. Rose – l’auteur de l’étude de la Queen Mary University – à l’ECHA, le 3 mai 2018. Il est vrai que, dans ce courrier, le Dr R. Rose indique qu’elle est « surprise que l’Union propose d’interdire un produit qui n’est certainement pas pire que le [polyéthylène de basse densité, c’est-à-dire un plastique conventionnel] non modifié, qui ne fait pas l’objet de
la même mesure » et que « [l]égiférer contre un seul type de plastique ne permet pas de résoudre l’accumulation de nombres types de polyhydrocarbures ». Toutefois, ce courrier fait allusion à l’utilisation de la nouvelle méthode développée par la Queen Mary University, dont il a été constaté au point 170 ci-dessus qu’elle était loin de faire l’unanimité et qu’il n’était pas certain qu’elle permette d’obtenir des résultats reproductibles en situation réelle.
298 Les requérantes ne sauraient pas davantage, afin de réfuter les constatations figurant aux points 291 à 294 ci-dessus, s’appuyer sur le point 19, sous c), et le point 47, sous b), du témoignage du scientifique senior de Symphony Environmental. Il est vrai que celui-ci y affirme que, d’une part, le plastique conventionnel se fragmente en microplastiques qui persistent dans l’environnement pendant des dizaines ou des centaines d’années et, d’autre part, les consommateurs qui abandonnent des
déchets en plastique ne se soucient souvent pas de la question de savoir si ceux-ci sont ou non biodégradables. Toutefois, il y a lieu de rappeler que, comme indiqué au point 179 ci-dessus, il ne saurait être accordé qu’une faible valeur probante audit témoignage. Il en est d’autant plus ainsi que le seul élément de preuve que le scientifique senior de Symphony Environmental cite à l’appui de ses allégations est le rapport du laboratoire Intertek, dont il a été constaté au point 182 ci-dessus
qu’il a été préparé à la demande de Symphony Environmental.
299 Enfin, en tant que les requérantes cherchent à tirer argument des points 25 et 26 du témoignage du président-directeur général des requérantes, où celui-ci souligne, sans cependant renvoyer à une étude scientifique, l’incohérence de la directive 2019/904, qui interdit le plastique oxobiodégradable, mais non le plastique conventionnel ni le plastique compostable, alors que ceux-ci, notamment, ne se biodégradent pas convenablement en milieu ouvert et ne présentent pas d’avantage environnemental
avéré, il suffit de rappeler que, comme indiqué au point 156 ci-dessus, il ne saurait être accordé qu’une faible valeur probante audit témoignage.
300 D’autre part, il ressort du considérant 36 de la directive 2019/904 que celle-ci a pour objectif, notamment, de prévenir et de réduire l’incidence sur l’environnement et la santé humaine de certains produits en plastique à usage unique, des produits fabriqués à base de plastique oxodégradable et des engins de pêche contenant du plastique. Ladite directive cherche donc non pas à couvrir tous les produits en plastique susceptibles de présenter un risque pour l’environnement et la santé humaine,
mais à concentrer les efforts là où ils sont le plus nécessaires, comme l’indique son considérant 7 à propos des produits en plastique à usage unique. L’article 1er de la directive 2019/904 confirme que celle-ci a pour objet, notamment, de prévenir et de réduire l’incidence de « certains » produits en plastique sur l’environnement, en particulier le milieu aquatique, et la santé humaine.
301 Or, il a été établi dans le cadre de l’analyse du troisième moyen d’illégalité que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que les trois institutions concernées ont considéré que les produits fabriqués à base de plastique oxodégradable avaient une incidence sur l’environnement et la santé humaine.
302 Dès lors que, selon la jurisprudence citée au point 288 ci-dessus, le caractère comparable de situations différentes s’apprécie à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause, il ne saurait être considéré que les produits fabriqués à base de plastique oxodégradable, dont la directive 2019/904 a pour objet et pour objectif de prévenir et de réduire l’incidence sur l’environnement et la santé humaine, sont dans une situation comparable à celle des
produits fabriqués à base de plastique conventionnel.
303 Par conséquent, les trois institutions concernées n’ont pas enfreint le principe général d’égalité de traitement en interdisant la mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant, mais non celle des produits fabriqués à base de plastique conventionnel, à l’exception de neuf produits à usage unique.
