ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
29 mai 2024 ( *1 )
« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2022 – Détermination du niveau cible annuel du FRU – Plafond prévu à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement (UE) no 806/2014 – Article 291, paragraphe 2, TFUE – Article 70,
paragraphe 7, du règlement no 806/2014 – Règlement d’exécution (UE) 2015/81 – Compétences d’exécution attribuées au Conseil – Cas spécifiques dûment justifiés – Portée des compétences d’exécution – Limitation des effets de l’arrêt dans le temps »
Dans l’affaire T‑395/22,
Hypo Vorarlberg Bank AG, établie à Brégence (Autriche), représentée par Mes G. Eisenberger, A. Brenneis et J. Holzmann, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de résolution unique (CRU), représenté par MM. J. Kerlin, C. Flynn, D. Ceran, T. Wittenberg et K.-P. Wojcik, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Meyring et T. Klupsch, avocats,
partie défenderesse,
soutenu par
Parlement européen, représenté par M. J. Etienne, Mme G. Bartram et M. M. Menegatti, en qualité d’agents,
et par
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme J. Haunold, M. J. Bauerschmidt et Mme A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),
composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík (rapporteur), K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,
greffier : Mme S. Jund, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 8 février 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Hypo Vorarlberg Bank AG, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2022/18 du Conseil de résolution unique (CRU), du 11 avril 2022, sur le calcul des contributions ex ante pour 2022 au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.
Antécédents du litige
2 La requérante est un établissement de crédit établi en Autriche.
3 Par la décision attaquée, le CRU a fixé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante
au FRU (ci-après les « contributions ex ante ») pour l’année 2022 (ci-après la « période de contribution 2022 ») des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont la requérante.
4 Par un avis de perception du 22 avril 2022, la Finanzmarktaufsichtsbehörde (FMA, Autorité de surveillance des marchés financiers, Autriche), en sa qualité d’autorité de résolution nationale, au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a enjoint à la requérante d’acquitter sa contribution ex ante pour la période de contribution 2022, telle qu’elle avait été fixée par le CRU.
Décision attaquée
5 La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné de trois annexes.
6 Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2022, qui est applicable à tous les établissements.
7 À cette fin, tout d’abord, le CRU a rappelé, dans la section 5 de la décision attaquée, que, au terme de la période initiale de huit années à compter du 1er janvier 2016 (ci-après la « période initiale »), les moyens financiers disponibles dans le FRU devaient atteindre un niveau cible (ci-après le« niveau cible final ») d’au moins 1 % du montant des dépôts couverts (ci-après les « dépôts couverts ») de l’ensemble des établissements agréés dans tous les États membres participant au mécanisme de
résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) (ci-après les « États membres participants »).
8 Ensuite, dans la section 5 de la décision attaquée, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2022 (ci-après le « niveau cible annuel »). À cet égard, le CRU a précisé qu’il avait tenu compte des
éléments prévus à l’article 3 du règlement délégué (UE) 2017/747 de la Commission, du 17 décembre 2015, complétant le règlement no 806/2014 en ce qui concerne les critères à retenir pour le calcul des contributions ex ante, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles le paiement des contributions ex post extraordinaires peut être partiellement ou totalement reporté (JO 2017, L 113, p. 2).
9 En outre, le CRU a expliqué qu’il avait fixé le niveau cible annuel à un huitième de 1,6 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements en 2021, tel qu’il avait été obtenu à partir des données communiquées par les systèmes de garantie des dépôts conformément à l’article 16 du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de
financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).
10 Dans la section 6 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2022. À cet égard, il a précisé, au considérant 74 de ladite décision, que, pour cette période, 6,67 % des contributions ex ante avaient été calculées sur la « base nationale », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par des établissements agréés sur le territoire de l’État membre participant concerné (ci-après la « base nationale »),
conformément à l’article 103 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE)
no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), et conformément à l’article 4 du règlement délégué 2015/63. Le reste des contributions ex ante (à savoir 93,33 %) a été calculé sur la « base de l’union bancaire », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants (ci-après la « base de l’union »), conformément aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement
d’exécution 2015/81.
11 Dans la section 6 de la décision attaquée, le CRU a également expliqué que les établissements, autres que ceux qui versaient une somme forfaitaire eu égard à leurs caractéristiques particulières, devaient verser une contribution ex ante ajustée à leur profil de risque, qu’il avait fixée en suivant les phases principales suivantes.
12 Dans la première phase, le CRU a calculé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la « contribution forfaitaire » de chaque établissement, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts (ci-après le « passif net »), rapporté au passif net de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants (ci-après la« contribution annuelle de
base »). Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif net de l’établissement à prendre en compte pour la détermination de cette contribution.
13 Dans la seconde phase du calcul de la contribution ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014.
14 Le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio fondé sur la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque.
Conclusions des parties
15 La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée, y compris ses annexes, en tant qu’elle la concerne ;
– condamner le CRU aux dépens.
16 Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens ;
– à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, maintenir les effets de ladite décision jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.
17 Le Parlement européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours en ce qu’il est fondé sur l’exception d’illégalité de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014 ;
– condamner la requérante aux dépens.
18 Le Conseil de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
19 À l’appui de son recours, la requérante soulève huit moyens, tirés :
– le premier, d’une violation de l’article 1er, deuxième alinéa, TUE, des articles 15, 296 et 298 TFUE et des articles 42 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en raison du défaut de communication de la décision attaquée dans son intégralité ;
– le deuxième, de ce que le CRU a déterminé le niveau cible annuel en méconnaissance du principe de proportionnalité, de l’article 102 de la directive 2014/59, de l’article 69, paragraphes 1 et 2, et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ainsi que de l’article 3 et de l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 ;
– les troisième et quatrième, d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 41, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous c), de la Charte, en raison de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée ;
– le cinquième, d’une violation de l’article 41, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), de la Charte, en raison du non-respect du droit d’être entendu ;
– le sixième, d’une exception d’illégalité des articles 4 à 7 et 9 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63, fondée sur la violation du droit à une bonne administration, du droit à une protection juridictionnelle effective, du principe de sécurité juridique, des articles 16, 17, 20 et 21 de la Charte, du principe de proportionnalité et de l’article 290 TFUE ;
– le septième, d’une exception d’illégalité de l’article 8, paragraphes 1, 4 et 5, du règlement d’exécution 2015/81, fondée sur la violation de l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 291, paragraphe 2, TFUE, ainsi que d’une exception d’illégalité de l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, fondée sur la violation de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, lu conjointement avec l’article 296, deuxième alinéa, TFUE ;
– le huitième, d’une exception d’illégalité de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, fondée sur la violation de l’article 1er, deuxième alinéa, TUE, des articles 15, 296 et 298 TFUE, des articles 16, 17, 41, 42 et 47 de la Charte, de l’obligation de motivation et du principe de sécurité juridique.
20 Il convient d’examiner d’abord le septième moyen.
Sur le septième moyen, tiré d’une exception d’illégalité du règlement no 806/2014 et du règlement d’exécution 2015/81
21 Par le septième moyen, la requérante soulève une exception d’illégalité du règlement no 806/2014 et du règlement d’exécution 2015/81. Ce moyen s’articule, en substance, autour de deux branches, tirées, la première, de ce que l’article 8, paragraphes 1, 4 et 5, du règlement d’exécution 2015/81 méconnaît les limites des compétences d’exécution fixées à l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 et à l’article 291, paragraphe 2, TFUE et, la seconde, de ce que le règlement no 806/2014 ne
contient pas une justification quant au choix d’attribuer la compétence d’exécution prévue à l’article 70, paragraphe 7, dudit règlement au Conseil plutôt qu’à la Commission européenne, en méconnaissance de l’article 291, paragraphe 2, TFUE.
22 Il y a lieu de commencer l’examen par la seconde branche du septième moyen.
Sur la seconde branche du septième moyen, relative à l’exception d’illégalité de l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014
23 La requérante soutient, en substance, que l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, en ce qu’il confère une compétence d’exécution au Conseil, viole l’article 291, paragraphe 2, TFUE, lu conjointement avec l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, au motif que ledit règlement n’expose pas les raisons pour lesquelles une telle attribution constitue un « cas spécifique dûment justifié » au sens de l’article 291, paragraphe 2, TFUE.
24 Selon le CRU, le Parlement et le Conseil, le considérant 114 du règlement no 806/2014 contient une justification suffisante en ce qui concerne l’attribution au Conseil de la compétence d’exécution mentionnée au point 23 ci-dessus.
