PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE KOUREAS ET AUTRES c. GRÈCE
(Requête no 30030/15)
ARRÊT
STRASBOURG
18 janvier 2018
DÉFINITIF
28/05/2018
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Koureas et autres c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Kristina Pardalos, présidente,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal,
Krzysztof Wojtyczek,
Armen Harutyunyan,
Tim Eicke,
Jovan Ilievski, juges,
et de Renata Degener, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 décembre 2017,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 30030/15) dirigée contre la République hellénique et dont vingt-huit requérants de différentes nationalités (« les requérants »), dont la liste figure en annexe, ont saisi la Cour le 19 juin 2015 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants ont été représentés par Me E.-L. Koutra, avocate à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par la déléguée de son agent, Mme S. Papaïoannou, assesseure au Conseil juridique de l’État. Le gouvernement albanais n’a pas usé de son droit d’intervenir dans la procédure (article 36 § 1 de la Convention).
3. Les requérants se plaignaient en particulier, sous l’angle de l’article 3 de la Convention, de leurs conditions de détention dans la prison de Grevena et, pour l’un d’entre eux, sur le terrain de l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention, de l’impossibilité de suivre des cours à « l’école de la deuxième chance » de ladite prison.
4. Le 7 septembre 2016, les griefs concernant les articles 3 et 13 de la Convention ainsi que l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Les requérants ont tous été ou sont encore détenus à la prison de Grevena, un établissement accueillant des détenus condamnés à de longues peines. Construite en 2007 selon des standards modernes, elle devint opérationnelle en 2008. Elle est située à 2,5 km du village de Felli et à 20 km de la ville de Grevena.
6. Le requérant figurant sous le numéro 1 y purge depuis le 18 août 2014 une peine de vingt-cinq ans de réclusion pour viols et braquages en série.
Le requérant figurant sous le numéro 2 y fut détenu du 18 mai 2015 au 10 novembre 2015, date de son transfert à la prison de Domokos.
Le requérant figurant sous le numéro 3 y fut détenu du 21 mars 2014 au 1er mars 2016, date à laquelle il fut transféré à la prison d’Aghias.
Le requérant figurant sous le numéro 4 y est détenu depuis le 7 janvier 2014.
Le requérant figurant sous le numéro 5 y fut détenu du 24 février 2014 au 20 août 2015, date à laquelle il fut libéré.
Le requérant figurant sous le numéro 6 y est détenu depuis le 10 décembre 2010.
Le requérant figurant sous le numéro 7 y fut détenu du 6 octobre 2010 au 26 mai 2015, date à laquelle il fut libéré.
Le requérant figurant sous le numéro 8 y fut détenu du 17 février 2011 au 2 novembre 2015, date de sa libération.
Le requérant figurant sous le numéro 9 y fut détenu du 7 janvier 2014 au 6 septembre 2016, date à laquelle il fut transféré à la prison de Domokos.
Le requérant figurant sous le numéro 10 y est détenu depuis le 12 septembre 2014.
Le requérant figurant sous le numéro 11 y fut détenu du 8 avril 2015 au 15 octobre 2015, date à laquelle il fut libéré.
Le requérant figurant sous le numéro 12 y fut détenu du 23 juin 2008 au 4 mai 2015, date de sa libération.
Le requérant figurant sous le numéro 13 y fut détenu du 8 avril 2015 au 11 novembre 2015, date à laquelle il fut transféré à la prison de Domokos.
Le requérant figurant sous le numéro 14 y fut détenu du 15 décembre 2014 au 18 août 2015, date à laquelle il fut libéré.
Le requérant figurant sous le numéro 15 y fut détenu du 25 novembre 2013 au 19 août 2016, date de sa libération.
Le requérant figurant sous le numéro 16 y est détenu depuis le 3 juillet 2014.
Le requérant figurant sous le numéro 17 y est détenu depuis le 19 mars 2013.
Le requérant figurant sous le numéro 18 y fut détenu du 3 juillet 2014 au 6 novembre 2015, date à laquelle il fut libéré.
Le requérant figurant sous le numéro 19 y fut détenu du 22 février 2013 au 6 mai 2015, date de sa libération.
Le requérant figurant sous le numéro 20 y est détenu depuis le 23 mars 2011.
Le requérant figurant sous le numéro 21, condamné à perpétuité pour toute une série d’infractions criminelles, y est détenu depuis le 31 décembre 2012.
Le requérant figurant sous le numéro 22 y fut détenu du 21 octobre 2013 au 22 juillet 2015, date à laquelle il fut libéré.
Le requérant figurant sous le numéro 23 y est détenu depuis le 21 mars 2011.
Le requérant figurant sous le numéro 24 y fut détenu du 25 octobre 2010 au 6 octobre 2016, date à laquelle il fut transféré à la prison d’Aghias.
Le requérant figurant sous le numéro 25 y fut détenu du 11 mai 2010 au 17 janvier 2017, date de son transfert à la prison de Korydallos.
Le requérant figurant sous le numéro 26 y fut détenu du 4 juin 2013 au 7 septembre 2016, date à laquelle il fut transféré à la prison de Corfou.
Le requérant figurant sous le numéro 27 y fut détenu du 9 avril 2012 au 16 décembre 2015, date à laquelle il fut libéré.
Le requérant figurant sous le numéro 28 y est détenu depuis le 21 mars 2014.
A. Les conditions de détention à la prison de Grevena selon les requérants
7. Les requérants soutiennent partager à quatre des cellules de 12 m² ne contenant que trois lits, de sorte que la quatrième personne dort à même le sol et que la circulation dans les cellules est impossible. Ils indiquent que l’espace personnel pour trois détenus, déduction faite de l’espace occupé par les lits, la table, les chaises et la poubelle, s’élève à 2,40 m².
8. Selon eux, la prison ne dispose pas de médecin depuis la libération du détenu qui exerçait cette fonction au sein de la prison. Les requérants exposent que les médicaments les plus courants comme les analgésiques et les médicaments contre la grippe ne sont distribués qu’exceptionnellement, et qu’ils doivent acheter les médicaments plus spécifiques avec leurs propres deniers, pour ceux qui en ont. Ils indiquent qu’un dentiste se rend à la prison tous les jeudis mais qu’un simple plombage coûte 20 euros (EUR), une somme que la plupart des détenus ne peuvent pas débourser.
9. Les requérants allèguent que le chauffage de la prison, qui est située dans un endroit montagneux comptant, en hiver, parmi les plus froids du nord de la Grèce, est insuffisant.
10. Ils soutiennent que l’hygiène dans la prison n’est pas non plus satisfaisante, et que les détenus doivent acheter eux-mêmes les produits ménagers. Ils arguent que les désinfections sont rares et que, si le respect des règles d’hygiène est contrôlé par une autorité publique, le contrôle en question ne concerne que les bureaux et la cuisine de la prison, et non les cellules.
