CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE SAADOUNI c. BELGIQUE
(Requête no 50658/09)
ARRÊT
STRASBOURG
9 janvier 2014
DÉFINITIF
09/04/2014
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Saadouni c. Belgique,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
Mark Villiger, président,
Angelika Nußberger,
Boštjan M. Zupančič,
Ann Power-Forde,
André Potocki,
Paul Lemmens,
Helena Jäderblom, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 décembre 2013,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 50658/09) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant marocain, M. Jamal Saadouni (« le requérant »), a saisi la Cour le 5 septembre 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me P. Verpoorten, avocat à Herentals. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. M. Tysebaert, conseiller général, service public fédéral de la Justice.
3. Le requérant allègue que son maintien en détention dans un lieu inapproprié à son état de santé emporte violation de l’article 5 § 1 de la Convention. Il se plaint également de ne pas avoir bénéficié d’un recours effectif (article 5 § 4).
4. Le 5 mai 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1970. Il est actuellement interné à l’annexe psychiatrique de la prison de Louvain.
6. Le requérant fut condamné à quatre reprises en 1989, 1991, 1994 et 1997 à des peines d’emprisonnement pour faits de vol avec violence, escroquerie et recel.
7. En 1997, un premier avis rendu par un psychiatre légal révéla que le requérant souffrait de troubles mentaux mais conclut que le requérant ne pouvait pas être considéré comme un « aliéné » ni comme un « arriéré » mental.
8. Le requérant fut à nouveau arrêté en 1999 pour des faits similaires. Une nouvelle expertise psychiatrique considéra qu’au moment où le requérant avait commis les faits, il était en état de démence qui l’empêchait de contrôler ses actes. Elle soulignait que le requérant était une personne égocentrique, avec peu d’empathie, dont le sens de la responsabilité était sous-développé et dont les facultés intellectuelles étaient faibles.
9. La chambre du conseil du tribunal de première instance d’Anvers décida de son internement par deux ordonnances des 4 octobre et 11 novembre 1999. Le 30 mai 2000, se référant aux rapports psychiatriques précités, la chambre des mises en accusation de la cour d’appel d’Anvers confirma les ordonnances entreprises.
10. Le 7 novembre 2000, le ministre de la Justice prit une décision d’internement en application de l’article 21 à la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels (« loi de défense sociale ») aux termes de laquelle le requérant purgerait, jusqu’au 10 juillet 2001, au sein de l’annexe psychiatrique de la prison d’Anvers le reliquat des peines auxquelles il avait été condamné précédemment.
11. Courant 2001, le requérant obtint une autorisation de l’Agence flamande pour les personnes avec un handicap (Vlaams Agentschap voor Personen met een Handicap, VAPH) en vue de son admission dans un foyer pour personnes actives.
12. Le 2 octobre 2001, il fut libéré à l’essai par la Commission de défense sociale (« CDS ») d’Anvers mais, le 19 avril 2002, il fut ré-interné à la prison d’Anvers après avoir été arrêté pour complicité dans des faits de vol avec recel.
13. Un examen psychiatrique du 3 juin 2002 exposa que le requérant était une personne antisociale qui représentait un danger pour la société mais qui n’était pas en état de démence. En termes de traitement, le rapport soulignait que seul un suivi psychosocial étroit était indiqué.
14. Le requérant fut condamné le 31 juillet 2002 par le tribunal de première instance d’Anvers à deux ans d’emprisonnement, jugement confirmé par la cour d’appel d’Anvers par un arrêt du 29 novembre 2002.
15. Le 18 février 2003, la CDS décida que l’internement du requérant devait être poursuivi et le serait à l’aile psychiatrique de la prison de Merksplas. Le recours introduit par le requérant contre cette décision fut rejeté par la Commission supérieure de défense sociale (« CSDS ») le 20 mars 2003.
16. Le 10 octobre 2003, le requérant fut transféré à la prison d’Anvers en raison d’une altercation avec un surveillant. Le placement à Anvers fut confirmé par la CDS dans l’attente d’un transfèrement à la prison de Turnhout.
17. Le 7 août 2005, alors qu’il bénéficiait d’une permission de sortie, le requérant ne se représenta pas à la prison. Le 13 décembre 2005, il fût arrêté et placé à Merksplas.
18. A la suite de plusieurs problèmes disciplinaires et des conflits avec des codétenus, le requérant fut transféré en 2007 à la prison de Louvain.
