ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)
9 avril 2025 ( *1 )
« Ressources propres de l’Union – Responsabilité financière des États membres – Obligation pour les États membres de mettre à la disposition de la Commission des ressources propres – Versement à la Commission des montants correspondant à des ressources propres non recouvrées – Droits à l’importation – Importations de produits textiles, de chaussures et de lunettes de soleil en provenance d’Asie – Valeur en douane – Absence de sous-évaluation – Absence d’obligation de constituer une garantie avant
mainlevée – Enrichissement sans cause de l’Union »
Dans l’affaire T‑329/23,
République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Vláčil et Mme L. Halajová, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mmes P. Němečková et M. Ilkova et par M. T. Materne, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),
composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. M. Jaeger, L. Madise, P. Nihoul et S. Verschuur (rapporteur), juges,
greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 24 septembre 2024,
vu le désistement partiel de la République tchèque parvenu au greffe du Tribunal le 20 décembre 2024,
vu la décision du 13 janvier 2025 de rouvrir la phase orale de la procédure,
vu les observations sur le désistement partiel déposées par la Commission le 28 janvier 2025,
vu la décision du 30 janvier 2025 de clore la phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 268 TFUE et l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, la République tchèque vise à obtenir la restitution de la somme de 60435306,39 couronnes tchèques (CZK) (environ 2409000 euros) versée au titre des ressources propres de l’Union européenne.
Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours
2 À partir du 1er janvier 2005, l’Union a supprimé tous les contingents applicables aux importations de produits textiles et d’habillement originaires de pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), y compris de Chine.
3 À la suite de cette suppression, l’Union a été exposée à une quantité très élevée d’importations de produits textiles et de chaussures en provenance d’Asie, et, notamment, de Chine, ainsi qu’à un risque de sous-évaluation de la valeur en douane desdites importations.
ACP Discount
4 En réponse au risque de sous-évaluation de la valeur en douane de certaines importations, l’opération de contrôle prioritaire dite « Discount » (ci-après l’« ACP Discount ») a été menée du 21 au 27 novembre 2011, puis du 12 au 18 décembre 2011, sous la coordination de la direction générale (DG) de la fiscalité et de l’union douanière de la Commission européenne, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes
communautaire (JO 1992, L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes communautaire »), alors applicable, selon lequel un cadre commun de gestion des risques, des critères communs ainsi que des domaines de contrôle prioritaires devaient être déterminés selon la procédure de comité. Une opération de contrôle prioritaire était une action commune des États membres qui prévoyait des contrôles douaniers plus approfondis sur une thématique particulière en utilisant les mêmes profils de risque dans tous
les États membres concernés pendant une période donnée.
5 L’ACP Discount, à laquelle tous les États membres avaient souscrit, visait les importations de certains produits textiles, de chaussures et de lunettes de soleil en provenance de Chine, de la Thaïlande et du Vietnam présentant une valeur en douane faible.
6 Dans le cadre de l’ACP Discount, un plan opérationnel a été établi, lequel fixait des seuils de risque permettant aux autorités douanières des États membres de détecter les valeurs particulièrement faibles déclarées à l’importation et, par conséquent, les importations présentant un risque important de sous-évaluation de leur valeur en douane (ci-après le « plan opérationnel de l’ACP Discount »).
7 Ainsi, vingt codes du tarif intégré de l’Union européenne (ci-après les « codes TARIC ») pour les produits textiles et les chaussures et deux codes TARIC pour les lunettes de soleil avaient été sélectionnés et, pour chacun de ces codes TARIC, un « prix moyen corrigé » (ci-après le « PMC ») avait été déterminé par la Commission.
8 Les PMC, exprimés en prix au kilogramme, ont été calculés sur la base des prix à l’importation dans l’Union des marchandises relevant des codes TARIC couvrant une période de 48 mois, tels qu’extraits de Comext, la base de données de référence pour les statistiques détaillées du commerce international des biens, gérée par l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat).
9 Ensuite, une moyenne a été calculée pour toute l’Union sur la base de la moyenne arithmétique, c’est-à-dire non pondérée, des PMC constatés dans l’ensemble des États membres. Dans le cadre de ce calcul, les valeurs anormalement élevées ou faibles ont été exclues.
10 Enfin, le « prix minimal acceptable » (ci-après le « PMA »), correspondant à 50 % des PMC, a été calculé et utilisé comme seuil de risque.
Lignes directrices de l’ACP Discount
11 Le plan opérationnel de l’ACP Discount comportait, dans son annexe 2, des « lignes directrices pour prévenir et détecter les irrégularités (sous-évaluation) dans les importations de produits textiles et de chaussures » (ci-après les « lignes directrices de l’ACP Discount »).
12 Les lignes directrices de l’ACP Discount prévoyaient les procédures de vérification et de contrôles physiques à effectuer par les autorités douanières en cas de doutes quant à la valeur en douane déclarée, en particulier lorsque celle‑ci était inférieure au PMA (voir point 5 desdites lignes directrices).
13 Selon le point 7 des lignes directrices de l’ACP Discount, les doutes quant à la valeur en douane déclarée pouvaient être dissipés si les autorités douanières disposaient de connaissances préalables sur la fiabilité du déclarant.