25 Par une mesure d’organisation de la procédure du 18 décembre 2023 et lors de l’audience, le Tribunal a invité le CRU, le Parlement et le Conseil à préciser leurs observations sur la question de savoir dans quelle mesure le règlement no 806/2014 contenait une justification suffisante en ce qui concernait l’attribution au Conseil de la compétence d’exécution mentionnée au point 23 ci-dessus. En réponse à cette mesure d’organisation de la procédure et aux questions posées lors de l’audience, le CRU,
le Parlement et le Conseil ont réitéré leur argument selon lequel la justification fournie par le considérant 114 de ce règlement était suffisante.
26 Aux termes de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, lorsque des conditions uniformes d’exécution des actes juridiquement contraignants de l’Union européenne sont nécessaires, ces actes confèrent des compétences d’exécution à la Commission ou, « dans des cas spécifiques dûment justifiés » et dans les cas prévus aux articles 24 et 26 TUE, au Conseil.
27 S’agissant plus spécifiquement de l’exigence de justifier l’attribution d’une telle compétence au Conseil, il ressort de la jurisprudence que l’article 291, paragraphe 2, TFUE requiert d’exposer, de façon circonstanciée, les raisons pour lesquelles cette institution se voit confier l’adoption de mesures d’exécution d’un acte juridiquement contraignant de l’Union (voir arrêt du 28 février 2023, Fenix International, C‑695/20, EU:C:2023:127, point 37 et jurisprudence citée).
28 À cet égard, l’auteur de l’acte de base à mettre en œuvre est tenu de dûment justifier, en fonction de la nature et du contenu de l’acte de base, une exception à la règle selon laquelle c’est à la Commission qu’il incombe normalement d’exercer la compétence d’exécution (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil, C‑440/14 P, EU:C:2016:128, point 60 et jurisprudence citée).
29 En l’espèce, l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 confère au Conseil une compétence d’exécution au sens de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, en l’habilitant à adopter, dans le cadre des actes délégués adoptés par la Commission au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, des actes d’exécution pour définir les conditions de la mise en œuvre de l’article 70, paragraphes 1, 2 et 3, de ce règlement, notamment en ce qui concerne l’application de la méthode de
calcul des contributions individuelles et les modalités pratiques de l’attribution aux établissements des facteurs de risque prévus dans lesdits actes délégués (ci-après la « compétence d’exécution concernée »).
30 Pour ce qui concerne les deux hypothèses prévues à l’article 291, paragraphe 2, TFUE permettant l’attribution d’une compétence d’exécution au Conseil, il convient de constater que la compétence d’exécution concernée ne relève pas des cas prévus par les articles 24 et 26 TUE. Par conséquent, il appartenait au législateur de l’Union de justifier, de façon circonstanciée et en fonction de la nature et du contenu du règlement no 806/2014, que l’attribution de cette compétence au Conseil constituait
un cas spécifique dûment justifié au sens de l’article 291, paragraphe 2, TFUE.
31 À cet égard, le CRU, le Parlement et le Conseil soutiennent que le règlement no 806/2014 a justifié l’attribution de la compétence d’exécution concernée au Conseil dans son considérant 114, qui énonce ce qui suit :
« Dans le cadre des actes délégués adoptés en vertu de la directive 2014/59 [...], il convient que le Conseil adopte des actes d’exécution pour préciser l’application de la méthode de calcul des contributions individuelles au [FRU], ainsi que les modalités techniques permettant de calculer la contribution forfaitaire et la contribution ajustée en fonction du risque. Cette méthode devrait veiller à ce que les éléments forfaitaires et les éléments ajustés en fonction du risque pris en compte dans
la formule de calcul des contributions individuelles le soi[en]t dans le respect des principes de résolution et conformément aux actes délégués adoptés en conformité avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 [...] Cette méthode devrait tenir compte du principe de proportionnalité sans créer de distorsions entre les structures du secteur bancaire des États membres. »
32 Tout d’abord, il convient de relever que ce considérant ne fournit aucune justification quant aux raisons pour lesquelles le législateur de l’Union a décidé d’attribuer la compétence d’exécution concernée au Conseil. En effet, il ne mentionne que la finalité et le contenu des actes d’exécution à adopter ainsi que la décision d’investir le Conseil de la compétence pour les adopter, sans pour autant donner la moindre indication concernant les raisons pour lesquelles c’est le Conseil, plutôt que la
Commission, qui s’est vu attribuer la compétence d’exécution à ces fins.
33 De telles raisons ne ressortent pas notamment de la nécessité, mentionnée dans la deuxième phrase de ce considérant, d’assurer la conformité des actes d’exécution du règlement no 806/2014 avec les actes délégués adoptés au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59. En effet, la seule nécessité d’assurer une telle conformité n’explique pas les raisons pour lesquelles c’est le Conseil, plutôt que la Commission, qui devrait assurer cette conformité. Il en va d’autant plus ainsi
qu’une telle nécessité est inhérente à l’exercice d’une compétence d’exécution, quel qu’en soit le titulaire, et que lesdits actes délégués sont adoptés par la Commission, et non le Conseil.
34 Ensuite, le règlement no 806/2014 ne contient pas d’autres éléments de motivation qui seraient de nature à révéler les raisons spécifiques ayant justifié l’attribution de la compétence d’exécution concernée au Conseil. Le CRU, le Parlement et le Conseil n’ont d’ailleurs pas invoqué l’existence de tels éléments dans leurs écritures ou dans le cadre des débats à l’audience, en se bornant à renvoyer au considérant 114 de ce règlement.
35 En particulier, comme le souligne le Conseil lui-même, le considérant 24 du règlement no 806/2014 ne fournit pas une telle motivation, dès lors qu’il vise à justifier l’attribution au Conseil des compétences d’exécution prévues à l’article 18, paragraphe 7, de ce règlement en ce qui concerne la procédure de résolution, et non l’attribution au Conseil de la compétence d’exécution au titre de l’article 70, paragraphe 7, dudit règlement, qui est en cause en l’espèce.
36 En réalité, le considérant 24 du règlement no 806/2014 illustre le manque de justification quant au choix d’attribuer la compétence d’exécution concernée au Conseil, en énonçant que, « [c]ompte tenu des répercussions considérables des décisions de résolution sur la stabilité financière des États membres et sur l’Union proprement dite, ainsi que sur la souveraineté budgétaire des États membres, il est important que le pouvoir d’exécution permettant de prendre certaines décisions en matière de
résolution soit conféré au Conseil ». Or, une justification de cette nature de l’attribution au Conseil de la compétence d’exécution concernée fait défaut au considérant 114 de ce règlement, sur lequel s’appuient le CRU, le Parlement et le Conseil.
37 En outre, bien qu’il soit possible, dans certaines circonstances, de justifier l’attribution de la compétence d’exécution au Conseil par le contexte dans lequel cette attribution s’insère (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil, C‑440/14 P, EU:C:2016:128, points 60 à 65), d’une part, il convient de relever que le CRU, le Parlement et le Conseil ne se sont appuyés, dans leurs écritures ou lors des débats à l’audience, sur aucun élément concret découlant du
contexte de l’adoption du règlement no 806/2014 qui serait de nature à révéler les raisons ayant justifié l’attribution de la compétence d’exécution concernée au Conseil plutôt qu’à la Commission.
38 D’autre part, contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 juillet 2014, National Iranian Oil Company/Conseil (T‑578/12, non publié, EU:T:2014:678), invoqué par le Conseil, il n’existe aucun élément de motivation figurant dans le règlement no 806/2014 ou dans un autre acte législatif de l’Union qui ferait apparaître que l’attribution de la compétence d’exécution concernée au Conseil était justifiée par le rôle spécifique que cette institution serait appelée à assumer dans le domaine
du calcul des contributions ex ante (arrêt du 16 juillet 2014, National Iranian Oil Company/Conseil, T‑578/12, non publié, EU:T:2014:678, points 77 à 82, confirmé sur pourvoi par arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil, C‑440/14 P, EU:C:2016:128, points 60 à 65).
39 À cet égard, il convient de préciser que les motifs figurant aux considérants 14 et 15 du règlement d’exécution 2015/81, qui ont trait à la mutualisation progressive du FRU, telle qu’elle est prévue par l’accord intergouvernemental concernant le transfert et la mutualisation des contributions au FRU, signé à Bruxelles le 21 mai 2014 (ci-après l’« accord du 21 mai 2014 »), ne sauraient être invoqués pour justifier l’attribution de la compétence d’exécution concernée au Conseil. En effet, dès lors
que l’obligation de justifier le choix d’attribuer les compétences d’exécution au Conseil incombe à l’auteur de l’acte de base à mettre en œuvre, à savoir, en l’espèce, au Parlement et au Conseil dans le cadre de la procédure législative ordinaire, il n’appartient pas au Conseil de justifier ex post l’attribution à lui-même d’une telle compétence dans le cadre d’un acte d’exécution qu’il adopte ultérieurement.