304 Concernant l’argument des requérantes selon lequel lesdites institutions auraient violé le principe général d’égalité de traitement en interdisant la mise sur le marché de « tous » les produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant, mais uniquement celle de « certains » produits à usage unique en plastique conventionnel, il ne saurait être suivi. En effet, il ressort du considérant 36 de la directive 2019/904 que celle-ci a pour objectif, notamment, de prévenir et de
réduire l’incidence sur l’environnement et la santé humaine de « certains » produits en plastique à usage unique, et du considérant 7 de ladite directive que, afin de concentrer les efforts là où ils sont le plus nécessaires, celle-ci ne devrait couvrir que les produits en plastique à usage unique qui sont le plus fréquemment retrouvés sur les plages de l’Union, à savoir ceux énumérés dans la partie B de l’annexe à ladite directive. Partant, conformément à la jurisprudence citée au point 288
ci-dessus, il ne saurait être considéré que les produits à usage unique en plastique conventionnel qui ne figurent pas sur la liste annexée à la directive 2019/904 sont dans une situation comparable à celle des produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant. Dès lors, en interdisant la mise sur le marché des seconds, mais non des premiers, les trois institutions concernées n’ont pas violé le principe général d’égalité de traitement.
305 Enfin, pour autant que l’argument des requérantes selon lequel l’interdiction de mise sur le marché prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 entraîne une distorsion de concurrence entre différents types de plastique oxodégradable doit être compris comme alléguant qu’en interdisant non seulement les produits fabriqués à base de plastique oxodégradable, mais également ceux fabriqués à base de plastique que les requérantes qualifient d’« oxobiodégradable », les trois institutions concernées
auraient violé le principe général d’égalité de traitement, il ne saurait être suivi. En effet, il a déjà été constaté, dans le cadre de l’examen du troisième moyen d’illégalité, que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que lesdites institutions ont estimé que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se biodégradait pas convenablement et qu’il ne convenait pas de distinguer le plastique oxodégradable du plastique oxobiodégradable. Dès lors, il ne saurait être soutenu
qu’en traitant les produits fabriqués à base de plastique oxodégradable différemment de ceux fabriqués à base de plastique que les requérantes qualifient d’« oxobiodégradable », ces institutions ont enfreint le principe général d’égalité de traitement.
306 En second lieu, s’agissant de la violation du principe général d’égalité de traitement qui résulterait de l’interdiction de mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxobiodégradable, mais non des produits fabriqués à base de plastique commercialisé comme « compostable », le Tribunal estime que ces deux catégories de produits ne sont pas dans une situation comparable.
307 En effet, il découle de l’examen du troisième moyen d’illégalité que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que les trois institutions concernées ont estimé qu’il existe un risque que le plastique contenant un additif pro-oxydant ne soit pas compostable, ce que, comme indiqué au point 216 ci-dessus, les requérantes ont reconnu. Enfin, conformément à la jurisprudence citée au point 288 ci-dessus, il convient de tenir compte du fait que, si la directive 2019/904 a pour objet et
pour objectif de prévenir et de réduire l’incidence des produits fabriqués à base de plastique oxodégradable, les produits fabriqués à base de plastique commercialisé comme « compostable » ne relèvent pas de son objet et de son objectif.
308 Il découle des points 303, 306 et 307 ci-dessus que les trois institutions concernées n’ont pas violé le principe général d’égalité de traitement en interdisant la mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique contenant un additif pro-oxydant, mais non celle des produits fabriqués à base de plastique conventionnel, à l’exception de neuf produits à usage unique, ni celle des produits fabriqués à base de plastique commercialisé comme « compostable ».
309 En l’absence de violation dudit principe, il n’y a pas lieu d’examiner si cette violation est suffisamment caractérisée, comme l’exige la jurisprudence relative à la première condition d’engagement de la responsabilité de l’Union, citée au point 42 ci-dessus.
