ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)
12 février 2025 ( *1 )
« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2018 – Articles 4, 14 et 16 du règlement délégué (UE) 2015/63 – Principe de bonne administration »
Dans l’affaire T‑406/18,
de Volksbank NV, établie à Utrecht (Pays-Bas), représentée par Mes A. Kleinhout, T. Waterbolk, P. Post et M. van Zandvoort, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de résolution unique (CRU), représenté par M. D. Ceran et Mme C. De Falco, en qualité d’agents, assistés de Mes H.-G. Kamann, F. Louis et P. Gey, avocats,
partie défenderesse,
soutenu par
Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,
partie intervenante,
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),
composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg, G. Hesse, D. Petrlík (rapporteur) et Mme L. Spangsberg Grønfeldt, juges,
greffier : Mme S. Jund, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 9 juillet 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, de Volksbank NV, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2022/46 du Conseil de résolution unique (CRU), du 8 août 2022, retirant la décision SRB/ES/SRF/2018/03 du CRU, du 12 avril 2018, relative aux contributions ex ante 2018 au Fonds de résolution unique, dans la mesure où elle concerne les établissements mentionnés à l’annexe I de la présente décision et calculant les contributions ex ante 2018 de ces établissements au Fonds de
résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.
Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours
2 La requérante, anciennement SNS Bank NV, est un établissement de crédit établi aux Pays-Bas.
3 En 2016, le groupe composé de SNS Bank et de ses deux filiales, ASN Bank NV et RegioBank NV, a fait l’objet d’une restructuration au terme de laquelle, le 31 décembre 2016, ces deux filiales ont été absorbées par SNS Bank et, au 1er janvier 2017, celle-ci a été renommée de Volksbank (ci-après la « fusion de 2016 »).
4 L’absorption d’ASN Bank et de RegioBank (ci-après les « filiales absorbées ») par SNS Bank au 31 décembre 2016 a entraîné le retrait des agréments bancaires de ces deux premiers établissements, de sorte que la requérante est demeurée, en 2017, le seul établissement qui relevait du champ d’application du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines
entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).
5 Par la décision SRB/ES/SRF/2018/03, du 12 avril 2018, le CRU a fixé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après les « contributions ex ante ») pour l’année 2018 (ci-après la « période de contribution 2018 ») des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont la requérante.
6 Par courrier du 23 avril 2018, De Nederlandsche Bank NV (DNB, Banque des Pays-Bas), en sa qualité d’autorité de résolution nationale, au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a enjoint à la requérante d’acquitter le montant de sa contribution ex ante pour la période de contribution 2018, telle qu’elle avait été fixée par le CRU.
7 Le 8 août 2022, le CRU a adopté la décision attaquée. Selon l’article 1er du dispositif de cette décision, cette dernière retire la décision visée au point 5 ci-dessus (ci-après la « décision initiale ») en ce qui concerne les établissements mentionnés dans l’annexe I de la décision attaquée. Il ressort des considérants 15 à 18 de la décision attaquée que celle-ci vise à remédier au défaut de motivation de la décision initiale que le CRU avait constaté à la suite de l’arrêt du 15 juillet 2021,
Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), et des ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162).
Décision attaquée
8 La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné de trois annexes.
9 Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2018, qui est applicable à tous les établissements.
10 Plus particulièrement, dans la section 6 de ladite décision, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au FRU (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2018 (ci-après le « niveau cible annuel »).
11 Le CRU a expliqué qu’il avait fixé le niveau cible annuel à un huitième de 1,15 % du montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, de l’ensemble des établissements en 2017, tel qu’il avait été obtenu à partir des données communiquées par les systèmes de garantie des dépôts conformément à l’article 16 du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex
ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).
12 Dans la section 7 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2018.
13 Dans la section 7 de la décision attaquée, le CRU a également expliqué que les établissements, autres que les établissements qui versaient une contribution forfaitaire eu égard à leur taille moindre, devaient verser une contribution ex ante ajustée à leur profil de risque qui avait été fixée en suivant les phases principales suivantes.
14 Dans la première phase, le CRU a calculé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la « contribution annuelle de base » de chaque établissement. Aux fins de ce calcul, le CRU a d’abord pris en compte le total du passif de l’établissement concerné qui incluait notamment les montants des fonds propres et des dépôts couverts (ci-après le « total du passif »), tel qu’il était présenté au 31 décembre 2016. Ensuite, il a soustrait du total du passif
les fonds propres et la moyenne des dépôts couverts de cet établissement en 2016, calculée trimestriellement, afin d’obtenir le passif net de celui-ci (ci-après le « passif net »). Enfin, le CRU a rapporté le passif net dudit établissement au passif net de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique (MRU).
15 En ce qui concerne plus particulièrement la période de contribution 2018, le CRU a calculé le passif net des établissements concernés et, partant, leur contribution annuelle de base en prenant en compte le montant du total du passif de ces établissements sur la base des données au 31 décembre 2016 et en déduisant le montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, desdits établissements au cours de l’année 2016.
