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27/11/2024 | CJUE | N°T-449/22

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Evonik Operations GmbH contre Commission européenne., 27/11/2024, T-449/22


 ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

27 novembre 2024 ( *1 )

« Environnement et protection de la santé humaine – Règlement (CE) no 1272/2008 – Classification, étiquetage et emballage de certaines substances et de certains mélanges – Règlement délégué (UE) 2022/692 – Classification et étiquetage harmonisés de la substance silanamine, 1,1,1-triméthyl-N-(triméthylsilyl)-, produits d’hydrolyse avec de la silice ; dioxyde de silicium amorphe synthétique pyrogéné, nano, traité en surface – Critères de classification d’une substance dan

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‟Toxicité spécifique pour certains organes cibles – Exposition répétée” – Carac...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

27 novembre 2024 ( *1 )

« Environnement et protection de la santé humaine – Règlement (CE) no 1272/2008 – Classification, étiquetage et emballage de certaines substances et de certains mélanges – Règlement délégué (UE) 2022/692 – Classification et étiquetage harmonisés de la substance silanamine, 1,1,1-triméthyl-N-(triméthylsilyl)-, produits d’hydrolyse avec de la silice ; dioxyde de silicium amorphe synthétique pyrogéné, nano, traité en surface – Critères de classification d’une substance dans la classe de danger
‟Toxicité spécifique pour certains organes cibles – Exposition répétée” – Caractère approprié de la classification – Absence de consultation publique sur l’avis du comité d’évaluation des risques de l’ECHA – Accord interinstitutionnel “Mieux légiférer” – Absence d’analyse d’impact »

Dans l’affaire T‑449/22,

Evonik Operations GmbH, établie à Essen (Allemagne), représentée par Mes T. Delille et N. Kuśnierkiewicz, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. M. Farley et R. Lindenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par MM. W. Broere et J.-P. Trnka, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. Kancheva et M. P. Zilgalvis, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

vu la mesure d’organisation de la procédure du 15 décembre 2023,

à la suite de l’audience du 8 février 2024,

rend le présent

Arrêt

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Evonik Operations GmbH, demande l’annulation du règlement délégué (UE) 2022/692 de la Commission, du 16 février 2022, modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique et scientifique, le règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (JO 2022, L 129, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »), en ce qui concerne la
classification et l’étiquetage harmonisés de la substance silanamine, 1,1,1-triméthyl-N-(triméthylsilyl)-, produits d’hydrolyse avec de la silice ; dioxyde de silicium amorphe synthétique pyrogéné, nano, traité en surface (ci-après la « silanamine »).

I. Antécédents du litige

2 La requérante est une société de droit allemand qui fabrique de la silanamine.

3 La silanamine est un type de silice amorphe synthétique (ci-après la « SAS »), dont la formule moléculaire est « [SiO2]n-[OSi(CH3)3]m », qui a été traité afin de devenir hydrophobe. Les SAS, y compris sous des formes traitées en surface, sont utilisées dans divers produits, tels que les produits médicinaux et pharmaceutiques, les produits alimentaires et les cosmétiques, ainsi que dans plusieurs applications industrielles, comme agents de renforcement et d’épaississement dans divers systèmes,
comme les élastomères, les résines et les encres.

4 La silanamine est également une substance active au sens du règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO 2012, L 167, p. 1).

5 Le 17 décembre 2018, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES, France, ci-après l’« autorité française compétente ») a soumis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA),conformément à l’article 37, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives
67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1), une proposition de classification et d’étiquetage harmonisés de la silanamine (ci-après la « proposition de classification ») dans la classe de danger de la toxicité spécifique pour certains organes cibles – exposition répétée (ci-après la « classe de danger STOT RE ») de catégorie 2. La proposition de classification comportait la mention « version 2 ».

6 Entre le 4 mars et le 3 mai 2019, plusieurs parties concernées ont soumis, conformément à l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008, leurs observations sur la proposition de classification.

7 Le 5 décembre 2019, sur la base de l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008, le comité d’évaluation des risques de l’ECHA (ci-après le « CER ») a adopté un avis (ci-après l’« avis du CER »). Dans cet avis, le CER a proposé la classification de la silanamine dans la classe de danger STOT RE de catégorie 2, avec le code de mention de danger « H373 » (poumons, inhalation), ainsi que dans la classe de danger de la toxicité aiguë de catégorie 2 par inhalation (H330) avec une estimation de
la toxicité aiguë de 0,45 milligramme par litre (mg/L).

8 Entre le 3 et le 17 février 2020, une consultation publique ciblée sur la classification de la silanamine dans la classe de danger de la toxicité aiguë a été organisée.

9 Le 16 février 2022, sur la base de l’avis du CER, la Commission européenne a adopté le règlement attaqué. Par ce règlement, la silanamine a été ajoutée dans la partie 3, tableau 3, de l’annexe VI du règlement no 1272/2008, avec une classification et un étiquetage harmonisés dans la classe de danger STOT RE de catégorie 2, le code de mention de danger « H373 » (poumons, inhalation) et le code de pictogramme de danger « GHS 08Wng » (ci-après la « classification contestée »).

10 En revanche, le règlement attaqué a indiqué que la classification de la silanamine dans la classe de danger de la toxicité aiguë de catégorie 2, recommandée dans l’avis du CER, ne devait pas être inscrite dans la partie 3, tableau 3, de l’annexe VI du règlement no 1272/2008, étant donné que les nouvelles informations scientifiques reçues avaient été évaluées par la Commission, qui avait jugé qu’elles devaient encore être examinées par le CER.

II. Conclusions des parties

11 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler le règlement attaqué en ce qui concerne la classification contestée ;

– condamner la Commission aux dépens.

12 La Commission, soutenue par l’ECHA, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

13 Au soutien de son recours, la requérante soulève quatre moyens :

– le premier moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et de la violation des critères pour la classification d’une substance dans la classe de danger STOT RE de catégorie 2 ;

– le deuxième moyen est tiré de la violation de la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés ;

– le troisième moyen est tiré de la violation de l’obligation de la Commission d’examiner le caractère approprié de la classification contestée ;

– le quatrième moyen est tiré de l’absence d’une analyse d’impact.

A.   Considérations liminaires sur la classification et l’étiquetage harmonisés des substances dans la classe de danger STOT RE

14 À titre liminaire, il convient de constater que, conformément à son considérant 1 et à son article 1er, paragraphe 1, le règlement no 1272/2008 a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement ainsi que la libre circulation des substances chimiques, des mélanges et de certains articles spécifiques dans le marché de l’Union. Ainsi qu’il ressort, notamment, de ses considérants 5 à 8, 10 et 27, ce règlement a pour objectif de déterminer les propriétés
intrinsèques des substances qui doivent conduire à leur classification comme produits dangereux, afin que les dangers présentés par ces substances (et par des mélanges contenant de telles substances) puissent être correctement identifiés et communiqués. À cette fin, conformément à son article 1er, paragraphe 1, sous a), ledit règlement vise, notamment, à « harmonis[er] les critères de classification des substances et des mélanges, ainsi que les règles relatives à l’étiquetage et à l’emballage des
substances et des mélanges dangereux ».

15 En outre, il ressort des considérants 4 à 8 du règlement no 1272/2008 que le législateur de l’Union a entendu contribuer à l’harmonisation générale des critères de classification et d’étiquetage non seulement au niveau de l’Organisation des Nations unies, mais aussi en intégrant dans le droit de l’Union les critères du système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques (ci-après le « SGH ») établis au niveau international. À cet effet, l’annexe I de ce règlement
reproduit à l’identique la quasi-totalité des dispositions du SGH (arrêt du 22 novembre 2017, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a., C‑691/15 P, EU:C:2017:882, point 42).

16 En ce qui concerne la classification des substances et des mélanges dangereux, il convient de rappeler que, selon l’article 3 du règlement no 1272/2008, une substance ou un mélange qui répond aux critères relatifs aux dangers physiques, aux dangers pour la santé ou aux dangers pour l’environnement, tels qu’ils sont énoncés à l’annexe I dudit règlement, est dangereux et est classé dans l’une des classes de danger prévues à cette annexe.

17 À cet égard, le règlement no 1272/2008 prévoit, à son titre V, une procédure d’harmonisation, dans toute l’Union, de la classification et de l’étiquetage des substances, laquelle a pour objet les substances qui satisfont aux critères visés à l’annexe I pour les dangers indiqués à l’article 36, paragraphe 1, de ce règlement, y compris pour le danger de la toxicité pour la reproduction. Ce règlement prévoit également, notamment à ses articles 5, 9 et 13, une obligation d’autoclassification imposée
aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval, qui porte sur les substances ainsi que sur les mélanges.

18 La procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances est déclenchée, par l’autorité compétente d’un État membre ou par les fabricants, importateurs ou utilisateurs en aval d’une substance, par la soumission d’une proposition de classification et d’étiquetage harmonisés de cette substance devant l’ECHA, conformément à l’article 37, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1272/2008. Ensuite, le CER « adopte un avis sur toute proposition soumise […] en donnant aux parties
concernées l’occasion de formuler des observations » et l’ECHA « transmet cet avis et toutes les observations à la Commission », conformément à ce même article 37, paragraphe 4. Enfin, lorsque la Commission estime que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage de la substance concernée est appropriée, elle adopte un acte délégué, conformément à l’article 37, paragraphe 5, et à l’article 53 bis de ce règlement, afin de modifier l’annexe VI dudit règlement en y incluant, dans sa
partie 3, tableau 3, la substance en cause et les éléments de classification et d’étiquetage pertinents.

19 Par ailleurs, il convient de rappeler que le règlement no 1272/2008 porte sur l’évaluation des dangers des substances et que cette évaluation doit être différenciée de l’évaluation des risques prévue par le règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques,
modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1). L’évaluation des dangers constitue la première étape du processus d’évaluation des risques, laquelle représente un concept plus précis. Ainsi, une évaluation des dangers liés aux propriétés intrinsèques des
substances ne doit pas être limitée en considération de circonstances d’utilisation spécifiques, comme dans le cas d’une évaluation des risques, et peut être réalisée de manière valable indépendamment du lieu d’utilisation de la substance (laboratoire ou autre) ou des niveaux éventuels d’exposition à la substance (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Nickel Institute, C‑14/10, EU:C:2011:503, points 81 et 82).

20 S’agissant de la classe de danger STOT RE, elle est prévue dans la partie 3, section 3.9, de l’annexe I du règlement no 1272/2008.

21 En particulier, le point 3.9.1.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 dispose ce qui suit :

« Par [classe de danger STOT RE], on entend les effets toxiques spécifiques sur les organes cibles résultant d’expositions répétées à une substance ou un mélange. Ce concept recouvre tous les effets notables pouvant perturber une fonction, qu’ils soient réversibles ou irréversibles, immédiats ou différés. Toutefois, d’autres effets toxiques spécifiques qui sont traités en particulier aux sections 3.1 à 3.8 et à la section 3.10 ne sont pas inclus ici. »

22 En ce qui concerne les catégories de danger, il résulte du point 3.9.2.1 et du tableau 3.9.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 que la classification pour la classe de danger STOT RE est répartie en deux catégories selon la nature et la gravité du ou des effets observés, à savoir la catégorie 1 et la catégorie 2.

23 Plus particulièrement, la catégorie 2 couvre les substances dont des études sur des animaux permettent de penser qu’elles peuvent porter préjudice à la santé humaine à la suite d’expositions répétées. Les substances sont classées dans cette catégorie sur la base d’études animales appropriées au cours desquelles ont été observés des effets toxiques significatifs transposables à l’être humain, résultant d’une exposition à des concentrations généralement modérées.

B.   Considérations liminaires sur l’intensité du contrôle du Tribunal

24 S’agissant de l’intensité du contrôle du Tribunal, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, afin de pouvoir procéder à la classification d’une substance au titre du règlement no 1272/2008, et en considération des évaluations scientifiques et techniques complexes qu’elle doit opérer, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission (voir arrêt du 22 novembre 2017, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a., C‑691/15 P, EU:C:2017:882, point 34 et jurisprudence
citée).

25 L’exercice de ce pouvoir d’appréciation n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission,
C‑326/05 P, EU:C:2007:443, point 76 et jurisprudence citée).

26 En particulier, lorsqu’une partie invoque une erreur manifeste d’appréciation qui aurait été commise par l’institution compétente, le juge de l’Union doit contrôler si cette institution a examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce sur lesquels cette appréciation est fondée. Cette obligation de diligence est en effet inhérente au principe de bonne administration et s’applique de manière générale à l’action de l’administration de l’Union (voir arrêt du
22 novembre 2017, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a., C‑691/15 P, EU:C:2017:882, point 35 et jurisprudence citée).

27 En outre, la limitation du contrôle du juge de l’Union n’affecte pas le devoir de celui-ci de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence ainsi que de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2008, Pays-Bas/Commission, C‑405/07 P,
EU:C:2008:613, point 55 et jurisprudence citée).

28 Par ailleurs, s’agissant de l’évaluation d’études scientifiques, le Tribunal a déjà relevé qu’il y avait lieu de reconnaître une large marge d’appréciation à la Commission en ce qui concernait cette évaluation, ainsi que le choix des études qui devaient primer sur les autres, et ce, indépendamment de leur chronologie. Ainsi, il ne suffit pas que la partie requérante invoque l’ancienneté d’une étude scientifique pour remettre en cause sa fiabilité, mais il lui faut encore fournir des indices
suffisamment précis et objectifs de nature à soutenir que d’éventuelles évolutions scientifiques récentes remettraient en cause le bien-fondé des conclusions d’une telle étude (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, Deza/Commission, T‑400/17, non publié, EU:T:2018:712, point 95).

29 Il y a lieu d’ajouter que, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans l’acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de
l’auteur de l’acte (voir arrêt du 5 juillet 2023, TIB Chemicals/Commission, T‑639/20, non publié, EU:T:2023:374, point 35 et jurisprudence citée).

30 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens de la requérante.

C.   Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et de la violation des critères pour la classification d’une substance dans la classe de danger STOT RE de catégorie 2

31 Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la classification contestée est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation et ne respecte pas les critères de classification dans la classe de danger STOT RE de catégorie 2.

32 Ce premier moyen est divisé en trois branches. La première est tirée de l’absence d’effets toxiques spécifiques produits par la silanamine sur les poumons, la deuxième est tirée du fait que les effets observés reposent sur des références croisées qui ne répondent pas aux critères de classification dans la classe de danger STOT RE de catégorie 2 et la troisième est tirée de l’absence d’effets néfastes sur la santé produits par la silanamine.

33 Compte tenu des circonstances de l’espèce, le Tribunal estime opportun d’examiner, d’abord, la troisième branche, ensuite, la première branche et, enfin, la deuxième branche du premier moyen.