11. Les requérants se plaignent de la nourriture, à leurs yeux de très mauvaise qualité et peu abondante. Ils indiquent que, en 2013, le coût journalier de la nourriture pour chaque détenu s’élevait à 2,20 EUR, et que cette somme a été réduite à la suite de la crise économique que traverse le pays. Ils allèguent que les détenus se trouvent dans l’obligation d’acheter eux-mêmes, à des prix excessifs, des aliments pour survivre. Selon les requérants, ceux qui le peuvent dépensent 200 à 300 EUR par mois pour acheter de la nourriture et des produits de première nécessité comme des produits d’hygiène corporelle, du papier hygiénique ou des produits de nettoyage, lesquels devraient normalement être fournis par la prison. Les requérants ajoutent que, la plupart d’entre eux étant impécunieux, ils ne peuvent s’offrir de nourriture supplémentaire.
12. Ils avancent que la communication avec les avocats est problématique en raison des problèmes de fonctionnement des télécopieurs, que la durée des parloirs est très brève, seulement 15 minutes, et que ceux-ci sont réservés aux parents au premier degré. Ils allèguent qu’un seul des cinq téléphones à carte de la prison est en état de marche, ce qui entraînerait des bagarres parmi les détenus pour son utilisation. Selon eux, la communication avec l’extérieur via le logiciel Skype ne profite qu’à un petit nombre de détenus.
13. Les requérants se plaignent que les places disponibles à « l’école de la deuxième chance », les places de travail et les places dans le programme de désintoxication des détenus dépendants ne sont pas suffisantes.
14. Ils soutiennent que la corruption des agents pénitentiaires et l’épuisement physique et psychique de ceux-ci sont créateurs d’une mauvaise ambiance et de violences et qu’elle favorise l’apparition d’une gestion officieuse de la prison par des clans.
15. Les requérants ajoutent qu’il n’existe pas d’évaluation individualisée de la dangerosité des détenus en vue de leur placement en cellule ; selon eux, les prévenus sont placés avec les condamnés, les détenus condamnés pour des crimes liés aux mœurs avec ceux condamnés pour homicide (les requérants figurant sous les numéros 20, 24 et 27) et les détenus en bonne santé avec les détenus malades.
B. Les conditions de détention à la prison de Grevena selon le Gouvernement
16. Le Gouvernement indique que la capacité officielle de la prison est de 597 personnes. Il déclare que, à compter d’octobre 2013, le nombre de détenus a commencé à baisser, pour atteindre 517 en juin 2015 et 519 en janvier 2017.
17. Il expose que la prison comprend 200 cellules ordinaires qui ont toutes les mêmes dimensions : 15 m², dont un espace de 2 m² comprenant une douche, un lavabo et des toilettes. Il indique que les cellules disciplinaires, elles, mesurent 11,04 m². Selon lui, les cellules contiennent une table, trois chaises, un ou deux téléviseurs et une poubelle, et la majorité ont été repeintes en 2014.
18. Le Gouvernement déclare que les détenus sont au nombre de trois par cellule. Il allègue que même lorsque, pendant de courtes périodes qui ne coïncideraient pas avec celles de la détention des requérants, il y avait quatre détenus dans certaines cellules, aucun ne dormait par terre. Il ajoute que les cellules disciplinaires n’accueillent qu’un seul détenu, exceptionnellement deux.
19. Le Gouvernement expose que les détenus porteurs de maladies infectieuses sont placés dans des cellules séparées, et que les prévenus et les condamnés pour infractions sexuelles sont également séparés des autres détenus.
20. Il indique que le chauffage central fonctionne pendant quatre heures le matin et quatre heures le soir, et toute la journée en cas de froid vif. Il ajoute qu’il existe, en plus, des chauffages électriques que les détenus peuvent faire fonctionner eux-mêmes. Selon lui, l’eau chaude est disponible pendant une heure le matin et une heure le soir.
21. Le Gouvernement assure qu’il y a une poubelle dans chaque cellule et cinq autres dans les espaces communs de chaque aile de la prison. Il soutient que, tous les trois mois, la direction de la santé publique de la région de Grevena procède à un contrôle sanitaire. Il allègue que les couvertures et les vêtements des détenus sont lavés dans les machines à laver de la prison et que des désinfections ont lieu à des intervalles réguliers. Il fournit plusieurs documents à l’appui de sa thèse, notamment cinq certificats de désinfection délivrés par une entreprise privée, deux certificats de dératisation et trois rapports d’inspection établis par les services d’hygiène de la région de Grevena.
22. Le Gouvernement indique que, en ce qui concerne l’alimentation des détenus, un menu hebdomadaire est établi par le conseil de la prison et approuvé par le médecin de la prison. Selon lui, la qualité des repas est très satisfaisante, tous les produits achetés étant standardisés et certifiés. Le Gouvernement ajoute qu’un menu spécial est prévu pour les détenus ayant des problèmes de santé et pour ceux de confessions religieuses spécifiques. Il fournit tous les menus hebdomadaires servis à la prison pendant les sept premiers mois de 2016.
23. Le Gouvernement expose que des plaques électriques et des fours à micro-ondes se trouvent dans chaque aile de la prison pour que les détenus puissent préparer des repas supplémentaires à ceux qui leur sont fournis. Il indique qu’au sein de la prison fonctionne aussi une rôtisserie vendant aux détenus, à des prix très bas, des poulets, brochettes, frites, etc., une boulangerie fournissant à toute heure de la journée des produits de boulangerie, un magasin fournissant des produits d’hygiène, des cartes téléphoniques, des vêtements et des chaussures, ainsi qu’une cantine vendant des produits laitiers, des fruits et légumes et des desserts. Il allègue que les détenus indigents peuvent se procurer tous ces produits avec les sommes que leur donnent des organismes caritatifs. Il fournit un catalogue de tous les produits disponibles et les prix correspondants. Enfin, il déclare que dix nouveaux réfrigérateurs ont été achetés en novembre 2016.
24. Le Gouvernement indique que, compte tenu de la situation de la prison, en dehors de la ville, et du fait que la majorité des détenus sont des étrangers, les visites au parloir sont plus fréquentes et durent plus longtemps que ce que prévoit le code pénitentiaire. Il expose plus particulièrement que les époux, les enfants, les parents et les avocats des détenus ont la possibilité de rendre visite à ceux-ci aussi souvent qu’ils le souhaitent et dans des endroits sans vitres de séparation. Il ajoute que, en mars 2016, un espace spécial a été créé pour la réunion des familles avec enfants et un parloir électronique a été mis en place par le biais du logiciel Skype pour les détenus qui ne peuvent pas recevoir de visites. Selon le Gouvernement, les détenus ont aussi à leur disposition plusieurs téléphones à carte dans chaque aile de la prison.