16 Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif net de l’établissement à prendre en compte pour la détermination de la contribution annuelle de base.
17 Dans la seconde phase du calcul de la contribution ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014.
18 Ensuite, le CRU a additionné toutes les contributions annuelles de base ajustées en fonction des profils de risque pour obtenir un « dénominateur commun » utilisé pour calculer la part du niveau cible annuel que chaque établissement devait verser.
19 Enfin, le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio existant entre la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque, d’une part, et le dénominateur commun, d’autre part.
Conclusions des parties
20 La requérante conclut, dans la requête, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision initiale en ce qu’elle la concerne ;
– condamner le CRU aux dépens.
21 Dans le mémoire déposé le 26 septembre 2022 et intitulé « Observations concernant la réadoption de la décision attaquée dans l’affaire T‑406/18 » (ci‑après le « mémoire du 26 septembre 2022 »), la requérante demande, en outre, de considérer sa requête comme ayant pour objet l’annulation de la décision attaquée.
22 Le CRU conclut initialement à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable ;
– à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;
– à titre encore plus subsidiaire, en cas d’annulation, maintenir les effets de la décision initiale pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera devenu définitif ;
– condamner la requérante aux dépens.
23 Dans ses observations sur le mémoire du 26 septembre 2022, le CRU conclut, au surplus, à ce qu’il plaise au Tribunal de constater que le recours est devenu sans objet et de le rejeter comme irrecevable.
24 La Commission européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
25 La requérante soutient que le CRU a violé plusieurs règles de droit lorsqu’il a calculé sa contribution ex ante pour la période de contribution 2018 et, notamment, lorsqu’il a appliqué la méthode pour calculer sa contribution annuelle de base. En particulier, la requérante reproche au CRU d’avoir calculé son passif net sur la base des données afférentes à des dates différentes, car le CRU aurait utilisé des données postérieures à la fusion de 2016 pour déterminer le montant du total de son passif
alors qu’il aurait utilisé, en partie, des données antérieures à cette fusion pour déterminer le montant de ses dépôts couverts. Une telle méthode aurait ainsi conduit à une surévaluation de son passif net.
26 À l’appui du recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés :
– le premier, d’une violation de l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du
Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 et de l’article 4, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, en raison du recours à des données non comparables en vue de déterminer son passif net ;
– le deuxième, d’une violation de l’article 103, paragraphes 2 et 7, de la directive 2014/59 et de l’article 290 TFUE en raison du fait que la Commission aurait « dépassé » ses compétences ;
– le troisième, d’une violation du principe de proportionnalité ;
– le quatrième, d’une violation du principe de sécurité juridique ;
– le cinquième, d’une violation du principe d’égalité de traitement.
27 Il convient d’examiner, tout d’abord, les fins de non-recevoir soulevées par le CRU, puis les moyens soulevés par la requérante.
Sur la recevabilité
28 Dans le mémoire du 26 septembre 2022, la requérante fait valoir que, dès lors que la décision attaquée ne résout pas le problème juridique qui était présent dans la décision initiale, à savoir l’utilisation des données non comparables pour le calcul de son passif net, il n’était pas nécessaire d’adapter sa requête conformément à l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal. Elle demande pourtant au Tribunal de considérer, dans la mesure nécessaire, cette requête comme étant dirigée
également contre la décision attaquée.
29 Dans ses observations sur le mémoire du 26 septembre 2022, le CRU a soulevé, en substance, deux fins de non-recevoir, la première à l’encontre des conclusions de la requérante contre la décision initiale et la seconde à l’encontre du mémoire du 26 septembre 2022.
Sur la recevabilité des conclusions contre la décision initiale
30 Le CRU soutient que les conclusions dirigées contre la décision initiale sont irrecevables, car la demande d’annulation à l’encontre de cette décision est devenue sans objet, dès lors que celle-ci a été retirée ex tunc.
31 Lors de l’audience, la requérante a déclaré qu’elle renoncerait à ses conclusions contre la décision initiale si le Tribunal constatait que cette décision avait été retirée et remplacée par la décision attaquée.
32 À cet égard, il y a lieu de relever que le considérant 18 de la décision attaquée indique que le CRU a estimé approprié de retirer et de remplacer la décision initiale en ce qui concernait les établissements mentionnés dans l’annexe I de la décision attaquée.
33 Ainsi, l’article 1er du dispositif de la décision attaquée énonce que cette décision « retire » la décision initiale en ce qui concerne les établissements mentionnés dans l’annexe I de la décision attaquée, la requérante étant mentionnée dans cette annexe.
34 Ensuite, comme cela ressort de l’article 2 du dispositif de la décision attaquée, celle-ci approuve le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2018, tel qu’il a été opéré dans l’annexe I de cette décision, cette annexe prévoyant le calcul d’une telle contribution également pour la requérante.
35 Enfin, la décision attaquée a été adoptée le 8 août 2022 et, conformément à ce que prévoit l’article 4 de son dispositif, elle a pris effet le 12 avril 2018, à savoir au moment de la prise d’effet de la décision initiale.