14 En revanche, lorsque les autorités douanières ne disposaient pas d’une telle connaissance, celles-ci devaient vérifier les documents pertinents et inspecter la nature des marchandises, incluant la prise d’échantillons au hasard (voir point 8 des lignes directrices de l’ACP Discount).
15 En outre, il était prescrit que, dans la mesure où l’inspection (pour déterminer la nature des marchandises) ne dissipait pas les doutes raisonnables ayant pu naître, un échantillon de chaque poste figurant sur la déclaration en douane devait être prélevé. Or, s’il était impossible de prélever un échantillon sans détruire la marchandise, aucun échantillon ne devait être prélevé et la qualité de la marchandise devait être documentée aussi précisément que possible et étayée autant que possible par
des photographies (voir point 8 des lignes directrices de l’ACP Discount).
16 Si des doutes persistaient après cet examen, les autorités douanières devaient contacter le déclarant par téléphone afin de continuer la vérification des déclarations. Si, lors de la conversation téléphonique, le déclarant exprimait la volonté de libérer les marchandises, une garantie devait être constituée. Le montant d’une telle garantie devait être fondé sur le montant total des droits à l’importation susceptibles d’être dus (voir point 9 des lignes directrices de l’ACP Discount).
17 Le point 11 des lignes directrices de l’ACP Discount a dressé une liste des documents supplémentaires que les autorités douanières étaient tenues de demander pour la suite des vérifications. Il s’agissait, notamment, de contrats, de reçus de frais de transport et d’assurance ou de commandes.
18 Le point 12 des lignes directrices de l’ACP Discount a énuméré différentes circonstances qui devaient être prises en compte afin d’évaluer si, malgré les documents supplémentaires et explications fournis par le déclarant, des doutes raisonnables persistaient, tels que le fait que l’importateur fût incapable de fournir une explication raisonnable pour le faible prix facturé ou qu’il ne fût pas disponible pour un examen.
19 Dans l’hypothèse où de tels doutes persistaient ou en cas d’absence de réponse, les autorités douanières devaient fournir un avis écrit à l’importateur en indiquant les motifs justifiant la persistance de leurs doutes et en réclamant une réponse dans un délai raisonnable (voir point 13 des lignes directrices de l’ACP Discount).
20 Lorsque les informations et documents supplémentaires ne parvenaient toujours pas à dissiper les doutes, la valeur en douane déclarée ne pouvait être appliquée et la valeur en douane devait être déterminée conformément à l’une des méthodes secondaires prévues par l’article 30, paragraphe 2, ou par l’article 31 du code des douanes communautaire par la voie d’une décision adoptée par les autorités douanières et transmise à l’importateur dans les meilleurs délais (voir points 14 et 15 des lignes
directrices de l’ACP Discount).
Procédure précontentieuse
21 Du 10 au 14 novembre 2014, la Commission a effectué une mission d’inspection en République tchèque relative à la mise en œuvre par cette dernière de l’ACP Discount.
22 À la suite de cette mission, la Commission a transmis aux autorités tchèques, par lettre du 3 février 2015, le rapport no 14‑25‑1, relatif aux résultats du contrôle des ressources propres traditionnelles effectué en République tchèque du 10 au 14 novembre 2014.
23 Dans ledit rapport, la Commission a émis des réserves sur la mise en œuvre de l’ACP Discount par la République tchèque. Ainsi, elle a conclu qu’il n’y avait pas eu de contrôle efficace de toutes les déclarations en douane concernées par l’ACP Discount et que toutes les marchandises avaient fait l’objet d’une mainlevée sans demande de garantie au titre de l’article 248 du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du code des douanes
communautaire (JO 1993, L 253, p. 1), bien qu’il y ait eu des doutes raisonnables sur l’existence d’une sous-évaluation de la valeur en douane desdites marchandises. Selon la Commission, cela avait eu pour conséquence une perte de ressources propres traditionnelles de l’Union dont les autorités tchèques étaient responsables, laquelle était égale à la différence entre le droit en douane calculé sur la base de la valeur en douane déclarée et celui calculé sur la base du PMA.
24 Il s’est ensuivi entre 2015 et 2022 des échanges entre la République tchèque et la Commission, à l’occasion desquels la première a transmis à la seconde les éléments de preuve qu’elle avait demandés, laquelle ne les a toutefois pas acceptés. À plusieurs reprises, la Commission a insisté pour que la République tchèque mette à la disposition du budget de l’Union, dans un premier temps, la différence entre le droit en douane calculé sur la base de la valeur en douane déclarée et le droit calculé sur
la base du PMA, puis, à partir de 2017, la différence entre le droit en douane calculé sur la base de la valeur en douane déclarée et le droit calculé sur la base du PMC (au lieu du PMA).
25 Le 15 juin 2018 et le 20 décembre 2022, bien qu’elle s’y soit opposée à plusieurs reprises, la République tchèque a, sous conditions, mis à la disposition du budget de l’Union, les montants de 28307935,78 CZK (environ 1128000 euros) et de 33444448,24 CZK (environ 1334000 euros). Le 22 juin 2020, un montant de 641306,81 CZK (environ 26000 euros) a fait l’objet d’une compensation en faveur de la République tchèque.
26 Le 15 juin 2023, la République tchèque a introduit le présent recours fondé sur un enrichissement sans cause de l’Union.