1. Sur la troisième branche, tirée de l’absence d’effets néfastes sur la santé produits par la silanamine

34 Dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, la requérante soutient, en substance, que la classification contestée ne repose pas sur des effets néfastes au sens de la section 3.9 de l’annexe I du règlement no 1272/2008. En particulier, elle fait valoir que l’avis du CER n’identifie aucun effet justifiant une telle classification. Elle ajoute qu’aucune des conclusions figurant dans l’avis du CER ne répond aux critères prévus à la section 3.9 de l’annexe I du règlement no 1272/2008.

35 Compte tenu des arguments de la requérante, il convient, premièrement, d’examiner les effets justifiant la classification d’une substance dans la classe de danger STOT RE de catégorie 2, deuxièmement, de vérifier si l’avis du CER a identifié les effets qui ont justifié la classification contestée et, troisièmement, d’analyser si les effets identifiés pouvaient justifier ladite classification.

a) Considérations liminaires sur les effets justifiant la classification d’une substance dans la classe de danger STOT RE de catégorie 2

36 Ainsi qu’il ressort du point 21 ci-dessus, en vertu du point 3.9.1.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, la classe de danger STOT RE désigne les effets toxiques spécifiques sur les organes cibles résultant d’expositions répétées à une substance ou à un mélange et recouvre tous les effets notables pouvant perturber une fonction, qu’ils soient réversibles ou irréversibles, immédiats ou différés.

37 Conformément au point 3.9.1.2 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, la classe de danger STOT RE identifie les substances qui sont considérées comme des toxiques spécifiques affectant un organe cible et qui, de ce fait, risquent d’avoir des effets néfastes sur la santé des personnes qui y sont exposées.

38 En vertu du point 3.9.1.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, les effets néfastes en cause sont des effets toxiques constants et identifiables chez l’être humain ou, chez des animaux de laboratoire, des changements toxicologiques importants qui affectent le fonctionnement ou la morphologie d’un tissu ou d’un organe, ou qui provoquent de graves altérations de la biochimie ou de l’hématologie de l’organisme, étant entendu que ces altérations doivent être transposables à la santé humaine.

39 La section 3.9.2.7 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 détaille les règles relatives aux effets justifiant la classification d’une substance comme ayant une toxicité spécifique pour certains organes cibles à la suite d’expositions répétées.

40 En particulier, il ressort du point 3.9.2.7.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 que des données fiables qui montrent qu’il existe un lien entre des expositions répétées à la substance et un effet toxique constant et identifiable constituent des éléments importants pour justifier une classification.

41 Le point 3.9.2.7.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 prévoit une liste indicative d’effets justifiant la classification d’une substance dans la classe de danger STOT RE.

42 En outre, conformément au point 3.9.2.9.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, dans les études menées sur les animaux, l’observation des seuls effets, sans prise en compte de la durée de l’exposition expérimentale, ni de la dose/concentration, néglige le principe fondamental en toxicologie, à savoir que toutes les substances sont potentiellement toxiques et que la toxicité est déterminée par la dose/concentration et la durée de l’exposition. La plupart des lignes directrices relatives aux
essais sur des animaux prévoient une limite de dose supérieure.

43 Dans ce contexte, le point 3.9.2.9.2 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 précise que, afin de faciliter la décision de classer ou non une substance et le choix de la catégorie (1 ou 2), des valeurs indicatives sont fournies pour déterminer la dose/concentration dont il est avéré qu’elle produit des effets notables sur la santé. Ces valeurs indicatives sont essentiellement proposées parce que toutes les substances sont potentiellement toxiques et qu’il convient d’établir une dose ou une
concentration raisonnable au-delà de laquelle l’existence d’un certain effet toxique est reconnue. En outre, les études à doses répétées réalisées sur les animaux sont conçues pour induire une toxicité à la dose la plus élevée afin d’optimiser l’objectif de l’essai, de sorte que la plupart des études provoquent un certain effet toxique au moins à cette dose maximale. Il convient donc de décider non seulement quels effets ont été produits, mais aussi quelle est la dose/concentration à laquelle ils
ont été produits et quelle est leur pertinence à l’égard de l’être humain.

44 Ainsi, en vertu du point 3.9.2.9.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, lorsque des études animales font apparaître des effets toxiques importants qui justifient une classification de la substance, l’examen de la durée de l’exposition expérimentale et de la dose ou de la concentration à laquelle ces effets ont été observés peut, à la lumière des valeurs indicatives proposées, fournir des indications utiles sur la nécessité de classer la substance (puisque les effets toxiques résultent de la
ou des propriétés dangereuses, de la durée de l’exposition et de la dose ou de la concentration).

45 En outre, conformément au point 3.9.2.9.4 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, la décision de classer ou non une substance peut être influencée par des valeurs indicatives de dose ou de concentration auxquelles ou au-dessous desquelles un effet toxique important a été observé.

46 Le tableau 3.9.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 indique ainsi les valeurs indicatives destinées à faciliter la classification dans la catégorie 2.

47 En ce qui concerne les essais par inhalation, les valeurs indicatives dépendent de la forme de la substance. S’agissant, en particulier, des poussières, elles sont prévues à la dernière ligne du tableau 3.9.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008.

48 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si le CER a identifié les effets justifiant la classification contestée.

b) Sur les effets identifiés dans l’avis du CER justifiant la classification contestée

49 La requérante soutient que, si la classe de danger STOT RE ne repose pas sur une liste exhaustive d’effets justifiant la classification d’une substance, le CER doit préciser les effets sur lesquels il fonde son avis. Or, en l’espèce, l’avis du CER n’identifierait aucun effet qui répondrait aux critères de la section 3.9.2.7 de l’annexe I du règlement no 1272/2008.

50 La Commission, soutenue par l’ECHA, conteste ces arguments.

51 En l’espèce, il convient de constater que, dans la partie relative à la classe de danger STOT RE, l’avis du CER contient une section intitulée « Évaluation et comparaison avec les critères de classification », dans laquelle figurent, d’une part, un tableau résumant les études pertinentes et, d’autre part, une analyse de ces études.

52 En ce qui concerne le tableau résumant les études pertinentes, l’avis du CER recense les résultats des études de toxicité par inhalation de doses répétées avec les trois formes de SAS hydrophobes figurant dans la proposition de classification et dans la littérature publique se concentrant particulièrement sur les poumons.

53 Le tableau résumant les études pertinentes est divisé en trois rubriques contenant des informations relatives, s’agissant de la première rubrique, aux études et aux espèces d’animaux utilisées, s’agissant de la deuxième rubrique, aux méthodes et aux substances d’essai (sont indiquées dans cette rubrique la dose et la concentration de la substance utilisée ainsi que la période d’essais) et, s’agissant de la troisième rubrique, aux résultats constatés.

54 S’agissant de l’analyse des études pertinentes, dans un premier temps, l’avis du CER détaille les résultats constatés dans les études, en mentionnant, notamment, la détresse respiratoire qui est passée à une dyspnée modérée à la dose moyenne ; la respiration irrégulière ; l’inflammation transitoire, en particulier dans la région alvéolaire et des blessures locales de poumons ainsi que, dans certains cas, des ganglions lymphatiques médiastinaux et, plus rarement, du nez ; la fibrose
interstitielle ; l’histiocytose dans les ganglions lymphatiques médiastinaux drainant les poumons ; la fibrogenèse et une remodélisation structurelle du tissu pulmonaire, susceptibles de progresser jusqu’à la fibrose.

55 Dans un second temps, l’avis du CER conclut que, « [e]n ce qui concerne les effets observés, certaines altérations de la fonction pulmonaire (respiration) sont constantes dans la majorité des études par inhalation à doses répétées avec des SAS hydrophobes ». Il ajoute des « [e]ffets liés au traitement induits par les SAS hydrophobes reflétant l’inflammation du tissu pulmonaire (principal mécanisme de toxicité identifié), associés à une réaction morphologique des tissus (hypertrophie, lésions
pulmonaires, hyperplasie partielle de l’épithélium bronchiolaire, remodélisation du collagène) ». Il constate que, « [é]tant donné que d’autres incertitudes subsistent quant à l’existence ou non de fibrose dans l’étude clé no 2 », la proposition de classification est justifiée.

56 Il ressort de ces appréciations de l’avis du CER que les effets qui ont justifié la classification contestée sont les altérations de la fonction pulmonaire (respiration), les effets liés au traitement induits par les SAS hydrophobes reflétant l’inflammation du tissu pulmonaire (principal mécanisme de toxicité identifié), associés à une réaction morphologique des tissus (hypertrophie, lésions pulmonaires, hyperplasie partielle de l’épithélium bronchiolaire, remodélisation du collagène), et la
fibrose.

57 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, le CER a identifié, dans son avis, les effets justifiant la classification contestée.

58 Si la requérante soutient que le CER a pris en compte, aux fins de l’identification des effets, des études qui ne faisaient pas partie de la proposition de classification, il y a lieu de rappeler que, aux termes du point 3.9.2.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, les substances sont classées comme relevant de la classe de danger STOT RE sur la base d’un jugement d’experts qui évalue la force probante de « toutes les données disponibles ». La référence à « toutes les données disponibles »,
sans aucune limitation, suffit pour considérer que le CER pouvait, sans commettre d’erreur, prendre en compte toutes les études disponibles, y compris celles qui ne faisaient pas partie de la proposition de classification.

59 Il convient ainsi d’analyser si les effets identifiés dans l’avis du CER pouvaient justifier la classification contestée.

c) Sur la justification de la classification contestée sur la base des effets identifiés dans l’avis du CER

60 La requérante relève que l’avis du CER repose sur des conclusions qui ne répondent pas aux critères prévus à la section 3.9 de l’annexe I du règlement no 1272/2008. Selon elle, les appréciations relatives à la fibrose ne sont soutenues par aucune étude. En outre, les autres effets observés dans les études n’altéreraient pas la fonction des poumons, en ce qu’il s’agirait d’une réaction adaptative au dépôt d’un grand nombre de particules inhalées, et ne seraient liés à aucune valeur indicative. De
plus, leur pertinence à l’égard de la santé humaine serait contredite par des études épidémiologiques.

61 La Commission, soutenue par l’ECHA, conteste ces arguments.

62 En l’espèce, il convient d’observer que, ainsi qu’il ressort du point 56 ci-dessus, parmi les effets identifiés dans l’avis du CER ayant justifié la classification contestée figure la fibrose.

63 La fibrose est mentionnée au point 3.9.2.7.3, sous e), de l’annexe I du règlement no 1272/2008, dans la liste indicative d’effets justifiant la classification d’une substance dans la classe de danger STOT RE.

64 Toutefois, il convient de relever que, ainsi que le soutient la requérante, la fibrose ne pouvait pas, en tant que telle, justifier la classification contestée. En effet, il résulte de l’avis du CER que les données existantes n’étaient pas suffisantes pour conclure qu’il existait, conformément au point 3.9.2.7.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, un lien entre des expositions répétées à la silanamine et la fibrose. À cet égard, il suffit de relever que l’avis du CER précise que « la fibrose
interstitielle rapportée et d’autres résultats histopathologiques indésirables graves rapportés dans l’étude A6.4.3_01 sont devenus contestables à la lumière de la réévaluation des conclusions de l’étude par Weber et al. (2018) » et que, « [à] la suite de la réévaluation, il a été conclu qu’aucune fibrose n’avait été détectée ». Il admet à cet égard que la fibrogenèse est « la principale constatation de l’étude Weber et al. (2018) » et que « la fibrogenèse, liée à l’exposition, et la
remodélisation structurelle du tissu pulmonaire, qui sont réversibles, […] ne peuvent être exclues en tant qu’effets néfastes susceptibles de passer à la fibrose, si l’exposition persiste et en présence d’une autre pathologie néfaste, telle qu’une infection ». Il ajoute que « la fibrose interstitielle est également mentionnée dans l’étude d’[un] an avec des singes [...] par Dow Corning (1972) [étude no 4, examinée dans Becker et al. (2013) et ECETOC (2006)] [...], mais [que] très peu de détails
de l’étude sont disponibles » et que « les résultats initiaux […] ne sont pas disponibles ». En outre, il observe que, « dans l’étude de 13 semaines sur le rat réalisée par Wacker (1998) (étude no 6), examinée par ECETOC (2006), aucune indication d’augmentation de la biréfraction (typique de la fibrose interstitielle) n’a été rapportée » et que, « [m]alheureusement, les résultats initiaux de l’étude Wacker (1998) (jugés fiables par ECETOC) ne sont pas disponibles ».

65 Il n’en demeure pas moins qu’il ressort également du point 56 ci-dessus que l’avis du CER est fondé sur trois autres effets, à savoir les altérations de la fonction pulmonaire (respiration), les effets liés au traitement induits par les SAS hydrophobes reflétant l’inflammation du tissu pulmonaire (principal mécanisme de toxicité identifié), associés à une réaction morphologique des tissus (hypertrophie, lésions pulmonaires, hyperplasie partielle de l’épithélium bronchiolaire, remodélisation du
collagène), à propos desquels il précise que « [l]a grande majorité des effets ont disparu au cours de la récupération, ce qui montre des signes évidents de réversibilité », que « [s]euls les effets inflammatoires pourraient être considérés comme des modifications adaptatives (compensatoires) », mais que « l’adversité des conséquences et la toxicité clinique (c’est-à-dire une altération de la respiration) lors de la cessation de l’exposition sont toujours présentes ».

66 La requérante ne conteste pas l’existence de ces effets.

67 Toutefois, en premier lieu, la requérante soutient, en substance, que ces effets ne justifient pas la classification contestée.

68 D’une part, la requérante relève que, dans le cadre des commentaires adressés au groupe d’experts « Autorités compétentes pour REACH et CLP » (ci-après le « CARACAL »), l’industrie a mis en évidence le fait que « les effets décrits dans les poumons après l’inhalation d’AEROSIL® R 974 constitu[ai]ent une réaction adaptative typique des poumons au dépôt d’un grand nombre de particules inhalées » et que le « dépôt d’un grand nombre de corps étrangers dans les poumons déclench[ai]t une réaction
inflammatoire destinée à éliminer les matières déposées », que « [c]ette réaction inflammatoire p[ouvai]t persister plus longtemps après la fin d’une exposition par inhalation à des particules », « [m]ais [que] la réaction inflammatoire [était] considérée comme normale si elle ne progress[ait] pas et [était] corrélée à une élimination efficace des particules ». De l’avis de la requérante, une réaction inflammatoire sera généralement observée après une exposition répétée à la dose/concentration
élevée utilisée dans les études d’exposition répétée par inhalation, mais il ne s’agit pas d’un effet néfaste sur la santé et aucune altération de la fonction pulmonaire n’est observée.

69 À cet égard, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 36 ci-dessus, en vertu du point 3.9.1.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, la classe de danger STOT RE recouvre tous les effets notables pouvant perturber une fonction, qu’ils soient réversibles ou irréversibles, immédiats ou différés.

70 Ainsi, à supposer que les effets identifiés constituent une réaction adaptative des poumons au dépôt d’un grand nombre de particules et soient donc réversibles, le CER pouvait, au titre du point 3.9.1.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, fonder la classification contestée sur la base de tels effets.