36 Il découle de ce qui précède que, comme le soutient le CRU, la décision initiale a été retirée et remplacée par la décision attaquée en ce qui concernait la requérante.
37 Dans ces conditions, la requérante doit être regardée comme ayant renoncé, lors de l’audience, à ses conclusions contre la décision initiale. Dès lors, il n’y a plus lieu d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par le CRU contre ces conclusions.
Sur l’adaptation de la requête
38 Dans ses observations sur le mémoire du 26 septembre 2022, le CRU soutient que la requérante n’a pas adapté sa requête, ses moyens et ses conclusions au regard de l’adoption de la décision attaquée. D’une part, le mémoire du 26 septembre 2022 ne pourrait pas être considéré comme un mémoire en adaptation au sens de l’article 86 du règlement de procédure, car il ne manifesterait pas l’intention de la part de la requérante d’adapter sa requête. Ce mémoire serait d’ailleurs intitulé « Observations
concernant la réadoption de la décision attaquée dans l’affaire T‑406/18 », et non « Mémoire en adaptation ».
39 D’autre part, à supposer même que le mémoire du 26 septembre 2022 puisse être considéré comme un mémoire en adaptation, il ne remplirait pas les conditions de recevabilité qui s’appliquent à de tels mémoires. En effet, dans le mémoire du 26 septembre 2022, la requérante n’aurait pas adapté sans ambiguïté ses conclusions contenues dans la requête, car elle se serait abstenue de qualifier les moyens soulevés contre la décision initiale de moyens dirigés contre la décision attaquée.
40 À cet égard, il ressort de l’article 86, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, dans la version alors applicable, que, lorsqu’un acte dont l’annulation est demandée est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, la partie requérante peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter sa requête pour tenir compte de cet élément nouveau. L’adaptation de la requête doit être effectuée
par acte séparé et dans le délai, prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, dans lequel l’annulation de l’acte justifiant l’adaptation de la requête peut être demandée.
41 Conformément à l’article 86, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement de procédure, le mémoire en adaptation de la requête doit contenir, notamment, les conclusions adaptées ainsi que, s’il y a lieu, les moyens et les arguments adaptés.
42 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que s’il est justifié d’imposer certaines exigences de forme à une adaptation de la requête, de telles exigences ne constituent pas une fin en soi, mais sont, au contraire, destinées à garantir le caractère contradictoire de la procédure et la bonne administration de la justice. Or, il serait contraire à la bonne administration de la justice et à l’économie de la procédure d’exiger d’une partie requérante ayant adapté ses conclusions qu’elle réitère,
dans un mémoire en adaptation de la requête, des moyens et arguments identiques à ceux présentés au soutien de ses conclusions dirigées contre l’acte initialement attaqué (voir arrêt du 24 janvier 2019, Haswani/Conseil, C‑313/17 P, EU:C:2019:57, points 35 et 36 et jurisprudence citée).
43 L’article 86 du règlement de procédure n’impose pas, en outre, un intitulé spécifique pour qu’un acte d’une partie requérante puisse être considéré comme un mémoire en adaptation au sens de cette disposition. Afin d’examiner si un tel acte constitue un mémoire en adaptation au sens de l’article 86 du règlement de procédure, il convient dès lors de s’attacher à sa substance.
44 En ce qui concerne, en l’espèce, le mémoire du 26 septembre 2022, d’une part, il convient de constater que la requérante relève dans celui-ci que la décision attaquée a retiré et remplacé la décision initiale, se réfère à l’article 86 du règlement de procédure et demande au Tribunal de considérer sa requête comme étant dirigée également contre la décision attaquée.
45 D’autre part, la requérante a soutenu, dans le mémoire du 26 septembre 2022, que la décision attaquée ne résolvait pas le problème juridique soulevé dans la présente affaire et que même le CRU avait indiqué, par la lettre du 12 mai 2022 informant le Tribunal de son intention de retirer la décision initiale, que la décision attaquée n’aurait pas d’incidence sur la teneur de ses moyens. Ainsi, la requérante a indiqué ne pas avoir estimé nécessaire de modifier ses moyens, tels qu’ils avaient été
développés dans la requête.
46 En effet, ainsi que cela a été relevé aux points 7 et 32 à 36 ci-dessus, la décision attaquée a retiré et remplacé la décision initiale afin de remédier à son défaut de motivation que le CRU avait constaté à la suite de l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), et des ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P,
non publiée, EU:C:2022:162).
47 Or, il convient de constater que le seul fait de remédier au défaut de motivation de la décision initiale n’a pas d’incidence sur la question centrale soulevée par le présent recours qui porte sur la méthodologie utilisée par le CRU pour calculer la contribution ex ante de la requérante et plus spécifiquement pour déterminer son passif net.
48 Dans ces conditions, la requérante pouvait ne pas estimer nécessaire de modifier les moyens et les arguments invoqués à l’appui de sa requête à la suite de l’adoption de la décision attaquée.