19. Un rapport adressé le 22 février 2007 à la CDS par le service psychosocial de la prison de Louvain constatait l’absence d’évolution du requérant. Il recommandait, à long terme, un reclassement très structuré présentant des garanties importantes en vue d’éviter la récidive. Il suggérait un régime de semi-liberté combinant travail adapté et accueil dans un foyer. Une thérapie n’était pas recommandée en raison des traits psychopathes de la personnalité du requérant. Le rapport indiquait en conclusion qu’à ce stade un plan de reclassement n’avait encore été élaboré et que les premiers jalons devaient être posés.
20. S’en suivirent des entretiens avec le requérant en vue de mettre au point un plan de reclassement. Ces démarches furent toutefois suspendues du fait de nouveaux problèmes de discipline et de violence de la part du requérant.
21. En 2008, le requérant fut transféré à la prison de Turnhout.
22. Le 24 février 2009, la CDS confirma le maintien du requérant à la prison de Turnhout. Au vu des troubles psychopathes identifiés sur la base d’un test PCL-R (Psychopathy Check List - Revised) et de la personnalité antisociale du requérant, elle considérait qu’il était surtout impératif de protéger la société contre le danger et le risque de récidive. Elle constatait qu’il n’y avait pas, à ce stade, de perspective de réinsertion du requérant et que le placement en établissement psychiatrique de faible sécurité ou de sécurité moyenne n’était pas une option valable. Elle rejeta la demande du requérant d’effectuer une visite de son lieu de détention.
23. Le 26 mars 2009, la CSDS rejeta le recours introduit par le requérant contre la décision de la CDS, s’exprimant en ces termes :
(traduction)
« Il n’est pas nécessaire, avant de se prononcer, d’effectuer une visite des lieux de l’annexe psychiatrique de la prison de Turnhout.
Il ressort du dossier et des débats que l’état de l’interné ne s’est pas suffisamment amélioré et que les conditions en vue d’un reclassement ne sont pas remplies. (...)
La Commission ne peut pas ordonner le transfèrement immédiat de l’interné vers un établissement psychiatrique sans la soumission d’une attestation d’admission de l’intéressé dans un tel établissement
La prolongation de l’internement d’un interné ne remplissant pas les conditions pour sa libération n’emporte pas violation de l’article 5 § 1 de la Convention. »
24. Le requérant se pourvut en cassation contre cette décision. Invoquant l’article 5 § 1 de la Convention, il se plaignait que la CSDS n’avait pas ordonné son transfèrement dans un établissement approprié à sa problématique en vue d’assurer qu’un lien soit maintenu entre le but de sa détention et les conditions dans lesquelles elle avait lieu conformément à la jurisprudence de la Cour. Il invoquait également les articles 6 § 1 et 13 de la Convention alléguant qu’en raison du refus d’effectuer une visite du lieu de détention, il était dans l’impossibilité de démontrer que l’annexe psychiatrique de Turnhout était un lieu inapproprié à sa détention.
25. Le 2 juin 2009, la Cour de cassation rejeta le pourvoi introduit par le requérant. Se référant notamment à l’article 14 de la loi de la loi de défense sociale en vertu duquel l’internement a lieu dans un endroit désigné par les instances de défense sociale, la Cour jugea que la décision relative au transfèrement d’un interné dans un établissement psychiatrique privé était une modalité d’exécution de l’internement qui n’était pas susceptible d’un pourvoi en cassation. Par conséquent, dans la mesure où le grief du requérant était dirigé contre la décision rendue sur sa demande tendant à un transfèrement immédiat dans une telle structure, son moyen n’était pas recevable.
26. Du 4 juin au 8 octobre 2009, à la suite d’épisodes de violence et d’automutilation survenus au moment où sa mère était en phase terminale, le requérant fut envoyé à la prison de Bruges au sein de la « section sûreté individuelle particulière ». Le requérant fut ensuite transféré à l’annexe psychiatrique de Louvain.
27. Un rapport établi le 12 mars 2010 par le service psychosocial de la prison de Louvain constata que le comportement du requérant s’était amélioré et qu’il pouvait être envisagé à nouveau de travailler sur un plan de reclassement. Il recommandait un reclassement en ambulatoire avec l’accent mis sur la structure et le contrôle pour « cet homme modérément doué ayant des traits antisociaux et une problématique de dépendance qui semble pour l’instant sous contrôle ».
28. Le 25 mars 2010, la CDS confirma le maintien du requérant à Louvain « jusqu’à ce qu’il présente une attestation d’admission dans une structure résidentielle, un projet d’insertion professionnelle et d’accompagnement psychiatrique ». Dans la perspective d’un reclassement, elle autorisa des sorties.