71 En tout état de cause, il convient de constater que l’avis du CER admet, certes, qu’il existe des effets liés au traitement induits par les SAS hydrophobes reflétant l’inflammation du tissu pulmonaire. Toutefois, cet avis précise que de tels effets sont associés à d’autres, à savoir la réaction morphologique des tissus (hypertrophie, lésions pulmonaires, hyperplasie partielle de l’épithélium bronchiolaire, remodélisation du collagène) et que « seuls les effets inflammatoires pourraient être
considérés comme des modifications adaptatives (compensatoires) ».

72 Or, contrairement à l’approche qu’elle a adoptée s’agissant de la fibrose, la requérante ne présente aucun argument qui remette en cause les effets consistant en la réaction morphologique des tissus (hypertrophie, lésions pulmonaires, hyperplasie partielle de l’épithélium bronchiolaire, remodélisation du collagène).

73 Il s’ensuit que, à supposer même que les effets liés au traitement induits par les SAS hydrophobes reflétant l’inflammation du tissu pulmonaire ne puissent pas justifier la classification contestée, la requérante n’établit pas que tel est également le cas en ce qui concerne la réaction morphologique des tissus (hypertrophie, lésions pulmonaires, hyperplasie partielle de l’épithélium bronchiolaire, remodélisation du collagène).

74 Dans ce contexte, en l’absence d’éléments de preuve apportés par la requérante afin de priver de plausibilité les appréciations figurant dans l’avis du CER conformément à la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, il ne saurait être reproché au CER d’avoir justifié la classification contestée à tout le moins sur la base de la réaction morphologique des tissus (hypertrophie, lésions pulmonaires, hyperplasie partielle de l’épithélium bronchiolaire, remodélisation du collagène).

75 D’autre part, la requérante reproche au CER de ne pas avoir lié les effets identifiés aux valeurs indicatives.

76 À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 43 ci-dessus, le point 3.9.2.9.2 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 prévoit que des valeurs indicatives sont proposées parce que toutes les substances sont potentiellement toxiques et qu’il convient d’établir une dose ou concentration raisonnable au-delà de laquelle l’existence d’un certain effet toxique est reconnue. Ainsi que mentionné aux points 46 et 47 ci-dessus, les valeurs indicatives pour la catégorie 2 pour des
essais par inhalation avec des poussières sont prévues à la dernière ligne du tableau 3.9.3 de la même annexe.

77 En l’espèce, il convient de constater que l’avis du CER précise que « la dose effective dans les différentes études présentées dans le tableau ci-dessus indique principalement une classification de la silanamine dans la catégorie 2, bien que, dans deux études (nos 1 et 6), la catégorie 1 puisse également être retenue et que, dans l’étude no 2, la dose indiquée soit également proche du seuil de la catégorie 1 ».

78 Il convient également d’observer que le tableau résumant les études pertinentes, d’une part, indique, ainsi qu’il ressort du point 53 ci-dessus, la dose et la concentration de la substance utilisée ainsi que la période d’essais et, d’autre part, précise les résultats et la correspondance aux critères de classification en tant que relevant de la classe de danger STOT RE des catégories 1 et 2.

79 Il ressort de ces appréciations que le CER a comparé les doses/concentrations appliquées dans les différentes études avec les valeurs indicatives visées dans le tableau 3.9.2, relatif à la catégorie 1, et dans le tableau 3.9.3, relatif à la catégorie 2, de l’annexe I du règlement no 1272/2008, afin de conclure, en substance, que les doses/concentrations appliquées dans la majorité des études correspondaient aux valeurs indicatives de la classification dans la catégorie 2.

80 En outre, il convient de relever que la correspondance aux critères de classification en tant que relevant de la classe de danger STOT RE des catégories 1 et 2 indiquée dans le tableau résumant les études pertinentes est accompagnée d’une note en bas de page précisant que la règle de Haber pour l’inhalation s’applique. Conformément au point 3.9.2.9.5 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, cette règle implique que, dans les études de toxicité d’une durée différente de la durée classique de 90
jours, une extrapolation des valeurs indicatives s’effectue en tenant compte du fait que la dose opérante est pour l’essentiel directement proportionnelle à la concentration et à la durée de l’exposition.

81 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, le CER a tenu compte, aux fins de la classification contestée, de la dose/concentration et de la durée d’exposition auxquelles les effets ont été observés.

82 S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le CER a commis une erreur en faisant systématiquement référence dans son avis aux valeurs indicatives comme étant des « critères de classification », il suffit de constater à cet égard que, en plus du fait qu’un tel argument confirme la prise en compte des valeurs indicatives, lesdites valeurs peuvent influencer la décision de classer ou non une substance, ainsi qu’il ressort des points 44 et 45 ci-dessus. Ainsi, c’est sans commettre
d’erreur que le CER a fait référence dans son avis aux valeurs indicatives aux fins de la classification contestée.

83 En second lieu, la requérante relève que la pertinence des effets identifiés sur la santé humaine est contredite par certaines études épidémiologiques, à savoir les études Taeger et al (2002), Morfeld et al. (2014), Morfeld et al. (2016) et Mei Young et al. (2022), que le CER a omis de prendre en compte.

84 À cet égard, il convient de constater que, conformément au point 3.9.2.4 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, l’évaluation des effets de toxicité spécifique pour un organe cible qui nécessitent une classification se fonde sur la force probante de toutes les données (section 1.1.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008) incluant les incidents concernant des êtres humains, l’épidémiologie et des études réalisées sur des animaux de laboratoire.

85 En outre, en vertu du point 1.1.1.4 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, relatif à la force probante des données, lorsque des données concluantes, provenant d’essais sur l’homme et sur l’animal, existent et font apparaître des résultats divergents, la qualité et la fiabilité des deux types de données sont évaluées afin de permettre la classification. D’une manière générale, des données humaines appropriées, fiables et représentatives (notamment des études épidémiologiques, des études de cas
valides d’un point de vue scientifique conformément à l’annexe susmentionnée ou des expériences statistiquement fondées) sont utilisées de préférence à d’autres données. Cependant, même des études épidémiologiques bien conçues et correctement réalisées peuvent avoir porté sur un nombre d’individus trop réduit pour permettre de détecter des effets relativement rares, mais significatifs, ou de discerner des facteurs de confusion potentiels. En l’absence de données positives sur l’homme, les
résultats positifs provenant d’études valables sur des animaux ne doivent donc pas être écartés, mais il convient toutefois d’évaluer la robustesse, la qualité et la puissance statistique des données humaines et animales.

86 En l’espèce, ainsi que constaté par la Commission sans que la requérante le conteste, le document de référence afférent à l’avis du CER précise, notamment, que, « même si aucun effet à long terme sur la santé respiratoire n’a été observé chez les travailleurs dans l’étude épidémiologique disponible (section 10.9, tableau 50), cette publication contient un certain nombre d’incertitudes (nature de la silice, durée et niveau d’exposition), entraînant une force probante insuffisante » et que,
« [d]ans ce contexte, l’étude épidémiologique ne peut être utilisée comme preuve de l’absence d’effet et ne peut pas exclure l’effet sur le poumon signalé chez le rat ».

87 Or, conformément à la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus, une large marge d’appréciation doit être reconnue à la Commission en ce qui concerne l’évaluation des études scientifiques disponibles ainsi que le choix des études qui doivent primer sur les autres, et ce indépendamment de leur chronologie.

88 Dans ce contexte, il convient de relever que, dans le cadre de l’évaluation de la force probante des données, le CER a pris en compte, conformément au point 1.1.1.4 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, les données humaines qu’il a considérées comme appropriées, mais a estimé qu’elles n’avaient pas de force probante suffisante pour remettre en cause les résultats des études animales.

89 Il ressort des considérations qui précèdent qu’aucun des arguments de la requérante n’est de nature à établir que l’avis du CER repose sur des conclusions qui ne répondent pas aux critères prévus à la section 3.9 de l’annexe I du règlement no 1272/2008.

90 Pour le reste, si la requérante soutient que le CER n’a pas démontré dans quelle mesure les effets observés constituaient des effets néfastes sur la santé au sens de la section 3.9 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, il convient de constater qu’une lecture globale de l’avis du CER, notamment de la rubrique relative aux résultats constatés dans les différentes études au sein du tableau résumant lesdites études, et de l’analyse de ces études permet de comprendre les raisons ayant conduit ce
dernier à considérer que lesdits effets constituaient des effets susceptibles de justifier la classification contestée conformément aux critères prévus à la section 3.9 de l’annexe I du règlement no 1272/2008.

91 En effet, il ressort du point 78 ci-dessus que la rubrique relative aux résultats constatés dans les différentes études au sein du tableau résumant lesdites études précise les résultats et la correspondance aux critères de classification en tant que relevant de la classe de danger STOT RE des catégories 1 et 2. En outre, ainsi qu’il ressort du point 77 ci-dessus, l’avis du CER précise, dans le cadre de l’analyse des études pertinentes, que « la dose effective dans les différentes études
présentées dans le tableau ci-dessus indique principalement une classification de la silanamine dans la catégorie 2, bien que, dans deux études (nos 1 et 6), la catégorie 1 puisse également être retenue, et que dans l’étude no 2, la dose indiquée soit également proche du seuil de la catégorie1 ». Il ressort de la lecture combinée de ces points que le CER, après avoir identifié les effets dans les études pertinentes, a vérifié s’ils avaient été observés à des valeurs indicatives qui
correspondaient aux tableaux 3.9.2 et 3.9.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008. Or, ainsi qu’il ressort du point 45 ci-dessus, conformément au point 3.9.2.9.4 de la même annexe, la décision de classer ou non une substance peut être influencée par des valeurs indicatives de dose ou de concentration auxquelles ou au-dessous desquelles un effet toxique important a été observé.

92 Il résulte de tout ce qui précède que c’est à tort que la requérante allègue que l’avis du CER repose sur des conclusions qui ne répondent pas aux critères prévus à la section 3.9 de l’annexe I du règlement no 1272/2008.

93 La troisième branche du premier moyen doit donc être rejetée comme non fondée.

2. Sur la première branche, tirée de l’absence d’effets toxiques spécifiques sur les poumons produits par la silanamine

94 Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que, aux fins de la classification d’une substance dans la classe de danger STOT RE, la substance doit produire des effets toxiques spécifiques, à savoir des effets qui résultent de ses propriétés intrinsèques. Cette interprétation serait confirmée par l’arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission (T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725). Or, en l’espèce, la silanamine ne
produirait pas d’effets toxiques spécifiques, en ce sens que les effets observés ne résulteraient pas de ses propriétés intrinsèques, mais du dépôt d’un grand nombre de particules inhalées dans le cadre des études pertinentes et de la dose/concentration élevée administrée dans lesdites études.

95 La Commission, soutenue par l’ECHA, conteste ces arguments.

96 À titre liminaire, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 36 ci-dessus, conformément au point 3.9.1.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, on entend par classe de danger STOT RE les effets toxiques spécifiques sur les organes cibles résultant d’expositions répétées à une substance ou à un mélange.

97 En ce qui concerne la notion d’« effets toxiques spécifiques », il convient de relever que, bien que le règlement no 1272/2008 ne la définisse pas, elle doit être interprétée comme désignant les effets toxiques affectant spécifiquement un organe cible en raison des expositions répétées à la substance en cause.

98 En effet, d’une part, il ressort du point 3.9.1.1, dernière phrase, de l’annexe I du règlement no 1272/2008 que les effets toxiques spécifiques qui sont traités dans les sections 3.1 à 3.8 et 3.10 de cette même annexe ne sont pas inclus dans la section 3.9 de celle-ci.

99 En outre, en vertu du point 3.9.1.6 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, les effets toxiques non létaux observés à la suite d’une exposition unique sont classés conformément à la section 3.8, intitulée « Toxicité spécifique pour certains organes cibles – Exposition unique », et, de ce fait, sont exclus de la section 3.9 de ladite annexe.

100 Il en résulte que chaque section de l’annexe I du règlement no 1272/2008 traite des effets toxiques spécifiques liés au type de danger.

101 D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 37 ci-dessus, conformément au point 3.9.1.2 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, la classe de danger STOT RE identifie les substances ou mélanges qui sont considérés comme toxiques spécifiques affectant un organe cible et qui, de ce fait, risquent d’avoir des effets néfastes sur la santé des personnes qui y sont exposées.

102 De plus, aux termes de la note insérée sous le tableau 3.9.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, il convient de déterminer le principal organe cible affecté par la toxicité et de classer ensuite les substances en conséquence, en hépatotoxiques, neurotoxiques, etc. Il convient d’évaluer soigneusement les données et, si possible, de ne pas retenir les effets secondaires (une substance hépatotoxique peut produire des effets secondaires sur les systèmes nerveux ou gastro-intestinal).

103 Il ressort de ce qui précède que l’objectif de la classe de danger STOT RE est de classer les substances lorsque, à la suite d’expositions répétées, un organe cible est affecté par leur toxicité.

104 Dans ce contexte, il convient de relever que, ainsi que le fait valoir la Commission, le terme « spécifiques » inclus dans la notion d’« effets toxiques spécifiques » prévue au point 3.9.1.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 se rapporte à l’organe cible.

105 En revanche, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ne ressort nullement du règlement no 1272/2008 que les effets toxiques produits par une substance doivent être spécifiques à ladite substance.

106 En effet, ainsi que mentionné au point 103 ci-dessus, une substance doit être classée dans la classe de danger STOT RE si, à la suite d’expositions répétées, un organe cible est affecté par sa toxicité, indépendamment du fait de savoir si les effets toxiques qu’elle produit lui sont spécifiques ou non.

107 En outre, l’analogie faite par la requérante avec les classes de danger sur la toxicité pour la reproduction et la cancérogénicité n’est pas de nature à remettre en cause cette appréciation.

108 En effet, s’agissant de la toxicité pour la reproduction, les différentes dispositions de la section 3.7 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 plaident en faveur de l’interprétation de la notion d’« effets toxiques spécifiques » retenue au point 97 ci-dessus.

109 À cet égard, il suffit d’observer qu’il ressort du point 3.7.2.2.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 que la classification d’une substance comme toxique pour la reproduction s’applique aux substances qui possèdent la propriété intrinsèque de nuire spécifiquement à la reproduction. Les substances qui ne produisent cet effet que comme effet secondaire et non spécifique à d’autres effets toxiques ne sont pas classées dans cette catégorie.

110 Il en va de même du point 3.7.2.3.4 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, aux termes duquel les données provenant d’études animales doivent mettre clairement en évidence des effets toxiques touchant spécifiquement la reproduction en l’absence d’autres effets toxiques systémiques.

111 S’agissant de la cancérogénicité, il convient de constater que, s’il ressort du point 3.6.2.2.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 que la classification d’un cancérogène vise les substances intrinsèquement capables de provoquer le cancer, elle ne renseigne pas sur la notion d’« effets toxiques spécifiques ».

112 Une telle interprétation ne ressort pas non plus de l’arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission (T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725).

113 En effet, aux points 138 à 141 de l’arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission (T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725), le Tribunal a interprété la notion de « propriétés intrinsèques », qui est relative à la cause du danger, mais ne s’est pas prononcé sur la notion d’« effets toxiques spécifiques », qui renvoie au résultat du danger.