Faits postérieurs à l’introduction du recours
27 Un règlement amiable étant intervenu entre la Commission et la République tchèque en ce qui concerne le quatrième moyen soulevé dans la requête, lequel était relatif à une application d’un taux de change EUR/CZK incorrect, la Commission, par lettre du 12 décembre 2024, a accepté que soit restitué à la République tchèque un montant de 675770,82 CZK (environ 27000 euros).
28 En conséquence, par courrier du 20 décembre 2024, la République tchèque a informé le Tribunal qu’elle se désistait du quatrième moyen et qu’elle demandait désormais la restitution de la somme de 60435306,39 CZK au lieu de 61111071,21 CZK.
29 Par courrier du 28 janvier 2025, la Commission a informé le Tribunal n’avoir aucune objection audit désistement partiel.
Conclusions des parties
30 À la suite d’un désistement partiel, la République tchèque conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– condamner la Commission à lui restituer la somme de 60435306,39 CZK versée au titre des ressources propres de l’Union ;
– condamner la Commission aux dépens.
31 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
32 À l’appui de son recours et à la suite de son désistement partiel, la République tchèque invoque trois moyens. Dans le cadre du premier moyen, elle fait valoir qu’elle a effectué des contrôles douaniers efficaces, de sorte qu’elle pouvait accepter la valeur en douane déclarée des marchandises concernées par l’ACP Discount et procéder à leur mainlevée sans exiger la constitution d’une garantie. Dans le cadre du deuxième moyen, la République tchèque soutient que, dans l’hypothèse où le Tribunal
estimerait qu’elle ne pouvait pas accepter la valeur en douane déclarée des marchandises concernées par l’ACP Discount, la valeur statistique ne pouvait pas être utilisée pour estimer la valeur en douane desdites marchandises. Enfin, dans le cadre du troisième moyen, la République tchèque invoque, en tout état de cause, le fait que le PMC ne pouvait pas être utilisé pour estimer la valeur en douane.
33 La Commission conteste les arguments de la République tchèque.
Observations liminaires
Sur l’objet du recours et les conditions d’une action fondée sur l’enrichissement sans cause
34 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le présent litige concerne une action indemnitaire au titre de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, fondée sur un enrichissement sans cause, qui, en l’espèce, serait dû au fait que le montant des ressources propres de l’Union aurait augmenté sans cause du montant réclamé par la République tchèque, qui estime s’être appauvrie corrélativement sans que cet appauvrissement trouve sa justification dans une disposition légale.
35 À cet égard, le quantum correspondant à l’appauvrissement et l’enrichissement éventuels n’est pas contesté entre les parties.
36 Il convient dès lors de vérifier si le versement du montant en cause trouve une justification légale dans le droit de l’Union.
37 Dans ce cadre, afin d’apprécier le bien-fondé des arguments de la République tchèque, il convient de rappeler les règles de preuve applicables à une action indemnitaire fondée sur l’enrichissement sans cause de l’Union.
38 Selon la jurisprudence de la Cour, dans le cadre d’une action de cette nature, introduite par un État membre ayant mis à la disposition de la Commission un montant de ressources propres de l’Union en formulant des réserves à l’égard du bien-fondé de la position de cette dernière, il appartient au Tribunal d’apprécier, notamment, si l’appauvrissement de l’État membre ayant la qualité de partie requérante, correspondant à la mise à la disposition de la Commission de ce montant, et l’enrichissement
corrélatif de cette dernière trouvent leur justification dans les obligations qui s’imposent audit État membre en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres de l’Union ou sont, au contraire, dénués d’une telle justification (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 83).
39 Ainsi, il incombe à l’État membre qui a la qualité de partie requérante de démontrer qu’il n’était pas tenu, en vertu des règles de l’Union régissant le système des ressources propres, de mettre à la disposition de la Commission le montant de ressources propres faisant l’objet du litige et qu’il s’est conformé aux obligations qui lui incombent à ce titre. La charge de la preuve qui pèse ainsi sur l’État membre n’a toutefois pas comme conséquence que la Commission peut se limiter à énoncer, de
façon générale et sans éléments de preuve à l’appui, que les éléments soulevés dans ce cadre par l’État membre ne suffisent pas.
Sur le système des ressources propres de l’Union
40 En l’état actuel du droit de l’Union, la gestion du système des ressources propres est confiée aux États membres et relève de la seule responsabilité de ces derniers [arrêts du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 62, et du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 345].
41 Ainsi, il résulte de l’article 8, paragraphe 1, de la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2007, L 163, p. 17), que les ressources propres de l’Union visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de ladite décision sont perçues par les États membres et que ceux-ci ont l’obligation de mettre ces ressources à la disposition de la Commission.
42 À cette fin, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 6 du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO 2000, L 130, p. 1), alors applicable, les États membres devaient, dès que les conditions prévues par la réglementation douanière pour la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable étaient remplies, constater un droit de
l’Union sur les ressources propres et reprendre celui-ci dans la comptabilité concernée. Ainsi qu’il ressortait des articles 217 et 218 du code des douanes communautaire, lesdites conditions étaient remplies lorsque les autorités douanières disposaient des éléments nécessaires et, partant, étaient en mesure de calculer le montant des droits qui résultait d’une dette douanière et de déterminer le débiteur concerné (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 novembre 2005, Commission/Danemark,
C‑392/02, EU:C:2005:683, points 57 à 59).