29. Des démarches furent ensuite effectuées pour mettre au point un plan de reclassement et des contacts furent pris avec des structures résidentielles.
30. Un rapport fut établi par le service psychosocial le 10 mai 2011 qui dressait les mêmes constats qu’en 2010 (paragraphe 27, ci-dessus) malgré quelques problèmes de comportement et de discipline survenus durant l’année. Il soulignait que le requérant n’avait plus aucun intérêt à rester en milieu carcéral. Il proposait à la CDS le même plan de reclassement que précédemment (accueil au sein d’un hôtel social, travail dans un centre d’action sociale et suivi psychiatrique) avec élargissement progressif vers plus de liberté.
31. Le 24 mai 2011, la CDS confirma le maintien du requérant à Louvain jusqu’à ce qu’il puisse présenter un certificat attestant qu’il avait un emploi. Elle demanda qu’une évaluation des risques soit réalisée.
32. En 2010 et 2011, le service pénitentiaire contacta huit établissements psychiatriques extérieurs pour une prise en charge résidentielle. Tous les établissements refusèrent d’accueillir le requérant notamment à cause de son passé.
33. Selon un bilan des soins dressés en 2011, le requérant bénéficia d’une consultation quasiment mensuelle auprès d’un psychiatre de la prison de 2008 à 2011, à l’exception de 2009, année durant laquelle il rencontra le psychiatre de façon plus intensive à la suite des incidents survenus (paragraphe 26, ci-dessus).
II. LA SITUATION EN DROIT ET EN PRATIQUE EN MATIÈRE D’INTERNEMENT EN BELGIQUE
34. Les dispositions légales applicables et la description des structures d’internement en Belgique en général figurent dans l’arrêt Van Meroye c. Belgique (no 330/09, §§ 36 à 60, 9 janvier 2014).
35. La Cour a récemment rendu quatre arrêts de principe concernant la régularité de l’internement en Belgique de personnes délinquantes souffrant de troubles mentaux au sein d’ailes psychiatriques de prisons ordinaires. Les extraits pertinents de documents internes et internationaux relatifs aux problèmes structurels rencontrés en Belgique dans ce domaine figurent dans ces arrêts (L.B. c. Belgique, no 22831/08, §§ 72-74, 2 octobre 2012, Claes c. Belgique, no 43418/09, §§ 42-69 et 70-72, 10 janvier 2013, Dufoort c. Belgique, no 43653/09, §§ 37-62 et 63-65, 10 janvier 2013, et Swennen c. Belgique, no 53448/10, §§ 29-53 et 54-56, 10 janvier 2013).
EN DROIT
I. SUR LES EXCEPTIONS D’IRRECEVABILITÉ SOULEVÉES PAR LE GOUVERNEMENT
36. La Cour note que le Gouvernement soulève la même exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes que dans l’affaire Claes précitée (§§ 73 à 75). Alors que le Gouvernement fait valoir que le requérant a omis de faire usage de la voie judiciaire, seule voie de recours effective, selon lui, pour statuer sur les conditions de détention, le requérant soutient qu’il a donné, conformément aux exigences de l’article 35 § 1 de la Convention, l’opportunité aux instances internes de constater et de redresser les griefs qu’il tire de l’article 5 de la Convention (§ 76).
37. La Cour constate qu’à la différence de l’affaire Claes dans laquelle la procédure en référé n’était pas terminée, en l’espèce, le requérant n’a pas saisi le juge judiciaire et a porté son grief tiré de l’article 5 § 1 de la Convention uniquement devant les instances de défense sociale.
38. La Cour rappelle que l’article 35 § 1 de la Convention n’exige l’épuisement que des recours accessibles, adéquats et relatifs aux violations incriminées (Okkali c. Turquie, no 52067/99, § 57, CEDH 2006-XII, et Nada c. Suisse [GC], no 10593/08, § 140, CEDH 2012). De surcroît, un requérant qui a utilisé une voie de droit apparemment effective et suffisante ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir essayé d’en utiliser d’autres qui étaient disponibles mais ne présentaient guère plus de chances de succès (voir, par exemple, Aquilina c. Malte [GC], no 25642/94, § 39, CEDH 1999‑III, Okkali, précité, § 60, et Nada, précité, § 142).