310 Il convient donc de rejeter le quatrième moyen d’illégalité.
5. Sur le cinquième moyen d’illégalité, tiré d’une violation suffisamment caractérisée des article 16 et 17 et de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte et de l’article 49 TFUE
311 Le cinquième moyen d’illégalité se divise en deux branches. Par la première branche, les requérantes soutiennent qu’en adoptant l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904, les trois institutions concernées ont violé leur liberté d’entreprise, énoncée à l’article 16 de la Charte, leur droit de propriété, prévu à l’article 17 de celle-ci, et leur liberté d’établissement, visée à l’article 49 TFUE. En effet, l’interdiction en cause les empêcherait de placer sur le marché de
l’Union des produits contenant leur mélange-maître d2w. Par la seconde branche, les requérantes font valoir que cette interdiction a été adoptée en violation de leur droit à une bonne administration, inscrit à l’article 41 de la Charte, dans la mesure où les trois institutions concernées n’auraient pas tenu compte des éléments de preuve pertinents et n’auraient pas suivi les procédures appropriées.
312 Le Parlement, le Conseil et la Commission contestent l’argumentation des requérantes.
a) Sur la première branche du cinquième moyen, tirée d’une violation suffisamment caractérisée des articles 16 et 17 de la Charte et de l’article 49 TFUE
313 Il convient d’examiner si les trois institutions concernées ont violé de manière suffisamment caractérisée, en premier lieu, l’article 16 de la Charte, en deuxième lieu, son article 17 et, en troisième lieu, l’article 49 TFUE.
314 Le Tribunal estime que tel n’est pas le cas.
315 En effet, s’agissant, en premier lieu, de la violation de l’article 16 de la Charte, relatif à la liberté d’entreprise, il convient de relever que la protection conférée par cette disposition comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre (arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 79). En outre, la liberté contractuelle comprend, notamment, le libre choix du partenaire économique, ainsi que
la liberté de déterminer le prix pour une prestation (arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 43).
316 Toutefois, la liberté d’entreprise consacrée à l’article 16 de la Charte ne constitue pas une prérogative absolue, mais doit, d’une part, être prise en considération par rapport à sa fonction dans la société et, d’autre part, être mise en balance avec les autres intérêts protégés par l’ordre juridique de l’Union ainsi que les droits et les libertés d’autrui (arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 80).
317 Eu égard au libellé de l’article 16 de la Charte, qui prévoit que la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et aux pratiques nationales, se distinguant ainsi de celui des autres libertés fondamentales consacrées au titre II de celle-ci, tout en étant proche de celui de certaines dispositions du titre IV de la Charte, cette liberté peut ainsi être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans
l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique (arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 81).
318 Or, cette circonstance trouve notamment son reflet dans la manière dont il convient d’apprécier la réglementation de l’Union et la législation ainsi que les pratiques nationales au regard du principe de proportionnalité en vertu de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Conformément à cette dernière disposition, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés consacrés par la Charte doit être prévue par la loi, respecter leur contenu essentiel et doit, dans le respect du principe de
proportionnalité, être nécessaire et répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui (arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, points 47 et 48, et du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, points 82 et 83).
319 En l’espèce, l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904, emporte une limitation à l’exercice, par les requérantes, de leur liberté d’entreprise. En effet, d’une part, les requérantes commercialisent des produits fabriqués à base de plastique contenant le mélange-maître d2w, tels que des sacs poubelles et des sacs de congélation, ce que l’interdiction en cause leur interdit désormais de faire. D’autre part, ladite interdiction est susceptible d’affecter l’activité principale des
requérantes, à savoir la fabrication et la commercialisation du mélange-maître d2w. Or, cette activité principale est liée à l’activité de mise sur le marché de produits fabriqués à base de plastique oxodégradable, de sorte que l’interdiction de la seconde pourrait entraîner des conséquences économiques sur la première et influer sur la décision des requérantes de continuer celle-ci (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2020, IFSUA/Conseil, T‑251/18, EU:T:2020:89, points 150 et 151).
320 Toutefois, cette restriction est prévue par la loi, à savoir la directive 2019/904. En outre, elle n’affecte pas le contenu essentiel de la liberté d’entreprise des requérantes, dès lors qu’est interdite la seule mise sur le marché de l’Union de produits à base de plastique contenant un additif pro-oxydant, mais non leur production. Dès lors, les requérantes peuvent continuer à fabriquer de tels produits pour les mettre sur le marché d’États tiers. Elles peuvent également continuer à fabriquer
leur mélange-maître d2w et le vendre à des clients qui l’utiliseront dans la fabrication de produits qu’ils destinent à une mise sur le marché d’États tiers. Enfin, comme constaté dans le cadre de l’examen du troisième moyen d’illégalité, cette restriction est nécessaire, proportionnée et répond à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, à savoir la protection de l’environnement et de la santé humaine.