49 Il en va d’autant plus ainsi que, dans le mémoire du 26 septembre 2022, la requérante a explicitement déclaré qu’elle souhaitait maintenir l’intégralité de sa requête, en ce sens que les arguments et moyens soulevés dans la requête valaient également à l’encontre de la décision attaquée.
50 Partant, le mémoire du 26 septembre 2022 constitue un mémoire en adaptation de la requête qui satisfait aux exigences de l’article 86 du règlement de procédure.
51 Au vu de ce qui précède, ce mémoire doit être déclaré comme étant recevable et, en conséquence, il y a lieu de considérer que le recours vise désormais à l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle concerne la requérante.
Sur le fond
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59, de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 et de l’article 4, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, en raison du recours à des données non comparables en vue de déterminer le passif net de la requérante
52 La requérante reproche au CRU d’avoir utilisé des données afférentes à des dates différentes pour le calcul de son passif net, dans la mesure où le CRU a obtenu le montant du total de son passif sur la base des données au 31 décembre 2016 alors qu’il a calculé le montant de ses dépôts couverts selon une moyenne trimestrielle de l’année 2016. En suivant une telle approche, le CRU aurait violé l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59, l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014
et l’article 4, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63.
53 En effet, en raison de la fusion de 2016 entre la requérante et les filiales absorbées, le total du passif fondé sur les données de la fin d’année de la requérante inclurait les passifs de la requérante ainsi que de ces filiales, alors qu’en retenant le montant moyen des dépôts couverts de la requérante, le CRU n’aurait pas pris en compte les dépôts couverts de ces établissements pendant les trois premiers trimestres. Le CRU n’aurait donc pas déduit tous les dépôts couverts inclus dans le bilan
de la requérante au 31 décembre 2016, ce qui irait à l’encontre de la logique de la déduction desdits dépôts.
54 Par ailleurs, par le biais d’une telle méthode de calcul des passifs nets de la requérante, le CRU n’aurait pas dûment apprécié sa situation factuelle. En particulier, le CRU se serait fondé sur des données postérieures à la fusion de 2016 pour calculer le total de son passif, en tenant ainsi également compte des passifs des filiales absorbées. En revanche, afin de déterminer le montant des dépôts couverts, il se serait fondé sur des données qui seraient en partie antérieures à cette fusion et
qui concerneraient donc uniquement la situation de la requérante et non celle desdites filiales. Or, une telle méthode ne permettrait pas de refléter le profil de risque réel de la requérante, en ce qu’elle aurait entraîné une surévaluation de sa taille et du risque associé.
55 En outre, ce serait à tort que le CRU affirme que sa méthode résulte de la réglementation applicable. En effet, cette méthode ne serait prescrite ni par l’article 4, paragraphes 1 et 2, ni par l’article 14, paragraphes 1 et 4, ni par l’article 16 du règlement délégué 2015/63.
56 Le CRU fait valoir que l’argumentation de la requérante n’est pas fondée.
57 Premièrement, le CRU aurait appliqué la même méthode pour tous les établissements, de sorte que, par son argumentation, la requérante demanderait en substance à être traitée différemment des autres établissements. Or, un tel traitement ne serait pas justifié.
58 Deuxièmement, la méthode de calcul des dépôts couverts, telle qu’appliquée par la décision attaquée, serait conforme aux articles 4, 5, 14 et 16 du règlement délégué 2015/63.
59 Troisièmement, la requérante ne parviendrait pas à déterminer comment le calcul effectué par le CRU violerait l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 ou l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014. Son argumentation reposerait uniquement sur des allégations tirées des principes abstraits de cohérence et d’équité.
60 Quatrièmement, l’utilisation du montant moyen des dépôts couverts permettrait d’assurer un mode de calcul plus précis des contributions ex ante que celui opéré sur la base du montant total des dépôts couverts à la fin de l’année calendaire.
61 À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission a adopté le règlement délégué 2015/63 en application d’une délégation de pouvoir que le législateur de l’Union européenne lui a accordée par l’article 103, paragraphes 7 et 8, de la directive 2014/59, afin, notamment, de préciser la notion d’adaptation des contributions ex ante au profil de risque des établissements et les obligations en matière de fourniture d’informations. Ce règlement délégué a été rendu applicable, par l’article 70,
paragraphe 6, du règlement no 806/2014, au calcul des contributions ex ante perçues sur la base de ce règlement.
62 Par le présent moyen, la requérante conteste la première étape du calcul des contributions ex ante et, en particulier, la méthode utilisée par le CRU pour déterminer son passif net aux fins du calcul de sa contribution annuelle de base.
63 À cet égard, il ressort des considérants 27, 28 et 31 de la décision attaquée, ainsi que des déclarations du CRU lors de l’audience, que, afin de calculer le passif net de la requérante et, partant, sa contribution annuelle de base, le CRU a utilisé, d’une part, le montant du total du passif de la requérante au 31 décembre 2016, en se fondant ainsi sur des données postérieures à la fusion de 2016 et, d’autre part, le montant moyen de ses dépôts couverts, calculé trimestriellement, au cours de
l’année 2016, ce montant étant donc déterminé sur la base de données qui étaient en grande partie antérieures à ladite fusion.