40 De même, à supposer qu’il soit possible de prendre en compte, aux fins de la justification d’attribution de ladite compétence au Conseil, l’accord du 21 mai 2014, auquel le règlement no 806/2014 renvoie à ses articles 1er, 67 et 77, il suffit de relever que cet accord ne porte pas sur le calcul des contributions ex ante en tant que tel et qu’il ne contient ainsi pas d’éléments qui feraient apparaître un rôle spécifique que le Conseil serait appelé à assumer dans le domaine particulier du calcul
de ces contributions. Au demeurant, ni le CRU, ni le Parlement, ni le Conseil n’ont mentionné, dans leurs écritures ou à l’audience, ledit accord en tant qu’élément susceptible de révéler un tel rôle spécifique.
41 Enfin, le Conseil ne saurait soutenir, comme il l’a fait lors de l’audience, que la décision du législateur de l’Union de lui attribuer la compétence d’exécution concernée était motivée par des « raisons politiques ». D’une part, une telle justification ne ressort ni du considérant 114 du règlement no 806/2014, ni d’un autre considérant ou d’une autre disposition de ce règlement. D’autre part, en raison de son caractère général, ladite explication ne remplit pas les exigences découlant de la
jurisprudence citée aux points 27 et 28 ci-dessus, dans la mesure où elle n’est ni circonstanciée ni liée à la nature ou au contenu du règlement no 806/2014.
42 Eu égard à ce qui précède, force est de conclure que le règlement no 806/2014 ne contient aucune justification s’agissant de l’attribution de la compétence d’exécution concernée au Conseil.
43 Il convient, dès lors, de faire droit à l’exception d’illégalité et de déclarer l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 inapplicable au cas d’espèce en vertu de l’article 277 TFUE. Par voie de conséquence, le règlement d’exécution 2015/81, qui a été adopté par le Conseil sur le fondement de cette disposition et dont la décision attaquée constitue une mesure d’application, est lui aussi inapplicable au cas d’espèce.
44 Cela étant, et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu d’examiner également la première branche du septième moyen, dans la mesure où elle concerne l’exception d’illégalité de l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, ainsi que le deuxième moyen portant sur la détermination du niveau cible annuel.
Sur la première branche du septième moyen, en tant qu’elle concerne l’exception d’illégalité de l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81
45 La requérante fait valoir qu’un acte d’exécution adopté en vertu de l’article 291, paragraphe 2, TFUE ne peut que préciser le cadre juridique défini par le législateur de l’Union et ne peut modifier ni compléter l’acte législatif concerné, et ce même dans ses éléments non essentiels. Or, l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 ne se limiterait pas à préciser le contenu du règlement no 806/2014, mais compléterait ce dernier, en ce qu’il altérerait la méthode de calcul des
contributions ex ante instaurée par ce même règlement.
46 Le CRU et le Conseil contestent l’argumentation de la requérante. Il découlerait, notamment, des considérants 14 et 15 du règlement d’exécution 2015/81 que l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement d’exécution se borne à ajuster le cadre défini par le règlement no 806/2014 et qu’il ne modifie ni ne complète ce dernier règlement. Selon eux, l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 vise à assurer l’application uniforme des dispositions de l’article 103 de la directive 2014/59 et
de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, afin d’éviter des distorsions entre les structures du secteur bancaire des États membres. Selon le CRU et le Conseil, ces distorsions auraient résulté de l’écart important entre le montant des contributions ex ante fixé selon la méthode instaurée par le règlement no 806/2014 et le montant de ces contributions que les établissements auraient dû verser en vertu des réglementations nationales transposant la directive 2014/59. Selon le CRU, de
telles distorsions pourraient, en outre, se produire en cas d’écart entre, d’une part, les contributions ex ante fixées au titre du règlement no 806/2014 et, d’autre part, le financement de la résolution des défaillances potentiellement accessible aux établissements concernés pendant la période initiale, en vertu des règles relatives à la mutualisation progressive du FRU, ainsi que cela ressortirait des considérants 13 et 14 du règlement d’exécution 2015/81.
47 À cet égard, il convient de rappeler que le règlement d’exécution 2015/81 est fondé sur l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, qui habilite le Conseil à adopter des actes d’exécution pour définir les conditions de la mise en œuvre de l’article 70, paragraphes 1, 2 et 3, de ce dernier règlement, et que l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 fait application de l’article 291, paragraphe 2, TFUE (voir point 29 ci-dessus).
48 Dans ces conditions, la compétence d’exécution conférée au Conseil est délimitée à la fois par l’article 291, paragraphe 2, TFUE et par l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 mars 2023, Tazzetti/Commission, T‑825/19 et T‑826/19, EU:T:2023:148, point 155).
49 En ce qui concerne les limites des compétences d’exécution découlant de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, il ressort de la jurisprudence que ces compétences comportent, en substance, le pouvoir d’adopter des mesures qui sont nécessaires ou utiles pour la mise en œuvre uniforme des dispositions de l’acte législatif sur le fondement duquel elles sont adoptées et qui se bornent à en préciser le contenu, dans le respect des objectifs généraux essentiels poursuivis par cet acte, sans le modifier ou
le compléter, en ses éléments essentiels ou non essentiels (arrêt du 28 février 2023, Fenix International, C‑695/20, EU:C:2023:127, point 49).
50 En particulier, une mesure d’exécution se limite à préciser les dispositions de l’acte législatif concerné lorsqu’elle vise uniquement, de manière générale ou pour certains cas particuliers, à clarifier la portée de ces dispositions ou à en déterminer les modalités d’application, à condition cependant que, ce faisant, cette mesure évite toute contradiction par rapport aux objectifs desdites dispositions et n’altère pas, d’une quelconque manière, le contenu normatif de cet acte ou le champ
d’application de celui-ci (arrêt du 28 février 2023, Fenix International, C‑695/20, EU:C:2023:127, point 50).
51 Dès lors, afin de déterminer si, en adoptant une mesure d’exécution, la Commission ou le Conseil ont respecté les limites des compétences d’exécution qui leur ont été conférées, en application de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, par un acte législatif, il convient d’examiner si une telle mesure, premièrement, respecte les objectifs généraux essentiels de cet acte législatif et, en particulier, les objectifs de la disposition de cet acte concernée par ladite mesure d’exécution, deuxièmement, est
nécessaire ou utile pour faciliter la mise en œuvre uniforme de cette disposition et, troisièmement, ne complète ni ne modifie cette dernière d’une quelconque manière (arrêt du 28 février 2023, Fenix International, C‑695/20, EU:C:2023:127, point 51).
52 En l’espèce, la requérante ne soutient pas que l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 méconnaît les première et deuxième conditions mentionnées au point 51 ci-dessus. En revanche, elle fait valoir que cette disposition ne remplit pas la troisième condition qui y est mentionnée, car ladite disposition ne se bornerait pas à préciser le contenu du règlement no 806/2014, mais le compléterait. Ainsi, il y a lieu d’examiner si l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution
2015/81 satisfait à cette troisième condition.
53 S’agissant de l’étendue de cet examen, il convient de constater que les dispositions figurant à l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 ne visent pas à définir les conditions de la mise en œuvre de l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014, relatif aux engagements de paiement irrévocables, de sorte qu’il convient de limiter l’examen de la présente exception d’illégalité à la question de savoir si, en adoptant l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution
2015/81, le Conseil a excédé les limites de la compétence d’exécution qui lui a été conférée aux fins de la mise en œuvre de l’article 70, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014.
54 Par conséquent, il y a lieu d’examiner si l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 se borne à préciser le contenu de l’article 70, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014 ou s’il complète cette disposition, comme le soutient la requérante.
55 En premier lieu, il convient de relever que, aux termes de l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, la contribution ex ante de chaque établissement est calculée proportionnellement au montant de son passif net rapporté au passif net cumulé de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.
56 L’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a) et b), du règlement no 806/2014 énonce que le calcul de la contribution ex ante de chaque établissement s’appuie sur deux composantes, à savoir, d’une part, la contribution annuelle de base, qui est proportionnelle au montant du passif net de l’établissement rapporté au total du passif net de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants et, d’autre part, la contribution ajustée en fonction du
profil de risque, qui est fondée sur les critères fixés à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, tenant compte du principe de proportionnalité, sans créer de distorsions entre les structures du secteur bancaire des États membres.