25. Le Gouvernement déclare que la prison ne dispose pas d’un médecin permanent, mais qu’un généraliste, un dentiste et un psychiatre s’y rendent deux fois par semaine. Il soutient, en revanche, que deux psychologues, trois infirmières et deux aides-soignants sont présents en permanence au dispensaire de la prison. Il assure que, en cas d’urgence, les détenus sont transférés à l’hôpital de Grevena, et que les coûts des examens médicaux et des traitements pharmaceutiques sont à la charge de la prison.
26. Selon le Gouvernement, la prison est équipée d’une salle prévue pour accueillir des manifestations culturelles, d’une bibliothèque, d’une salle de lecture, d’une salle de sport, et de deux espaces de 600 m² chacun accueillant l’un « l’école de la deuxième chance » et l’autre un atelier d’électrologie servant à la formation des détenus.
27. Vingt-cinq des vingt-huit requérants auraient travaillé ou suivi des cours à « l’école de la deuxième chance ».
28. Le Gouvernement indique que les prévenus sont séparés des condamnés, placés dans l’aile B2, et que tout transfert éventuel est fait à la demande du détenu intéressé ou pour des motifs de sécurité. Il ajoute que les détenus condamnés pour crime sexuel sont placés dans les ailes A1, A2, D1 et D2.
C. Griefs spécifiques aux requérants figurant sous les numéros 1 et 21
1. Selon les requérants
29. Le requérant figurant sous le numéro 1 allègue que, en dépit de ses demandes, il n’a pas bénéficié d’une assistance médicale, en vue de sa réinsertion dans la société, pour les troubles psychologiques qui l’auraient conduit à commettre des infractions d’ordre sexuel. Le 7 avril 2016, après des demandes répétées pour recevoir des soins adéquats, il entama une grève de la faim qui dura 45 jours. Le 24 mai 2016, il fut transféré à la clinique psychiatrique de la prison de Korydallos, où on lui prescrivit un traitement pharmaceutique. Un mois plus tard, il fut renvoyé à la prison de Grevena. Le 1er novembre 2016, il commença une nouvelle grève de la faim qui dura jusqu’à la fin du mois de décembre. Les 20 octobre 2016, 6 février et 13 mars 2017, il écrivit au ministère de la Justice pour demander son transfert à la clinique psychiatrique de la prison de Korydallos mais ne reçut pas de réponse.
30. Le requérant figurant sous le numéro 21 se plaint d’avoir été, à son arrivée à la prison, le 31 décembre 2012, enfermé dans une salle sans pouvoir se promener dans la cour de la prison et sans pouvoir communiquer avec sa famille. Il déclare avoir été par la suite placé dans une cellule de l’aile A1, qu’il aurait partagée avec quatre autres personnes, et avoir dormi par terre pendant un an et demi. Il dit avoir été transféré, le 7 novembre 2014, sans aucun motif et sans avoir commis de faute disciplinaire, dans le quartier disciplinaire de la prison, où il serait resté pendant six mois. Il argue que ce transfert l’a empêché de suivre les cours à « l’école de la deuxième chance » à laquelle il aurait été admis. Il indique que la cellule du quartier disciplinaire mesurait 7 m² et qu’il la partageait avec trois autres détenus. Selon lui, comme la cellule ne disposait que d’un seul lit, trois des quatre détenus dormaient à même le sol, et il n’y avait ni table, ni chaise, ni fenêtre, ni aération. L’intéressé ajoute que l’équipement sanitaire se résumait à un seul robinet, qu’il n’y avait pas de douche ni de lavabo, de sorte qu’il devait se laver à l’aide d’un seau.
31. Le requérant figurant sous le numéro 21 allègue que ses demandes de bénéficier d’un soutien psychologique et d’un traitement pour ses problèmes d’ordre sexuel ont été ignorées par les autorités de la prison. Il indique avoir été placé, à la suite d’une intervention de son avocat, dans une cellule ordinaire accueillant déjà trois autres détenus et qui était équipée de trois lits seulement. Il se plaint de ne pas avoir été autorisé, malgré ses protestations, à reprendre ses cours à « l’école de la deuxième chance ». Il ajoute que, en raison de son étiquette de délinquant sexuel, il fait l’objet de menaces quotidiennes et a déjà été agressé, le personnel de la prison étant selon lui en sous-effectifs et incapable d’assurer la sécurité des détenus.
32. Le 1er mai 2015, le requérant figurant sous le numéro 21 saisit le procureur superviseur de la prison en application de l’article 572 du code de procédure pénale. Il demandait son transfert vers une prison réservée aux délinquants sexuels où sa sécurité serait assurée. Il demandait aussi à bénéficier d’un traitement pharmaceutique adapté à son état psychologique et de l’assistance d’un psychiatre. Se prévalant de sa condamnation à perpétuité, il déclarait souhaiter être placé dans une cellule individuelle équipée d’un lit, d’une douche et d’un lavabo avec de l’eau chaude, qui serait aérée, et à recevoir une alimentation ayant une réelle valeur nutritive. Enfin, il sollicitait l’autorisation de reprendre ses cours à « l’école de la deuxième chance », dont l’arrêt aurait été illégal, et exposait que l’impossibilité de continuer à les suivre lui avait causé une grande peine.
33. Le procureur ne répondit jamais à la requête de l’intéressé.
34. Les deux requérants susmentionnés allèguent que, étant impécunieux, ils n’ont pas les moyens d’acheter de la nourriture supplémentaire ou des vêtements au sein de la prison.
2. Selon le Gouvernement
35. Le Gouvernement fournit le dossier médical du requérant figurant sous le numéro 1. Selon ce dossier, l’intéressé consulta à plusieurs reprises tant les psychologues que le psychiatre de la prison et il reçut un traitement pharmaceutique les 11 et 18 mai et 6 et 13 septembre 2016. Toujours selon ce dossier, le requérant figurant sous le numéro 1 fut hospitalisé, du 24 mai au 6 juin 2016, à la clinique psychiatrique de la prison de Korydallos, et il subit aussi des examens en mode triplex de ses artères.