43 Ensuite, les États membres devaient mettre les ressources propres de l’Union à la disposition de la Commission dans les conditions fixées aux articles 9 à 11 du règlement no 1150/2000, en les inscrivant, dans le respect des délais prévus, au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de cette institution.
44 À cet égard, en vertu de l’article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1150/2000, les États membres étaient tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 de ce règlement soient mis à la disposition de la Commission. En cas de prise de mesures insuffisantes, l’État membre aurait été tenu de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres perdues.
Sur les obligations des États membres en vertu de la réglementation douanière
45 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la réglementation douanière vise à établir un système équitable, uniforme et neutre qui exclut l’utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives (voir arrêt du 16 juin 2016, EURO 2004. Hungary, C‑291/15, EU:C:2016:455, point 23 et jurisprudence citée).
46 Notamment, en vertu de l’article 29 du code des douanes communautaire, la valeur en douane des marchandises importées était constituée par leur valeur transactionnelle, à savoir le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles étaient vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de l’Union, qui devait refléter la valeur économique réelle d’une marchandise importée (voir arrêt du 16 juin 2016, EURO 2004. Hungary, C‑291/15, EU:C:2016:455, points 24 et 26
et jurisprudence citée).
47 Or, lorsque la valeur en douane ne pouvait pas être déterminée, en vertu de l’article 29 du code des douanes communautaire, par la valeur transactionnelle des marchandises importées, l’évaluation en douane était effectuée conformément aux dispositions de l’article 30 de ce code, par application, successivement et dans un lien de subsidiarité entre elles, des méthodes prévues à l’article 30, paragraphe 2, sous a) à d), de ce code, ainsi que de l’article 31 du même code (voir arrêt du 16 juin 2016,
EURO 2004. Hungary, C‑291/15, EU:C:2016:455, points 27 à 29 et jurisprudence citée).
48 En outre, l’article 13, paragraphe 1, du code des douanes communautaire disposait que les autorités douanières pouvaient effectuer, conformément aux conditions fixées par les dispositions en vigueur, tous les contrôles qu’elles jugeaient nécessaires pour garantir l’application correcte de la réglementation douanière et des autres dispositions législatives régissant l’entrée, la sortie, le transit, le transfert et la destination particulière des marchandises circulant entre le territoire douanier
de l’Union et des pays tiers.
49 À cet égard, l’article 248, paragraphe 1, du règlement no 2454/93 a prévu que la mainlevée des marchandises concernées était octroyée par les autorités douanières, en principe, sur la base de la valeur transactionnelle au sens de l’article 29 du code des douanes communautaire, à savoir sur la base des droits à l’importation déterminés d’après les énonciations de la déclaration. Toutefois, lorsque les autorités douanières estimaient que les contrôles qu’elles avaient entrepris pouvaient conduire à
la détermination d’un montant de droits supérieur à celui résultant desdites énonciations, elles exigeaient la constitution d’une garantie suffisante pour couvrir la différence entre le montant résultant des mêmes énonciations et celui dont les marchandises pouvaient en définitive être passibles. Cependant, les États membres étaient tenus de restituer ladite garantie lorsque les vérifications et contrôles supplémentaires effectués par les autorités douanières n’avaient pas mené à la détermination
d’un montant de droits supérieur à celui résultant des énonciations de la déclaration.
50 Il s’ensuivait que, dans la réalisation des contrôles en vertu l’article 13, paragraphe 1, du code des douanes communautaire et dans l’exigence d’une garantie qu’ils jugeaient nécessaire en vertu l’article 248, paragraphe 1, du règlement no 2454/93, les États membres disposaient d’une certaine latitude et liberté de choix quant aux mesures devant être prises en ce qui concernait, notamment, la manière d’utiliser les moyens dont ils disposaient. Toutefois, cette latitude ou cette liberté de choix
étaient limitées par le principe d’effectivité, lequel imposait que les mesures prises soient efficaces et dissuasives, sous réserve toutefois du respect nécessaire des droits fondamentaux garantis par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et des principes généraux du droit de l’Union [arrêt du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 213].
51 En effet, la portée du principe d’effectivité, en ce que ce dernier s’applique à l’obligation spécifique incombant aux États membres en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE de garantir le prélèvement effectif et intégral des ressources propres de l’Union que constituent les droits de douane, ne peut être déterminée de manière abstraite et statique dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de l’activité concernée [voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte
contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 220].
52 Enfin, il convient de rappeler que la présente affaire concerne la mise en œuvre, par la République tchèque, de l’ACP Discount, dans le cadre de laquelle les États membres et la Commission avaient établi un plan opérationnel, lequel prescrivait les profils et les seuils de risque devant alerter les États membres lors des vérifications des valeurs en douane déclarées des marchandises spécifiquement ciblées par ledit plan et comportait, dans son annexe 2, des lignes directrices prévoyant les
procédures de vérification et de contrôles physiques en cas de doutes quant à la valeur en douane déclarée, en particulier lorsque celle-ci était inférieure, voire bien inférieure, au PMA (voir point 12 ci‑dessus). Ainsi, il incombait aux autorités douanières tchèques d’accomplir les démarches prévues par les lignes directrices et, après avoir accompli chacune d’entre elles, d’apprécier, sur la base des informations émanant de leurs agents ou des déclarants, si elles pouvaient raisonnablement
abandonner leurs doutes, en tenant compte de ce qui était réalisable en faisant une utilisation efficace des ressources dont elles disposaient.