64 La requérante soutient ainsi que, en ayant recours à la méthode décrite au point 63 ci-dessus, le CRU a méconnu l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59, l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 et l’article 4, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63. En outre, en faisant valoir que l’application de ladite méthode n’aurait pas permis au CRU de tenir dûment compte de sa situation factuelle et de son profil de risque réel, elle soutient, en réalité, que le CRU aurait dû
appliquer lesdites dispositions à la lumière du principe de bonne administration, qui exige des organes de l’Union d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce.
65 Aux fins d’apprécier le bien-fondé de cette argumentation, il convient tout d’abord de rappeler qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 qu’il incombe au CRU de calculer la contribution ex ante de chaque établissement sur la base des informations fournies par ce dernier conformément à l’article 14 de ce règlement délégué.
66 L’article 14, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 énonce que les établissements doivent fournir au CRU les derniers états financiers annuels approuvés disponibles au plus tard le 31 décembre de l’année précédant la période de contribution (ci-après l’« année N‑1 »). Ces états financiers doivent être accompagnés de l’avis émis par le contrôleur légal des comptes ou le cabinet d’audit.
67 Or, il convient de constater que, compte tenu du temps nécessaire pour finaliser de tels états financiers, ces informations se rapportent, en règle générale, à l’avant-dernière année précédant la période de contribution concernée ou, dans des circonstances exceptionnelles, à un exercice comptable qui a commencé au cours de cette avant-dernière année et a été clos au cours de l’année N-1 (ci-après, pour ces deux périodes, l’« année de référence N‑2 »).
68 Ainsi, il ressort d’une lecture combinée de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 qu’il appartient au CRU de calculer les contributions ex ante sur la base des informations relatives aux derniers états financiers annuels approuvés et certifiés qui sont disponibles au 31 décembre de l’année N-1 (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2019, State Street Bank International, C‑255/18, EU:C:2019:967, point 42), étant ainsi entendu que ces
informations sont relatives aux états financiers qui se réfèrent à l’année de référence N-2.
69 Dans ce contexte, le CRU soutient que l’article 4, paragraphe 2, ainsi que les articles 5 et 16 du règlement délégué 2015/63 contiennent des indications concernant les moments de l’année de référence N‑2 qui sont pertinents pour déterminer le montant des dépôts couverts qui est soustrait du total du passif dans le cadre du calcul de la contribution annuelle de base. Plus concrètement, selon le CRU, il découle desdites dispositions que de tels moments correspondent aux fins de trimestres de
l’année de référence N-2, de sorte qu’il lui appartiendrait de prendre en compte, pour ledit calcul, le montant moyen des dépôts couverts pendant cette année, calculé trimestriellement.
70 Afin d’examiner le présent moyen, il n’est pas nécessaire d’apprécier si l’article 4, paragraphe 2, et les articles 5 et 16 du règlement délégué 2015/63 permettent au CRU de prendre en compte un tel montant moyen des dépôts couverts, aux fins du calcul des contributions annuelles de base, voire l’y obligent.
71 En effet, il ressort des écritures de la requérante que celle-ci ne conteste pas nécessairement l’utilisation du montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, afin de calculer le passif net, mais qu’elle reproche au CRU, avant tout, d’avoir eu recours à des données afférentes à des moments différents aux fins de ce calcul.
72 Dans ces conditions, il convient d’examiner si, lorsque le CRU prend en compte le montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, de l’année de référence N‑2 aux fins du calcul du passif net, il peut en même temps prendre en compte, pour ce même calcul, le montant du total du passif, tel qu’il se présente à la fin de l’année de référence N-2, et non le montant moyen du total du passif calculé trimestriellement, étant entendu que ce montant du total du passif inclut également le
montant des dépôts couverts (voir point 14 ci-dessus).
73 À cet égard, il y a lieu de relever que ni l’article 4, paragraphe 1, ni l’article 14, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 ne contiennent de prescriptions spécifiques concernant la question de savoir si le CRU est tenu, pour la détermination du passif net, de prendre en compte le montant du total du passif à la fin de l’année de référence N-2 ou son montant moyen au cours de cette année. De telles prescriptions ne ressortent non plus d’aucune autre disposition du règlement délégué 2015/63,
de la directive 2014/59 ou du règlement no 806/2014.
74 Par conséquent, il convient de constater que l’article 4, paragraphe 1, et l’article 14, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 confèrent au CRU un pouvoir d’appréciation concernant le moment pertinent pour déterminer le montant du total du passif aux fins du calcul du passif net.
75 Or, afin de respecter l’équilibre des pouvoirs, caractéristique de la structure institutionnelle de l’Union, un tel pouvoir d’appréciation, qui a été confié par la Commission au CRU, doit être nettement délimité et son usage doit faire l’objet d’un contrôle rigoureux au regard de critères objectifs qui découlent de la réglementation par laquelle le CRU est lié (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juin 2024, Commission/CRU, C‑551/22 P, EU:C:2024:520, points 70 et 72).