36. Quant au requérant figurant sous le numéro 21, le Gouvernement soutient, registre de la prison à l’appui, que celui-ci a été placé pour des motifs liés à sa sécurité dans trois cellules disciplinaires différentes entre le 24 juin et le 12 juillet 2016. Selon le Gouvernement, ces cellules n’étaient pas surpeuplées et, contrairement à ce que soutient l’intéressé, ce dernier n’a jamais dormi par terre. Le Gouvernement indique en outre que le requérant figurant sous le numéro 21 n’a jamais été privé de communication avec sa famille ni de promenade dans la cour de la prison, et qu’il n’avait jamais demandé à voir le psychologue de la prison. Il ressort enfin des registres de la prison que le requérant a travaillé au sein de la prison et qu’il a reçu 210 salaires journaliers.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
37. L’article 572 du code de procédure pénale dispose :
« 1. Le procureur près le tribunal correctionnel du lieu où la peine est purgée exerce les compétences prévues par le code [de procédure pénale] concernant le traitement des détenus et contrôle l’exécution des peines et l’application des mesures de sécurité, conformément aux dispositions du présent code, du code pénal et des lois y afférentes.
2. En vue d’exercer les fonctions susmentionnées, le procureur près le tribunal correctionnel visite la prison au moins une fois par semaine. Lors de ces visites, il entend les détenus qui ont préalablement sollicité une audition.
(...) »
38. L’article 6 du code pénitentiaire (loi no 2776/1999) se lit ainsi :
« 1. Les détenus ont le droit de s’adresser par écrit et dans des intervalles raisonnables au Conseil de la prison, en cas d’acte ou d’ordre illégaux à leur encontre et si les dispositions du présent code ne prévoient pas d’autre recours. Dans les quinze jours suivant la notification d’une décision de rejet ou un mois après le dépôt de la demande, si l’administration a omis de prendre une décision, les détenus ont le droit de saisir le tribunal compétent de l’exécution des peines. Si le tribunal fait droit au recours, il ordonne les mesures susceptibles de pallier l’acte ou l’ordre illégal (...). »
39. Dans un document adressé par le ministère de la Justice au Parlement dans le cadre du contrôle parlementaire et portant sur la capacité de toutes les prisons sur le territoire grec et le nombre de détenus au 1er avril 2014, il est indiqué que la prison de Grevena accueillait 757 détenus à cette date.
III. LES CONSTATS DU MÉDIATEUR DE LA RÉPUBLIQUE
40. À la suite d’une plainte collective portant sur les conditions de détention à la prison de Grevena, déposée par trente et un détenus par l’intermédiaire de l’organisation non gouvernementale « Action grecque pour les droits de l’homme », le médiateur de la République effectua, le 1er juillet 2013, une inspection de la prison.
41. Dans son rapport du 16 décembre 2013, le médiateur faisait les constatations suivantes. La prison, d’une capacité officielle de 600 détenus, accueillait à la date de son inspection 732 personnes, et avait déjà accueilli 800 personnes dans le passé.
42. Le plus grand problème était la surpopulation : les détenus en surnombre dormaient sur des matelas par terre, les cellules disciplinaires ainsi que la cellule d’accueil des nouveaux admis étaient transformées en lieux de détention ordinaire et dix cellules disciplinaires accueillaient trente détenus sans que ceux-ci ne purgent de peine disciplinaire.
43. L’état de propreté et le rangement des cellules étaient en général satisfaisants et des désinfections avaient lieu quatre fois par an ; toutefois, les détenus avaient présenté des doléances concernant le manque de produits ménagers et de poubelles dans les différentes ailes.
44. L’alimentation des détenus était problématique en raison du montant insuffisant du budget accordé, à savoir 2,20 EUR par détenu. Le menu hebdomadaire comprenait un petit-déjeuner (thé ou lait), un déjeuner (pâtes : deux fois ; légumes secs : deux fois ; viande : deux fois ; légumes frais et salade : une fois) et un dîner. Les cuisines de la prison étaient propres et bien équipées.
45. Les installations sportives ne fonctionnaient pas, de sorte que les exigences du code pénitentiaire relatives à l’existence de terrains de sport et de salles de gymnastique n’étaient pas respectées.
46. Le réseau d’approvisionnement en eau du secteur de la prison présentait des problèmes, de sorte l’eau n’était pas fournie en continu. En revanche, il n’y avait pas de problème concernant la fourniture d’eau chaude.
47. En raison de la distance qui sépare la prison des grandes villes voisines, les visites aux détenus sont difficiles, coûteuses et demandent beaucoup de temps à leurs proches. Par conséquent, la communication des détenus avec le monde extérieur se fait principalement par téléphone.
48. Le rapport concluait que le grand nombre de détenus rendait difficile la cohabitation dans la prison et que, de ce point de vue, les exigences du droit interne et international n’étaient pas respectées en ce qui concernait le minimum requis d’espace personnel pour chaque détenu.
49. En outre, il indiquait que la difficulté objective pour les proches des détenus de rendre visite à ces derniers imposait que des facilités soient accordées lors desdites visites et que les communications téléphoniques soient améliorées.
50. Enfin, il recommandait de réexaminer l’usage des cellules disciplinaires employées pour le séjour continu des détenus.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
51. Les requérants se plaignent de leurs conditions de détention dans la prison de Grevena. Ils allèguent une violation de l’article 3 de la Convention, qui est ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
A. Sur la recevabilité
1. Incompatibilité ratione personae
52. Le Gouvernement soutient qu’il ne ressort pas des registres de la prison que le requérant figurant sous le numéro 6, nommé Abdul Ahmed David, figure parmi les détenus. Il estime que si ce requérant ne démontre pas qu’il est Ahmed Abdul Mohammed qui, lui, est détenu dans cette prison, la requête doit être rejetée, en ce qui concerne l’intéressé, pour incompatibilité ratione personae avec les dispositions de la Convention. Il ajoute que, de même, le requérant figurant sous le numéro 23, Ali Shokat, mentionné dans la requête comme étant né le 5 mai 1986, doit démontrer qu’il est bien la même personne que le détenu Ali Shokat, selon lui né le 6 mai 1983.
53. Les deux requérants précisent que les certificats de détention établissant leur identité figurent parmi les annexes à leur requête et à leurs observations.
54. La Cour constate que les certificats de détention qui prouvent l’identité des deux intéressés figurent parmi les documents déposés au greffe. Plus particulièrement, en ce qui concerne le requérant figurant sous le numéro 6, la Cour relève que le doute du Gouvernement provenait d’une mauvaise transcription du nom de ce requérant, qui se nomme en fait Abdul Ahmad. Eu égard à ces documents et à l’absence de nouveaux commentaires de la part du Gouvernement, la Cour rejette l’exception en cause.
2. Non-épuisement des voies de recours internes
55. Se prévalant de la jurisprudence de la Cour, le Gouvernement invite celle-ci à rejeter la requête, pour autant qu’elle concerne les requérants figurant sous les numéros 7, 12 et 19, pour non-épuisement des voies de recours internes. Selon lui, ces requérants, libérés avant la date de la saisine de la Cour, n’ont pas fait usage de l’action en dommages-intérêts prévue par l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil.