321 S’agissant, en deuxième lieu, de la violation de l’article 17 de la Charte, celui-ci dispose, à son paragraphe 1, que toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer, et que nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et des conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. Par ailleurs, l’usage des biens peut
être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général.
322 Toutefois, selon la jurisprudence, aucun opérateur économique ne peut revendiquer un droit de propriété sur une part de marché, même s’il la détenait à un moment antérieur à l’instauration d’une mesure affectant ledit marché, une telle part de marché ne constituant qu’une position économique momentanée exposée aux aléas d’un changement de circonstances. Un opérateur économique ne saurait davantage faire valoir un droit acquis ou même une confiance légitime dans le maintien d’une situation
existante qui peut être modifiée par des actes pris par les institutions de l’Union dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation (arrêt du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2005:449, point 128).
323 En l’espèce, il découle de la jurisprudence citée au point 322 ci-dessus que les requérantes ne peuvent revendiquer la protection de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte à l’égard de leur droit de mettre sur le marché de l’Union le mélange-maître d2w (voir, par analogie, arrêt du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 60).
324 Quant à l’argument des requérantes selon lequel l’interdiction de mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxodégradable, prévue à l’article 5 de la directive 2019/904, serait contraire à l’article 17, paragraphe 2, de la Charte, aux termes duquel « [l]a propriété intellectuelle est protégée », parce qu’elle réduirait considérablement la valeur du droit de propriété intellectuelle qu’elles détiennent sur la formule du mélange-maître d2w, il ne saurait être suivi. En effet,
si les requérantes ont précisé que ledit mélange-maître était protégé au titre d’un droit de marque et du savoir-faire nécessaire à sa production, elles sont restées en défaut d’indiquer les raisons pour lesquelles de tels droits seraient violés.
325 En tout état de cause, il convient de relever qu’il ne ressort pas de l’article 17 de la Charte ni de la jurisprudence que la protection des droits de propriété intellectuelle devrait être assurée de manière absolue (voir, par analogie, arrêt du 29 juillet 2019, Spiegel Online, C‑516/17, EU:C:2019:625, point 56). Toute limitation apportée à l’article 17, paragraphe 2, de la Charte doit l’être conformément à l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci. Or, en l’espèce, une limitation de l’exercice du
droit de propriété intellectuelle que les requérantes détiendraient sur le mélange-maître d2w, à la supposer établie, serait prévue par la loi. Elle ne porterait pas atteinte au contenu essentiel dudit droit, dès lors que n’est pas interdite la fabrication de produits à base de plastique contenant un additif pro-oxydant et leur vente sur le marché d’États tiers ni la fabrication et la mise sur le marché de l’Union d’un tel additif. Comme constaté dans le cadre de l’examen du troisième moyen
d’illégalité, une telle limitation répond à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, à savoir la protection de l’environnement et de la santé humaine, et elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire.
326 S’agissant, en troisième lieu, de la violation de l’article 49 TFUE, il suffit de relever que les requérantes n’indiquent pas les raisons pour lesquelles l’interdiction de mise sur le marché du plastique contenant un additif pro-oxydant entraverait leur liberté d’établissement.
327 Il découle des points 313 à 326 ci-dessus que les trois institutions concernées n’ont violé ni l’article 16 de la Charte, ni son article 17, ni l’article 49 TFUE.
328 En l’absence de violation desdits articles, il n’y a pas lieu d’examiner si celle-ci est suffisamment caractérisée, comme l’exige la jurisprudence relative à la première condition d’engagement de la responsabilité de l’Union, citée au point 42 ci-dessus.
329 Il convient donc de rejeter la première branche du cinquième moyen d’illégalité.
b) Sur la seconde branche du cinquième moyen, tiré d’une violation suffisamment caractérisée du droit à une bonne administration, inscrit à l’article 41 de la Charte
330 Par la seconde branche de leur cinquième moyen d’illégalité, les requérantes soutiennent que l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 a été adoptée en violation de leur droit à une bonne administration, inscrit à l’article 41 de la Charte. Elles font valoir que les trois institutions concernées n’ont pas tenu compte des éléments de preuve pertinents et n’ont pas suivi les procédures appropriées.