57 L’article 4 du règlement d’exécution 2015/81 prévoit ce qui suit :
« Pour chaque période de contribution, le CRU calcule [...] la contribution annuelle due par chaque établissement, sur la base du niveau cible annuel du [FRU]. Le niveau cible annuel est établi par rapport au niveau cible du [FRU] visé à l’article 69, paragraphe 1, et à l’article 70 du règlement [...] no 806/2014 et conformément à la méthode exposée dans le règlement délégué [...] 2015/63. »
58 Quant à l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, intitulé « Ajustements spécifiques au cours de la période initiale », il dispose que, par dérogation à l’article 4 de ce même règlement, les contributions ex ante des établissements au cours de la période initiale sont calculées conformément à une « méthode ajustée ». Ladite disposition détermine, pour sept des huit années de la période initiale, une part des contributions ex ante qui est calculée sur la base nationale, à savoir
conformément à l’article 103 de la directive 2014/59 et à l’article 4 du règlement délégué 2015/63, et une part de ces contributions qui est calculée sur la base de l’union, à savoir conformément aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81.
59 L’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 prévoit ainsi, en substance, que, année par année, une partie de plus en plus réduite des contributions ex ante est calculée sur la base nationale, tandis qu’une partie de plus en plus grande de ces contributions est calculée sur la base de l’union.
60 S’agissant spécifiquement de la période de contribution 2022, en cause dans la présente affaire, l’article 8, paragraphe 1, sous g), du règlement d’exécution 2015/81 dispose, plus concrètement, que, « [p]ar dérogation à l’article 4 du [règlement d’exécution 2015/81] », les établissements versent « 6,67 % de leurs contributions annuelles calculées conformément à l’article 103 de la directive 2014/59 [...] et à l’article 4 du règlement délégué [...] 2015/63, et 93,33 % de leurs contributions
annuelles calculées conformément aux articles 69 et 70 du règlement [...] no 806/2014 et à l’article 4 du [règlement d’exécution 2015/81] ».
61 À cet égard, il convient de constater que, d’une part, il découle du libellé même de l’article 70, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014 que la méthode de calcul de la contribution annuelle de base des établissements concernés, instaurée par cette disposition, est fondée sur la mise en proportion du passif net de chaque établissement avec le total du passif net de l’ensemble des établissements agréés « sur le territoire de tous les États membres
participants ». Ainsi, selon ces dispositions du règlement no 806/2014, les données de tous les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants sont prises en compte aux fins du calcul de la contribution ex ante de chaque établissement, à tout le moins en ce qui concerne la première composante de cette contribution, à savoir la contribution annuelle de base.
62 D’autre part, selon ces mêmes dispositions, la méthode de calcul instaurée par l’article 70, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, et notamment la règle déterminant la base des données à prendre en compte aux fins de cette méthode, s’applique dans son intégralité à chaque année de la période initiale, dont la période de contribution 2022.
63 Or, l’objet même de la « méthode ajustée » introduite par l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 est de prévoir qu’une partie des contributions ex ante est calculée, pendant la quasi-totalité de la période initiale, selon une base de données différente de celle qui est prévue à l’article 70, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014.
64 Ainsi, conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, lu conjointement avec l’article 103 de la directive 2014/59, aux fins du calcul d’une partie des contributions ex ante pour cette période, seules les données communiquées par des établissements qui sont agréés sur le territoire de l’État membre participant concerné sont prises en compte, à l’exclusion des données communiquées par des établissements agréés sur le territoire des autres États membres participants,
alors que, dans le cadre de la méthode de calcul instaurée par l’article 70, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, ce sont précisément les données concernant les établissements agréés sur le territoire des autres États membres participants qui sont également prises en compte aux fins du calcul de la contribution annuelle de base.
65 Il s’ensuit que l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 modifie la méthode de calcul des contributions ex ante, telle qu’elle est prévue par l’article 70, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, et ce notamment s’agissant de sa première composante visant à calculer la contribution annuelle de base, en altérant la base des données à prendre en compte dans le cadre de cette méthode et, ainsi, le fondement même de celle-ci.
66 La conséquence en est, ainsi que le Conseil l’a d’ailleurs admis à l’audience, que les montants des contributions ex ante des établissements tels que la requérante, qui sont calculés selon la « méthode ajustée » introduite par l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, sont nécessairement différents de ceux qui auraient résulté de l’application de la méthode instaurée à l’article 70, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014.
67 L’ampleur de la modification mentionnée au point 65 ci-dessus est accentuée par le fait que l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 déroge à la méthode prévue par l’article 70, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 en ce qui concerne sept des huit années de la période initiale, de sorte que ladite méthode se trouve privée de ses pleins effets pendant la quasi-totalité de cette période.
68 En deuxième lieu, ainsi qu’il découle de l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, le Conseil est certes habilité à mettre en œuvre l’article 70, paragraphe 2, de ce règlement, qui dispose, à son deuxième alinéa, sous b), que la contribution ajustée en fonction du profil de risque doit être fondée sur les critères fixés à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, tenant compte du principe de proportionnalité, sans créer de distorsions entre les structures du secteur
bancaire des États membres.
69 Cependant, l’objectif poursuivi par l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, visant à éviter les distorsions entre les structures du secteur bancaire des États membres, telles que celles résumées au point 46 ci-dessus, se rapporte à la question de savoir si l’acte d’exécution en cause respecte les objectifs généraux essentiels de l’acte législatif et s’il est nécessaire ou utile pour faciliter la mise en œuvre uniforme dudit acte. Cette question concerne ainsi les première et
deuxième conditions rappelées au point 51 ci-dessus, afin de déterminer si, en adoptant une mesure d’exécution, le Conseil a respecté les limites des compétences d’exécution qui lui avaient été conférées, en application de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, par un acte législatif. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 52 ci-dessus, la requérante ne soutient pas que l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 méconnaît ces conditions en ce qu’il vise à éviter les distorsions entre
les structures du secteur bancaire des États membres, mais fait valoir qu’il complète le contenu normatif de l’acte législatif, en méconnaissant de la sorte la troisième condition rappelée au point 51 ci-dessus.
70 S’agissant de cette troisième condition mentionnée au point 51 ci-dessus, il découle des considérations rappelées aux points 49 et 50 ci-dessus que, lorsque l’institution concernée adopte des mesures d’exécution sur le fondement de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, elle doit se limiter à préciser l’acte de base sans altérer son contenu normatif. Ainsi, à supposer que le Conseil ait visé, par l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, à éviter des distorsions entre les
structures du secteur bancaire des États membres, il était tenu de respecter les limites qui s’imposaient à la compétence d’exécution qui lui avait été octroyée, en se bornant à préciser la méthode de calcul des contributions ex ante prévue par l’article 70, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 et en s’abstenant d’altérer le contenu normatif de cette disposition en ce qui concernait cette méthode.
71 Or, en l’espèce, comme cela ressort des points 55 à 67 ci-dessus, la « méthode ajustée » découlant de l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 modifie la méthode de calcul des contributions ex ante, telle qu’elle est prévue par l’article 70, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014. Dans ces conditions, l’introduction d’une telle méthode ne peut être justifiée par l’objectif légitime visant à éviter des distorsions entre les structures du secteur
bancaire des États membres.
72 Par conséquent, l’objectif retenu par le législateur de l’Union, tel qu’il est exprimé à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014, d’éviter des distorsions entre les structures du secteur bancaire des États membres ne saurait être compris comme autorisant le Conseil à modifier, dans un acte d’exécution, le fondement même de la méthode de calcul de ces contributions, tel qu’il ressort notamment de l’article 70, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa,
sous a), de ce règlement.
73 En troisième lieu, dans la mesure où le CRU et le Conseil invoquent, plus particulièrement, la nécessité d’assurer une application uniforme des dispositions de l’article 103 de la directive 2014/59 et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 afin de permettre, lors de la période initiale, la transition entre le calcul fondé sur la méthode prévue par la directive 2014/59 et la méthode fondée sur le règlement no 806/2014, il convient de rappeler que le calcul des contributions ex
ante qui alimentent le FRU et qui doivent être versées par les établissements relevant du champ d’application du règlement no 806/2014, tels que la requérante, est régi par l’article 70 de ce règlement, et non par l’article 103 de la directive 2014/59, qui porte sur les contributions ex ante alimentant les dispositifs nationaux de financement pour la résolution.
74 Le Conseil a d’ailleurs reconnu à l’audience que, en l’absence d’adoption de l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, la contribution ex ante pour la période de contribution 2022 des établissements tels que la requérante aurait dû être calculée sur la base de la seule méthode prévue par l’article 70, paragraphe 1, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 et, partant, en tenant compte des données de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de
tous les États membres participants.