56. Les requérants rétorquent qu’ils sont impécunieux et qu’ils n’ont pas accès à un avocat pour lui demander de rédiger un acte introductif d’instance dont l’issue serait de toute façon vouée à l’échec.
57. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle, s’agissant de l’épuisement des voies de recours internes, la situation peut être différente entre une personne qui a été détenue dans des conditions qu’elle estime contraires à l’article 3 de la Convention et qui la saisit après sa mise en liberté et un individu qui la saisit alors qu’il est toujours détenu dans les conditions qu’il dénonce (Chatzivasiliadis c. Grèce (déc.), no 51618/12, § 30, 26 novembre 2013). En effet, pour qu’un système de protection des droits des détenus garantis par l’article 3 de la Convention soit effectif, les recours préventifs et les recours indemnitaires doivent coexister de façon complémentaire. L’importance particulière de cette disposition impose que les États établissent, au-delà d’un simple recours indemnitaire, un mécanisme effectif permettant de mettre rapidement un terme à tout traitement contraire à l’article 3 de la Convention. À défaut d’un tel mécanisme, la perspective d’une possible indemnisation risquerait de légitimer des souffrances incompatibles avec cet article et d’affaiblir sérieusement l’obligation des États de mettre leurs normes en accord avec les exigences de la Convention (Ananyev et autres c. Russie, nos 42525/07 et 60800/08, § 98, 10 janvier 2012, et Chatzivasiliadis, précité, § 29). La Cour rappelle, en outre, que dans son arrêt A.F. c. Grèce (no 53709/11, §§ 55-60, 13 juin 2013), elle a estimé qu’il convenait d’examiner si les dispositions d’un texte législatif ou réglementaire susceptibles d’être invoquées aux fins d’une action en application de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil étaient rédigées en termes suffisamment précis et garantissaient des droits « justiciables » (ibidem, § 32).
58. En l’espèce, la Cour observe que les trois requérants en cause ont été libérés aux dates suivantes : le 26 mai 2015 pour le requérant figurant sous le numéro 7, le 4 mai 2015 pour le requérant figurant sous le numéro 12 et le 6 mai 2015 pour le requérant figurant sous le numéro 19. Elle constate que, en la saisissant le 19 juin 2015, les intéressés ne visaient de toute évidence pas à empêcher la continuation de leur détention dans des conditions inhumaines ou dégradantes, mais à obtenir un constat postérieur de violation de l’article 3 de la Convention par la Cour et, le cas échéant, une indemnité pour le dommage moral qu’ils estiment avoir subi.
59. Elle relève que les requérants susmentionnés étaient soumis aux dispositions du code pénitentiaire lorsqu’ils étaient détenus à la prison de Grevena. Les principaux griefs formulés devant elle par ces requérants concernant leurs conditions de détention portent notamment sur la surpopulation, le manque d’hygiène et l’insuffisance de la nourriture. Or, de l’avis de la Cour, les articles 21, 25 et 32 du code pénitentiaire garantissent en ces domaines des droits subjectifs pouvant être invoqués devant les juridictions nationales. L’action indemnitaire fondée sur l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil combiné avec les articles susmentionnés du code pénitentiaire et avec l’article 3 de la Convention, qui est directement applicable dans l’ordre juridique interne, constituait ainsi une voie de recours qui aurait dû être exercée par les requérants en cause.
60. Il s’ensuit que la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes pour autant qu’elle concerne les requérants précités, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
3. Conclusion
61. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
62. Les requérants renvoient à leur propre version des conditions de détention dans la prison de Grevena. Ils se prévalent aussi des constats du médiateur de la République dans son rapport du 16 décembre 2013 sur la situation dans la prison de Grevena. Enfin, ils consacrent de longs développements sur les 11e et 25e Rapports Généraux du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants concernant la situation des condamnés à perpétuité et des autres détenus purgeant de longues peines.
63. Le Gouvernement se réfère à sa propre version des conditions de détention dans la prison de Grevena. Il soutient que, à supposer même que ces conditions ne puissent être considérées comme totalement satisfaisantes, elles ne dépassent pas le seuil de gravité rendant le traitement des détenus inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention. Il estime aussi que les requérants se plaignent de manière générale et abstraite des déficiences de la prison de Grevena sans préciser s’ils pâtissent eux-mêmes de ces déficiences et si celles-ci engendrent à leur égard une souffrance dépassant le seuil de celle inhérente à toute détention en prison.
64. En ce qui concerne les principes généraux d’application de l’article 3 de la Convention dans des affaires soulevant des questions similaires à celles posées par la présente cause, la Cour renvoie à sa jurisprudence pertinente en la matière (voir, en dernier lieu, Muršić c. Croatie [GC], no 7334/13, §§ 96‑141, 20 octobre 2016).
65. En l’espèce, elle constate d’emblée que les thèses des parties divergent sur tous les aspects des conditions de détention dans cette prison.
1. Les conditions générales de détention
66. En ce qui concerne l’allégation de surpopulation, la Cour note que, selon les informations fournies par le médiateur de la République, la prison accueillait 732 détenus à la date du 1er juillet 2013, ce nombre s’étant élevé dans le passé à 800 personnes (paragraphe 41 ci-dessus) pour une capacité officielle de 579 détenus. En outre, elle relève qu’il ressort du document adressé par le ministère de la Justice au Parlement dans le cadre du contrôle parlementaire que le nombre de détenus au 1er avril 2014 dans cette prison s’élevait à 757 (paragraphe 39 ci-dessus). Selon les informations fournies par le Gouvernement, ce nombre atteignait 517 en juin 2015 et 519 en janvier 2017 (paragraphe 16 ci-dessus).
67. Or la Cour observe que tous les requérants ont été admis à la prison lors d’années où il existait effectivement une surpopulation telle que décrite ci-dessus : trois requérants ont été admis en 2010, trois en 2011, deux en 2012, quatre en 2013, dix en 2014 et trois en 2015. Il est donc évident que pendant toutes ces années où le nombre des détenus par cellule était supérieur à trois, l’un d’eux était obligé de dormir par terre compte tenu du fait que chaque cellule était équipée de seulement trois lits. Toutefois, les requérants ne décrivent pas leur situation individuelle, ni dans leur requête ni dans leurs observations, de sorte que la Cour n’est pas en mesure de déterminer lesquels d’entre eux ont pu être affectés par cet aspect de la surpopulation.
68. Quoi qu’il en soit, même si chaque cellule de 12 à 13 m², sans tenir compte des sanitaires, accueillait quatre détenus, l’espace personnel de chacun restait dans les critères considérés comme admissibles par la Cour.