Sur les premier et deuxième moyens, relatifs aux contrôles effectués par les autorités douanières tchèques et à l’utilisation de la valeur statistique comme valeur en douane
53 À titre liminaire, il convient de constater que les parties ne contestent pas que l’Union s’est enrichie par un appauvrissement corrélatif de la République tchèque, puisque cet État membre a payé le montant litigieux alors même qu’il était en désaccord avec la Commission quant à son obligation de le faire.
54 Selon la Commission, l’appauvrissement de la République tchèque est toutefois justifié, car il résulte d’une méconnaissance, par cette dernière, de l’article 13, paragraphe 1, du code des douanes communautaire et de l’article 248, paragraphe 1, du règlement no 2454/93.
55 La République tchèque, de son côté, fait valoir, dans le cadre du premier moyen, qu’aucune violation desdites dispositions n’a eu lieu, dès lors que ses autorités douanières ont réalisé des contrôles suffisants conformément aux dispositions en vigueur en vertu du plan opérationnel et des lignes directrices de l’ACP Discount. En outre, lesdits contrôles auraient montré que les marchandises concernées étaient d’une qualité tellement mauvaise que leur valeur en douane déclarée pouvait être acceptée
et leur mainlevée pouvait être ordonnée sans demande de constitution d’une garantie.
56 Il en résulte, au vu des principes énoncés aux points 34 à 51 ci‑dessus, qu’il convient d’examiner si les contrôles effectués par la République tchèque au titre de l’article 13, paragraphe 1, du code des douanes communautaire pouvaient être considérés comme suffisants à la lumière du principe d’effectivité prévu à l’article 325, paragraphe 1, TFUE, de sorte qu’il lui était permis de procéder à la mainlevée des marchandises concernées, sans exiger la constitution d’une garantie telle que prévue
par l’article 248, paragraphe 1, du règlement no 2454/93.
57 À cet égard, il convient de rappeler que les lignes directrices de l’ACP Discount prévoyaient des procédures de vérification et de contrôles physiques lorsque les autorités douanières avaient des doutes quant à savoir si la valeur en douane déclarée reflétait le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises, notamment lorsque la valeur en douane était inférieure au PMA (voir point 12 ci-dessus).
58 En l’espèce, il est constant entre les parties qu’il existait de tels doutes, dès lors que le présent litige vise 544 postes de marchandises ayant été repris sur 370 déclarations en douane dont la valeur en douane déclarée était inférieure au PMA.
Sur les contrôles effectués par les autorités douanières tchèques
59 Quant aux contrôles effectués par ses autorités douanières en raison des doutes portant sur la valeur en douane déclarée, la République tchèque rapporte, premièrement, la preuve de la réalisation d’un contrôle physique de l’ensemble des marchandises concernées par les 544 postes et les 370 déclarations en douane susmentionnés, en produisant, dans la plupart des cas, les rapports d’inspection s’y rapportant et, dans les autres cas, un document extrait du système informatique de l’administration
douanière relatif à la réalisation du contrôle. De ces documents, il ressort que l’ensemble des marchandises a été soumis à un contrôle portant sur les caractéristiques des marchandises concernées.
60 Deuxièmement, la République tchèque produit, en guise d’exemple, les copies de certaines déclarations en douane, lesquelles sont accompagnées de photos des marchandises concernées, présentant visiblement des défauts, ainsi que de procès-verbaux, de documents contractuels et de rapports d’inspection, lesquels confirment la qualité faible à très faible desdites marchandises.
61 Troisièmement, la République tchèque produit des déclarations sous serment de plusieurs agents de ses autorités douanières qui ont participé aux contrôles dans divers bureaux de douane en novembre et en décembre 2011. Dans ces déclarations, il est indiqué qu’un contrôle systématique et régulier des marchandises importées a été effectué, lequel portait sur toutes les caractéristiques des marchandises, telles que le type, la valeur, la quantité, la contrefaçon et les dommages. Ces contrôles
auraient montré que les marchandises contrôlées étaient de mauvaise qualité, en ce qui concerne, par exemple, les tissus, parfois moisis ou faussement étiquetés, la confection, les marchandises présentant par exemple des coutures inégales, ou le fait que les conteneurs de chaussures dégageaient des odeurs chimiques désagréables à leur ouverture. Lesdits agents ont également indiqué que, selon eux, les marchandises correspondaient à la valeur déclarée.
62 Quatrièmement, s’agissant de l’allégation de la Commission selon laquelle des échantillons auraient dû être prélevés sur chaque envoi, la République tchèque a expliqué, lors de l’audience, que, conformément au point 8 des lignes directrices de l’ACP Discount, un échantillon de chaque poste figurant sur les déclarations en douane avait été prélevé, ce que finalement la Commission n’a pas contesté.