76 Ainsi, il y a lieu notamment de s’assurer que le CRU a exercé ledit pouvoir d’appréciation de manière conforme aux règles de droit de rang supérieur et, plus particulièrement, en conformité avec la finalité et l’économie générale de l’acte juridique qui constitue sa base légale, à savoir de la directive 2014/59 (voir point 61 ci-dessus), ainsi qu’avec les principes généraux du droit, tels que le principe de bonne administration (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 2010, EMI Group, C‑581/08,
EU:C:2010:559, point 42 ; du 26 mai 1998, Costacurta/Commission, T‑177/96, EU:T:1998:109, point 45, et du 3 octobre 2019, BASF et REACH & colours/ECHA, T‑806/17, non publié, EU:T:2019:724, point 79).
77 À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que le principe de bonne administration, tel que consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, impose aux institutions et organes de l’Union l’obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14 ; du 9 septembre 2008, Bayer CropScience e.a./Commission,
T‑75/06, EU:T:2008:317, point 84, et du 23 septembre 2009, Estonie/Commission, T‑263/07, EU:T:2009:351, point 99).
78 D’autre part, la contribution annuelle de base, telle qu’elle est prévue par l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 et l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, repose sur un montant proportionnel du passif net de chaque établissement par rapport aux passifs nets des autres établissements. Un tel ratio traduit ainsi l’économie générale du régime des contributions ex ante, selon laquelle la contribution annuelle de base doit avant tout refléter
la taille de chaque établissement en fonction de ses passifs.
79 Cette même exigence ressort des travaux préparatoires de la directive 2014/59, et notamment des pages 58 et 59 de l’étude d’impact du 6 juin 2012 accompagnant la proposition ayant abouti à l’adoption de cette directive [SWD(2012) 166 final], qui indiquent que le calcul des contributions annuelles de base en fonction des passifs des établissements permet d’évaluer la taille de ces derniers, de sorte que ce calcul vise à assurer que les établissements présentant une grande taille versent des
contributions plus élevées.
80 L’importance de la prise en compte de cette taille est également mise en avant par le considérant 5 du règlement délégué 2015/63, qui dispose explicitement que la contribution ex ante doit refléter la taille des établissements concernés. Ainsi que cela ressort de ce même considérant, la taille d’un établissement constitue en effet un premier indicateur de son profil de risque, car plus un établissement est important, plus il est probable que, en cas de difficulté, le CRU jugera qu’il est dans
l’intérêt public de procéder à sa résolution et de recourir au FRU afin de garantir l’application effective des instruments de résolution.
81 C’est dans ce contexte que le Tribunal a déjà jugé que la contribution annuelle de base devait refléter la taille des établissements afin de garantir que des ressources financières suffisantes sont procurées au MRU aux fins d’une application efficiente des instruments de résolution et que les établissements sont incités à adopter des modes de fonctionnement moins risqués en réduisant notamment leurs passifs nets (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2023, Banque postale/CRU, T‑383/21,
EU:T:2023:845, points 175 et 176).
82 Dans ces conditions, il appartient au CRU de calculer les contributions annuelles de base de manière à refléter d’une manière suffisamment précise la taille des établissements concernés ainsi que le risque associé en fonction de leurs passifs, de sorte que les établissements ayant des passifs significatifs versent des contributions ex ante plus élevées que les établissements ayant des passifs plus limités – sous réserve de l’ajustement de ces contributions au regard des indicateurs de risque
concernés – et que les établissements soient incités à adopter des modes de fonctionnement moins risqués en réduisant, notamment, le montant de leurs passifs nets.
83 Or, bien que la méthode décrite au point 63 ci‑dessus puisse, en règle générale, refléter, d’une manière suffisamment précise, la taille des établissements concernés, il peut en aller différemment dans certains cas particuliers qui peuvent se produire lorsque le total du passif et les dépôts couverts d’un établissement donné connaissent une évolution significative au cours de l’année de référence N-2, allant au-delà des fluctuations normales de tels passifs pendant l’année. Cette évolution peut
notamment résulter d’une modification de la structure dudit établissement, telle que celle produite à la suite d’une fusion ou d’une absorption.
84 Ainsi, si le CRU fait face à une telle situation particulière, il découle du principe de bonne administration qu’il est tenu d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation évoqué au point 74 ci-dessus.
85 Par conséquent, lorsqu’un établissement soumet au CRU des données concrètes, chiffrées et vérifiables, dont il ressort que, en raison d’une modification substantielle de sa structure au cours de l’année de référence N-2, le total de son passif et le montant de ses dépôts couverts ont connu une évolution significative, de sorte que la méthode de calcul des passifs nets ne reflète plus sa taille d’une manière suffisamment précise, il incombe au CRU de tenir compte de tels éléments pour s’assurer
que le calcul du passif net de l’établissement concerné respecte les exigences évoquées aux points 75 à 82 ci-dessus.