39. Elle rappelle également avoir constaté dans l’affaire Claes précitée (§ 79) que les internés, qu’ils saisissent les instances sociales ou le juge judiciaire, poursuivent le même but qui est de dénoncer le caractère inapproprié de la détention en annexe psychiatrique et de faire condamner l’Etat à trouver une solution adaptée. Elle avait aussi relevé que tant les instances de défense sociale que le juge judiciaire pouvaient, en principe, mettre fin à la situation que les internés dénonçaient.
40. En l’espèce, le requérant a mené à terme la procédure devant les organes compétents en vertu de la loi de défense sociale pour contrôler la légalité de l’internement et ordonner, s’il y avait lieu, la mise en liberté ou le transfèrement dans un établissement approprié. Il a introduit un recours contre la décision du 24 février 2009 de la CDS qui confirmait son maintien à l’annexe psychiatrique de la prison de Turnhout. Invoquant une violation de l’article 5 § 1 de la Convention, il dénonçait le caractère inapproprié du lieu et des conditions de détention, sollicitait une visite des lieux pour en établir la réalité à son endroit et demandait d’être placé dans un établissement adapté à sa problématique sexuelle. L’instance d’appel, la CSDS, rejeta son recours par une décision du 26 mars 2009. Le pourvoi en cassation formé par le requérant contre cette décision fut rejeté le 2 juin 2009.
41. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime qu’il ne saurait être reproché au requérant de ne pas avoir, en plus, épuisé le recours devant les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire. Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’exception de non-épuisement soulevée par le Gouvernement.
42. Le Gouvernement est d’avis que la requête doit, de toute façon, être rejetée pour défaut manifeste de fondement du fait que le requérant a omis d’apporter des preuves concrètes étayant l’absence alléguée de soins et les effets sur sa situation personnelle.
43. Le requérant fait valoir qu’il se plaint précisément de l’absence de soins adaptés à sa pathologie telle qu’elle a été diagnostiquée. Il soutient avoir fait valoir de manière étayée l’absence de soins et le caractère inapproprié de ses lieux de détention devant les autorités internes et avoir demandé en vain à ce que ces carences soient constatées sur place.
44. La Cour estime que les griefs formulés par le requérant sous l’angle de l’article 5 du fait du caractère inapproprié de son lieu de détention posent des questions qui ne peuvent être tranchées qu’après un examen au fond de cette partie de la requête ; il s’ensuit qu’elle n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention.
45. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’ayant été relevé, il y a lieu en conséquence de déclarer la requête recevable.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION
46. Le requérant se plaint d’être privé de sa liberté en violation de l’article 5 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
(...)
e) s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond. »
A. Thèses des parties
47. Le requérant explique être une victime, parmi d’autres, d’un problème structurel en Belgique qui consiste à maintenir en détention ad vitam dans les ailes psychiatriques de prisons ordinaires des personnes délinquantes souffrant de troubles mentaux sans leur offrir une prise en charge thérapeutique appropriée. Il expose cet argument de la même manière et s’appuie sur les mêmes données que les requérants dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts de principe précités (L.B., § 85, Claes, § 105, Dufoort, § 70, et Swennen, § 62).
48. Le Gouvernement développe un argumentaire comparable à celui qui était le sien dans ces affaires (ibidem, §§ 80-83, §§ 107 à 109, §§ 71 à 73, et §§ 64 à 66, respectivement) et qui peut se résumer comme suit. La présente affaire se distingue des affaires Aerts c. Belgique (30 juillet 1998, § 28, Recueil des arrêts et décisions 1998-V) et Morsink c. Pays-Bas (no 48865/99, 11 mai 2004) du fait que la CDS n’a désigné aucun autre établissement pour la détention du requérant. Le requérant a bénéficié en annexe psychiatrique d’un encadrement psychologique et psychiatrique adéquat, en particulier à la suite des incidents survenus en 2009. Le Gouvernement est d’avis que le maintien de l’internement du requérant doit être attribué à son comportement qui, jusqu’en 2009, a empêché toute tentative de reclassement. Il insiste sur les efforts faits par les autorités pour entamer un reclassement, pour trouver un centre psychiatrique et, actuellement, pour mettre au point un projet alternatif en ligne avec les exigences de la CDS.
B. Appréciation de la Cour
1. Principes généraux
49. La Cour a rappelé dans les quatre arrêts précités les principes généraux qui se dégagent de sa jurisprudence relative à l’article 5 § 1 et qui lui permettent d’évaluer la régularité de la privation de liberté et du maintien en détention d’une personne atteinte de troubles mentaux (L.B., §§ 91 à 94, Claes, §§ 112 à 115, Dufoort, §§ 76, 77 et 79, et Swennen, §§ 69 à 72 et les références qui y sont citées).