63 Cinquièmement, la République tchèque fait valoir que, dans tous les cas, les déclarants ont coopéré avec les autorités douanières et ont fourni des documents à l’appui de la valeur en douane déclarée, tels que des factures, des documents d’assurance, des listes de colisage, des contrats de vente et des documents de transfert de fonds, c’est-à-dire des preuves du prix réellement payé.
64 Sixièmement, la République tchèque indique que les documents présentés par les déclarants ne contenaient pas d’irrégularités ou de contradictions, étaient valables tant du point de vue juridique que comptable et établissaient la valeur en douane déclarée.
65 Enfin, la République tchèque indique que les frais d’expédition et les valeurs assurées des marchandises par rapport à la valeur en douane déclarée ne soulevaient pas de doutes quant à la question de savoir si cette dernière reflétait le prix effectivement payé.
66 Au vu de ce qui précède, il convient de constater que la République tchèque a adopté la quasi-totalité des mesures prévues dans les lignes directrices de l’ACP Discount. Dans ce cadre, lors de l’audience, la Commission a admis que les dossiers d’inspection étaient complets et qu’elle n’était pas en mesure d’identifier des documents qui auraient manqué.
67 À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, que les lignes directrices de l’ACP Discount décrivaient la façon dont les États membres et la Commission estimaient que les autorités douanières auraient dû agir lorsqu’elles étaient confrontées à des importations volumineuses de certaines marchandises provenant d’Asie et présentant une valeur en douane faible, voire extrêmement faible (voir points 4 et 12 ci‑dessus) et, d’autre part, que lesdites autorités douanières disposaient d’une marge de
manœuvre lorsqu’elles procédaient aux vérifications et contrôles des marchandises concernées (voir point 50 ci‑dessus).
68 Or, il convient de constater que, tout au long de la procédure précontentieuse et du présent recours, la Commission n’a pas fourni d’éléments concrets dont il découlerait que les contrôles physiques et documentaires effectués par la République tchèque n’étaient pas conformes au principe d’effectivité (voir point 50 ci-dessus), malgré leur conformité avec les lignes directrices de l’ACP Discount et compte tenu de la marge de manœuvre dont disposaient les autorités douanières tchèques dans le choix
des contrôles qu’elles estimaient appropriés en l’espèce.
69 Dans ce cadre, il convient également de rejeter l’argument soulevé par le Commission lors de l’audience, selon lequel la rigueur des contrôles effectués par la République tchèque serait remise en cause par le fait que cette dernière n’avait rejeté la valeur en douane déclarée d’aucune des marchandises contrôlées, même si celle-ci était inférieure au seuil de risque. En effet, sur ce point également, la Commission omet d’indiquer quelles autres mesures auraient pu être prises par les autorités
douanières tchèques pour déterminer si la valeur en douane déclarée correspondait au prix effectivement payé.
Sur le contexte spécifique de la présente affaire
70 Malgré l’exhaustivité des contrôles effectués par les autorités douanières tchèques, la Commission fait valoir que, au vu du contexte spécifique de la présente affaire, la République tchèque ne pouvait pas se contenter des vérifications et contrôles effectués et aurait dû continuer à avoir des doutes sur la valeur en douane déclarée et ne pas ordonner la mainlevée des marchandises concernées sans demander la constitution d’une garantie.
71 Dans ce cadre, la Commission invoque plusieurs éléments.
72 Premièrement, elle affirme que, grâce aux mesures prises dans le cadre des opérations « Draper » en 2009 et « TRICK » en 2010, lesquelles visaient des textiles sous-évalués importés de Chine, les autorités douanières tchèques connaissaient, à l’époque de l’ACP Discount, la manière dont les fraudeurs utilisaient des documents falsifiés pour sous-évaluer les marchandises, de sorte qu’elles n’auraient pas pu accepter la valeur en douane déclarée.
73 À cet égard, il convient de constater, à l’instar de la République tchèque, que les opérations « Draper » en 2009 et « TRICK » en 2010 avaient été menées sur la base de soupçons concrets de fraude, qui avaient permis aux autorités tchèques d’avoir recours aux techniques opératoires disponibles dans le cadre d’une procédure pénale (écoutes téléphoniques, enregistrements vidéos, filatures), ce qui ne saurait toutefois s’appliquer en l’espèce. En effet, comme la République tchèque le fait valoir
sans être contestée par la Commission, dans le cadre de la présente affaire, il n’y avait aucune indication concrète de fraude qui aurait permis le recours à de telles méthodes d’enquête.
74 Deuxièmement, la Commission fait référence à des événements ultérieurs à l’ACP Discount qui seraient révélateurs d’un manque d’efficacité des contrôles effectués lors de l’ACP Discount. Notamment, la Commission invoque des mesures mises en place par les autorités tchèques à partir de mars 2012 et la circonstance que, à partir d’avril 2015, les valeurs en douane moyennes en République tchèque avaient atteint la moyenne de l’Union.
75 À cet égard, il convient de relever que des événements qui ont eu lieu à partir de mars 2012 et d’avril 2015 ne sauraient être pris en compte lors de l’examen du caractère suffisant des contrôles effectués par les autorités douanières tchèques dans le cadre de l’ACP Discount pendant les mois de novembre et de décembre 2011. Cet examen doit en effet être effectué en tenant compte du contexte factuel de l’époque ainsi que des informations qui étaient accessibles aux autorités douanières tchèques à
ce moment‑là.