114 En l’espèce, il convient d’observer que, ainsi qu’il résulte du point 9 ci-dessus, le règlement attaqué a inscrit la silanamine dans la partie 3 de l’annexe VI du règlement no 1272/2008 dans la classe de danger STOT RE de catégorie 2 avec le code de mention de danger « H373 » (poumons, inhalation).

115 Cette inscription a été recommandée par le CER sur la base de plusieurs études ayant identifié la silanamine comme toxique spécifique affectant les poumons. En particulier, le CER a relevé, en résumant la proposition de classification, que, dans l’étude préliminaire de quatorze jours (A6.3.3) avec la substance SAS-DDS (Aerosil R974), l’organe cible était de toute évidence le poumon, étant donné que, à toutes les doses, une détresse respiratoire, une dyspnée et des modifications histologiques du
poumon, liées à une inflammation alvéolaire, avaient été observées. Il a ajouté que, dans l’étude subchronique de 90 jours (A6.4.3) avec la substance SAS-DDS (Aerosil R974), l’organe cible était également le poumon. Il a constaté que l’autorité française compétente avait déclaré que le poumon était le principal organe cible après exposition à la substance SAS-DDS (Aerosil R974). Dans ce contexte, le CER a analysé les études pertinentes de toxicité par administration répétée de SAS hydrophobes,
tirées de la proposition de classification et de la littérature publique, principalement axées sur les effets sur les poumons et a conclu que, sur la base de la force probante de toutes les données disponibles, il convenait de confirmer la proposition de classification de la silanamine en tant que relevant de la classe de danger STOT RE de catégorie 2 avec le code de mention de danger « H373 » (poumon, inhalation).

116 C’est donc à juste titre que le CER a identifié, conformément au point 3.9.1.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, des effets toxiques provoqués par la silanamine affectant spécifiquement les poumons en raison d’expositions répétées.

117 Il convient néanmoins de rappeler que la classification et l’étiquetage harmonisés, au titre du règlement no 1272/2008, visent la transmission d’informations sur les dangers liés aux propriétés intrinsèques des substances (voir arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission, T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725, point 136 et jurisprudence citée).

118 La notion de « propriétés intrinsèques », bien qu’absente du règlement no 1272/2008, doit être interprétée dans son sens littéral, comme désignant les propriétés d’une substance, qui lui appartiennent en propre (arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission, T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725, point 138).

119 Cette interprétation de la notion de « propriété intrinsèque » est conforme aux objectifs et à l’objet de la classification et de l’étiquetage harmonisés au titre du règlement no 1272/2008, dont il résulte que seules les propriétés propres à une substance doivent conduire à sa classification comme produit dangereux, afin que le danger lié à de telles propriétés puisse être correctement identifié et communiqué. Cette interprétation est également en accord avec les critères du SGH, intégrés dans
le droit de l’Union (voir point 15 ci-dessus), dont le point 1.1.1.6, sous b), et la note en bas de page no 1 ainsi que le point 1.1.3.1.1 font, notamment, une distinction entre les propriétés intrinsèques d’une substance, sur lesquelles porte le processus de classification des dangers, et d’autres propriétés qui ne sont pas propres à la substance (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission, T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725,
points 139 et 140).

120 De plus, cette interprétation est conforme au fait que la classification et l’étiquetage harmonisés au titre du règlement no 1272/2008 visent l’évaluation des dangers, et non celle des risques, prévue par le règlement no 1907/2006. Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus, l’évaluation des dangers liés aux propriétés intrinsèques d’une substance ne doit pas être limitée en considération de circonstances d’utilisation spécifiques, comme dans le cas d’une évaluation des
risques, et peut être réalisée de manière valable indépendamment du lieu d’utilisation de la substance ou des niveaux éventuels d’exposition à la substance (arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission, T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725, point 141).

121 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante tirés, en substance, de ce que les effets observés ne résultent pas des qualités intrinsèques de la silanamine, mais du dépôt d’un grand nombre de particules inhalées dans le cadre des études pertinentes et de la dose/concentration élevée administrée dans lesdites études.

a) Sur les arguments de la requérante tirés de ce que les effets observés résultent du dépôt d’un grand nombre de particules inhalées dans le cadre des études pertinentes

122 La requérante fait valoir que les effets observés constituent une réaction adaptative des poumons au dépôt d’un grand nombre de particules inhalées qui résultent de la forme poussiéreuse de la silanamine administrée dans les études pertinentes et sont communs à toutes les substances particulaires. Elle soutient que, dans le cadre de la consultation publique, l’industrie a fait valoir que « [l]es effets observés de l’AEROSIL® R 974 constitu[ai]ent des marqueurs de réactions inflammatoires
typiques du poumon du rat après de fortes expositions continues aux particules ». Elle ajoute que, dans les commentaires soumis au CARACAL, l’industrie a indiqué, dans un document de réflexion intitulé « Thought Starter. New mechanistic study to provide more comprehensive data and a more accurate assessment for particulate substances for regulatory purposes » (Amorce de réflexion. Nouvelle étude mécaniste visant à fournir des données plus complètes et une évaluation plus précise des substances
particulaires à des fins réglementaires), que « [t]outes les particules respirables sans exception présenter[aie]nt des effets inflammatoires non spécifiques sur les poumons à la fin de l’exposition à des concentrations allant jusqu’à 200 mg/m3 ». Elle relève que, dans ce cadre, l’industrie a également précisé que pouvait être « constat[ée] une inflammation non spécifique liée aux particules qui n’[était] pas associée à des effets cliniques irréversibles à la suite d’une exposition par
inhalation au SAS traité en surface », que « [t]ous les effets décrits dans les poumons après inhalation d’AEROSIL® R 974 constitu[ai]ent une réaction adaptative typique des poumons au dépôt d’un grand nombre de particules inhalées et [n’étaient] donc pas une réaction aux propriétés chimiques spécifiques de la substance », que, « [e]n général, le dépôt d’un grand nombre de corps étrangers dans les poumons déclench[ait] une réaction inflammatoire destinée à éliminer les matières déposées », que
« [c]ette réaction inflammatoire p[ouvai]t persister plus longtemps après la fin d’une exposition par inhalation à des particules », « [m]ais [que] la réaction inflammatoire [était] considérée comme normale si elle ne progress[ait] pas et [était] corrélée à une élimination efficace des particules ». Or, ni le CER ni la Commission n’auraient pris en compte ces éléments aux fins de la classification contestée.

123 La requérante constate que, au regard de ces considérations, dans l’arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission (T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725), le Tribunal a jugé que, en ce qui concernait la classification du dioxyde de titane, une accumulation de particules dans le poumon dans des quantités suffisantes pour provoquer une réduction sensible des mécanismes d’élimination des particules, qui ne se vérifiait que lorsque certaines quantités de
particules étaient inhalées, ne pouvait être considérée comme relevant des propriétés intrinsèques des particules en cause, que la quantité de particules inhalée était l’un des éléments clés de la toxicité observée, même en admettant que les propriétés des particules, telles que leur taille, leur forme et leur faible solubilité, aient joué un rôle dans leur accumulation dans le poumon, et que la toxicité observée n’était pas exclusive aux particules de dioxyde de titane, mais était commune à
d’autres particules peu solubles à faible degré de toxicité. Elle considère que cet arrêt doit être appliqué par analogie à la présente espèce.

124 En l’espèce, il convient d’abord de constater que le CER a classé la silanamine en tant que relevant de la classe de danger STOT RE de catégorie 2, notamment, sur la base des études par inhalation suivantes : A6.3.3, Degussa (1968), A6.4.3_01 ; Reuzel et al. (1991), Degussa (1987), Weber et al. (2018), ECETOC (2006), Becker at al. (2013), Dow Corning (1972), Wacker (1998) et Degussa (1962).

125 Il convient ensuite de relever que, ainsi qu’il résulte des points 54 et 55 ci-dessus, après avoir détaillé les résultats constatés dans les différentes études, l’avis du CER conclut, en substance, que les effets qui ont justifié la classification contestée sont les altérations de la fonction pulmonaire (respiration), les effets liés au traitement induits par les SAS hydrophobes reflétant l’inflammation du tissu pulmonaire (principal mécanisme de toxicité identifié), associés à une réaction
morphologique des tissus (hypertrophie, lésions pulmonaires, hyperplasie partielle de l’épithélium bronchiolaire, remodélisation du collagène), et la fibrose.

126 Il convient enfin de rappeler que, ainsi que mentionné au point 71 ci-dessus, l’avis du CER admet qu’il existe des effets liés au traitement induits par les SAS hydrophobes reflétant l’inflammation du tissu pulmonaire, mais précise que de tels effets sont associés à d’autres, à savoir la réaction morphologique des tissus (hypertrophie, lésions pulmonaires, hyperplasie partielle de l’épithélium bronchiolaire, remodélisation du collagène) et que « seuls les effets inflammatoires pourraient être
considérés comme des modifications adaptatives (compensatoires) ».

127 Or, force est de constater que la requérante n’établit pas que le CER et, partant, la Commission ont commis une erreur manifeste d’appréciation en prenant en compte, sur la base des études mentionnées au point 124 ci-dessus, la réaction morphologique des tissus (hypertrophie, lésions pulmonaires, hyperplasie partielle de l’épithélium bronchiolaire, remodélisation du collagène).

128 En effet, la requérante se limite, dans sa démonstration, à alléguer que, au cours de la procédure, l’industrie a fait valoir que les effets observés dans les études résultaient du dépôt de particules inhalées dans les poumons provoquant une réaction inflammatoire, mais elle ne démontre pas que les appréciations figurant dans l’avis du CER et reprises par la Commission dans le règlement attaqué relatives à la réaction morphologique des tissus (hypertrophie, lésions pulmonaires, hyperplasie
partielle de l’épithélium bronchiolaire, remodélisation du collagène) ne sauraient soutenir la classification contestée en ce qu’ils sont également des effets inflammatoires résultant du dépôt d’un grand nombre de particules inhalées dans le cadre des études prises en compte.

129 Or, en l’absence d’éléments de preuve pour priver de plausibilité les appréciations figurant dans l’avis du CER et reprises par la Commission dans le règlement attaqué à cet égard, conformément à la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle du CER, reprise par la Commission.

130 La requérante ne saurait non plus valablement soutenir que ni le CER ni la Commission n’ont pris en compte les arguments de l’industrie invoqués en ce sens au cours de la procédure.

131 À cet égard, il convient tout d’abord de constater que, dans le cadre de la consultation publique, l’industrie a fait valoir que l’autorité française compétente avait justifié sa proposition de classification sur la base « des effets reportés dans une étude de toxicité par inhalation de 90 jours chez le rat avec l’AEROSIL® R 974, réalisée par le laboratoire sous contrat TNO (TNO, 1987) », et que « [l]es effets observés de l’AEROSIL® R 974 constitu[ai]ent des marqueurs de réactions inflammatoires
typiques du poumon du rat après de fortes expositions continues aux particules ».

132 Il en résulte que, dans le cadre de la consultation publique, l’industrie a soutenu, en substance, que c’étaient les effets observés dans le cadre de l’étude prise en compte par l’autorité française compétente qui constituaient des marqueurs de réactions inflammatoires typiques du poumon du rat après de fortes expositions continues.

133 Il convient ensuite de relever qu’il ressort de l’annexe 2 de l’avis du CER que, en réponse à l’observation no 1 effectuée dans le cadre de la consultation publique, le CER a considéré ce qui suit :

« Le CER a examiné diverses études par inhalation avec la silanamine, tant aiguës que chroniques. Dans toutes les études, la détresse respiratoire était un symptôme clinique important et constant observé chez les animaux. Les résultats histopathologiques évoquaient une inflammation locale ainsi qu’une congestion et un œdème. Des indications de remodelage tissulaire (augmentation de la teneur en collagène) et de lésions tissulaires (augmentation de la LDH et de l’activité des NAG) étaient
également présentes, bien que le principal résultat histopathologique de fibrose ait été revu (Weber et al., 2018) et déclassé en fibrogenèse. Ces résultats néfastes, bien que réversibles et adaptatifs (en ce qui concerne l’inflammation), expliquent les difficultés respiratoires, qui peuvent persister après la fin de l’exposition. La réponse à l’exposition répétée à la silanamine par inhalation semble être assez spécifique à la substance. Dans l’ensemble, la détresse respiratoire, qui va des
difficultés à respirer à une légère dyspnée et à un essoufflement, est attribuée à l’exposition à la silanamine par inhalation. Des symptômes évidents sont observés tant après une exposition aiguë qu’après une exposition répétée, à des doses considérablement plus faibles après une exposition répétée […] En outre, la SAS est effectivement évacuée des poumons à travers des ganglions lymphatiques, quoique relativement lentement, et, après l’évacuation, l’inflammation progresse des poumons vers les
ganglions médiastinaux. »

134 En réponse à l’observation no 2 effectuée dans le cadre de la même consultation publique, le CER a également précisé ce qui suit :

« Bien que les effets histopathologiques induits dans les poumons par l’inhalation de SAS hydrophobes soient réversibles et puissent être considérés comme adaptatifs, du moins pour la partie qui comprend l’inflammation, ils ne peuvent pas être considérés comme non néfastes, car un symptôme clinique persistant et cohérent de détresse respiratoire est observé à la fois dans les études par inhalation aiguës et répétées à différentes doses. Les troubles respiratoires ne sont pas censés disparaître
immédiatement après la cessation de l’exposition et, dans le contexte d’un autre état pathologique, comme une infection, ils pourraient s’avérer préjudiciables à la santé. Ils ne peuvent donc pas être ignorés. »

135 Il résulte de ces appréciations que le CER a examiné les observations de l’industrie selon lesquelles les effets observés dans le cadre de l’étude prise en compte par l’autorité française compétente constituaient des marqueurs de réactions inflammatoires typiques du poumon du rat après de fortes expositions continues, mais a estimé, en substance, sur la base des diverses études par inhalation avec la silanamine, tant aiguës que chroniques, que, s’il pouvait y avoir des effets adaptatifs liés à
l’inflammation, un symptôme clinique persistant et cohérent de détresse respiratoire était observé dans les études par inhalation à la fois aiguës et répétées à différentes doses, qui n’aurait pas été adaptatif.

136 C’est d’ailleurs ce qui ressort de l’avis du CER lui-même, dans lequel il est indiqué, ainsi que cela a été mentionné au point 62 ci-dessus, qu’il existe des effets liés au traitement induits par les SAS hydrophobes reflétant l’inflammation du tissu pulmonaire (principal mécanisme de toxicité identifié), associés à une réaction morphologique des tissus (hypertrophie, lésions pulmonaires, hyperplasie partielle de l’épithélium bronchiolaire, remodélisation du collagène), à propos desquels il est
précisé que « [l]a grande majorité des effets ont disparu au cours de la reprise, ce qui montre des signes évidents de réversibilité », que « [s]euls les effets inflammatoires pourraient être considérés comme des modifications adaptatives (compensatoires) », mais que « l’adversité des conséquences et la toxicité clinique (c’est-à-dire une altération de la respiration) lors de la cessation de l’exposition sont toujours présentes ».

