EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
Le requérant, ressortissant autrichien né en ..., se trouve actuellement détenu à l'établissement pénitentiaire de B. Le Tribunal (Landesgericht) de C. lui a en effet infligé, le ... 1961, une peine de deux ans de "réclusion rigoureuse", aggravés d'une nuit de "couche dure" tous les deux mois, pour avoir entretenu, de 1959 à ... 1961, des relations homosexuelles avec un écolier, A.D. (article 129 paragraphe 1 b) du Code pénal).
X a attaqué ce jugement devant la Cour Suprême (Oberster Gerichtshof), mais a retiré peu après ses recours (Berufung et Nichtigkeitsbeschwerde).
Le requérant a saisi alors le Landesgericht de C. d'une demande en révision. Il réclamait l'audition d'une dizaine de témoins capables, à l'en croire, de certifier qu'à l'époque des actes incriminés, il travaillait assidûment chez ses employeurs ou, à d'autres moments, séjournait auprès de sa grand-mère. Il sollicitait en outre une expertise médicale tendant à démontrer qu'à la suite d'une opération chirurgicale, il présentait une particularité anatomique qu'A.D. affirmait n'avoir point observée et qu'il n'eût pourtant pas manqué de constater si les faits litigieux avaient eu réellement lieu. Le Landesgericht a répondu que le requérant avait déjà formulé ces offres de preuve en ... 1961 et qu'elles avaient été jugées irrelevantes. Il en a déduit que X. ne produisait aucun fait ou moyen de preuve nouveaux et susceptibles d'entraîner son acquittement ou l'application d'une peine plus légère (article 353 paragraphe 2 du Code de procédure pénale); en conséquence, il a rejeté la demande le ... 1961. La Cour (Oberlandesgericht) de C. a confirmé cette décision le ... 1961. Pour sa part, A.D. aurait été traduit devant le Tribunal pour Jeunes Gens (Jugendgericht) de C.X. aurait comparu le ... 1961 à la barre des témoins, mais le Président lui aurait rapidement coupé la parole et ne l'aurait pas autorisé à demeurer dans la salle jusqu'à la clôture des débats, l'empêchant ainsi de convaincre D. de calomnie et de parjure.
Le requérant proteste vivement de son innocence. Assurément, il reconnaît avoir subi, en 1954 et 1956, deux condamnations pour homosexualité (respectivement trois et cinq mois de "schwerer Kerker"). Il admet également avoir fréquenté D. de 1959 à 1961. En revanche, il nie avoir jamais commis avec le jeune homme l'infraction que réprime l'article 129 paragraphe 1 b) du Code pénal. D'après lui, la justice autrichienne l'a frappé sur la seule base des accusations mensongères de D. et des présomptions qu'elle a tirées, à tort, des deux condamnations antérieures susmentionnées.
EN DROIT
Considérant tout d'abord, quant à la condamnation pénale infligée au requérant le ... 1961, que la Commission, aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus; que X. a bien attaqué le jugement du ... 1961 devant la Cour Suprême, mais qu'il n'a pas tardé à retirer son appel (Berufung) et son pourvoi en cassation (Nichtigkeitsbeschwerde), laissant ainsi ledit jugement acquérir l'autorité de la chose jugée; qu'au surplus, l'examen du dossier ne permet pas en l'état de dégager, même d'office, l'existence de circonstances particulières de nature à relever l'intéressé, selon les principes de droit international généralement reconnus, de l'obligation d'exercer jusqu'au bout les recours qui s'offraient à lui à cet égard et dont il avait d'ailleurs commencé à user; que le requérant n'a donc pas observé les prescriptions précitées de l'article 26 (art. 26), de sorte qu'il échet de rejeter cette première partie de la requête par application de l'article 27 paragraphe 3 (art. 27-3);
Considérant en outre, pour autant que le requérant revendique le droit à une révision de sa condamnation, que la Convention, aux termes de son article 1er (art. 1), garantit uniquement les droits et libertés définis en son Titre I; que tout grief formulé par une personne physique, une organisation non gouvernementale ou un groupe de particuliers doit, selon l'article 25 paragraphe 1 (art. 25-1), avoir trait à la violation alléguée de l'un de ces droits et libertés, faute de quoi son examen ne ressortit pas à la compétence ratione materiae de la Commission; que le droit susmentionné ne figure pas en tant que tel parmi les droits et libertés en question, y compris ceux reconnus à l'article 6 (art. 6), ainsi d'ailleurs que la Commission l'a déjà constaté en se prononçant, les 4 août 1960 et 19 décembre 1961, sur la recevabilité des requêtes n° 704/60 et n° 1098/61; que la requête est donc, sous ce rapport, incompatible avec les dispositions de la Convention et, partant, irrecevable par application de l'article 27 paragraphe 2 (art. 27-2);