75 Il est vrai que, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014, l’ajustement en fonction du profil de risque des contributions ex ante au titre de cette disposition doit être « fondé[...] sur les critères fixés à l’article 103, paragraphe 7, de [cette] directive ». En outre, selon l’article 70, paragraphe 7, de ce règlement, le Conseil adopte les actes d’exécution « dans le cadre des actes délégués » adoptés par la Commission au titre de
l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 pour préciser la notion d’adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements. Cependant, ces dispositions du règlement no 806/2014 ne font référence qu’à la notion d’adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque prévue à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59. Ainsi, l’article 70, paragraphes 2 et 7, du règlement no 806/2014 ne renvoie pas notamment à l’article 103, paragraphe 2,
de cette directive ni à la méthode de calcul en tant que telle de ces contributions instaurée à l’article 103, paragraphe 2, de ladite directive qui consiste en la prise en compte des seules données des établissements agréés sur le territoire de l’État membre concerné.
76 Dans ces conditions, même si le Conseil devait tenir compte, lors de l’adoption du règlement d’exécution 2015/81, de la notion d’adaptation des contributions en fonction du profil de risque prévue à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et des actes délégués adoptés par la Commission au titre de cette disposition pour préciser cette notion, il ne ressort ni de l’article 70 du règlement no 806/2014, ni de l’article 103 de la directive 2014/59, ni desdits actes délégués qu’il était
habilité à introduire dans ce règlement d’exécution une méthode de calcul ajustée, dans le cadre de laquelle une partie des contributions annuelles de base était calculée sur la base nationale, à savoir sur la base de données définie à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59.
77 En quatrième lieu, force est de constater qu’aucune disposition du règlement no 806/2014, ni d’ailleurs de la directive 2014/59, ne prévoit ni n’habilite le Conseil à instaurer une méthode de calcul des contributions ex ante basée sur une suppression graduelle de la méthode du calcul fondée sur la base nationale et son remplacement progressif par la méthode fondée sur la base de l’union.
78 Si, en adoptant l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, le Conseil pouvait ainsi certes poursuivre un objectif légitime visant à éviter les distorsions entre les structures du secteur bancaire des États membres et s’il n’est pas exclu que la méthode ajustée de calcul des contributions ex ante prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 soit nécessaire à cette fin, il n’en reste pas moins qu’il appartenait au législateur de l’Union de prévoir une
éventuelle suppression graduelle de la méthode de calcul fondée sur la base nationale et son remplacement progressif par la méthode fondée sur la base de l’union et, le cas échéant, d’habiliter le Conseil à en préciser les modalités d’application dans un acte d’exécution. Le Conseil ne pouvait donc pas prévoir une telle transition, à la place du législateur de l’Union, dans le cadre d’un acte d’exécution, sans excéder les limites qui s’imposaient à sa compétence d’exécution.
79 De même, ni l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 ni une autre disposition de celui-ci n’habilite le Conseil à adopter des actes d’exécution ayant pour objet de réduire l’écart entre, d’une part, les contributions ex ante fixées au titre de ce règlement et, d’autre part, le financement de la résolution des défaillances potentiellement accessible aux établissements concernés pendant la période initiale, en vertu des règles relatives à la mutualisation progressive du FRU.
80 Une telle habilitation ne découle pas, notamment, de l’article 77 du règlement no 806/2014, qui prévoit les modalités du recours au FRU.
81 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 77, premier alinéa, du règlement no 806/2014, le « recours au [FRU] est subordonné à l’accord par lequel les États membres participants conviennent de transférer au [FRU] les contributions qu’ils perçoivent au niveau national conformément au [règlement no 806/2014] et à la directive 2014/59 ». En outre, selon l’article 77, second alinéa, de ce règlement, au cours de la période initiale, le CRU recourt au FRU « conformément aux
principes fondés sur une division du [FRU] en compartiments nationaux correspondant à chaque État membre participant, ainsi que sur une fusion progressive des différents fonds perçus au niveau national alloués aux compartiments nationaux du [FRU], fixés par [ledit] accord ». C’est l’article 5 de l’accord du 21 mai 2014 qui prévoit les règles selon lesquelles le CRU est habilité à disposer des compartiments du FRU, en déterminant le rythme de la mutualisation progressive de celui-ci.
82 Cependant, dès lors que l’article 77 du règlement no 806/2014 n’habilite pas le Conseil à adopter des actes d’exécution et que le règlement d’exécution 2015/81 n’est fondé que sur l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, l’article 77 du règlement no 806/2014 ne saurait lui non plus justifier l’introduction de la « méthode ajustée » découlant de l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81. Il en va de même, a fortiori, s’agissant de l’accord du 21 mai 2014.
83 En cinquième lieu, dans la mesure où le CRU et le Conseil soutiennent que ce dernier disposait d’une large marge d’appréciation quant à la manière dont il convenait de préciser l’article 70, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014, il convient de relever ce qui suit.
84 Il ressort certes de la jurisprudence que, dans le cadre de son pouvoir d’exécution, dont les limites s’apprécient notamment en fonction des objectifs généraux essentiels de l’acte législatif en cause, le Conseil est autorisé à adopter toutes les mesures d’application nécessaires ou utiles pour la mise en œuvre dudit acte, pour autant qu’elles ne soient pas contraires à celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2014, Parlement/Commission, C‑65/13, EU:C:2014:2289, point 44 et jurisprudence
citée). Cependant, cette marge d’appréciation dont dispose l’institution concernée se rapporte à la question de savoir si la mesure d’exécution est utile ou nécessaire pour la mise en œuvre de l’acte législatif en cause, et non à l’interdiction pour une mesure d’exécution de compléter cet acte, ces deux conditions étant distinctes (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2014, Parlement/Commission, C‑65/13, EU:C:2014:2289, points 44 et 45).
85 Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 altère le contenu normatif de l’article 70, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014 en ce qui concerne la base des données à prendre en compte dans le cadre de la méthode de calcul des contributions ex ante. Il s’ensuit que, en adoptant l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, le Conseil a excédé les compétences d’exécution qui lui avaient été
octroyées par l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 291, paragraphe 2, TFUE.
86 Dans la mesure où la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige (arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE, T‑286/15, EU:T:2018:718, point 156) et étant donné que la décision attaquée porte sur la période de contribution 2022 et fait donc application de l’article 8, paragraphe 1, sous g), du règlement d’exécution 2015/81, lequel porte sur cette période, il convient de faire droit à la présente exception d’illégalité dans la mesure où elle vise
l’article 8, paragraphe 1, sous g), dudit règlement d’exécution et de déclarer cette dernière disposition inapplicable au cas d’espèce en vertu de l’article 277 TFUE.
87 Cette illégalité suffit pour accueillir la première branche du septième moyen, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la légalité de l’article 8, paragraphes 4 et 5, du règlement d’exécution 2015/81.
88 En outre, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu d’examiner le deuxième moyen portant sur la détermination du niveau cible annuel.
Sur le deuxième moyen, tiré de ce que le CRU a déterminé le niveau cible annuel en violation de l’article 102 de la directive 2014/59, de l’article 69, paragraphes 1 et 2, et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ainsi que de l’article 3 et de l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63
89 La requérante soutient que, en fixant le niveau cible annuel à un montant de 14253573821,46 euros, qui correspond à un huitième de 1,6 % des dépôts couverts en 2021, le CRU a violé l’article 102 de la directive 2014/59, l’article 69, paragraphes 1 et 2, et l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ainsi que l’article 3 et l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63.
90 Selon la requérante, il découle de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 que le montant global des contributions annuelles ne doit en aucun cas s’élever à plus de 12,5 % du niveau cible final (ci-après le « plafond de 12,5 % »). Dans le cas d’un niveau cible final pronostiqué de 80 milliards d’euros, comme c’est le cas en l’espèce, le CRU n’aurait donc pas pu percevoir, en 2022, plus que 10 milliards d’euros.
91 Le CRU soutient, à titre principal, que la règle prévue par l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, concernant le non-dépassement du plafond de 12,5 %, ne s’applique pas pendant la période initiale. Selon lui, la règle prévue à l’article 69, paragraphe 2, de ce règlement, selon laquelle les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible soit atteint, prime sur l’exigence issue de l’article 70, paragraphe 2,
dudit règlement, puisque la première règle constitue une lex specialis ratione temporis par rapport à la seconde exigence qui, en revanche, n’est qu’une lex generalis.