86 En l’espèce, tout d’abord, il convient de constater que la fusion de 2016 entre la requérante et les filiales absorbées a eu pour conséquence que, le 31 décembre 2016, le montant du total du passif de la requérante a augmenté de manière significative, dès lors qu’il a inclus – contrairement aux trois premiers trimestres de l’année 2016 – les montants des totaux des passifs et des dépôts couverts desdites filiales.
87 Ensuite, afin de calculer le passif net de la requérante et, partant, sa contribution annuelle de base, le CRU s’est fondé sur la méthode décrite au point 63 ci-dessus, selon laquelle il a utilisé le montant du total du passif de la requérante sur la base des données au 31 décembre 2016, tandis que, pour le montant des dépôts couverts qui est soustrait du montant du total du passif, il a pris en compte le montant moyen de ses dépôts couverts, calculé trimestriellement, au cours de l’année 2016.
88 Ainsi, s’agissant des dépôts couverts qui ont été soustraits du montant du total du passif dans le cadre du calcul du passif net de la requérante, la méthode décrite au point 63 ci-dessus n’a tenu compte que partiellement de la fusion de 2016. En effet, comme cela ressort de la note en bas de page no 22 de la décision attaquée, le CRU a additionné les quatre montants des dépôts couverts que la requérante détenait à la fin de chaque trimestre de l’année 2016 et a, par la suite, divisé le total de
ces montants par quatre aux fins d’obtenir leur moyenne trimestrielle. Par conséquent, en ce qui concerne les trois premiers trimestres de l’année 2016, le CRU n’a pris en compte que les dépôts couverts de la requérante, sans inclure les dépôts couverts des filiales absorbées. Ce n’est que pour la fin du dernier trimestre de cette année, à la suite de la fusion de 2016, que le CRU a tenu compte du montant des dépôts couverts de la requérante qui incluait également le montant des dépôts couverts
de ces filiales. Il s’ensuit que le montant des dépôts couverts de la requérante, qui a été soustrait au montant du total de son passif aux fins du calcul du passif net, ne se composait que d’environ un quart des dépôts couverts que lesdites filiales détenaient au cours de l’année 2016.
89 En revanche, en ce qui concerne la détermination du montant du total du passif de la requérante, le CRU s’est fondé sur le seul état du total de ses passifs au 31 décembre 2016, c’est-à-dire sur le montant résultant de la fusion de 2016. Il n’a ainsi pas tenu compte des montants du total du passif de la requérante à la fin des trois premiers trimestres de l’année 2016, qui n’incluaient pas les totaux des passifs des filiales absorbées. Il s’ensuit que le montant du total du passif de la
requérante comprenait l’intégralité du total des passifs de ces filiales, étant entendu que ce montant incluait également la totalité des dépôts couverts de la requérante au 31 décembre 2016, y compris la totalité des dépôts couverts desdites filiales (voir point 14 ci-dessus).
90 Il découle de ce qui précède que, dans le calcul du passif net de la requérante par le CRU, la première composante de cette opération, à savoir le calcul du total de son passif, s’est fondée entièrement sur la situation de la requérante à la suite de la fusion de 2016, tandis que l’autre composante de cette même opération, à savoir le calcul du montant de ses dépôts couverts, lequel devait ensuite être soustrait du total des passifs, s’est fondée en très grande partie sur la situation de la
requérante avant cette fusion. Dans ces conditions, et compte tenu de l’ampleur de la modification de tous ces passifs par la fusion de 2016, un tel calcul du passif net ne reflétait pas, d’une manière suffisamment précise, la taille de la requérante et, partant, le risque associé.
91 Il s’ensuit que le CRU n’a pas pris en compte tous les éléments pertinents du cas d’espèce dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation évoqué au point 74 ci-dessus afin de s’assurer que le calcul du passif net de la requérante respectait les exigences évoquées aux points 75 à 82 ci-dessus.
92 Par conséquent, le CRU a exercé son pouvoir d’appréciation, dont il disposait dans le cadre du calcul de la contribution annuelle de base de la requérante, d’une manière qui méconnaît l’article 4, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, tel qu’interprété conformément à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 et à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014 ainsi qu’au principe de bonne administration.
93 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation du CRU.
94 Premièrement, à supposer que, comme le prétend le CRU, il était obligé, en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, et des articles 5 et 16 du règlement délégué 2015/63, de tenir compte du montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, aux fins du calcul des passifs nets de la requérante, ces dispositions ne lui imposaient pas pour autant de prendre en compte des données relatives à des moments différents dans le cadre de ce calcul.
95 Deuxièmement, le CRU ne peut justifier l’application de la méthode exposée au point 63 ci-dessus par un souci d’assurer la cohérence de la méthode de calcul des passifs nets avec celle applicable à la détermination du niveau cible annuel.
96 En effet, à supposer même qu’une telle considération soit pertinente, il incombait au CRU, au regard des principes rappelés aux points 82 à 85 ci-dessus, de prendre en compte la situation spécifique de la requérante pour s’assurer que le calcul de son passif net reflétait sa taille d’une manière suffisamment précise.