2. Application des principes en l’espèce
50. La Cour observe que l’internement du requérant a été ordonné une première fois en application des articles 1er à 7 de la loi de défense sociale par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel d’Anvers par arrêt du 30 mai 2000 pour faits de vol, escroquerie et recel. Cet arrêt faisait suite à un rapport psychiatrique qui constatait que le requérant était en état de démence au moment des faits.
51. En l’absence de « condamnation », la Cour estime que la détention subie par l’intéressé relève de l’article 5 § 1 e) de la Convention pour autant qu’il concerne la détention des aliénés. Ni la décision ultérieure du ministre de la Justice du 7 novembre 2000, selon laquelle le requérant purgerait durant son internement le reliquat des peines d’emprisonnement auxquelles il avait été condamné antérieurement, ni la condamnation du requérant le 29 novembre 2002 par la cour d’appel d’Anvers n’amène à une approche différente. De fait, il ressort de la formulation de la décision de la CDS du 18 février 2003 qui ordonna sa réintégration en annexe psychiatrique et des décisions ultérieures que ces évènements sont restés sans impact sur la justification et le maintien de l’internement du requérant.
52. La Cour note qu’il n’est pas contesté devant elle que l’aliénation du requérant légitimait son internement. Elle observe toutefois que les avis médicaux ont divergé sur cette question. Contrairement à l’expertise psychiatrique de 1999 sur laquelle se basèrent les juridictions d’instruction pour ordonner l’internement du requérant (paragraphe 8, ci-dessus), deux rapports, établis en 1997 et 2002 respectivement, constatèrent que, si le requérant présentait en effet des troubles mentaux, il ne pouvait pas être considéré comme « en état de démence » (paragraphes 7 et 13, ci-dessus). Ces divergences autorisent la Cour à se demander si l’aliénation du requérant a été établie de manière probante et si le trouble constaté revêtait un caractère ou une ampleur légitimant l’internement (voir parmi d’autres, Winterwerp c. Pays-Bas, 24 octobre 1979, § 39, série A no 33, Chtoukatourov c. Russie, no 44009/05, § 114, CEDH 2008, et Varbanov c. Bulgarie, no 31365/96, § 45, CEDH 2000‑X). La question peut, cependant, être laissée ouverte car le problème principal que la Cour doit examiner – et cela n’est pas contesté par les parties – est celui de savoir si, conformément à sa jurisprudence, la détention du requérant a lieu dans un établissement approprié.
53. La Cour observe que le requérant a fait l’objet de plusieurs mesures d’internement au sein d’annexes psychiatriques de prison depuis l’arrêt de la cour d’appel d’Anvers du 30 mai 2000. Ces périodes d’internement furent interrompues pendant quelques mois à deux reprises, une première fois d’octobre 2001 à avril 2002 à la suite d’une mise en liberté qui échoua et une deuxième fois en 2005 en raison d’une fuite à l’occasion d’une permission de sortie. Depuis, le requérant est détenu de façon continue en annexe psychiatrique et séjourne depuis le 8 octobre 2009 à la prison de Louvain. La Cour constate que, depuis 2000, le requérant n’a pas fait l’objet d’une mise en liberté définitive et son statut n’a pas changé. Elle estime donc que les périodes d’internement multiples et consécutives du requérant doivent être considérées comme un tout.
54. Le Gouvernement fait valoir que le requérant, à la différence notamment du requérant dans l’affaire Aerts précitée, a toujours été interné dans un lieu que la CDS a désigné et considéré comme approprié.
55. La Cour note toutefois, à l’examen des faits de l’espèce, que la perspective d’un reclassement et la prise en charge du requérant à l’extérieur de la prison dans un cadre structuré ont été envisagées par les autorités de manière certaine en 2007 et 2008 et poursuivies concrètement depuis 2010. Plusieurs plans de reclassement ont été proposés à la CDS par le service psychosocial de la prison, des autorisations de sortie ont été accordées par la CDS dans cette perspective et des établissements psychiatriques ont été contactés pour la prise en charge résidentielle du requérant.
56. La Cour en déduit que le maintien du requérant en annexe psychiatrique est conçu par les autorités elles-mêmes comme une solution « transitoire » dans l’attente de trouver une structure appropriée et adaptée à ses besoins, ce qui, implicitement, souligne l’inadéquation thérapeutique du maintien du requérant en milieu carcéral et que, si aucun autre établissement n’a été désigné par la CDS, c’est, en réalité, à défaut d’alternative (voir, mutatis mutandis, L.B., § 95, Claes, § 116, et Dufoort, § 81).