92 À titre subsidiaire, le CRU fait valoir, ainsi qu’il l’a notamment précisé lors de l’audience, que la règle prévue par l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, concernant le non-dépassement du plafond de 12,5 %, n’est pas absolue. Selon lui, il serait impossible d’appliquer cette règle simultanément avec l’exigence découlant de l’article 69, paragraphe 1, de ce règlement qui l’oblige à garantir que le FRU atteigne son niveau cible final, équivalent à au moins 1 % des dépôts couverts,
à la fin de la période initiale. Cette impossibilité serait principalement due au caractère dynamique du niveau cible final en ce sens que ce dernier serait susceptible d’augmenter au cours de la période initiale. Ainsi, dans l’hypothèse d’une augmentation des dépôts couverts, laquelle se traduirait en une augmentation du niveau cible final, et d’une sous-estimation par le CRU du montant de ce niveau cible au début de la période initiale, l’application littérale de l’article 70, paragraphe 2, du
règlement no 806/2014 empêcherait le CRU d’effectuer tout ajustement ultérieur des moyens financiers à récolter dans le FRU pour pallier cette sous-estimation. Or, il serait difficile, voire impossible, pour le CRU de prévoir avec exactitude quel sera le niveau cible final, en raison des aléas susceptibles de survenir durant la période initiale, qui affecteraient l’évolution du montant des dépôts couverts. Compte tenu de ces circonstances, et en considération de l’objectif d’intérêt général visé
par le FRU – à savoir contribuer à la stabilité financière de l’Union européenne –, le CRU aurait dû accorder la priorité au but visant à atteindre le niveau cible final à l’issue de la période initiale, de sorte que l’exigence prévue par l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 devrait être écartée ou interprétée de manière souple.
93 À cet égard, en outre, le CRU soutient que si la règle concernant le non‑dépassement du plafond de 12,5 % qui est prévue à l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 était applicable pendant la période initiale et si elle était d’application stricte, il lui serait impossible de respecter l’article 69, paragraphe 2, dudit règlement, qui requiert, d’une part, que les contributions ex ante soient réparties aussi uniformément que possible dans le temps et, d’autre part, qu’il tienne compte
de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements. Pour résoudre la tension entre les deux dispositions concernées, il conviendrait, notamment, d’interpréter le plafond de 12,5 % en ce sens qu’il ne vise qu’à concrétiser de manière non contraignante l’exigence selon laquelle les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps.
94 Le Parlement et le Conseil considèrent que, contrairement à ce que le CRU soutient à titre principal, l’exigence issue de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 concernant le non-dépassement du plafond de 12,5 % s’applique lors de la période initiale. Cependant, ils se rallient à la position prise à titre subsidiaire par le CRU selon laquelle cette exigence n’est pas absolue et doit être lue et appliquée de manière souple à la lumière de l’objectif principal selon lequel le FRU doit
atteindre le niveau cible final au terme de la période initiale.
95 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 dispose que, au terme de la période initiale, les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final, qui correspond à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.
96 Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, au cours de la période initiale, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final mentionné au point 95 ci-dessus soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.
97 Ensuite, l’article 70, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit que, « [c]haque année, le CRU […] calcule les contributions individuelles pour faire en sorte que les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible ». L’article 70, paragraphe 2, quatrième alinéa, de ce règlement ajoute que, « [e]n tout état de cause, le cumul des contributions de l’ensemble des
établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants […] ne dépasse pas annuellement 12,5 % du niveau cible ».
98 En premier lieu, en ce qui concerne l’application dans le temps de l’exigence du plafond de 12,5 % prévue à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà jugé que celle-ci avait vocation à s’appliquer durant la période initiale (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, points 68, 69 et 100).
99 Cela découle, tout d’abord, du libellé clair de l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, qui prévoit que, « [a]u cours de la période initiale », les contributions ex ante sont calculées « conformément à l’article 70 » de ce règlement, un tel renvoi indiquant, sans ambiguïté, que toutes les exigences prévues dans cette dernière disposition, y compris celle prévue à son paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, s’appliquent pendant la période initiale.
100 Ensuite, l’article 70, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014 précise que le CRU doit respecter l’exigence du plafond de 12,5 % « [c]haque année », sans aucunement limiter son application dans le temps à la période suivant la période initiale.
101 De même, aucune autre disposition du règlement no 806/2014 n’indique que l’exigence du plafond de 12,5 % ne s’applique pas pendant la période initiale ou que le CRU puisse y déroger pendant cette période.
102 Enfin, l’interprétation selon laquelle ladite exigence s’applique au cours de la période initiale est confirmée par la genèse du règlement no 806/2014.
103 En effet, il ressort du point 4.3.2 de l’exposé des motifs et de l’article 65, paragraphe 1, de la proposition COM(2013) 520 final de la Commission européenne, du 10 juillet 2013, qui a abouti à l’adoption du règlement no 806/2014, que la Commission avait proposé, dans sa proposition législative, que la période initiale pour la constitution du FRU s’étale sur dix années.
104 Au cours des étapes suivantes de la procédure législative, le Conseil avait proposé, ainsi qu’il ressort du document interinstitutionnel du 27 mars 2014 (8078/1/14 REV 1), qui a été débattu à l’audience, que les contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants soient plafonnées, chaque année, à 10 % du niveau cible final. Or, lorsque le Parlement et le Conseil se sont accordés, au cours de la procédure législative, sur
le raccourcissement de la période initiale à huit années, ils ont décidé, dans le même temps, d’augmenter à 12,5 % le plafond prévu à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014.
105 Il s’ensuit, comme l’a d’ailleurs confirmé le Conseil dans le cadre de la présente procédure, que le législateur de l’Union a établi un lien entre le nombre d’années compris dans la période initiale et le pourcentage du plafond fixé à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014.
106 Il ressort de tout ce qui précède que le plafond de 12,5 %, prévu à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, s’applique au cours de la période initiale.
107 C’est d’ailleurs ce que le CRU a lui-même reconnu au point 106 de l’annexe III de la décision attaquée, qui contient son évaluation des observations des établissements participant à la consultation relative aux contributions ex ante au FRU pour 2022, en précisant que, « [p]ar l’application [d’un] coefficient à [un huitième] du montant total des dépôts en question, [il] respect[ait] le plafond de 12,5 % ».
108 En deuxième lieu, s’agissant du contenu de l’exigence du plafond de 12,5 %, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, le CRU est tenu de veiller à ce que les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final, tel que prévu par l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.
109 À cet égard, il convient de relever, ainsi que le confirment les travaux préparatoires du règlement no 806/2014, que l’article 69, paragraphe 1, de ce règlement est fondé sur une approche dynamique du niveau cible final, en ce sens que ce dernier doit être déterminé au regard du montant des dépôts couverts à la fin de la période initiale. En effet, au point 4.3.2 de l’exposé des motifs de sa proposition COM(2013) 520 final, du 10 juillet 2013, qui a abouti à l’adoption dudit règlement, la
Commission a expliqué que le niveau cible final resterait dynamique et qu’il augmenterait si le secteur bancaire se développait.
110 La nécessité de prendre en compte l’évolution du montant des dépôts couverts s’explique, en outre, par l’objectif de perception des contributions ex ante, qui est, notamment, de garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions, ainsi que cela ressort du considérant 41 du règlement no 806/2014 (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU,
C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113). L’objectif du MRU consiste, notamment, conformément au considérant 12 de ce règlement, à renforcer à son tour la stabilité des établissements dans les États membres participants et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres non participants.
111 À cet égard, il ressort du point 4.3.2 de l’exposé des motifs de la proposition COM(2013) 520 final que plus la taille du secteur bancaire croît dans le temps, plus les ressources financières devant être mises à disposition du FRU devraient augmenter. Une estimation de cette taille permet ainsi de prévoir le montant des moyens financiers qui devraient être procurés au FRU afin que ce dernier puisse être utilisé, en cas de crise affectant le secteur bancaire, pour financer les instruments de
résolution et assurer ainsi leur application efficace, conformément à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, lu à la lumière du considérant 101 de ce même règlement.
112 Or, dans le cadre de l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le législateur de l’Union a opté pour une approche selon laquelle le montant des dépôts couverts vise à estimer la taille du secteur bancaire et à calculer ainsi les ressources financières qui doivent être mises à disposition du FRU. Dans une telle optique, une éventuelle augmentation du montant des dépôts couverts entre le début et la fin de la période initiale reflète un accroissement de la taille du secteur bancaire,
ce qui implique une augmentation des moyens financiers requis par le FRU à la fin de cette période.
113 Il découle de ce qui précède que le montant du niveau cible final, par rapport auquel s’applique le plafond de 12,5 %, doit être déterminé au regard du montant des dépôts couverts tel qu’il se présentera à la fin de la période initiale, étant entendu que ce montant ne peut être connu avec certitude qu’à la fin de cette période.