331 Une telle argumentation ne saurait être suivie.
332 Il suffit, à cet égard, de relever que, selon la jurisprudence, le droit à une bonne administration, tel qu’il ressort de l’article 41 de la Charte, ne vise pas le processus d’élaboration d’un acte législatif, tel que la directive 2019/904 (voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, EU:C:1999:498, point 37, et du 12 juin 2015, Health Food Manufacturers’ Association e.a./Commission, T‑296/12, EU:T:2015:375, point 98).
333 Partant, les trois institutions concernées n’ont pas violé l’article 41 de la Charte.
334 En l’absence de violation dudit article, il n’y a pas lieu d’examiner si celle-ci est suffisamment caractérisée, comme l’exige la jurisprudence relative à la première condition d’engagement de la responsabilité de l’Union, citée au point 42 ci-dessus.
335 Il convient donc de rejeter la seconde branche du cinquième moyen d’illégalité et, partant, ce moyen dans son intégralité.
336 Il découle de tout ce qui précède que chacun des cinq moyens d’illégalité doit être rejeté et que les requérantes ont échoué à démontrer l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.
337 Les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union étant, comme indiqué au point 41 ci-dessus, cumulatives, le présent recours doit être rejeté sur cette base, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les conditions de l’existence d’un préjudice réel et certain ainsi que d’un lien de causalité.
IV. Sur les dépens
338 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement, du Conseil et de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Symphony Environmental Technologies plc et Symphony Environmental Ltd sont condamnées aux dépens.
Van der Woude
Spielmann
Gâlea
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 31 janvier 2024.
Signatures
Table des matières
I. Antécédents du litige
II. Conclusions des parties
III. En droit
A. Sur la demande d’omission de certaines données envers le public
B. Observation liminaire
C. Sur la recevabilité
D. Sur le fond
1. Sur le premier moyen d’illégalité, tiré de la violation des articles 68 à 73 du règlement REACH
2. Sur le deuxième moyen d’illégalité, tiré d’une violation suffisamment caractérisée des points 12 et 14 à 16 de l’accord interinstitutionnel
3. Sur le troisième moyen d’illégalité, tiré d’une violation suffisamment caractérisée du principe général de proportionnalité, consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE, et de l’article 191 TFUE, ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation
a) Sur la première branche, en tant qu’elle est tirée d’une violation suffisamment caractérisée de l’article 191 TFUE
1) Sur l’affirmation selon laquelle le plastique contenant un additif pro-oxydant ne se biodégrade pas convenablement
2) Sur l’affirmation selon laquelle le plastique contenant un additif pro-oxydant n’est pas compostable
3) Sur l’affirmation selon laquelle le plastique contenant un additif pro-oxydant a une incidence négative sur le recyclage des plastiques conventionnels
4) Sur l’affirmation selon laquelle le plastique contenant un additif pro-oxydant ne présente pas d’avantage environnemental avéré
5) Sur la liste annexée aux mémoires en réplique, qui reprend l’ensemble des documents dont les trois institutions concernées ont prétendument omis de tenir compte
b) Sur la violation suffisamment caractérisée du principe général de proportionnalité, consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE
1) Sur la deuxième branche, tirée de ce que, dans la mesure où elle s’applique au plastique oxobiodégradable, l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 n’est pas apte à réaliser l’objectif de ladite directive, et sur la première branche, en tant qu’elle est tirée du même argument
2) Sur la troisième branche, tirée de ce que, dans la mesure où elle s’applique au plastique oxobiodégradable, l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive 2019/904 dépasse les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi par ladite directive
4. Sur le quatrième moyen d’illégalité, tiré d’une violation suffisamment caractérisée du principe général d’égalité de traitement
5. Sur le cinquième moyen d’illégalité, tiré d’une violation suffisamment caractérisée des article 16 et 17 et de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte et de l’article 49 TFUE
a) Sur la première branche du cinquième moyen, tirée d’une violation suffisamment caractérisée des articles 16 et 17 de la Charte et de l’article 49 TFUE
b) Sur la seconde branche du cinquième moyen, tiré d’une violation suffisamment caractérisée du droit à une bonne administration, inscrit à l’article 41 de la Charte
IV. Sur les dépens
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.