57. Le Gouvernement soutient qu’au sein des annexes psychiatriques, le requérant a toujours bénéficié d’un encadrement adéquat et des soins appropriés.
58. La Cour relève que les seules informations figurant dans le dossier concernent le nombre de consultations en psychiatrie dont le requérant a bénéficié et qui ont eu lieu, entre 2008 et 2011, sur une base presque mensuelle et de manière plus intense en 2009. Il n’est nulle part question d’une prise en charge thérapeutique individuelle et spécialisée dans le traitement des troubles dont souffre le requérant. Au contraire, il ressort du rapport du service psychosocial de la prison du 22 février 2007 qu’aucune thérapie n’avait été entamée et qu’elle n’était pas recommandée à ce stade. Aucune information du dossier n’indique que la voie thérapeutique ait été envisagée par la suite.
59. Le Gouvernement attribue l’échec du reclassement et de la prise en charge extérieure du requérant à sa personnalité et à son attitude.
60. La Cour n’est, quant à elle, pas convaincue que le requérant ait fait preuve d’une attitude visant à empêcher toute évolution de sa situation. Les problèmes de discipline et de comportement ont certes pu ralentir l’élaboration d’un plan de reclassement mais cette circonstance ne saurait, de l’avis de la Cour, être interprétée comme dispensant les autorités de prendre les initiatives appropriées en vue d’assurer au requérant un traitement adapté à son état et de nature à l’aider à retrouver sa liberté (De Schepper c. Belgique, no 27428/07, § 48, 13 octobre 2009). Il ne ressort d’ailleurs pas du dossier que les établissements psychiatriques extérieurs qui ont été contactés aient refusé l’admission du requérant pour cette raison. En outre, il est clairement établi que le comportement du requérant s’est nettement amélioré depuis 2010 et qu’il collabore activement à la mise en place d’un plan de reclassement. Or, la CDS a, jusqu’à présent, refusé les plans qui lui ont été soumis au motif qu’ils ne présentaient pas de garanties suffisantes de sécurité et trois ans après, selon les informations versées au dossier, aucun progrès ne semble avoir été réalisé dans la prise en charge du requérant en dehors du milieu carcéral.
61. Il résulte des affaires ayant donné lieu aux quatre arrêts de principe précités que le cas du requérant n’est pas isolé. Il y a un problème structurel en Belgique dans la prise en charge des personnes délinquantes souffrant de troubles mentaux. Nombre d’entre elles sont maintenues dans des ailes psychiatriques de prisons ordinaires dans l’attente de trouver une place dans une structure extérieure leur offrant des soins thérapeutiques pouvant contribuer à l’amélioration de leur état de santé et à une réintégration fructueuse dans la vie sociale. Ce problème est reconnu par les autorités belges et plusieurs instances internationales ont, de manière récurrente, exprimé leur préoccupation à ce sujet (L.B., § 95, Claes, § 116, Dufoort, § 81, et Swennen, § 81).
62. La Cour rappelle que dans l’affaire L.B., elle a conclu à la violation de l’article 5 § 1 de la Convention au motif que la détention du requérant, déclaré pénalement irresponsable de ses actes, pendant sept ans dans une annexe psychiatrique de prison reconnue comme étant inadaptée à ses besoins, avait eu pour effet de rompre le lien entre le but de la détention et les conditions dans lesquelles elle a eu lieu (§§ 101 et 102). La Cour est parvenue à la même conclusion dans les affaires Claes (§§ 120 et 121), Dufoort (§§ 90 et 91) et Swennen (§§ 82 et 83).
63. Aucun élément du dossier du requérant ni de l’argumentation du Gouvernement ne permet à la Cour de parvenir à une conclusion différente en l’espèce.
64. En conclusion, la Cour considère que l’internement du requérant depuis 2000, avec deux interruptions de quelques mois en 2001 et en 2005, dans un lieu inadapté à son état de santé, a rompu le lien requis par l’article 5 § 1 e) entre le but de la détention et les conditions dans lesquelles elle a lieu.
65. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION
66. Le requérant dénonce une violation de l’article 6 § 1 de la Convention combiné avec l’article 13 de la Convention. Il soutient qu’il n’a pas bénéficié d’un recours effectif ni des garanties d’une procédure équitable pour faire valoir le caractère inapproprié de son lieu de détention.