69. Dans l’arrêt Muršić c. Croatie précité, la Cour a dit que lorsqu’un détenu disposait, dans sa cellule, d’un espace personnel compris entre 3 m² et 4 m², le facteur spatial demeurait un élément de poids dans l’appréciation que fait la Cour du caractère adéquat ou non des conditions de détention. En pareil cas, elle conclura à la violation de l’article 3 de la Convention si le manque d’espace s’accompagne d’autres mauvaises conditions matérielles de détention, notamment d’un défaut d’accès à la cour de promenade ou à l’air et à la lumière naturels, d’une mauvaise aération, d’une température insuffisante ou trop élevée dans les locaux, d’une absence d’intimité aux toilettes ou de mauvaises conditions sanitaires et hygiéniques.
70. La Cour examinera donc l’essentiel des autres allégations des requérants en commençant par celle relative à l’alimentation.
71. Sur ce point, elle accorde du crédit à la thèse du Gouvernement selon laquelle les repas servis à la prison de Grevena sont équilibrés et variés : elle estime que ceci ressort des menus hebdomadaires sur une période de sept mois déposés devant elle par le Gouvernement. Elle prend aussi note des informations fournies par ce dernier et non contestées les requérants sur les diverses possibilités pour les détenus de se procurer des suppléments de nourriture à des prix raisonnables au sein de la prison (paragraphe 23 ci‑dessus).
72. En ce qui concerne l’hygiène au sein de la prison, la Cour relève que, tous les trois mois, la direction de la santé publique de la région de Grevena procède à un contrôle sanitaire et que des désinfections et des dératisations ont aussi lieu à des intervalles réguliers (paragraphe 21 ci‑dessus).
73. Quant aux autres griefs des requérants, relatifs à certains aspects de la détention de nature plus personnelle, tels que les visites de leurs proches parents ou les problèmes de santé, la Cour note que les intéressés ne précisent pas s’ils sont effectivement concernés ou, dans l’affirmative, à quel degré ils sont affectés.
74. Eu égard à ce qui précède, la Cour ne saurait conclure que les conditions générales de détention des requérants excédaient le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et constituaient un traitement dégradant. Par conséquent, il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention.
2. Les griefs spécifiques des requérants figurant sous les numéros 1 et 21
a) Le requérant figurant sous le numéro 1
75. En ce qui concerne le requérant figurant sous le numéro 1, la Cour note qu’il ressort de son dossier médical, fourni par le Gouvernement, que l’intéressé souffrait de problèmes psychologiques pour lesquels il était traité au sein de la prison et qu’il avait été transféré pour quelques jours à la clinique psychiatrique de la prison de Korydallos, à Athènes. D’autre part, il ne ressort pas du dossier que les autorités judiciaires ou médicales aient préconisé une prise en charge et une thérapie particulières adaptées à son profil.
76. Dans ces circonstances, l’on ne saurait conclure à la violation de l’article 3 de la Convention en raison d’un manque éventuelle d’assistance médicale.
b) Le requérant figurant sous le numéro 21
77. En ce qui concerne le requérant figurant sous le numéro 21, la Cour note que, tant dans sa requête du 1er mai 2015 adressée au procureur superviseur de la prison que dans sa requête devant elle, ce requérant se plaint de son placement en cellule disciplinaire à compter du 7 novembre 2014 et pour une durée de six mois alors qu’il considérait n’avoir commis aucune faute disciplinaire.
78. Elle constate que si le Gouvernement produit un tableau retraçant les changements de cellule du requérant (incluant son séjour en cellule disciplinaire pendant dix-huit jours en 2016), ce tableau ne concerne que la période du 7 août 2015 au 15 juillet 2016. Elle relève que le Gouvernement n’indique pas où se trouvait le requérant pendant la période dénoncée par ce dernier ni le nombre des personnes partageant la même cellule disciplinaire que lui et l’état de celle-ci. Or il ressort du document adressé par le ministère de la Justice au Parlement (paragraphe 39 ci-dessus) que, en 2014, la surpopulation à la prison de Grevena était nette, ce qui a sans doute justifié le placement du requérant en cellule disciplinaire.
79. La Cour rappelle que, pour l’appréciation des éléments de preuve en matière de privation de liberté, elle retient le critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable ». La procédure prévue par la Convention ne se prête pas toujours à une application stricte du principe de l’attribution de la charge de la preuve affirmanti incumbit probatio. Lorsque les événements en cause sont connus exclusivement des autorités, par exemple dans le cas des personnes soumises à leur contrôle en garde à vue, toute blessure ou décès survenu pendant cette période de détention donne lieu à de fortes présomptions de fait. La charge de la preuve pèse dans ce cas sur les autorités qui doivent fournir une explication satisfaisante et convaincante (voir, parmi beaucoup d’autres, Creangă c. Roumanie [GC], no 29226/03, §§ 88-89, CEDH 2012).
80. Faute pour le Gouvernement d’avoir produit des informations précises sur les conditions de détention du requérant dans la cellule disciplinaire pendant six mois environ en 2014-2015 et eu égard aux constats du médiateur de la République (paragraphe 42 ci-dessus), la Cour accueille la thèse du requérant en ce qui concerne les conditions régnant dans cette cellule pendant la période en cause.
81. La Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention en ce qui concerne le placement du requérant dans une cellule disciplinaire pendant six mois à partir du 7 novembre 2014.
82. Enfin, quant au grief du requérant figurant sous le numéro 21 selon lequel les autorités pénitentiaires auraient ignoré ses demandes de prise en charge de ses problèmes d’ordre sexuel, la Cour constate qu’il ne ressort pas du dossier que les autorités judiciaires ou médicales aient préconisé une thérapie particulière concernant le problème ci-dessus qui n’a pas été suivie par les autorités pénitentiaires. Il s’ensuit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention en ce qui concerne cet aspect du grief du requérant figurant sous le numéro 21.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
83. Les requérants allèguent aussi une violation de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 3. L’article 13 de la Convention se lit ainsi :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
A. Sur la recevabilité
84. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable en ce qui concerne les requérants 1 à 6, 8 à 11, 13 à 18 et 20 à 28.
B. Sur le fond
85. Les requérants en question se plaignent également de l’absence d’un recours effectif pour dénoncer leurs conditions de détention. Ils invoquent à cet égard l’article 13 de la Convention. Ils se prévalent de l’arrêt Konstantinopoulos et autres c. Grèce (no 69781/13, 28 janvier 2016), dans laquelle la Cour a conclu à une violation de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 3, alors qu’elle n’avait pas jugé qu’il y avait eu violation de l’article 3. Ils soutiennent que la saisine du conseil de la prison et du procureur superviseur de la prison aurait été non seulement futile mais qu’elle aurait aussi abouti à rendre leur situation encore plus difficile.