76 Par ailleurs, s’agissant des mesures prises par la République tchèque en mars 2012, il convient de noter que celles-ci concernaient la mise en œuvre d’une méthode permettant d’établir des profils de risque fondés sur la valeur moyenne des marchandises similaires récemment importées en République tchèque, qui étaient plus précis et ciblés que ceux de l’ACP Discount, ces derniers étant calculés sur la base des prix à l’importation dans toute l’Union de marchandises relevant de certains codes TARIC
qui n’étaient pas nécessairement semblables aux produits faisant l’objet du contrôle douanier en cause.
77 Or, comme la République tchèque l’indique sans être contestée par la Commission, lors de l’ACP Discount, les autorités douanières tchèques disposaient déjà de données sur des marchandises identiques ou similaires récemment importées en République tchèque. Sur cette base, lesdites autorités ont comparé la valeur en douane desdites marchandises avec celle des marchandises concernées par l’ACP Discount, de sorte que le recours à ladite méthode, mise en œuvre en mars 2012, n’aurait pas abouti à un
résultat différent.
78 Enfin, s’agissant de l’évolution des valeurs en douane moyennes à partir du mois d’avril 2015 en République tchèque, cette dernière indique, sans être contestée par la Commission, que, à cette époque, la Commission a commencé à donner accès aux États membres à sa propre base de données et que la coopération internationale et l’échange d’informations avec la Chine avaient été améliorés. La République tchèque fait, dans ce cadre, référence à ANEX CZ s.r.o., société mentionnée par la Commission dans
le mémoire en défense en raison des importations frauduleuses qu’elle aurait réalisées en 2013 et en 2014, et explique que les autorités chinoises avaient fourni des informations qui avaient permis aux autorités tchèques de découvrir le caractère frauduleux de certaines factures.
79 Ainsi, la disponibilité accrue de données pertinentes, et non la poursuite de contrôles et de vérifications, aurait permis aux autorités douanières tchèques d’être plus efficaces dans la détection des importations sous-évaluées avant 2015, mais elles ne disposaient pas de telles données lors de l’ACP Discount.
80 Troisièmement, la Commission fait valoir que, étant donné que le prix mondial au kilogramme du t-shirt de coton pendant l’ACP Discount s’élevait à 12,77 euros et que le prix moyen à l’unité était dès lors de 1,50 euro, le prix moyen indiqué dans les déclarations en douane, qui s’élevait à moins de 0,15 euro, ne pouvait correspondre à la valeur réelle d’un t-shirt.
81 À cet égard, il convient de constater que la comparaison faite par la Commission n’est pas utile pour déterminer si la valeur en douane déclarée reflétait le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises concernées. En effet, une telle comparaison aurait pu, tout au plus, être utilisée comme un indicateur de risque, qui aurait donné lieu à des contrôles plus approfondis, à l’instar du PMA. Or, dans la mesure où les autorités douanières avaient procédé à des vérifications et contrôles
physiques de toutes les marchandises dont la valeur en douane déclarée était inférieure au PMA, le fait que ladite valeur de ces marchandises fût également inférieure au prix moyen mondial du coton à l’unité n’a aucune pertinence.
Sur la pertinence de la valeur statistique comme base pour estimer la valeur en douane
82 Au vu de ce qui précède, la substance de l’argumentation de la Commission consiste à considérer que, tant que la valeur en douane déclarée est inférieure au PMA, elle ne saurait être acceptée et, par conséquent, la constitution d’une garantie doit être demandée par les autorités nationales avant la mainlevée.
83 Or, une telle hypothèse selon laquelle toute valeur en douane inférieure au PMA doit en principe être rejetée, quelle que soit l’ampleur des doutes subsistant, ou non, après des vérifications et contrôles effectués par les autorités douanières, méconnaîtrait la marge de manœuvre dont jouissent les États membres en effectuant des contrôles douaniers (voir point 50 ci-dessus) et la réglementation douanière qui prévoit une procédure spécifique en cas de remise en cause de la valeur en douane
déclarée (voir points 47 à 89 ci-dessous).
84 Ainsi, comme l’a reconnu la Commission lors de l’audience, une valeur statistique, telle que le PMA, peut uniquement être utilisée comme un outil d’analyse de risque, c’est-à-dire un outil permettant de détecter sur la base de profils de risque les importations susceptibles d’être sous‑évaluées et pour lesquelles des vérifications sont nécessaires, et non pour déterminer leur valeur en douane [voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la
sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 373].
Sur les possibilités réelles des autorités douanières tchèques de déterminer une valeur en douane plus élevée
85 Enfin, à supposer même que, comme la Commission le fait valoir, les autorités douanières tchèques aient dû déterminer la valeur en douane selon les méthodes secondaires prévues aux articles 30 et 31 du code des douanes communautaire, il convient d’examiner si, par l’application d’une telle méthode, lesdites autorités auraient pu arriver à une valeur douanière plus élevée que la valeur transactionnelle en vertu de l’article 29 du code des douanes communautaire et si, par conséquent, la
constitution d’une garantie avant la mainlevée des marchandises concernées aurait contribué à la protection des intérêts financiers de l’Union (voir point 49 ci-dessus).