67. Pour les mêmes raisons que celles exposées dans ses arrêts Claes (§ 123) et Dufoort précités (§ 92), la Cour considère que les griefs que soulève le requérant doivent être examinés sous l’angle de l’article 5 § 4 de la Convention, ainsi formulé :
« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »
A. Thèses des parties
68. Le requérant se plaint que, en dépit du caractère notoire du défaut de soins dans les ailes psychiatriques en général et à l’aile psychiatrique de Merksplas en particulier et des éléments qu’il a portés à ce sujet à l’attention des instances de défense sociale, l’organe de recours n’a pas considéré qu’il s’agissait d’un commencement de preuve et n’a effectué aucune démarche en vue d’établir la réalité des faits à son endroit. En refusant d’effectuer une visite de son lieu d’internement, la CSDS a privé le requérant de sa seule possibilité légale dont il disposait pour que le caractère approprié de ce lieu soit évalué in concreto et discuté contradictoirement. Le requérant se plaint en outre qu’il n’est pas possible pour les avocats des internés de prendre copie des dossiers d’internement de leurs clients, ce qui porte également atteinte à leur droit à une procédure contradictoire.
69. En particulier, le requérant fait valoir que les demandes de visite des lieux de détention formulées devant les instances de défense sociale sont systématiquement rejetées dans des termes standards, à savoir que les intéressés bénéficient des soins appropriés et que le lieu de détention est « bien connu » de la CDS. Le requérant souligne qu’à sa connaissance, une seule visite a été ordonnée qui concernait la prison de Merksplas. Il reconnaît que ces fins de non-recevoir s’inscrivent dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation qui a précisé que la loi de défense sociale ne prévoyait la visite des lieux de détention que dans le but que la CDS se tienne informée de l’état de l’interné en vue d’une éventuelle mise en liberté. Elle ne vise pas le contrôle des conditions de détention de l’interné et n’accorde pas à l’interné ou à son conseil le droit de requérir une telle visite.
70. Le Gouvernement soutient que la voie la plus évidente permettant aux internés de se plaindre de leurs conditions de détention est la procédure devant le juge des référés que le requérant n’a pas utilisée. Cette voie peut s’avérer effective pour les internés qui peuvent obtenir du juge qu’il ordonne aux autorités d’exécuter les décisions de la CDS ou, à tout le moins, les oblige à leur donner l’accompagnement nécessaire. Un arrêt de la cour d’appel de Gand du 26 mai 2005 en atteste (Claes précité, §§ 73 et 125, et Dufoort précité, § 95). En tout état de cause, le Gouvernement estime que le requérant a eu accès au « juge » conformément à l’article 5 § 4 pour se plaindre de la légalité de sa détention et par conséquent des conditions dans lesquelles il se trouve. La régularité de sa détention a été périodiquement examinée par la CDS, seule compétente pour décider du lieu d’internement, qui aurait pu ordonner une visite des lieux si elle l’avait estimé nécessaire. Si elle n’a pas donné suite à la demande du requérant, c’est qu’elle connaissait la situation à la prison de Turnhout.
B. Appréciation de la Cour
71. La Cour rappelle que, dans les affaires Claes et Dufoort précitées, elle a résumé les principes généraux relatifs à l’article 5 § 4 de la Convention en ce qu’il s’applique en cas d’internement de personnes souffrant de troubles mentaux (§§ 126 à 129 et §§ 97 à 101, respectivement). Elle y renvoie pour les besoins de la présente affaire.
72. La Cour a ensuite examiné les voies de recours dont disposaient les requérants pour établir la réalité de leurs conditions de détention et le caractère inapproprié des annexes psychiatriques. Elle considéra que la portée limitée des compétences des instances de défense sociale avait eu pour effet de priver les requérants d’un contrôle assez ample pour s’étendre à l’une des conditions indispensables à la « légalité » de sa détention au sens de l’article 5 § 1 e), à savoir le caractère approprié du lieu de détention (Claes, §§ 133 et 134, et Dufoort, §§ 106 et 107). Dans ces affaires, la Cour examina également l’autre voie utilisée par les requérants – la saisine du juge judiciaire dans le cadre d’une demande en référé – pour évaluer s’ils avaient eu accès à un recours conforme à l’article 5 § 4. Dans la première affaire, la Cour considéra que cette voie de recours ne s’était pas avérée utile pour le requérant puisqu’il s’était vu débouter de son action pour incompétence, et elle conclut à une violation de l’article 5 § 4. Dans la deuxième, la Cour estima ne pas disposer de suffisamment d’éléments pour considérer que la procédure en référé n’était pas un recours conforme à cette disposition.