114 Cela étant, dans la mesure où, en application des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014, le calcul des contributions ex ante est un exercice annuel qui repose sur la définition d’un niveau cible final devant être atteint au terme de la période initiale, puis d’un niveau cible annuel devant être réparti entre les établissements (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P,EU:C:2021:601, point 113), il incombe au CRU,
pour chaque période de contribution, d’effectuer une estimation aussi précise que possible du niveau cible final au regard des données disponibles au moment de cette estimation (ci-après le « niveau cible final pronostiqué »).
115 Il en découle que c’est le niveau cible final pronostiqué qui est déterminant aux fins de l’application du plafond de 12,5 %.
116 Par conséquent, lorsque le CRU calcule les contributions ex ante au cours d’une période de contribution donnée, il doit s’assurer, conformément à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, que le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépasse pas 12,5 % du niveau cible final pronostiqué.
117 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation du CRU, du Parlement et du Conseil selon laquelle l’exigence du plafond de 12,5 % devrait soit être écartée, soit être interprétée « de manière souple ». À cet égard, le CRU a en substance soutenu qu’il serait impossible pour lui de respecter à la fois ledit plafond et les exigences découlant de l’article 69, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014 selon lesquelles, premièrement, il doit faire en sorte que le FRU atteigne son
niveau cible final d’au moins 1 % des dépôts couverts au terme de la période initiale et, deuxièmement, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements. Le CRU en a notamment déduit, soutenu par le Parlement et le Conseil, que
l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 devait être interprété à la lumière de l’article 69, paragraphe 2, de ce règlement selon lequel les contributions ex ante doivent être réparties « aussi uniformément que possible dans le temps », ce qui permettrait, selon eux, une interprétation souple de l’exigence du plafond de 12,5 %.
118 À cet égard, force est de constater que le sens de l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 ressort sans ambiguïté du libellé même de cette disposition.
119 Or, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une interprétation d’une disposition du droit de l’Union à la lumière de son contexte et de sa finalité ne saurait avoir pour résultat de retirer tout effet utile au libellé clair et précis de cette disposition sous peine d’être contra legem et, de ce fait, incompatible avec les exigences du principe de sécurité juridique. Ainsi, dès lors que le sens d’une disposition du droit de l’Union ressort sans ambiguïté du libellé même de celle-ci, le juge
de l’Union ne saurait se départir de cette interprétation (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 2023, Mensing, C‑180/22, EU:C:2023:565, point 34 et jurisprudence citée, et du 16 juin 2021, Lucaccioni/Commission, T‑316/19, EU:T:2021:367, point 118 et jurisprudence citée).
120 Il en va d’autant plus ainsi pour l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, car cette disposition est libellée dans des termes impératifs, comme le démontre l’emploi des expressions « ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible » (premier alinéa) et « [e]n tout état de cause, le cumul des contributions […] ne dépasse pas annuellement 12,5 % du niveau cible » (quatrième alinéa). En outre, ladite disposition fixe un plafond maximal à 12,5 % exactement, en le
réitérant à deux reprises et sans aucune exception, de sorte que celui-ci ne saurait être modulé ou ajusté par l’autorité chargée du calcul des contributions ex ante.
121 Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu que l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 peut être interprété, à la lumière de l’exigence prévue par l’article 69, paragraphe 1, dudit règlement, en ce sens que le plafond de 12,5 % pouvait être écarté ou n’était qu’indicatif, de sorte qu’il était loisible au CRU d’en dévier dans l’objectif d’atteindre le niveau cible final.
122 De même, l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, qui prévoit notamment que les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final soit atteint, ne permet pas d’interpréter le plafond de 12,5 % prévu à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, de ce règlement en ce sens qu’il serait non contraignant ou purement indicatif. En effet, outre le fait qu’une telle interprétation se heurterait au
libellé clair et précis de l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, dudit règlement, d’une part, il importe de souligner que, en prévoyant explicitement à l’article 69, paragraphe 2, de ce même règlement que les contributions ex ante doivent être « calculées conformément à l’article 70 », le législateur de l’Union a lui-même envisagé l’application simultanée tant du plafond de 12,5 % que de l’exigence de répartir lesdites contributions ex ante aussi uniformément que possible
dans le temps. D’autre part, l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 vise à étaler dans le temps et aussi uniformément que possible la charge financière pesant sur les établissements, afin d’éviter des variations significatives dans celle-ci d’une année à l’autre et de tenir ainsi compte de la phase de cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière de ces établissements. En revanche, l’article 70, paragraphe 2, premier
et quatrième alinéas, de ce règlement vise à plafonner, pour chaque année prise individuellement, le montant des contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Il s’ensuit que l’article 69, paragraphe 2, et l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 poursuivent des finalités distinctes, bien que complémentaires. Partant, l’argument selon lequel l’article 69, paragraphe 2, de ce
règlement imposerait une interprétation « souple » de l’exigence du plafond de 12,5 %, prévue à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, dudit règlement, doit être rejeté.
123 Cette conclusion s’impose d’autant plus que, contrairement à ce que fait valoir le CRU, il n’est pas impossible de concilier les exigences rappelées au point 117 ci-dessus.
124 Certes, en raison de la durée de la période initiale et du risque de survenance d’événements imprévisibles au cours de celle-ci, l’estimation du niveau cible final est fondée sur une analyse prospective de l’évolution du montant des dépôts couverts qui est marquée par des incertitudes concernant cette appréciation.
125 Toutefois, la prise en compte de telles incertitudes est inhérente aux missions confiées au CRU. Il importe de rappeler à cet égard que celui-ci est chargé de veiller au fonctionnement efficace et cohérent du MRU, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 806/2014. À cette fin, il incombe au CRU de s’assurer que le niveau cible final soit atteint au terme de la période initiale tout en respectant le plafond de 12,5 %. Le caractère prospectif de son estimation du niveau cible
final implique qu’il doit estimer avec suffisamment de prudence l’évolution du montant des dépôts couverts tout au long de la période initiale afin de disposer de fonds suffisants pour concilier le respect du plafond de 12,5 % avec les exigences rappelées au point 117 ci-dessus.
126 Il en va d’autant plus ainsi que, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le niveau cible final doit atteindre « au moins » 1 % des dépôts couverts à la fin de la période initiale. Cette disposition n’oblige donc pas le CRU à s’assurer que ce niveau cible corresponde à exactement 1 % du montant des dépôts couverts, mais lui permet d’estimer, sur la base de projections prudentes, l’évolution du montant des dépôts couverts de telle sorte que ledit niveau cible soit
atteint, tout en respectant le plafond de 12,5 %.
127 Au demeurant, il convient de relever que, lors de l’élaboration du règlement délégué 2017/747, la Commission a également envisagé l’application simultanée du plafond de 12,5 % et des exigences découlant de l’article 69, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014 qui ont été rappelées au point 117 ci-dessus. En effet, le règlement délégué 2017/747, qui a pour objet, selon son article 1er, point 1, notamment de préciser les critères à retenir pour la répartition dans le temps des contributions
au FRU conformément à l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, prévoit, à son article 3, paragraphe 4, que, au cours de toute période de contribution donnée, le niveau des contributions annuelles ne peut être inférieur à la moyenne des contributions annuelles « calculées conformément aux articles 69, paragraphe 1, et 70, paragraphe 2, du règlement […] no 806/2014 » que si le CRU s’assure que, sur la base de projections prudentes, le niveau cible final pourra être atteint à l’issue
de la période initiale.
128 En troisième lieu, il convient dès lors d’examiner si le CRU a respecté, dans la décision attaquée, l’exigence du plafond de 12,5 %, telle que prévue par l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014.
129 À cet égard, il ressort tout d’abord des considérants 45 et 60 de la décision attaquée que le CRU a estimé le niveau cible final pronostiqué au montant de 79987450580 euros.
130 Ainsi, lorsque le CRU a calculé les contributions ex ante portant sur la période de contribution 2022, il était tenu de s’assurer, conformément à l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, et sur la base de sa propre estimation du niveau cible final, que le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassait pas le montant de 9998431322,50 euros.
131 Or, ainsi qu’il ressort du considérant 62 de la décision attaquée, en combinaison avec le point 124 de l’annexe III de cette décision et avec la colonne « Montant final notifié pour 2022 (iii) » du tableau inclus à la première page de l’annexe II de ladite décision, le CRU a fixé le niveau cible annuel pour la période de contribution 2022 à un montant de 14253573821,46 euros, ce montant ayant été réduit à 13675366302,18 euros après, notamment, des déductions effectuées au titre de l’article 8,
paragraphe 2, du règlement d’exécution 2015/81.