137 Il convient enfin d’observer qu’il ressort du considérant 5 du règlement attaqué que la Commission a considéré que la classification de la silanamine en tant que relevant de la classe de danger STOT RE, recommandée dans l’avis du CER, devait être inscrite à l’annexe VI du règlement no 1272/2008, puisqu’aucune nouvelle information qui aurait nécessité un examen complémentaire en vue de cette classification n’avait été reçue.

138 Il s’ensuit que la Commission a également pris en compte les arguments de l’industrie, mais a considéré, en substance, qu’ils n’étaient soutenus par aucune évolution scientifique récente qui aurait remis en cause le bien-fondé des appréciations figurant dans l’avis du CER.

139 À cet égard, il convient de constater que le document intitulé « Amorce de réflexion. Nouvelle étude mécaniste visant à fournir des données plus complètes et une évaluation plus précise des substances particulaires à des fins réglementaires » fourni par l’industrie dans les commentaires soumis au CARACAL n’est, comme son nom l’indique, qu’une amorce de réflexion sur l’étude mécaniste en cours.

140 En tout état de cause, selon le document intitulé « Amorce de réflexion. Nouvelle étude mécaniste visant à fournir des données plus complètes et une évaluation plus précise des substances particulaires à des fins réglementaires », l’étude mécaniste vise « à préciser le danger de toxicité aiguë pour toutes les substances particulaires ». En outre, les lignes directrices de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) nos 403 et 436 mentionnées dans ledit document se
rapportent également à des études de toxicité aiguë. Si ce document précise qu’une situation comparable se présente pour la classification dans la classe de danger STOT RE, la seule démonstration qu’il contient à cet égard se limite à relever que « toutes les particules respirables sans exception présenteront des effets inflammatoires non spécifiques sur les poumons à la fin de l’exposition à des concentrations allant jusqu’à 200 mg/m3 ». Les résultats de l’étude fournis par l’industrie en
octobre 2021 confirment d’ailleurs que « l’étude de recherche était basée sur le modèle de test 436 de l’OCDE avec des critères d’évaluation supplémentaires ».

141 Or, selon le point 3.1.1.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, la toxicité aiguë désigne les effets indésirables graves (létalité) qui se manifestent après exposition unique ou à court terme à une substance ou à un mélange, notamment par inhalation.

142 Ainsi, contrairement à la classe de danger STOT RE, la classification d’une substance dans la classe de danger de la toxicité aiguë est effectuée à la suite d’une exposition unique ou à court terme et désigne la létalité.

143 En outre, à l’inverse de la classe de danger STOT RE, la section 3.1.2.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 prévoit des considérations particulières relatives à la classification des substances pour la toxicité aiguë par inhalation.

144 Plus particulièrement, le point 3.1.2.3.2 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 dispose que, en ce qui concerne les catégories de poussières et de brouillard de forte toxicité, il est particulièrement important, lors de la classification, d’utiliser des valeurs bien exprimées. Les particules inhalées qui ont un diamètre aérodynamique moyen de 1 à 4 microns se déposent dans tous les compartiments de l’appareil respiratoire du rat. Cette gamme de dimensions de particules correspond à la dose
maximale d’environ 2 mg/L. Pour permettre l’extrapolation des données expérimentales animales à l’exposition humaine, les poussières et brouillards devraient idéalement être testés dans cette gamme de dimensions sur le rat.

145 S’agissant de l’analogie faite par la requérante avec l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission (T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725), elle n’est pas fondée.

146 Tout d’abord, le danger en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission (T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725), était la cancérogénicité de catégorie 2, par inhalation, alors que, en l’espèce, c’est la classe de danger STOT RE qui est en cause. Par conséquent, les critères de classification prévus, d’une part, dans la section 3.6 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 et, d’autre part, dans la section 3.9 de la
même annexe ne sont pas les mêmes. De plus, la substance, la motivation de l’avis du CER et les études scientifiques prises en compte ne sont pas les mêmes. En particulier, dans le contexte relatif à la classe de danger STOT RE, il convient de prendre en compte les propriétés intrinsèques de la substance à la lumière des valeurs indicatives concernées. En effet, ainsi qu’il ressort du point 42 ci-dessus, l’annexe I du règlement no 1272/2008 prévoit, à son point 3.9.2.9.1, que, dans les études
menées sur les animaux, l’observation des seuls effets, sans prise en compte de la durée de l’exposition expérimentale, ni de la dose/concentration, néglige le principe fondamental en toxicologie, à savoir que toutes les substances sont potentiellement toxiques et la toxicité est déterminée par la dose/concentration et la durée de l’exposition. Il ressort également, en substance, des points 43 à 45 ci-dessus que, dans le cadre relatif à la classe de danger STOT RE, les effets toxiques résultent
de la ou des propriétés dangereuses, de la durée de l’exposition et de la dose ou de la concentration et que des valeurs indicatives sont proposées à cet égard qui peuvent influencer la décision de classer ou non. En outre, ainsi que précisé aux points 46 et 47 ci-dessus, dans ce cadre, des valeurs indicatives sont expressément prévues pour des essais par inhalation avec des poussières, qui sont mentionnées, s’agissant de la catégorie 2, à la dernière ligne du tableau 3.9.3 de l’annexe I du
règlement no 1272/2008.

147 Ensuite, il convient d’observer que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission (T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725), il résultait des termes mêmes de l’avis du CER et du règlement qui était attaqué que le danger de cancérogénicité en cause avait une nature « non intrinsèque au sens classique » ou une nature « particulière ». En effet, l’avis du CER qualifiait expressément ledit danger de cancérogénicité de « non
intrinsèque au sens classique » et le règlement attaqué contenait une « note W » dont il résultait que la Commission avait estimé nécessaire de faire accompagner la classification et l’étiquetage contestés d’une description de la « toxicité particulière de la substance » (arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission, T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725, point 144).

148 Enfin, cette nature « non intrinsèque au sens classique » ou « particulière » du danger de cancérogénicité résultait de plusieurs éléments mentionnés dans l’avis du CER et dans le règlement qui était attaqué. En particulier, le danger de cancérogénicité visé par la classification et l’étiquetage contestés était lié uniquement à certaines particules de dioxyde de titane respirables, lorsqu’elles étaient présentes sous certaines formes, état physique, taille et quantité. En outre, il ne se
manifestait que dans des conditions de surcharge pulmonaire, c’est-à-dire lors de l’inhalation de grandes quantités de particules, donnant lieu à une réduction sensible des mécanismes d’élimination des particules dans le poumon. Le règlement attaqué prévoyait ainsi expressément que la cancérogénicité était associée à l’inhalation de particules de dioxyde de titane respirables ainsi qu’à la rétention et à la faible solubilité de ces particules dans les poumons et contenait une « note W »
indiquant que la cancérogénicité « se manifest[ait] lorsque de la poussière respirable [était] inhalée dans des quantités donnant lieu à une réduction sensible des mécanismes d’élimination des particules dans le poumon ». Par ailleurs, le règlement attaqué précisait que le danger de cancérogénicité visé par la classification et l’étiquetage contestés correspondait, selon les termes mêmes de l’avis du CER, à une « toxicité des particules », dont les responsables « [étaie]nt les particules
déposées, et non pas les solutés des molécules de dioxyde de titane » (arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission, T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725, points 145 à 153).

149 C’est dans ce contexte particulier que le Tribunal a jugé qu’une accumulation de particules dans le poumon dans des quantités suffisantes pour provoquer une réduction sensible des mécanismes d’élimination des particules, qui ne se vérifiait que lorsque certaines quantités de particules étaient inhalées, ne pouvait être considérée comme relevant des propriétés intrinsèques des particules en cause (arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission, T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous
pourvoi, EU:T:2022:725, point 158), de sorte que cette appréciation doit être lue à la lumière des circonstances spécifiques de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission (T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725).

150 Or, de telles circonstances spécifiques ne se vérifient pas en l’espèce. En particulier, la classification de la silanamine n’est pas liée à une taille précise des particules comme c’était le cas du dioxyde de titane, dont la classification et l’étiquetage contestés précisaient la taille, dans la formule « sous forme d’une poudre contenant 1 % ou plus de particules d’un diamètre ≤ 10 μm » (arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission, T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous
pourvoi, EU:T:2022:725, point 9). En outre, aucune évaluation ou donnée chiffrée ne figure dans le dossier permettant de conclure que les effets identifiés ont été observés dans des conditions de surcharge pulmonaire. Partant, les appréciations du Tribunal au point 158 de l’arrêt du 23 novembre 2022, CWS Powder Coatings e.a./Commission (T‑279/20, T‑283/20 et T‑288/20, sous pourvoi, EU:T:2022:725), ne sauraient être transposables en l’espèce.

151 Il ressort des considérations qui précèdent que l’ensemble des arguments de la requérante tirés de ce que les effets observés résultent du dépôt d’un grand nombre de particules inhalées dans le cadre des études pertinentes doit être rejeté.

b) Sur les arguments de la requérante tirés de ce que les effets observés résultent de la dose/concentration élevée administrée dans les études pertinentes

152 La requérante soutient que les effets observés sont le résultat des doses « extrêmement élevées » administrées dans les études invoquées au soutien de la classification contestée. Elle relève que, au cours de la procédure, l’industrie a mis en évidence des problèmes liés à l’utilisation de doses/concentrations élevées ainsi qu’à l’influence des tailles des particules dans les lignes directrices existantes en matière de tests de toxicité pour les substances particulaires. Elle allègue que, dans
les commentaires soumis au CARACAL, l’industrie a mis en évidence, dans le document de réflexion intitulé « Amorce de réflexion. Nouvelle étude mécaniste visant à fournir des données plus complètes et une évaluation plus précise des substances particulaires à des fins réglementaires », des problèmes liés à l’utilisation de doses/concentrations élevées ainsi qu’à l’influence des tailles des particules dans les lignes directrices existantes, en constatant que « [d]e nombreux facteurs aggravants
influen[çai]ent la composition granulométrique des particules atteignant l’organisme d’essai dans les conditions définies des tests de toxicité par inhalation requis par les lignes directrices de l’OCDE ». Elle ajoute que, dans le même contexte, l’industrie a souligné le fait qu’un « problème se pos[ait] compte tenu des valeurs indicatives pour la classification [dans la classe de danger] STOT (toxicité à doses répétées par inhalation) », où « toutes les particules respirables sans exception
présenter[aie]nt des effets non spécifiques inflammatoires sur les poumons à la fin de l’exposition à des concentrations allant jusqu’à 200 mg/m3 ». Elle précise que ces conclusions sont « généralement partagées par la communauté scientifique », en renvoyant à une comparaison des rapports toxicologiques disponibles tirés d’études d’exposition répétée par inhalation sur diverses poudres « en cours et [dont les] résultats [devaient] être disponibles après la date de dépôt de la présente requête ».
Or, ni le CER ni la Commission n’auraient pris en compte ces éléments aux fins de la classification contestée.

153 En outre, la requérante relève que lesdits effets ne résultent pas de la substance sous la forme ou l’état physique dans lesquels elle est mise sur le marché ou dans lesquels il est raisonnablement possible de s’attendre à ce qu’elle soit utilisée.

154 À titre liminaire, comme rappelé au point 43 ci-dessus, en vertu du point 3.9.2.9.2 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, aux fins de la classification d’une substance en tant que relevant de la classe de danger STOT RE, des valeurs indicatives sont proposées parce que toutes les substances sont potentiellement toxiques et qu’il convient d’établir une dose ou une concentration raisonnable au-delà de laquelle l’existence d’un certain effet toxique est reconnue.

155 Il ressort également du point 3.9.2.9.2 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 qu’il convient de décider non seulement quels effets ont été produits, mais aussi quelle est la dose/concentration à laquelle ils ont été produits et quelle est leur pertinence à l’égard de l’être humain, dans la mesure où les études à doses répétées réalisées sur les animaux sont conçues pour induire une toxicité à la dose la plus élevée afin d’optimiser l’objectif de l’essai, de sorte que la plupart des études
provoquent un certain effet toxique au moins à cette dose maximale.

156 Il ressort de ces considérations que, dans le cadre relatif à la classe de danger STOT RE, des valeurs indicatives sont prévues, car les études à doses répétées réalisées sur les animaux sont conçues pour induire une toxicité à la dose la plus élevée afin d’optimiser l’objectif de l’essai et d’établir une dose ou concentration raisonnable au-delà de laquelle l’existence d’un certain effet toxique est reconnue.

157 En l’espèce, d’une part, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort du point 79 ci-dessus, le CER a comparé les doses/concentrations appliquées dans les différentes études avec les valeurs indicatives visées dans les tableaux 3.9.2 et 3.9.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 afin de conclure, en substance, que les doses/concentrations appliquées dans la majorité des études correspondaient aux valeurs indicatives de la classification dans la catégorie 2.

158 Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas du dossier que les doses administrées dans les études invoquées au soutien de la classification contestée sont « extrêmement élevées ». En effet, il ressort du tableau résumant les études pertinentes, qui précise, dans sa troisième rubrique, les résultats desdites études et la correspondance aux critères de classification, que les doses utilisées dans les différentes études correspondent aux valeurs indicatives visées dans les
tableaux 3.9.2 et 3.9.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008.

159 D’autre part, ainsi que rappelé aux points 80 et 81 ci-dessus, le CER a également appliqué la règle de Haber pour l’inhalation, ce qui démontre qu’il a également tenu compte de la durée d’exposition à laquelle les effets ont été observés dans les études prises en compte.

160 Il ressort de ces considérations que le CER a procédé à la classification contestée en tenant compte des valeurs indicatives prévues par le règlement no 1272/2008.

161 Or, force est de constater que la requérante n’établit pas que le CER et, partant, la Commission ont commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

162 En effet, la requérante se limite, dans sa démonstration, à alléguer que, au cours de la procédure, l’industrie a mis en évidence des problèmes liés à l’utilisation de doses/concentrations élevées ainsi qu’à l’influence des tailles des particules dans les lignes directrices existantes en matière de tests de toxicité pour les substances particulaires, mais ne démontre pas que les appréciations figurant dans l’avis du CER et reprises par la Commission dans le règlement attaqué ne sauraient
soutenir la classification contestée.

163 En tout état de cause, d’une part, il convient de constater qu’il ressort des points 154 à 156 ci-dessus que, dans le cadre relatif à la classe de danger STOT RE, le règlement no 1272/2008 tient compte du fait que les études à doses répétées réalisées sur les animaux sont conçues pour induire une toxicité à la dose la plus élevée afin d’optimiser l’objectif de l’essai et que des valeurs indicatives sont précisément prévues pour établir une dose ou concentration raisonnable au-delà de laquelle
l’existence d’un certain effet toxique est reconnue.

164 D’autre part, les éléments invoqués par l’industrie à cet égard au cours de la procédure ne sauraient remettre en cause un tel constat.

