EN FAIT
Le requérant, M. Franz Fischer, est un ressortissant autrichien né en 1974 et résidant à Wilhelmsburg. Il est représenté devant la Cour par Me S. Gloss, avocat à St. Pölten.
A. Les circonstances de l'espèce
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le 29 mai 2001, la Cour européenne des Droits de l'Homme a rendu, dans une affaire qui avait été introduite par l'intéressé, un arrêt (Franz Fischer c. Autriche, no 37950/97, non publié) dans lequel elle a jugé contraire à l'article 4 du Protocole no 7 le fait que le requérant eût été jugé et puni deux fois pour des infractions ayant les mêmes éléments constitutifs : tout d'abord par une autorité administrative pour conduite en état d'ivresse, en application des articles 5 (1) et 99 (1) (a) du code de la route, puis, une fois cette décision devenue définitive, par une juridiction pénale pour homicide par imprudence, avec l'élément spécial de création des conditions de l'enivrement, au sens de l'article 81 § 2 du code pénal, l'enivrement étant du reste présumé de façon irréfragable lorsque le taux d'alcoolémie est de 0,8 gramme par litre.
Le 30 mai 2001, le requérant saisit la Cour suprême d'une demande de renouvellement de la procédure pénale au titre de l'article 363a du code de procédure pénale (voir ci-dessous).
Le 30 octobre 2001, il l'invita à tenir une audience.
Le 22 novembre 2001, la Cour suprême le débouta sans avoir tenu d'audience.
Observant que la Cour n'avait pas conclu, dans son arrêt Franz Fischer c. Autriche, à la violation de l'article 4 du protocole no 7 « à raison d'une décision émanant d'une juridiction pénale », elle estima que les conditions fixées par l'article 363a du code de procédure pénale n'étaient pas remplies. Pour parvenir à cette conclusion, elle tint compte du raisonnement suivi par la Cour dans ledit arrêt. Aux termes de celui-ci, la question de savoir si le principe ne bis in idem avait ou non été violé concernait le lien entre les deux infractions en cause mais non l'ordre dans lequel les deux procédures avaient été menées, l'Etat contractant restant libre de déterminer laquelle des deux infractions devait faire l'objet de poursuites.
La décision de la Cour suprême fut notifiée le 17 janvier 2002.
B. Le droit interne pertinent
Le code de procédure pénale (Strafprozeßordnung) comporte, sous le titre « Renouvellement de la procédure pénale » (Erneuerung des Strafverfahrens), les dispositions suivantes :
Article 363a
« 1. S'il est établi par un arrêt de la Cour européenne des Droits de l'Homme qu'une décision (Entscheidung) ou une ordonnance (Verfügung) émanant d'une juridiction pénale a violé une disposition de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (Bundesgesetzblatt [Journal officiel] no 210/1958) ou de l'un de ses Protocoles, la procédure doit être recommencée si l'on ne peut exclure que la violation ait pu influencer la décision d'une façon préjudiciable à la personne concernée.
2. Les demandes de renouvellement de la procédure relèvent de la compétence exclusive de la Cour suprême. (...) »
Article 363b
« 1. La Cour suprême ne doit délibérer en chambre du conseil sur une demande de renouvellement de la procédure que si le procureur général ou le rapporteur propose que la décision soit fondée sur l'un des motifs énoncés aux paragraphes 2 et 3.
2. Lorsque la Cour suprême délibère en chambre du conseil, elle peut rejeter la demande
si elle l'estime à l'unanimité manifestement mal fondée. (...) »
GRIEF
Invoquant l'article 6 de la Convention, le requérant se plaint que la Cour suprême n'a pas tenu d'audience publique pour examiner la demande qu'il avait introduite au titre de l'article 363a du code de procédure pénale.
EN DROIT
Le requérant allègue que la procédure concernant la demande de renouvellement de la procédure pénale formée par lui à la suite de l'arrêt Franz Fischer c. Autriche rendu par la Cour le 29 mai 2001 a méconnu les dispositions de l'article 6, dont la partie pertinente en l'espèce est ainsi libellée :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) »
La Cour examinera tout d'abord si l'article 6 s'applique à la procédure en cause. Elle rappelle à cet égard sa jurisprudence constante selon laquelle l'article 6 n'est pas applicable à une procédure tendant à la réouverture d'une procédure pénale car la personne qui, une fois sa condamnation passée en force de chose jugée, demande pareille réouverture n'est pas « accusée d'une infraction » au sens dudit article (Dankevich c. Ukraine (déc.), no 40679/98, 25 mai 1999, non publiée ; Sonnleitner c. Autriche (déc.), no 34813/97, 6 janvier 2000, non publiée ; et Kucera c. Autriche (déc.), no 40072/98, 20 mars 2001, non publiée ; voir également les renvois opérés dans chacune de ces affaires).
De la même manière, l'article 6 n'est pas applicable à un pourvoi en cassation dans l'intérêt de la loi introduit aux fins d'annulation d'une condamnation passée en force de chose jugée à la suite d'un constat de violation par la Cour, la personne en cause n'étant pas davantage « accusée d'une infraction » dans une telle procédure (Oberschlick c. Autriche, no 19255/92 et 21655/93, décision de la Commission du 16 mai 1995, Décisions et Rapports 81, p. 5).
La Cour considère que la procédure prévue à l'article 363a du code de procédure pénale autrichien, qui prévoit la possibilité de faire recommencer une procédure pénale à la suite d'un constat de violation par la Cour européenne des Droits de l'Homme, est comparable à la procédure en réouverture d'une procédure pénale susmentionnée. Elle est introduite par une personne dont la condamnation est devenue définitive et vise à faire statuer non pas sur une « accusation en matière pénale », mais sur la question de savoir si les conditions permettant le renouvellement de la procédure pénale sont réunies. La Cour conclut donc que l'article 6 ne s'applique pas à la procédure en question.
Dans la mesure où le requérant peut être compris comme alléguant que l'Autriche ne s'est pas conformée à l'arrêt Franz Fischer c. Autriche du 29 mai 2001, la Cour observe qu'elle n'est pas compétente pour examiner si une Haute Partie contractante a rempli ses obligations découlant d'un arrêt, le contrôle de l'exécution des arrêts de la Cour revenant, en vertu de l'article 46 § 2 de la Convention, au Comité des Ministres.
Il s'ensuit que la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, au sens de l'article 35 § 3, et doit être rejetée, en application de l'article 35 § 4.
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Søren Nielsen Christos Rozakis Greffier adjoint Président
FISCHER v. AUSTRIA DECISION
FISCHER v. AUSTRIA DECISION