86. Le Gouvernement conteste cette thèse. Selon lui, les requérants ne peuvent pas invoquer l’article 13 de la Convention, faute de « grief défendable ». À titre subsidiaire, il indique que le recours au conseil de la prison, prévu par l’article 6 du code pénitentiaire, constitue un recours efficace que les requérants auraient pu utiliser afin de faire remédier aux conditions de détention qu’ils estimaient mauvaises. Le Gouvernement argue que, par ailleurs, le recours au procureur superviseur de la prison, prévu par l’article 572 du code de procédure pénale, permet aux détenus de soulever des questions liées à l’hygiène, aux soins médicaux, à l’alimentation, aux contacts avec la famille, etc. Il indique que les requérants n’ont toutefois déposé aucune réclamation écrite au procureur ou au conseil de la prison, en dehors des demandes orales concernant des questions d’application des peines, de travail et d’autorisations de sortie.
87. La Cour rappelle que le constat de violation d’une autre disposition de la Convention n’est pas une condition préalable pour l’application de l’article 13 (Sergey Denisov c. Russie, no 21566/13, § 88, 8 octobre 2015, et les références qui y sont citées). Dans la présente affaire, même si la Cour a finalement conclu à la non-violation de l’article 3 de la Convention (paragraphe 74 ci-dessus), elle n’a pas estimé que le grief des requérants à cet égard était à première vue indéfendable (paragraphes 66 et suivants ci‑dessus). La Cour est parvenue à cette conclusion seulement après avoir examiné le bien-fondé de l’affaire. Elle considère dès lors que les requérants ont soulevé un grief défendable aux fins de l’article 13 de la Convention.
88. La Cour rappelle aussi que l’« effectivité » d’un « recours » au sens de l’article 13 de la Convention ne dépend pas de la certitude d’une issue favorable pour le requérant. Toutefois, le recours exigé par cette disposition doit être « effectif » en pratique comme en droit, en ce sens qu’il aurait pu empêcher la survenance de la violation alléguée ou remédier à la situation incriminée, ou aurait pu fournir à l’intéressé un redressement approprié pour toute violation s’étant déjà produite (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, §§ 157-158, CEDH 2000‑XI).
89. S’agissant des recours mentionnés par le Gouvernement, la Cour a conclu dans certaines affaires que les requérants n’avaient pas épuisé les voies de recours internes faute d’avoir utilisé les recours prévus à l’article 572 du code de procédure pénale, relatif à la saisine du procureur chargé de l’exécution des peines et de l’application des mesures de sécurité, et à l’article 6 de la loi no 2776/1999, relatif à la saisine du procureur superviseur de la prison et saisine du conseil disciplinaire de la prison (Vaden c. Grèce, no 35115/03, §§ 30-33, 29 mars 2007, et Tsivis c. Grèce, no 11553/05, §§ 18-20, 6 décembre 2007). Dans ces affaires, les requérants se plaignaient de circonstances particulières qui les affectaient personnellement en tant qu’individus et auxquelles ils estimaient que les autorités pénitentiaires pouvaient mettre un terme en prenant les mesures appropriées. En revanche, la Cour rappelle avoir affirmé à plusieurs reprises que, dans la mesure où le requérant allègue être personnellement affecté par les conditions générales de détention dans la prison, comme en l’espèce, les recours prévus aux articles 6 et 572 précités ne lui seraient d’aucune utilité (voir, parmi beaucoup d’autres, Papakonstantinou c. Grèce, no 50765/11, § 51, 13 novembre 2014).
90. La Cour ne voit aucune raison de s’écarter dans la présente affaire de sa jurisprudence constante à cet égard (voir, entre autres, Konstantinopoulos et autres c. Grèce, précité, et D.M. c. Grèce, no 44559/15, 16 février 2017).
91. Il y a donc eu violation de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 3 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DU PROTOCOLE No 1
92. Le requérant figurant sous le numéro 21 se plaint de l’impossibilité de suivre des cours à « l’école de la deuxième chance » à la suite de son placement dans une cellule du quartier disciplinaire. Il allègue une violation de l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention, aux termes duquel :
« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’État, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. »
A. Sur la recevabilité
93. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
94. Le requérant figurant sous le numéro 21 se réfère à sa requête au procureur superviseur de la prison (paragraphe 32 ci-dessus) et maintient qu’il s’était effectivement plaint de l’impossibilité de pouvoir continuer à suivre les cours après le premier jour de présence.
95. Le Gouvernement indique que le requérant figurant sous le numéro 21 a suivi des cours à « l’école de la deuxième chance » pendant sept jours seulement, et ce alors qu’il avait déjà été placé en cellule disciplinaire. Il produit un document établi par le directeur de la prison de Grevena en attestant, ainsi qu’un tableau concernant plusieurs détenus et qui, selon lui, prouve la véracité de cette allégation. Le Gouvernement soutient que c’est l’intéressé lui-même qui a cessé les cours, sans donner d’explication particulière. À aucun moment, les autorités pénitentiaires ne lui auraient refusé le droit de continuer de suivre les cours.
96. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle, d’une manière générale, les détenus continuent de jouir de tous les droits et libertés fondamentaux garantis par la Convention, à l’exception du droit à la liberté. En ce qui concerne le droit à l’éducation, l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention n’impose pas aux États contractants l’obligation de prévoir de telles possibilités d’éducation pour les détenus lorsqu’elles n’existent pas encore. Si cet article n’impose pas une obligation positive de prévoir un enseignement en prison en toutes circonstances, lorsqu’une telle possibilité existe, elle ne doit pas être soumise à des restrictions arbitraires et déraisonnables. Toute restriction à ce droit doit donc être prévisible et poursuivre un but légitime auquel elle serait proportionnée (Velyo Velev c. Bulgarie, no 16032/07, §§ 30-34, 27 mai 2014).
97. La Cour note que le requérant figurant sous le numéro 21 a été placé pour des motifs liés à sa sécurité dans trois cellules disciplinaires différentes entre le 24 juin et le 12 juillet 2016. Elle relève que l’intéressé soutient que, en raison de son placement en cellule disciplinaire, il n’a pu assister qu’à un seul cours de « l’école de la deuxième chance » alors que le Gouvernement argue qu’il a assisté à sept de ces cours avant de cesser de s’y rendre sans explication.
98. À la différence de l’affaire Velyo Velev précitée, la Cour constate qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’un refus des autorités pénitentiaires d’inscrire un détenu à l’école de l’établissement pénitentiaire, mais, selon toute évidence, d’un abandon volontaire de la part de l’intéressé. Cette conclusion est corroborée par les faits, d’une part, que le requérant figurant sous le numéro 21 n’a pas été placé en cellule disciplinaire au titre d’une sanction et, d’autre part, qu’il ne ressort pas du dossier que, à la suite de ce court séjour en cellule disciplinaire, l’intéressé ait cherché à reprendre lesdits cours. La Cour estime que, à supposer même que le requérant figurant sous le numéro 21 ait passé six mois en cellule disciplinaire en 2014 et 2015, comme il le dénonce, il ne démontre pas avoir cherché à reprendre les cours après son transfert dans une cellule ordinaire.