132 Par conséquent, il convient de constater, ainsi que le CRU l’a d’ailleurs reconnu lors de l’audience, que la décision attaquée a fixé le montant des contributions ex ante dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants à un montant qui dépassait le plafond de 12,5 % du niveau cible final pronostiqué.
133 Il s’ensuit que le CRU a méconnu l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014 et que le deuxième moyen doit ainsi être accueilli, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la violation par le CRU des autres dispositions invoquées par la requérante dans le cadre de ce moyen.
Conclusion
134 Ainsi qu’il ressort des points 43 et 86 ci-dessus, le Tribunal a fait droit aux exceptions d’illégalité soulevées par la requérante et a déclaré inapplicables l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 et le règlement d’exécution 2015/81 ainsi que, à titre surabondant, l’article 8, paragraphe 1, sous g), de ce règlement d’exécution.
135 Il en découle que la décision attaquée, laquelle est fondée notamment sur le règlement d’exécution 2015/81 ainsi que, plus spécifiquement, sur l’article 8, paragraphe 1, sous g), de ce règlement, doit être annulée en ce qu’elle concerne la requérante.
136 En outre, comme cela ressort du point 133 ci-dessus, la décision attaquée doit également être annulée au motif qu’elle viole l’article 70, paragraphe 2, premier et quatrième alinéas, du règlement no 806/2014, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens et griefs soulevés par la requérante.
Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt
137 Le CRU demande au Tribunal de maintenir, en cas d’annulation de la décision attaquée, les effets de celle-ci jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle l’arrêt est devenu définitif, puisqu’une telle annulation aurait des conséquences graves pour la stabilité financière dans l’union bancaire.
138 À l’audience, le CRU a précisé que, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait la décision attaquée en raison de l’illégalité du règlement no 806/2014 ou du règlement d’exécution 2015/81, les effets de cette décision devraient être maintenus pour une période de six mois à compter de la date d’adoption d’une nouvelle réglementation.
139 À ce dernier égard, le Parlement a affirmé, également lors de l’audience, que le législateur de l’Union avait besoin d’une période qui était, en général, d’une moyenne de 15 à 20 mois pour adopter un acte législatif une fois que la proposition de la Commission était déposée.
140 La requérante s’oppose aux demandes du CRU, en soutenant, notamment, que le CRU n’a fourni aucun motif susceptible de justifier de faire peser sur elle les conséquences négatives d’un acte annulé dans l’attente de l’adoption d’une nouvelle décision.
141 Aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, le juge de l’Union peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme étant définitifs. Pour exercer le pouvoir que lui confère cet article, le juge de l’Union prend en compte le respect du principe de sécurité juridique et d’autres intérêts publics ou privés (voir arrêt du 25 février 2021, Commission/Suède, C‑389/19 P, EU:C:2021:131, point 72 et jurisprudence citée ; voir également, en ce
sens, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 122).
142 Ainsi, l’article 264, second alinéa, TFUE a notamment été interprété comme permettant, pour des motifs de sécurité juridique, mais aussi pour des motifs visant à éviter une discontinuité ou une régression dans la mise en œuvre des politiques conduites ou soutenues par l’Union, de maintenir pour un délai raisonnable les effets d’un acte annulé (voir arrêt du 27 janvier 2021, Pologne/Commission, T‑699/17, EU:T:2021:44, point 61 et jurisprudence citée).
143 En l’espèce, ainsi que cela ressort des points 43, 86 et 133 ci-dessus, le Tribunal a annulé la décision attaquée sans être amené à constater, dans la présente procédure, d’erreur affectant l’obligation même de la requérante de verser une contribution ex ante pour la période de contribution 2022, telle qu’elle découle de l’article 2, de l’article 67, paragraphe 4, et de l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.
144 Dans ces conditions, et à l’instar de ce que la Cour a jugé dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 177), l’annulation de la décision attaquée sans prévoir le maintien de ses effets serait de nature à porter atteinte à la mise en œuvre de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, qui constituent une partie essentielle de l’union bancaire, laquelle contribue à la stabilité
de la zone euro ainsi qu’à la stabilité financière de l’Union dans son ensemble. En effet, si le CRU était tenu de rembourser, avec effet immédiat, le montant de la contribution ex ante de la requérante ainsi que les montants des contributions ex ante d’autres établissements, tels que ceux qui ont introduit un recours similaire en soulevant les mêmes moyens que ceux accueillis dans le présent recours, alors que ces établissements restent en principe soumis à l’obligation de verser les
contributions ex ante, un tel remboursement risquerait de priver le FRU des moyens financiers qui peuvent s’avérer nécessaires pour assurer la stabilité de la zone euro et la stabilité financière de l’Union.
145 Par conséquent, le rejet de la demande de maintien des effets de la décision attaquée risquerait de porter atteinte à l’objectif de stabilité financière et à l’objectif de création d’une union économique et monétaire, tel qu’il est prévu par l’article 3, paragraphe 4, TUE.
146 Dans ces circonstances, et compte tenu du fait qu’un des motifs d’annulation constatés par le Tribunal tient à l’illégalité de l’article 70, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 et du règlement d’exécution 2015/81, il y a lieu de maintenir les effets de la décision attaquée, en ce qu’elle concerne la requérante, jusqu’à ce que les mesures nécessaires que comporte l’exécution du présent arrêt soient prises, et ce dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser douze mois à compter du jour où
le présent arrêt devient définitif.
Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure concernant la limitation dans le temps des effets de l’arrêt
147 Par un acte déposé au greffe du Tribunal le 5 mars 2024, la requérante a demandé la réouverture de la phase orale de la procédure. Dans cette demande, elle indique avoir pris connaissance, après la tenue de l’audience le 8 février 2024, d’un communiqué de presse du CRU du 15 février 2024, dans lequel celui-ci indique que, à la date du 31 décembre 2023, le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU s’élevait à 78 milliards d’euros, alors que le niveau cible final correspondant à 1 %
des dépôts couverts était de 75 milliards d’euros. Selon la requérante, le FRU présente ainsi un surplus de 3 milliards d’euros, ce qui serait pertinent pour la décision éventuelle du Tribunal de maintenir les effets de la décision attaquée en cas d’annulation de celle-ci. S’agissant des établissements qui ont introduit un recours contre cette décision en soulevant un moyen correspondant au deuxième moyen du présent recours, ledit surplus permettrait en effet de rembourser la part des
contributions ex ante de ces établissements dépassant le plafond de 12,5 %, sans que les moyens financiers disponibles dans le FRU tombent sous le niveau cible final de 75 milliards d’euros.
148 En vertu de l’article 113, paragraphe 2, sous c), de son règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure lorsqu’une partie principale le demande, en se fondant sur des faits de nature à exercer une influence décisive sur sa décision qu’elle n’avait pas pu faire valoir avant la clôture de ladite phase orale.
149 À cet égard, force est de constater que le fait nouveau invoqué par la requérante ne peut, en tout état de cause, exercer une influence décisive sur la décision du Tribunal.
150 En effet, d’une part, comme la requérante l’admet elle-même, le communiqué de presse du CRU mentionné au point 147 ci-dessus est sans pertinence pour apprécier la légalité de la décision attaquée et statuer sur les conclusions de la requête. D’autre part, ce communiqué de presse n’est pas non plus décisif en ce qui concerne le maintien des effets de la décision attaquée. Sur ce point, il suffit de relever que le montant de la contribution ex ante de la requérante et ceux des contributions ex
ante d’autres établissements tels que ceux qui ont introduit un recours similaire en soulevant les mêmes moyens que ceux accueillis dans le présent recours risquent de dépasser, en tout état de cause, le montant de 3 milliards d’euros qu’elle mentionne.
151 Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande de la requérante tendant à la réouverture de la phase orale de la procédure.
Sur les dépens
152 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CRU ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.
153 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Parlement et le Conseil supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) La décision SRB/ES/2022/18 du Conseil de résolution unique (CRU), du 11 avril 2022, sur le calcul des contributions ex ante pour 2022 au Fonds de résolution unique (FRU) est annulée en ce qu’elle concerne Hypo Vorarlberg Bank AG.
2) Les effets de la décision SRB/ES/2022/18 sont maintenus en ce qu’elle concerne Hypo Vorarlberg Bank jusqu’à ce que les mesures nécessaires que comporte l’exécution du présent arrêt soient prises, et ce dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser douze mois à compter du jour où le présent arrêt devient définitif.
3) Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Hypo Vorarlberg Bank.
4) Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.
Kornezov
De Baere
Petrlík
Kecsmár
Kingston
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mai 2024.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.