165 S’agissant du document intitulé « Amorce de réflexion. Nouvelle étude mécaniste visant à fournir des données plus complètes et une évaluation plus précise des substances particulaires à des fins réglementaires », conformément aux points 139 à 144 ci-dessus, il n’est pas pertinent en ce qui concerne la classe de danger STOT RE.

166 Quant à la comparaison des rapports toxicologiques disponibles tirés d’études d’exposition répétée par inhalation sur diverses poudres, il convient de constater que, ainsi que relevé par la requérante elle-même, elle n’était pas disponible à la date d’adoption du règlement attaqué.

167 Or, selon la jurisprudence, dans le cadre d’un recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE, la légalité des actes de l’Union contestés doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où ces actes ont été adoptés (voir arrêt du 21 mai 2015, Rubinum/Commission, T‑201/13, non publié, EU:T:2015:311, point 84 et jurisprudence citée).

168 En tout état de cause, l’argument de la requérante tiré de la comparaison mentionnée au point 166 ci-dessus n’enlève rien à l’appréciation du CER, laquelle porte uniquement sur les effets de la silanamine, et non sur les effets d’autres substances.

169 À cet égard, il convient de relever que le simple fait qu’une substance puisse avoir une propriété intrinsèque dangereuse qui soit commune à d’autres substances ne saurait remettre en cause la validité de la classification et de l’étiquetage harmonisés de ladite substance. En effet, la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés, en application du titre V du règlement no 1272/2008, ne porte que sur la seule substance qui, tout d’abord, fait l’objet de la proposition de classification
soumise à la Commission, dont l’initiative appartient aux sujets identifiés à l’article 37 du règlement no 1272/2008, ensuite, fait l’objet de l’avis du CER sur la proposition soumise et, enfin, fait l’objet d’un acte délégué de la Commission, lorsque celle-ci estime que l’harmonisation est appropriée.

170 Dans ce contexte, il ne saurait être reproché au CER d’avoir pris en compte des effets résultant de la dose/concentration administrée dans les études pertinentes.

171 En ce qui concerne les arguments de la requérante selon lesquels les effets ne résultent pas de la substance dans la forme ou l’état physique dans lesquels elle est mise sur le marché ou dans lesquels il est possible de raisonnablement s’attendre à ce qu’elle soit utilisée, il suffit de rappeler que le règlement no 1272/2008 porte sur l’évaluation des dangers des substances et que cette évaluation doit être différenciée de l’évaluation des risques prévue par le règlement no 1907/2006. Or, ainsi
qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus, une évaluation des dangers liés aux propriétés intrinsèques d’une substance ne doit pas être limitée en considération de circonstances d’utilisation spécifiques, comme dans le cas d’une évaluation des risques, et peut être réalisée de manière valable indépendamment des niveaux éventuels d’exposition à la substance.

172 Il ressort des considérations qui précèdent qu’aucun des arguments de la requérante tirés de ce que les effets observés résultent de la dose/concentration élevée administrée dans les études pertinentes ne saurait prospérer.

173 La première branche du premier moyen doit donc être rejetée comme non fondée.

3. Sur la deuxième branche, tirée de ce que les effets observés reposent sur des références croisées qui ne répondent pas aux critères de classification dans la classe de danger STOT RE

174 Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, la requérante soutient que, en se fondant sur des études portant sur la substance SAS-DDS, l’avis du CER n’a pas respecté les critères prévus au point 3.9.2.10.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, relatif aux références croisées. En effet, d’une part, cette substance n’aurait pas fait l’objet d’une classification harmonisée et, d’autre part, le CER n’aurait pas démontré qu’il existait une relation structure-activité validée entre cette
même substance et la silanamine ainsi qu’un jugement d’experts permettant une extrapolation.

175 La Commission, soutenue par l’ECHA, conteste ces arguments.

176 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément au point 3.9.2.10.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, une substance dont la toxicité spécifique pour un organe cible n’a pas fait l’objet d’essais peut être classée s’il existe des données se rapportant à une relation structure-activité validée et un jugement d’experts permettant une extrapolation à partir d’une structure analogue déjà classée et si cette extrapolation est solidement étayée par d’autres facteurs importants, tels que
la formation de métabolites communs significatifs.

177 Il ressort du point 3.9.2.10.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 que le recours aux références croisées dans le cadre de l’évaluation des dangers STOT RE est soumis à plusieurs conditions, tenant, premièrement, à ce que la substance dont la toxicité spécifique pour un organe cible n’ait pas fait l’objet d’essais, deuxièmement, à ce qu’il existe une structure analogue déjà classée et des données qui se rapportent à une relation structure-activité validée ainsi qu’un jugement d’experts
permettant une extrapolation et, troisièmement, à ce que l’extrapolation des données soit solidement étayée par d’autres facteurs importants.

178 En l’espèce, il convient de constater qu’il ressort du tableau résumant les études pertinentes que le CER a pris en compte des études utilisant la substance SAS-DDS, à savoir A6.3.3, Degussa (1968), A6.4.3_01 ; Reuzel et al. (1991), Degussa (1987), Weber et al. (2018), Becker et al. (2013), Degussa (1962), A6.3.1, Degussa (1964), A6.4.1, A6.5 et Degussa (1969), et des études utilisant la substance SAS-HMDS, telles que ECETOC (2006), Becker at al. (2013), Dow Corning (1972) et Wacker (1998).

179 Il convient ensuite d’observer que, dans la partie intitulée « Références croisées entre les différents types de silice amorphe », le CER a précisé que la silanamine était le résultat de la réaction de silice amorphe synthétique traité à l’hexaméthylsilazane (HMDS) et que la modification de la surface de la silice hydrophile par le dichlorodiméthylsilane permettait d’obtenir une silice à surface modifiée par le diméthylsilyl, abrégée SAS-DDS.

180 En outre, le CER a relevé que, dans la mesure où la SAS-DDS était structurellement semblable à la silanamine et présentait les mêmes propriétés physiques, chimiques et toxicologiques que cette dernière, elle était utilisée comme substance source dans la proposition de classification et dans son avis. Il a ajouté que plusieurs caractéristiques, telles que la composition chimique, la taille et la forme des particules, la chimie de surface, la surface, la solubilité et le taux de dissolution,
l’hydrophobie, le potentiel zêta, la dispersabilité et la forme poussiéreuse, étaient favorables à l’utilisation de la SAS-DDS en tant que substance source. Il a constaté qu’une approche de regroupement similaire avait été largement acceptée et utilisée dans la littérature publique tant en ce qui concernait le danger pour la santé humaine qu’en ce qui concernait le danger pour l’environnement. Il a conclu que la SAS-HMDS et la SAS-DDS étaient des SAS modifiées en surface suffisamment similaires
pour une lecture croisée.

181 Il convient enfin de relever que, dans sa conclusion sur la classe de danger STOT RE, le CER a indiqué que, sur la base de la force probante de toutes les données disponibles, il soutenait la proposition de classification de la silanamine dans cette classe de danger.

182 En premier lieu, il convient de constater que l’avis du CER a pris en considération aussi bien les résultats des études utilisant la SAS-DDS que ceux des études utilisant la SAS-HDMS et que la classification contestée est fondée sur la base de la force probante de toutes les données disponibles.

183 Conformément au point 1.1.1.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, la détermination de la force probante des données signifie que toutes les informations disponibles ayant une incidence sur la détermination du danger sont prises en considération conjointement, notamment, des informations provenant de l’application de l’approche par catégories (regroupement, références croisées).

184 Ainsi, les résultats des études utilisant la SAS-DDS ont été pris en considération, dans l’avis du CER, au titre de la détermination de la force probante de toutes les données disponibles.

185 En second lieu, il convient d’observer que le CER a pris en considération des études utilisant la SAS-DDS en considérant qu’elle était suffisamment semblable à la silanamine.

186 Si la requérante ne conteste pas cette circonstance, elle soutient, dans un premier temps, que la SAS-DDS n’a pas fait l’objet d’une classification harmonisée, de sorte qu’elle ne pouvait pas être considérée comme étant « une structure analogue déjà classée » au sens du point 3.9.2.10.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008.

187 À cet égard, il convient de relever qu’il ressort du considérant 16 du règlement no 1272/2008 que la responsabilité de l’identification des dangers des substances et des décisions concernant leur classification devrait incomber au premier chef aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval de ces substances ou mélanges.

188 Il convient également de rappeler que la classe de danger STOT RE n’est pas prévue à l’article 36, paragraphe 1, du règlement no 1272/2008, qui contient la liste des dangers pour lesquels des substances font généralement l’objet d’une classification et d’un étiquetage.

189 Il convient, en outre, de constater que, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1272/2008, les fabricants, importateurs et utilisateurs en aval évaluent les informations disponibles sur les substances en leur appliquant les critères de classification pour chaque classe de danger figurant dans les parties 2 à 5 de l’annexe I dudit règlement de manière à établir les dangers associés à cette substance.

190 Il en résulte que, en ce qui concerne la classe de danger STOT RE, les substances font généralement l’objet d’une autoclassification, qui est censée répondre aux critères de classification de cette classe de danger.

191 Dans la mesure où, aux fins de la détermination de la force probante, toutes les informations disponibles ayant une incidence sur la détermination du danger doivent être prises en considération et où les substances répondant aux critères de la classe de danger STOT RE ne font généralement pas l’objet d’une classification harmonisée, l’expression « structure analogue déjà classée » au sens du point 3.9.2.10.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 doit être interprétée en ce sens qu’elle
concerne aussi bien les substances sources ayant fait l’objet d’une classification harmonisée que celles ayant fait l’objet d’une autoclassification.

192 En l’espèce, il convient de constater que, ainsi que le fait valoir la Commission, la SAS-DDS a fait l’objet de plusieurs autoclassifications. En effet, il ressort de la base de données de l’inventaire des classifications et des étiquetages de l’ECHA que cette substance a été notifiée par huit notifiants, dont trois ont explicitement mentionné le poumon comme organe cible.

193 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la SAS-DDS pouvait être considérée comme étant « une structure analogue déjà classée » au sens du point 3.9.2.10.3 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 aux fins de la classification de la silanamine.

194 Si la requérante soutient que l’autoclassification ne peut pas bénéficier d’une présomption de validité, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que, ainsi qu’il ressort des points 179 et 180 ci-dessus, le CER a évalué, dans la partie intitulée « Références croisées entre les différents types de silice amorphe », la pertinence des données relatives à la SAS-DDS et a conclu qu’elle était suffisamment similaire aux fins d’être utilisée comme substance source.

195 La requérante fait valoir, dans un second temps, que le CER n’a pas démontré que les données se rapportaient à une relation structure-activité validée entre la SAS-DDS et la silanamine et qu’il existait un jugement d’experts permettant une extrapolation.

196 Or, force est de constater, à l’instar de la Commission lors de l’audience, qu’un tel argument a été invoqué pour la première fois au stade de la réplique.

197 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

198 Selon la jurisprudence, l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure est applicable également aux griefs ou aux arguments (voir arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu-LISA, T‑164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 59 et jurisprudence citée).

199 Toutefois, un moyen, ou un grief, qui constitue l’ampliation d’un moyen ou d’un grief énoncé antérieurement, explicitement ou implicitement, dans la requête et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du 24 septembre 2019, Yanukovych/Conseil, T‑301/18, non publié, EU:T:2019:676, point 74 et jurisprudence citée). Pour pouvoir être regardé comme l’ampliation d’un moyen ou d’un grief antérieurement énoncé, un nouvel argument doit être présenté, avec les
moyens ou les griefs initialement exposés dans la requête, un lien suffisamment étroit pour pouvoir être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse (voir arrêt du 20 novembre 2017, Petrov e.a./Parlement, T‑452/15, EU:T:2017:822, point 46 et jurisprudence citée).

200 En l’espèce, il y a lieu de constater qu’il ne ressort nullement de la requête que l’argument relatif aux données se rapportant à une relation structure-activité validée et à l’existence d’un jugement d’experts permettant une extrapolation y a été mentionné. En effet, la deuxième branche développée dans la requête portait essentiellement sur l’exigence d’une structure analogue déjà classée.

201 Par conséquent, l’argument de la requérante relatif aux données se rapportant à une relation structure-activité validée et à l’existence d’un jugement d’experts permettant une extrapolation est nouveau et doit donc être déclaré irrecevable.

202 En tout état de cause, il convient de constater, d’une part, qu’il ressort de l’avis du CER et du document de référence qui y est afférent et qui présente les motifs scientifiques détaillés dudit avis que le CER a examiné en détail les références croisées et a précisé les raisons justifiant la possibilité d’une extrapolation et, d’autre part, que, conformément à la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus, la Commission jouit d’une large marge d’appréciation en ce qui concerne l’évaluation
d’études scientifiques.

203 À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la deuxième branche et, partant, le premier moyen dans son ensemble, comme non fondés.

D.   Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés

204 Dans le cadre du deuxième moyen, articulé en deux branches, la requérante fait valoir que le règlement attaqué a été adopté en violation de la procédure prévue à l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008. Selon la première branche, le CER n’a pas adopté son avis dans le délai de dix-huit mois prévu à cet article. Selon la seconde branche, le CER n’a pas donné l’occasion aux parties concernées de formuler des observations sur son avis, conformément au même article.

1. Sur la première branche, tirée du non-respect du délai aux fins de l’adoption de l’avis du CER

205 Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, la requérante soutient que l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008 prévoit un délai de dix-huit mois juridiquement contraignant aux fins de l’adoption de l’avis du CER. Elle relève qu’il s’agit d’une formalité substantielle dont la violation doit conduire à l’annulation de l’acte attaqué. Or, en l’espèce, la date d’adoption de l’avis du CER serait incertaine. Ainsi, le CER n’aurait pas respecté le délai prévu à l’article 37,
paragraphe 4, du règlement no 1272/2008 lorsqu’il a adopté son avis.

206 La Commission, soutenue par l’ECHA, conteste ces arguments.

207 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008, « [l]e [CER] adopte un avis sur toute proposition soumise conformément aux paragraphes 1 et 2 dans un délai de dix-huit mois à compter de la réception de la proposition, en donnant aux parties concernées l’occasion de formuler des observations » et « [l’ECHA] transmet cet avis et toutes les observations à la Commission ».

208 Il convient par ailleurs de relever que, en vertu de l’article 37, paragraphe 1, du règlement no 1272/2008, une autorité compétente peut soumettre à l’ECHA une proposition de classification, qui doit respecter le format visé dans la partie 2 de l’annexe VI de ce règlement et contenir les informations pertinentes prévues dans la partie 1 de l’annexe VI dudit règlement.

209 La partie 1 de l’annexe VI du règlement no 1272/2008, intitulée « Présentation de la liste des classifications et étiquetages harmonisés », précise, notamment, les informations relatives à chaque entrée. La partie 2 de ladite annexe, intitulée « Dossiers pour la classification et l’étiquetage harmonisés », énonce les principes généraux régissant la préparation des dossiers qui ont pour objet de proposer et de justifier la classification et l’étiquetage harmonisés. En vertu de cette partie, un
dossier afférent à la classification et à l’étiquetage harmonisés contient la proposition, qui précise l’identité de la substance concernée, la justification, qui contient une comparaison des informations disponibles avec les critères énoncés dans les parties 2 à 5, eu égard aux principes généraux de la partie 1 de l’annexe I du même règlement, et la justification d’autres effets au niveau de l’Union.