99. La Cour conclut alors qu’il n’y a pas eu d’ingérence dans le droit du requérant figurant sous le numéro 21 garanti par l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention.
Partant, il n’y a pas eu violation de cette disposition.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
100. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
101. Invoquant l’article 3 de la Convention, les requérants réclament diverses sommes, dont les montants varient en fonction de la durée et des conditions de détention de chacun d’eux, pour préjudice moral. Sur le terrain de l’article 13 de la Convention, ils réclament 9 000 euros (EUR) chacun au titre du préjudice qu’ils estiment avoir subi. Ils demandent que ces sommes soient versées directement sur le compte bancaire indiqué par leur avocate.
102. Le Gouvernement considère que les sommes réclamées sont excessives et non justifiées et qu’elles ne correspondent pas à celles accordées par la Cour dans des affaires similaires. Il estime que le constat de violation constituerait une satisfaction suffisante en l’espèce.
103. La Cour rappelle qu’elle a conclu à la violation de l’article 3 de la Convention seulement en ce qui concerne le requérant figurant sous le numéro 21. Quant aux autres requérants, elle a conclu à la violation de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 3. Elle estime devoir accorder 5 000 EUR au requérant figurant sous le numéro 21 et 2 000 EUR à chacun des autres requérants, à savoir ceux figurant sous les numéros 1 à 6, 8 à 11, 13 à 18, 20 et 22 à 28 au titre du dommage moral.
B. Frais et dépens
104. Se fondant sur la législation grecque en matière de rémunération des avocats, les requérants demandent également 10 500 EUR, plus la TVA, pour les frais et dépens qu’ils disent avoir engagés devant la Cour. Ils indiquent que, en l’absence d’un accord écrit entre le justiciable et son avocat, le code des avocats prévoit que la rémunération de ceux-ci est calculée sur la base du travail horaire et que cette somme s’élève à minimum 130 EUR de l’heure. Ils indiquent aussi que la somme réclamée en l’espèce se situe bien au-dessous du minimum légal dans l’ordre juridique interne et que l’allocation par la Cour de frais trop bas au titre des honoraires d’avocat risque d’avoir des conséquences fâcheuses pour la défense des requérants devant elle. Enfin, ils demandent que la somme réclamée soit versée directement sur le compte bancaire indiqué par leur avocate.
105. Le Gouvernement estime que les requérants n’ont pas produit les justificatifs nécessaires visés par l’autorité fiscale compétente et que, quoi qu’il en soit, la somme demandée est excessive, au motif que la procédure était entièrement écrite et qu’il n’y avait pas eu d’audience dans cette affaire.
106. La Cour rappelle que l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 de la Convention présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). Dans le cas d’espèce, elle note que les requérants ne produisent aucune facture en ce qui concerne les frais engagés devant elle. Il y a donc lieu de rejeter leurs prétentions à ce titre.
C. Intérêts moratoires
107. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable, en ce qui concerne les requérants figurant sous les numéros 1 à 6, 8 à 11, 13 à 18 et 20 à 28 et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention en ce qui concerne les conditions générales de détention dans la prison de Grevena à l’égard des requérants en question ;
3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention en ce qui concerne les problèmes médicaux des requérants figurant sous les numéros 1 et 21 ;
4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention en ce qui concerne les conditions de détention du requérant figurant sous le numéro 21 dans une cellule disciplinaire pendant six mois en 20142015 ;
5. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention à l’égard des requérants figurant sous les numéros 1 à 6, 8 à 11, 13 à 18 et 20 à 28 ;
6. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention à l’égard du requérant figurant sous le numéro 21 ;
7. Dit
a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :
i. 5 000 EUR (cinq mille euros) au requérant figurant sous le numéro 21, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,
ii. 2 000 EUR (deux mille euros) à chacun des requérants figurant sous les numéros 1 à 6, 8 à 11, 13 à 18, 20 et 22 à 28, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
8. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 janvier 2018, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Renata DegenerKristina Pardalos
Greffière adjointePrésidente
ANNEXE
1. Nikolaos KOUREAS est un ressortissant grec né le 20/08/1982
2. Vangjel AHMETI est un ressortissant albanais né le 24/02/1987
3. Alushi FREDI est un ressortissant albanais né le 08/03/1986
4. Abdulrahman ASANHAN est un ressortissant afghan né le 01/01/1991
5. Hafet BENHALIMA est un ressortissant marocain né le 01/10/1993
6. Abdul AHMAD est un ressortissant somalien né le 01/01/1990
7. Antonios DROSOS est un ressortissant grec né le 15/03/1956
8. Gouan GANGEER est un ressortissant iraquien né le 07/04/1985
9. Adem-Petru HOXHAJ est un ressortissant albanais né le 05/05/1993
10. Kan Md MUSARAF est un ressortissant bangladais né le 01/03/1982
11. Eleftherios KATSOULIS est un ressortissant grec né le 10/10/1968
12. Konstantinos KOUMNIDIS est un ressortissant grec né le 22/05/1968
13. Alexandros MARGARITIS est un ressortissant albanais né le 09/05/1973
14. Miha DUDA est un ressortissant bangladais né le 05/03/1951
15. Sazzad Mohamad MAHMUD est un ressortissant bangladais né le 01/03/1979
16. Ahmet MOUSTAFAOGLOU est un ressortissant grec né le 24/05/2012
17. Ayub MULLAH est un ressortissant bangladais né le 01/05/1988
18. Sefer MUMINOGLOU est un ressortissant grec né le 22/10/1991
19. Uddin NASIR est un ressortissant bangladais né le 01/01/1980
20. Gerasimos OIKONOMOPOULOS est un ressortissant grec né le 01/01/1975
21. Christos PAPAZOGLOU est un ressortissant grec né le 18/11/1985
22. Attiq RAHMAN est un ressortissant pakistanais né le 07/02/1984
23. Ali SHOKAT est un ressortissant pakistanais né le 06/05/1983
24. Adnant TAFA est un ressortissant albanais né le 14/03/1977
25. Blero TOCILA est un ressortissant albanais né le 25/11/1977
26. Trifonas VAMVAS est un ressortissant grec né le 07/03/1951
27. Panagiotis VIVILAKIS est un ressortissant grec né le 28/02/1970
28. Visi XENUSI est un ressortissant albanais né le 17/09/1985