86 Dans ce cadre, il convient de rappeler que l’objectif d’une garantie est de permettre aux autorités douanières, d’une part, d’autoriser la mainlevée des marchandises tout en continuant l’examen de ces dernières et de la documentation les accompagnant et, d’autre part, d’éviter qu’une dette douanière potentielle résultant d’un tel examen ne soit plus recouvrée.
87 Il s’ensuit que c’est seulement dans l’hypothèse où les autorités douanières d’un État membre disposent des éléments leur permettant de calculer un montant de droits en douane supérieur à celui perçu sur la base de la valeur en douane déclarée et, dès lors, de constater un droit supplémentaire de ressources propres au bénéfice de l’Union (voir point 42 ci‑dessus) que la constitution d’une garantie contribue à la protection des intérêts financiers de l’Union.
88 À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, si, à la suite d’un contrôle et d’une demande d’informations complémentaires, les autorités douanières nourrissaient toujours des doutes raisonnables quant à la valeur des marchandises déclarée, les empêchant d’accepter celles‑ci sur la base de l’article 29 du code des douanes communautaire, elles pouvaient recourir à l’une des méthodes secondaires prévues à l’article 30, paragraphe 2, sous a) à d), du code des douanes communautaire
pour déterminer la valeur des marchandises. Ces méthodes secondaires devaient être appliquées, successivement et dans un lien de subsidiarité entre elles (voir point 47 ci-dessus), et consistaient, notamment, comme prévu à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), dudit règlement, en la détermination de la valeur sur la base de la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou similaires importées au même moment.
89 Si, à ce stade, il n’était toujours pas possible de déterminer la valeur en douane des marchandises, la « méthode résiduelle » (fall-back) devait être appliquée, conformément à l’article 31 du code des douanes communautaire.
90 Or, il convient de constater qu’il ressort du dossier que, quand bien même elles pensaient ne pas y être obligées dès lors qu’elles estimaient que la valeur en douane déclarée pouvait être acceptée conformément à l’article 29 du code des douanes communautaire, les autorités douanières tchèques ont comparé la valeur en douane déclarée avec des importations récentes de marchandises du même type et de même qualité (voir point 77 ci-dessus). Comme la République tchèque l’indique sans être contestée
par la Commission, cette comparaison a montré que l’application d’une des méthodes secondaires prévues à l’article 30, paragraphe 2, sous a) ou b), du code des douanes communautaire n’aurait pas permis aux autorités douanières tchèques d’atteindre une valeur en douane plus élevée pour les marchandises concernées par l’ACP Discount que celle déclarée au sens de l’article 29 du code des douanes communautaire.
91 Enfin, à supposer même, ainsi que l’invoque la Commission, que lesdites marchandises n’aient pas été susceptibles d’être prises en compte comme élément de comparaison dans le cadre de l’application de l’article 30, paragraphe 2, sous a) ou b), du code des douanes communautaire en raison de leur faible valeur en douane, inférieure au PMA, il convient d’examiner si l’application de la méthode résiduelle, conformément à l’article 31 du code des douanes communautaire, aurait permis aux autorités
douanières tchèques d’atteindre une valeur en douane plus élevée.
92 En effet, selon cette méthode, la valeur en douane était déterminée sur la base des données disponibles dans l’Union, par des moyens raisonnables compatibles avec les principes et les dispositions générales énumérés à l’article 31 du code des douanes communautaire.
93 À cet égard, il convient de rappeler que, comme l’a reconnu la Commission lors de l’audience, une valeur statistique, telle que le PMA, ne sert pas à déterminer la valeur en douane des marchandises (voir point 84 ci-dessus), pas même dans le cadre de la détermination de la valeur selon la méthode résiduelle.
94 Par conséquent et étant donné que l’utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives était exclue par l’article 30, paragraphe 2, du code des douanes communautaire et par la jurisprudence (voir point 45 ci-dessus), il convient de constater que le dossier ne comporte pas d’éléments permettant de conclure que l’application de la méthode résiduelle au sens de l’article 31 du code des douanes communautaire aurait abouti à la perception d’un montant supplémentaire de droits de douane et ainsi
de ressources propres de l’Union.
Conclusion
95 Au vu de ce qui précède, il convient de constater que la République tchèque a agi conformément à l’article 13, paragraphe 1, du code des douanes communautaire et à l’article 248, paragraphe 1, du règlement no 2454/93 et de conclure qu’elle n’était pas tenue, en vertu des règles de l’Union régissant le système des ressources propres, de mettre à la disposition de la Commission le montant des ressources propres faisant l’objet du présent litige.
96 Il en résulte qu’il y a lieu d’accueillir les premier et deuxième moyens, sans qu’il soit besoin d’examiner le troisième moyen.
97 Par conséquent, il convient de condamner la Commission à restituer à la République tchèque la somme de 60435306,39 CZK versée au titre des ressources propres de l’Union.
Sur les dépens
98 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la République tchèque.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) La Commission européenne est condamnée à restituer à la République tchèque la somme de 60435306,39 couronnes tchèques (CZK) versée au titre des ressources propres de l’Union européenne.
2) La Commission est condamnée aux dépens.
Porchia
Jaeger
Madise
Nihoul
Verschuur
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 avril 2025.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le tchèque.