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les Etats contractants n'ont point l'obligation d'accorder aux condamnés la faculté de se pourvoir en révision contre les sentences pénales passées en force de chose jugée; que l'on peut néanmoins se demander, si là où existe pareille faculté, la procédure applicable en la matière ne doit pas se dérouler d'une manière conforme aux prescriptions de l'article 6 (art. 6) de la Convention;
Que la Commission a noté, dans cet ordre d'idées, que la procédure suivie pour l'examen du recours en révision du requérant, semble avoir revêtu un caractère non contradictoire; qu'en effet, le Landesgericht et l'Oberlandesgericht de C. ont statué, les ... et ... 1961, après consultation du Ministère Public ("nach Anhörung des (Ober)staatsanwaltschaft") et, apparemment, en l'absence tant du requérant que de son défenseur; que X. ne s'en plaint pas expressément, mais que la Commission estime utile de rechercher d'office s'il a pu ou non, à l'occasion de ladite procédure, être victime d'une violation des droits que consacre l'article 6 (art. 6) de la Convention;
Qu'aux termes de l'article 353 paragraphe 2 du Code autrichien de procédure pénale, un condamné peut demander la réouverture de son procès "lorsqu'il avance des faits ou moyens de preuve nouveaux qui, seuls ou en liaison avec les moyens de preuve antérieurement produits, semblent de nature à justifier son acquittement ou sa condamnation sur la base d'une prescription pénale plus douce";
Que le Landesgericht et l'Oberlandesgericht de C. ont conclu à l'absence de tels faits ou moyens de preuve et, partant, à l'irrecevabilité du recours que X. avait formé en vertu de l'article 353 paragraphe 2;
Qu'au moment de l'introduction de ce recours, l'intéressé ne possédait plus la qualité d'accusé, au sens de l'article 6 (art. 6) de la Convention, mais bien celle de condamné, car il se heurtait à l'autorité de la chose jugée et s'efforçait de la renverser en invoquant des faits et moyens de preuve qu'il présentait comme nouveaux; qu'au surplus, le rôle du Landesgericht et de l'Oberlandesgericht de C. se bornait à apprécier la recevabilité dudit recours; que ces deux juridictions ne se trouvaient saisies d'aucune accusation pénale dirigée contre X., qu'il s'agisse de l'accusation initiale ou de celle que le Ministère Public aurait pu formuler ou réitérer si le recours avait été déclaré recevable;
Que le problème de l'"égalité des armes" (Waffengleichheit) ne se pose donc pas, en l'occurrence, de la même façon que dans les affaires Ofner (N° 524/59), Pataki (N° 596/59), Hopfinger (N° 617/59) et Dunshirn (N° 789/60), retenues à cet égard par la Commission les 19 décembre 1960 (Annuaire III, pages 331, 365 et 379) et 15 mars 1961; que les quatre requérants susnommés se plaignent en effet, à la différence de X., d'avoir eu à répondre d'une accusation pénale devant une Cour d'Appel (Oberlandesgericht) ou devant l'Oberster Gerichtshof sans bénéficier d'une complète égalité avec le Ministère Public ou le Procureur Général;
Que le Landesgericht et l'Oberlandesgericht de O. n'ont pas eu davantage à trancher, les ... et ... 1961, une contestation relative à des "droits ou obligations de caractère civil" (article 6 paragraphe 1 (art. 6-1) de la Convention);
Qu'il s'ensuit que la manière dont est organisée la procédure en question ne tombe pas sous le coup de l'article 6 (art. 6) de la Convention, de sorte que la requête se révèle, sur ce point, incompatible avec les dispositions de la Convention, et, dès lors, irrecevable par application de l'article 27 paragraphe 2 (art. 27-2); que la Commission se réfère, à cet égard, aux décisions qu'elle a rendues le 19 décembre 1961 sur la recevabilité des requêtes n° 913/60 et n° 1098/61 (1);
Considérant enfin, quant aux autres aspects de la requête, que l'examen du dossier ne permet pas en l'état de dégager, même d'office, l'apparence d'une violation des droits et libertés reconnus dans la Convention; qu'il y a donc lieu de rejeter le restant de la requête en vertu de l'article 27 paragraphe 2 (art. 27-2) de la Convention, pour défaut manifeste de fondement;
Par ces motifs, déclare la requête IRRECEVABLE." ------------------------------------- (1) Cf. le présent volume de ce Recueil, pages 43 et 50.