210 Il ressort de ces considérations que le CER doit adopter son avis sur toute proposition soumise, notamment, conformément à l’article 37, paragraphe 1, du règlement no 1272/2008, à savoir toute proposition qui respecte le format visé dans la partie 2 de l’annexe VI de ce règlement et contient les informations pertinentes prévues dans la partie 1 de l’annexe VI dudit règlement.

211 Dans ce contexte, il convient de considérer que le délai de 18 mois pour l’adoption de l’avis prévu à l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008 commence à courir à compter de la réception de la proposition de classification qui respecte les exigences prévues dans les parties 1 et 2 de l’annexe VI du même règlement.

212 En l’espèce, il convient de constater qu’il ressort du dossier que la proposition de classification soumise par l’autorité française compétente sur laquelle le CER a adopté son avis est datée du 17 décembre 2018 et qu’elle contient la mention « version number: v2 » (numéro de version : v2). Ainsi qu’il ressort du registre des intentions du CLH jusqu’à l’obtention du résultat, l’autorité française compétente aurait soumis une proposition de classification pour « contrôle de conformité » le
6 décembre 2017 et la « date de soumission finale » serait le 17 décembre 2018. Il s’ensuit que cette dernière date est celle qui correspond à la date à laquelle la version de la proposition de classification a été considérée comme conforme aux exigences requises.

213 Il convient en outre d’observer que l’avis du CER pris en compte dans le règlement attaqué est daté du 5 décembre 2019. La version de la proposition de classification respectant les exigences requises ayant été soumise le 17 décembre 2018, il convient de considérer que la date du 5 décembre 2019 s’inscrit dans le délai de 18 mois prévu par l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008.

214 Force est néanmoins de constater que, ainsi que le fait valoir la requérante et qu’il ressort du point 8 ci-dessus, le CER a organisé une consultation publique ciblée qui s’est déroulée entre le 3 et le 17 février 2020 et qui portait sur la classe de danger de la toxicité aiguë de catégorie 2. En vertu du procès-verbal de la 52e réunion du CER du 4 mai 2020, le CER « a pris note des résultats de la consultation publique ciblée », « a examiné les données sur les études et a analysé les
commentaires des industries en détail, mais n’a pas modifié sa conclusion de classification antérieure en conséquence ». Il a également demandé aux « [r]apporteurs de finaliser l’avis avec le résultat de la consultation publique ciblée et de le fournir au [secrétariat de l’ECHA] », pour que ce dernier puisse « faire un contrôle éditorial des documents d’avis après consultation des rapporteurs », « transmettre l’avis adopté et ses annexes à la [Commission] et […] le publier sur le site [Internet]
de l’ECHA ». Les observations des parties concernées dans le cadre de la consultation publique ciblée ont ainsi été compilées dans l’annexe 3 de l’avis du CER.

215 Or, si l’annexe 3 de l’avis du CER reprend les observations des parties concernées datant de février 2020, la version publiée dudit avis date, ainsi qu’il ressort du point 213 ci-dessus, du 5 décembre 2019.

216 Dans ce contexte, il convient de constater que, ainsi que le soutient la requérante, la réponse à la question de savoir quelle est la date effective d’adoption de l’avis du CER ne ressort pas avec évidence.

217 Néanmoins, il convient de considérer que, si l’avis du CER date du 4 mai 2020, date du procès-verbal de la 52e réunion du CER, il est encore compris dans le délai de 18 mois prévu à l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008.

218 En tout état de cause, à supposer que l’avis du CER n’ait pas été adopté dans le délai de 18 mois prévu à l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008, le non-respect de ce délai pourrait être considéré comme une irrégularité de procédure.

219 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, une irrégularité de procédure ne pourrait entraîner l’annulation de l’acte finalement adopté que si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir arrêt du 25 octobre 2005, Allemagne et Danemark/Commission, C‑465/02 et C‑466/02, EU:C:2005:636, point 37 et jurisprudence citée).

220 En l’espèce, il convient d’observer que le respect du délai de 18 mois aux fins de l’adoption de l’avis du CER n’aurait pas pu aboutir à un résultat différent. En effet, ainsi qu’il ressort des points 9 et 10 ci-dessus, le règlement attaqué a inscrit la silanamine dans la partie 3, tableau 3, de l’annexe VI du règlement no 1272/2008, dans la classe de danger STOT RE, mais a précisé que ladite substance ne devait pas être inscrite dans la classe de danger de la toxicité aiguë, recommandée dans
l’avis du CER, étant donné que les nouvelles informations scientifiques reçues avaient été évaluées par la Commission, qui avait jugé qu’elles devaient encore être examinées par le CER.

221 Or, l’avis du CER proposait la classification de la silanamine dans la classe de danger STOT RE dans la version de l’avis du 5 décembre 2019 et cette proposition n’a pas fait l’objet de la consultation publique ciblée qui a eu lieu en février 2020.

222 En outre, ainsi qu’il ressort de l’avis du CER, ladite proposition était fondée sur les informations figurant dans la proposition de classification soumise par l’autorité française compétente ainsi que sur des études issues de la littérature publique.

223 Pour le reste, la requérante n’établit pas que la consultation publique ciblée pouvait avoir également une incidence sur la classe de danger STOT RE.

224 Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, la classification de la silanamine dans la classe de danger STOT RE n’aurait pas abouti à un résultat différent en l’absence de la consultation publique ciblée.

225 Il s’ensuit que, à supposer que le CER n’ait pas respecté le délai de 18 mois prévu à l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008, une telle circonstance n’aurait pas pu avoir un effet sur l’inscription de la silanamine dans la partie 3, tableau 3, de l’annexe VI du règlement no 1272/2008, dans la classe de danger STOT RE, par le règlement attaqué, de sorte qu’une telle irrégularité ne saurait entraîner l’annulation de ce dernier.

226 La première branche du deuxième moyen doit donc être rejetée comme non fondée.

2. Sur la seconde branche, tirée de l’absence de consultation publique sur l’avis du CER

227 Dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, la requérante soutient que la Commission a violé l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008, dans la mesure où cette disposition prévoit une obligation, pour le CER, d’organiser des consultations publiques sur ses avis, et non pas uniquement sur des dossiers de proposition de classification. Le droit de la requérante de formuler des observations sur l’avis du CER, voire sur le projet de cet avis, découlerait du libellé dudit
article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008, lu conjointement avec le considérant 52 de ce même règlement. Ce droit serait d’autant plus justifié dans le cas, comme celui de l’espèce, où la classification proposée par le CER est différente de celle mentionnée dans la proposition de classification et d’étiquetage harmonisés de la silanamine. La requérante considère que, si les parties concernées avaient été consultées sur l’avis du CER, le résultat concernant la classification de la
silanamine aurait été différent. Elle fait valoir qu’une telle irrégularité constitue une violation des formalités essentielles qui doit conduire à l’annulation du règlement attaqué.

228 La Commission, soutenue par l’ECHA, conteste ces arguments.

229 Il convient de rappeler que, selon l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le droit à une bonne administration comporte le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard. En effet, le respect du droit d’être entendu dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental
du droit de l’Union qui doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce principe exige que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible les intérêts de ceux-ci soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments retenus à leur charge pour fonder l’acte litigieux (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, point 86 et jurisprudence citée).

230 En revanche, s’agissant des actes de portée générale, ni le processus de leur élaboration ni ces actes eux-mêmes n’exigent, en vertu des principes généraux du droit de l’Union, tels que le droit d’être entendu, consulté ou informé, la participation des personnes affectées. Il en est autrement si une disposition expresse du cadre juridique régissant l’adoption dudit acte confère un tel droit procédural à une personne affectée (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission,
T‑67/18, EU:T:2019:873, point 87 et jurisprudence citée).

231 En l’espèce, le règlement attaqué établit des mesures de portée générale, y compris la classification contestée. En effet, ainsi qu’il résulte du point 9 ci-dessus, l’article 1er de ce règlement établit une mesure de portée générale concernant l’inscription de la silanamine sur la « [l]iste des classifications et des étiquetages harmonisés des substances dangereuses », qui figure dans la partie 3, tableau 3, de l’annexe VI du règlement no 1272/2008.

232 Dans ce contexte, les droits procéduraux dont jouit la requérante, dans le cadre de la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés, sont ceux explicitement prévus par le règlement no 1272/2008 (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2023, TIB Chemicals/Commission, T‑639/20, non publié, EU:T:2023:374, point 180 et jurisprudence citée).

233 À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 207 ci-dessus, l’article 37, paragraphe 4, de ce règlement prévoit que « [l]e [CER] adopte un avis sur toute proposition soumise conformément aux paragraphes 1 et 2 [dudit article] dans un délai de dix-huit mois à compter de la réception de la proposition, en donnant aux parties concernées l’occasion de formuler des observations » et que l’ECHA « transmet cet avis et toutes les observations à la Commission ».

234 L’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008 doit être interprété eu égard au déroulement de la procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances, visée à l’article 37 dudit règlement. Ainsi que cela a été mentionné au point 18 ci-dessus, cette procédure se déroule en plusieurs étapes, à savoir, tout d’abord, la soumission d’une proposition de classification, ensuite, l’adoption d’un avis par le CER « en donnant aux parties concernées l’occasion de
formuler des observations », puis, la transmission, par l’ECHA, de cet avis et de toutes les observations à la Commission et, enfin, l’adoption, par la Commission, d’un acte délégué, lorsqu’elle estime que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage de la substance concernée est appropriée.

235 Il s’ensuit que la consultation publique prévue à l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008 vise à permettre aux parties intéressées de formuler des observations sur la proposition de classification et ainsi d’éventuellement apporter des éléments non mentionnés dans cette proposition, de sorte à permettre au CER de prendre en compte, dans son avis, les observations et éléments exposés par les parties intéressées au cours de cette phase (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du
9 juin 2021, Exxonmobil Petroleum & Chemical/ECHA, T‑177/19, non publié, EU:T:2021:336, point 236 et jurisprudence citée).

236 Partant, il y a lieu de relever que, si l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008 prévoit la possibilité de présenter des observations sur la proposition de classification et d’étiquetage harmonisés, ledit règlement ne prévoit en revanche pas la possibilité, pour les parties concernées, de présenter des observations sur l’avis du CER (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2023, TIB Chemicals/Commission, T‑639/20, non publié, EU:T:2023:374, point 184).

237 Ainsi, en l’espèce, la requérante avait le droit de formuler des observations sur la proposition de classification et d’étiquetage harmonisés et d’être entendue à cet égard devant le CER, ce qui a été le cas. En effet, ainsi qu’il ressort du point 6 ci-dessus, entre le 4 mars et le 3 mai 2019, une consultation publique sur la proposition de classification et d’étiquetage harmonisés de la silanamine a été organisée. De plus, ainsi qu’il résulte du contenu de l’avis du CER lui-même, le CER a pris
en considération les observations déposées par les parties concernées, lesquelles ont été compilées dans l’annexe 2 dudit avis.

238 Dans ces conditions et conformément à la jurisprudence citée aux points 230 et 232 ci-dessus, la requérante ne disposait pas d’un droit d’être entendue ou consultée sur l’avis du CER.

239 Les autres arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

240 En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le droit d’être entendu sur l’avis du CER serait davantage justifié dans le cas où la classification proposée par le CER serait différente de celle mentionnée dans la proposition de classification, il convient de considérer que, outre le fait que le CER n’est pas lié par la proposition de classification, il résulte du point 236 ci-dessus que la consultation publique prévue à l’article 37, paragraphe 4, du règlement
no 1272/2008 n’a pas pour objet l’avis du CER, mais, en revanche, vise à permettre à celui-ci de prendre en compte, dans son avis, les observations formulées par les parties concernées.

241 En second lieu, pour autant que la requérante fasse valoir qu’une consultation des parties concernées sur le projet d’avis serait particulièrement nécessaire lorsque l’avis prend en compte des études qui n’avaient pas été prises en compte dans la proposition de classification, il suffit de relever que, ainsi qu’il ressort du point 58 ci-dessus, la référence à « toutes les données disponibles » prévue au point 3.9.2.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, sans aucune limitation, suffit pour
considérer que le CER peut prendre en compte des études qui ne font pas partie de la proposition de classification.

242 Il résulte de ce qui précède qu’une violation de l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008 n’est pas démontrée en l’espèce.

243 À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la seconde branche et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble comme non fondés.

E.   Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de la Commission d’examiner le caractère approprié de la classification contestée

244 La requérante soutient que la Commission n’a pas respecté son obligation d’examiner le caractère approprié de la classification contestée, conformément à l’article 37, paragraphe 5, du règlement no 1272/2008. La Commission aurait également violé le principe de bonne administration, dans la mesure où elle n’aurait pas vérifié la qualité du dossier de proposition de classification et n’aurait pas tenu compte de la violation de la procédure commise par le CER lors de l’adoption de son avis.

245 La Commission, soutenue par l’ECHA, conteste ces arguments.

246 Aux termes de l’article 37, paragraphe 5, du règlement no 1272/2008, « [l]a Commission adopte à bref délai des actes délégués, conformément à l’article 53 bis [dudit règlement], lorsqu’elle estime que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage de la substance concernée est appropriée, afin de modifier l’annexe VI par l’inclusion de cette substance et des éléments de classification et d’étiquetage pertinents dans l’annexe VI, partie 3, tableau 3, et, le cas échéant, des limites de
concentration spécifiques ou des facteurs M ». À cette fin, elle doit tenir compte, tout d’abord, de la proposition soumise au titre de l’article 37, paragraphes 1 à 3, dudit règlement, ensuite, de l’avis du CER et, enfin, des observations formulées lors des consultations publiques, conformément à l’article 37, paragraphes 2 et 4, dudit règlement sans que, pour autant, ces éléments, notamment l’avis du CER, aient un caractère contraignant pour elle (arrêt du 5 juillet 2023, TIB
Chemicals/Commission, T‑639/20, non publié, EU:T:2023:374, point 204).

247 Ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 37, paragraphe 5, du règlement no 1272/2008, la Commission adopte des actes délégués aux fins de l’inclusion d’une substance dans l’annexe VI du règlement no 1272/2008 si « elle estime que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage de la substance concernée est appropriée ». Toutefois, ni cet article ni aucune autre disposition du règlement no 1272/2008 ne précisent les critères qui doivent être pris en compte par la Commission aux fins de
considérer que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage d’une substance est « appropriée ». Or, il résulte de la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus qu’un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission, compte tenu des évaluations scientifiques et techniques complexes que celle-ci doit opérer afin de pouvoir procéder à la classification d’une substance. Il s’ensuit que la Commission dispose d’une large marge d’appréciation afin de déterminer le caractère
approprié d’une proposition de classification et d’étiquetage harmonisés en application de l’article 37, paragraphe 5, dudit règlement, ce que, par ailleurs, la requérante ne conteste pas.