97 Troisièmement, le CRU soutient que l’utilisation du montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, permet de lutter contre les abus de certaines mesures de comptabilité, les comportements opportunistes, les effets à court terme et les pics saisonniers.
98 Or, il n’est pas établi en quoi une telle circonstance serait de nature à empêcher le CRU de tenir compte du montant moyen des autres catégories des passifs, calculé trimestriellement, à condition que des données afférentes à ce montant aient été mises à sa disposition et que les conditions exposées au point 85 ci-dessus aient été remplies.
99 Eu égard à ce qui précède, il convient d’accueillir le premier moyen et d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle concerne la requérante, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens.
Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt
100 Le CRU demande au Tribunal de maintenir, en cas d’annulation de la décision attaquée, les effets de celle-ci jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle l’arrêt est devenu définitif, puisque la requérante restera obligée de contribuer au FRU, un remboursement dans l’attente de l’adoption d’une nouvelle décision étant inapproprié.
101 À cet égard, le CRU a précisé lors de l’audience qu’une annulation sans maintien des effets de la décision attaquée dans le temps risquerait de porter atteinte au bon fonctionnement du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63, puisqu’il convient de prendre en compte non seulement le montant de la contribution ex ante de la requérante, mais aussi toutes les contributions qui sont susceptibles d’être remboursées par le FRU dans des circonstances analogues.
102 La requérante a indiqué lors de l’audience qu’elle ne s’opposait pas à une éventuelle limitation dans le temps des effets de la décision attaquée si celle-ci était annulée par le Tribunal.
103 Aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, le juge de l’Union peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme étant définitifs. Pour exercer le pouvoir que lui confère cet article, le juge de l’Union prend en compte le respect du principe de sécurité juridique et d’autres intérêts publics ou privés (voir arrêt du 25 février 2021, Commission/Suède, C‑389/19 P, EU:C:2021:131, point 72 et jurisprudence citée ; voir également, en ce
sens, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 122).
104 Ainsi, l’article 264, second alinéa, TFUE a notamment été interprété comme permettant, pour des motifs de sécurité juridique, mais aussi pour des motifs visant à éviter une discontinuité ou une régression dans la mise en œuvre des politiques conduites ou soutenues par l’Union, de maintenir pour un délai raisonnable les effets d’un acte annulé (voir arrêt du 27 janvier 2021, Pologne/Commission, T‑699/17, EU:T:2021:44, point 61 et jurisprudence citée).
105 S’agissant plus particulièrement du domaine de la perception des contributions ex ante, le juge de l’Union a maintenu dans le temps les effets des actes annulés lorsque le remboursement de telles contributions, à la suite de ladite annulation, risquait de priver le FRU des moyens financiers qui pouvaient s’avérer nécessaires pour assurer la stabilité de la zone euro et la stabilité financière de l’Union. Cela pouvait être notamment le cas si le CRU était tenu de débourser, en plus du montant de
la contribution ex ante de l’établissement qui avait déposé le recours, les montants des contributions ex ante d’autres établissements ayant introduit un recours similaire en soulevant le même moyen que celui accueilli dans le recours en cause [voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 177, et du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022), T‑411/22, sous pourvoi, EU:T:2024:216, points 70
à 74].
106 En l’espèce, il convient de constater que, d’une part, le montant de la contribution ex ante que la requérante devrait se voir rembourser pour la période de contribution 2018, à la suite de l’annulation de la décision attaquée, est d’une ampleur limitée en comparaison avec le montant total des moyens financiers dont dispose le FRU.
107 D’autre part, interrogé lors de l’audience, le CRU n’a pas identifié d’autres affaires dans lesquelles des établissements, autres que la requérante, avaient introduit un recours similaire en se trouvant dans une situation comparable à celle de la présente affaire et en soulevant le même moyen que celui accueilli dans le présent recours.
108 Ainsi, rien n’indique que le CRU sera amené à débourser, en plus du montant limité de la contribution ex ante de la requérante, les montants des contributions ex ante d’autres établissements ayant introduit un recours similaire.
109 Par conséquent, il n’a pas été établi que l’annulation de la décision attaquée avec effet immédiat risquerait de porter atteinte à la stabilité de la zone euro et à la stabilité financière de l’Union.
110 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande du CRU de maintenir les effets de la décision attaquée en ce qu’elle concerne la requérante.
Sur les dépens
111 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CRU ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.
112 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) La décision SRB/ES/2022/46 du Conseil de résolution unique (CRU), du 8 août 2022, retirant la décision SRB/ES/SRF/2018/03 du CRU, du 12 avril 2018, relative aux contributions ex ante 2018 au Fonds de résolution unique, dans la mesure où elle concerne les établissements mentionnés à l’annexe I de la présente décision et calculant les contributions ex ante 2018 de ces établissements au Fonds de résolution unique, est annulée en ce qu’elle concerne de Volksbank NV.
2) Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par de Volksbank.
3) La Commission européenne supportera ses propres dépens.
Kornezov
Buttigieg
Hesse
Petrlík
Spangsberg Grønfeldt
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 février 2025
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.