73. En l’espèce, la Cour observe qu’à la différence de ces affaires, le requérant a porté son grief tiré de la violation de l’article 5 § 1 de la Convention devant les seules instances de défense sociale et n’a pas entamé de procédure devant le juge judiciaire. La question dont est saisie la Cour dans la présente affaire concerne donc uniquement la procédure devant les instances de défense sociale en tant que mécanisme de protection contre les détentions arbitraires ou irrégulières.
74. La Cour observe que, par sa décision du 24 février 2009, la CDS a refusé de faire suite à la demande du requérant d’effectuer une visite de son lieu de détention. Cette décision fut confirmée par la CSDS le 26 mars 2009 au motif qu’elle n’avait pas besoin d’une telle visite pour se prononcer. La CSDS a ensuite constaté que les conditions en vue d’un reclassement du requérant n’étaient pas remplies et précisa qu’elle ne pouvait ordonner le transfèrement immédiat de l’intéressé vers un établissement psychiatrique adapté sans disposer d’une attestation d’admission au sein d’une telle structure.
75. Dans son pourvoi en cassation, le requérant se plaignit que la CSDS n’avait pas ordonné son transfèrement dans un établissement approprié à sa problématique et que le refus d’effectuer une visite le mettait dans l’impossibilité d’ouvrir le débat sur les conditions de détention et de démontrer que l’aile psychiatrique était un lieu inapproprié à sa détention au sens de l’article 5 § 1 de la Convention. La Cour de cassation, par son arrêt du 2 juin 2009, rejeta le pourvoi formé par le requérant au motif que la décision relative au transfèrement d’un interné dans un établissement psychiatrique privé était une modalité d’exécution de l’internement qui n’était pas susceptible d’un pourvoi en cassation et que dans la mesure où le requérant critiquait la décision sur sa demande tendant à son transfèrement immédiat dans une telle structure, son moyen n’était pas recevable.
76. Aux yeux de la Cour, ces décisions révèlent l’impasse dans laquelle se trouvait le requérant. En effet, si, comme le rappelle la Cour de cassation, la loi de défense sociale (paragraphe 25, ci-dessus) investit les instances de défense sociale de la compétence exclusive d’ordonner le transfèrement dans un autre établissement, elle ne leur accorde en revanche pas la compétence d’imposer à des établissements extérieurs d’accepter un interné. L’exercice de ladite compétence était donc tributaire de l’admission du requérant dans un établissement spécialisé.
77. Comme elle l’avait déjà constaté dans les affaires Claes et Dufoort précitées (paragraphe 60, ci-dessus), il en résulte, selon la Cour, un sérieux problème en ce qui concerne l’effectivité des recours devant les instances de défense sociale. Ces dernières étaient en effet empêchées de facto d’effectuer un contrôle assez ample pour s’étendre à l’une des conditions indispensables à la « légalité » de sa détention au sens de l’article 5 § 1 e), à savoir le caractère approprié du lieu de détention, et de jure de redresser la violation alléguée par le requérant.
78. Eu égard à ce qui précède, la Cour n’estime pas nécessaire de se prononcer sur l’impact qu’aurait eu, en l’espèce, l’impossibilité alléguée par le requérant d’obtenir copie, par l’intermédiaire de son représentant, de son dossier d’internement.
79. La Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
80. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
81. Le requérant réclame 171 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi du fait de sa détention dans des conditions inappropriées. Pour parvenir à ce montant, il s’inspire du montant de l’indemnité journalière pour détention inopérante rapportée à 3 420 jours de détention.
82. Le Gouvernement est d’avis que la comparaison avec la détention préventive inopérante n’est pas pertinente, le requérant ayant fait l’objet d’une détention régulière d’internement. Pour le reste, il s’en remet à la sagesse de la Cour.
83. La Cour estime que le requérant a subi un préjudice moral certain en raison de son maintien en détention dans un établissement inapproprié. Statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle lui octroie 15 000 EUR au titre du préjudice moral.
84. De plus, la Cour est d’avis qu’en l’espèce, le transfèrement du requérant dans un établissement approprié à ses besoins constitue la manière adéquate de redresser la violation constatée.
B. Intérêts moratoires
85. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;
4. Dit,
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 15 000 EUR (quinze mille euros) plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 janvier 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Claudia WesterdiekMark Villiger
GreffièrePrésident