248 Il convient en outre d’observer que le Tribunal a déjà jugé, dans un arrêt concernant une décision d’octroi des autorisations en vertu du règlement no 1907/2006, que, lorsque la Commission faisait sien l’avis de l’un des comités de l’ECHA afin de justifier une décision d’autorisation, elle devait vérifier le caractère complet, cohérent et pertinent du raisonnement figurant dans l’avis (voir arrêt du 7 mars 2019, Suède/Commission, T‑837/16, EU:T:2019:144, point 68 et jurisprudence citée).

249 Cette jurisprudence est transposable dans le contexte de la procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances, régie par le règlement no 1272/2008.

250 En l’espèce, ainsi qu’il résulte du considérant 2, premier tiret, et du considérant 5 du règlement attaqué, la Commission a vérifié le caractère complet, cohérent et pertinent du raisonnement figurant dans l’avis du CER. En effet, il ressort du considérant 5 du règlement attaqué que la Commission a estimé que des informations complémentaires concernant la toxicité aiguë par inhalation de la silanamine avaient été reçues après que l’avis du CER lui avait été transmis. La Commission a considéré
que la classification de ladite substance dans la classe de danger de la toxicité aiguë par inhalation de catégorie 2, recommandée par l’avis du CER, ne devait pas être inscrite à l’annexe VI du règlement no 1272/2008, étant donné que, après évaluation de nouvelles informations scientifiques reçues, elles devaient encore être examinées par le CER. Toutefois, elle a relevé que la classification de la même substance en tant que relevant de la classe de danger STOT RE de catégorie 2, recommandée
dans l’avis du CER, devait être inscrite à l’annexe VI dudit règlement, puisqu’aucune nouvelle information qui nécessiterait un examen complémentaire en vue de cette classification n’avait été reçue.

251 Pour le reste, il y a lieu de conclure que la Commission a exercé son large pouvoir d’appréciation, en application de l’article 37, paragraphe 5, du règlement no 1272/2008, aux fins d’estimer que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage de la silanamine était appropriée.

252 Pour autant que la requérante fasse valoir que c’est à tort que la Commission a conclu que la classification contestée était appropriée, alors que le dossier de proposition de classification était de qualité insuffisante, il convient d’observer que, conformément à la section 6.1 du « Guide sur la préparation de dossiers en vue d’une classification et d’un étiquetage harmonisés » de l’ECHA, le secrétariat de l’ECHA exerce un contrôle de conformité du dossier de proposition de classification afin
de vérifier qu’il correspond aux exigences légales, à savoir qu’il inclut toutes les informations nécessaires pour que le CER puisse examiner la proposition de classification et délivrer un avis.

253 En l’espèce, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort du point 212 ci-dessus, l’autorité française compétente a soumis, le 6 décembre 2017, une proposition de classification pour contrôle de conformité, avant de soumettre, le 17 décembre 2018, la version finale de ladite proposition de classification.

254 Il en résulte que l’ECHA a procédé à un contrôle de conformité de la proposition de classification afin de vérifier qu’elle correspondait aux exigences prévues à l’article 37, paragraphe 1, du règlement no 1272/2008.

255 En outre, il convient de relever qu’il résulte de l’avis du CER que ce dernier a pu examiner la proposition de classification et que, ainsi qu’il ressort du point 8 ci-dessus, entre le 4 mars et le 3 mai 2019, plusieurs parties concernées ont soumis, conformément à l’article 37, paragraphe 4, du règlement no 1272/2008, des observations sur la proposition de classification, qui ont été compilées dans l’annexe 2 de l’avis du CER.

256 Il s’ensuit que le CER aussi bien que les parties concernées ont été en mesure de prendre position sur la proposition de classification dont la conformité à l’article 37, paragraphe 1, du règlement no 1272/2008 a été vérifiée par l’ECHA.

257 Dans ce contexte, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir conclu que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage de la silanamine était appropriée au sens de l’article 37, paragraphe 5, du règlement no 1272/2008, alors que la proposition de classification était de qualité insuffisante.

258 Ne sauraient non plus prospérer les allégations de la requérante selon lesquelles c’est à tort que la Commission a conclu que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage de la silanamine était appropriée, alors que l’avis du CER a été adopté en violation de la procédure.

259 En effet, pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 205 à 243 ci-dessus, il convient de rejeter les arguments de la requérante tirés du non-respect du délai de 18 mois et de l’absence de consultation publique sur l’avis du CER.

260 En outre, s’agissant des arguments de la requérante relatifs à la consultation publique ciblée, il suffit de constater que, indépendamment de la question de savoir si le CER pouvait organiser une telle consultation publique, ainsi qu’il ressort des points 8 et 10 ci-dessus, ladite consultation publique portait sur la toxicité aiguë et la Commission a exclu la classification de la silanamine dans cette classe de danger. Pour le reste, la requérante n’établit pas que la consultation publique
ciblée était également liée à la classe de danger STOT RE.

261 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure qu’une violation de l’article 37, paragraphe 5, du règlement no 1272/2008 n’est pas démontrée en l’espèce.

262 Pour les mêmes raisons, il convient de conclure que la Commission n’a pas violé le principe de bonne administration, la requérante ne soulevant d’ailleurs pas d’argument concret à cet égard.

263 À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

F.   Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence d’une analyse d’impact

264 La requérante fait valoir que la Commission a violé l’accord interinstitutionnel du 13 avril 2016 entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission « Mieux légiférer » (JO 2016, L 123, p. 1, ci-après l’« accord interinstitutionnel “Mieux légiférer” »), ainsi que le principe de bonne administration, au motif qu’elle n’a pas procédé à une analyse d’impact de la proposition de classification et d’étiquetage harmonisés de la silanamine avant l’adoption du règlement
attaqué. L’engagement de la Commission de procéder à une analyse d’impact résulterait également de ses lignes directrices pour une meilleure réglementation, du 3 novembre 2021. De plus, il ressortirait de l’arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil (C‑482/17, EU:C:2019:1035), applicable en l’espèce par analogie, que la Commission se serait engagée à réaliser une analyse d’impact lorsque ses initiatives législatives étaient susceptibles d’avoir une incidence économique,
environnementale ou sociale importante, comme ce serait le cas de la classification et de l’étiquetage harmonisés de la silanamine.

265 La Commission, soutenue par l’ECHA, conteste ces arguments.

266 Il convient de constater que l’accord interinstitutionnel « Mieux légiférer », qui établit une série d’initiatives et de procédures en vue d’améliorer la manière dont l’Union légifère, prévoit l’analyse d’impact, à ses points 12 à 18, comme étant l’un des « outils destinés à mieux légiférer ». En particulier, le point 13 de cet accord interinstitutionnel prévoit ce qui suit :

« La Commission proc[é]dera à une analyse d’impact de ses initiatives législatives et non législatives, de ses actes délégués et de ses mesures d’exécution qui sont susceptibles d’avoir une incidence économique, environnementale ou sociale importante. Les initiatives figurant dans le programme de travail de la Commission ou dans la déclaration commune seront, en règle générale, accompagnées d’une analyse d’impact.

Dans le cadre de son propre processus d’analyse d’impact, la Commission mènera des consultations aussi larges que possible. Le comité d’examen de la réglementation de la Commission proc[é]dera à un contrôle objectif de la qualité des analyses d’impact de cette institution. Les résultats fina[ux] des analyses d’impact seront mis à la disposition du Parlement européen, du Conseil et des parlements nationaux et seront rendus publics parallèlement à l’avis/aux avis du comité d’examen de la
réglementation lors de l’adoption de l’initiative de la Commission. »

267 De plus, le chapitre 4 des lignes directrices pour une meilleure réglementation, du 3 novembre 2021, mentionne les objectifs d’une analyse d’impact ainsi que les éléments que celle-ci doit contenir. Ces lignes directrices ont été complétées par l’outil no 7 du document de la Commission intitulé « Boîte à outils pour une meilleure réglementation ».

268 S’agissant du processus législatif, la Cour a déjà jugé qu’une obligation d’effectuer une analyse d’impact en toute circonstance ne résultait pas des termes des points 12 à 15 de l’accord interinstitutionnel « Mieux légiférer » (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 82).

269 Premièrement, il ressort des points 12 à 15 de l’accord interinstitutionnel « Mieux légiférer » que le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission reconnaissent la contribution qu’apportent les analyses d’impact à l’amélioration de la qualité de la législation de l’Union et que ces analyses constituent un outil visant à aider les trois institutions concernées à décider en connaissance de cause. Deuxièmement, lesdits points précisent que les analyses d’impact ne doivent
pas conduire à retarder indûment le processus législatif ni à porter atteinte à la faculté des colégislateurs de proposer des modifications, pour lesquelles il est d’ailleurs prévu que des analyses d’impact complémentaires puissent être effectuées lorsque le Parlement et le Conseil le jugent approprié et nécessaire. Troisièmement, ces mêmes points relèvent que la Commission procédera à une analyse d’impact de ses initiatives législatives qui sont susceptibles d’avoir une incidence économique,
environnementale ou sociale importante. Quatrièmement, il est précisé que le Parlement et le Conseil, lors de l’examen des propositions législatives de la Commission, tiennent pleinement compte des analyses d’impact de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 83).

270 Il en résulte que l’élaboration d’analyses d’impact constitue une étape du processus législatif devant, en règle générale, intervenir dès lors qu’une initiative législative est susceptible d’avoir une telle incidence (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 84).

271 En l’espèce, il y a lieu de relever que, conformément à la jurisprudence citée au point 268 ci-dessus, il ne ressort pas du point 13 de l’accord interinstitutionnel « Mieux légiférer » que la Commission est obligée de procéder, en toute circonstance, à une analyse d’impact de ses actes délégués.

272 D’ailleurs, une telle obligation ne résulte pas non plus de l’article 37 du règlement no 1272/2008, régissant la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés, qui ne prévoit une telle analyse dans aucune des étapes de cette procédure (voir points 18 et 234 ci-dessus).

273 En revanche, il résulte des dispositions de l’article 76, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement no 1907/2006 que, dans le cadre de la procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances régie par le règlement no 1272/2008, c’est le CER qui est chargé d’élaborer les avis de l’ECHA et que le comité d’analyse socio-économique n’intervient pas. En l’absence de disposition expresse prévoyant l’intervention de ce dernier, il peut être déduit que le législateur n’a pas
souhaité inclure l’impact socio-économique dans ladite procédure.

274 En outre, il convient de relever que l’objectif poursuivi par le règlement no 1272/2008, à savoir assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement (voir point 14 ci-dessus), est de nature à justifier des conséquences économiques négatives, même considérables, pour certains opérateurs. Dans ce contexte, la protection de la santé publique, que vise à assurer le règlement attaqué, doit se voir accorder une importance prépondérante par rapport aux considérations
économiques (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, EU:T:2002:209, point 456 et jurisprudence citée).

275 Il résulte de ce qui précède que, dans le cadre de la procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage qui a conduit à l’adoption du règlement attaqué, la Commission n’avait pas l’obligation de procéder à une analyse d’impact de ce règlement, au titre du point 13 de l’accord interinstitutionnel « Mieux légiférer » (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 juillet 2023, TIB Chemicals/Commission, T‑639/20, non publié, EU:T:2023:374, point 206).

276 Par ailleurs, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante tiré d’une violation du principe de bonne administration, en ce que la Commission aurait violé l’accord interinstitutionnel « Mieux légiférer ». En effet, il résulte du point 275 ci-dessus que la Commission n’avait pas l’obligation de procéder à une analyse d’impact avant l’adoption du règlement attaqué. Par conséquent, l’absence d’une telle analyse d’impact ne saurait constituer une violation du principe de bonne administration.

277 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme non fondé et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

278 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

279 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

280 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Selon l’article 1er, paragraphe 2, sous f), du règlement de procédure, le terme « institutions » désigne les institutions de l’Union visées à l’article 13, paragraphe 1, TUE ainsi que les organes ou organismes créés par les traités ou par un acte pris pour leur exécution et qui peuvent être parties devant le Tribunal. Selon
l’article 100 du règlement no 1907/2006, l’ECHA est un organisme de l’Union. Il s’ensuit que l’ECHA supportera ses propres dépens.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) Evonik Operations GmbH est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

  3) L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) supportera ses propres dépens.

Costeira

Kancheva

  Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 novembre 2024.

Signatures

Table des matières

  I. Antécédents du litige
  II. Conclusions des parties
  III. En droit
  A. Considérations liminaires sur la classification et l’étiquetage harmonisés des substances dans la classe de danger STOT RE
  B. Considérations liminaires sur l’intensité du contrôle du Tribunal
  C. Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et de la violation des critères pour la classification d’une substance dans la classe de danger STOT RE de catégorie 2
  1. Sur la troisième branche, tirée de l’absence d’effets néfastes sur la santé produits par la silanamine
  a) Considérations liminaires sur les effets justifiant la classification d’une substance dans la classe de danger STOT RE de catégorie 2
  b) Sur les effets identifiés dans l’avis du CER justifiant la classification contestée
  c) Sur la justification de la classification contestée sur la base des effets identifiés dans l’avis du CER
  2. Sur la première branche, tirée de l’absence d’effets toxiques spécifiques sur les poumons produits par la silanamine
  a) Sur les arguments de la requérante tirés de ce que les effets observés résultent du dépôt d’un grand nombre de particules inhalées dans le cadre des études pertinentes
  b) Sur les arguments de la requérante tirés de ce que les effets observés résultent de la dose/concentration élevée administrée dans les études pertinentes
  3. Sur la deuxième branche, tirée de ce que les effets observés reposent sur des références croisées qui ne répondent pas aux critères de classification dans la classe de danger STOT RE
  D. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la procédure de classification et d’étiquetage harmonisés
  1. Sur la première branche, tirée du non-respect du délai aux fins de l’adoption de l’avis du CER
  2. Sur la seconde branche, tirée de l’absence de consultation publique sur l’avis du CER
  E. Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de la Commission d’examiner le caractère approprié de la classification contestée
  F. Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence d’une analyse d’impact
  Sur les dépens

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : T-449/22
Date de la décision : 27/11/2024
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Environnement et protection de la santé humaine – Règlement (CE) no 1272/2008 – Classification, étiquetage et emballage de certaines substances et de certains mélanges – Règlement délégué (UE) 2022/692 – Classification et étiquetage harmonisés de la substance silanamine, 1,1,1-triméthyl-N-(triméthylsilyl)-, produits d’hydrolyse avec de la silice ; dioxyde de silicium amorphe synthétique pyrogéné, nano, traité en surface – Critères de classification d’une substance dans la classe de danger ‟Toxicité spécifique pour certains organes cibles – Exposition répétée” – Caractère approprié de la classification – Absence de consultation publique sur l’avis du comité d’évaluation des risques de l’ECHA – Accord interinstitutionnel “Mieux légiférer” – Absence d’analyse d’impact.

Rapprochement des législations

Santé publique


Parties
Demandeurs : Evonik Operations GmbH
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Costeira

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2024:866

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