TROISIÈME SECTION
AFFAIRE MUHAMMAD SAQAWAT c. BELGIQUE
(Requête no 54962/18)
ARRÊT
Cette version a été rectifiée le 23 août 2020 conformément à l’article 81 du règlement de la Cour.
Art 5 § 1 • Détention régulière • Détention d’un étranger en vue de l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire et de l’en éloigner • Décision contraire au droit interne lu en combinaison avec le droit de l’UE • Détention d’un étranger pour assurer son refoulement effectif à la suite du rejet de sa demande de protection internationale et de ses refus répétés de quitter le pays • Décision n’étant pas restée valable pendant toute la durée de cette détention
Art 5 § 4 • Contrôle à bref délai • Étranger détenu ne pouvant obtenir sa libération, malgré plusieurs constats d’illégalité de sa détention au regard du droit interne lu en combinaison avec le droit de l’UE, au seul motif qu’un nouveau titre de détention est venu fonder sa détention, et empêché de faire valoir devant le juge que le nouveau titre de détention serait affecté par l’illégalité du titre initial • Absence des garanties d’effectivité et de célérité requises • Requérant n’ayant pu obtenir qu’un tribunal statue définitivement et à bref délai sur la légalité de sa détention • Possibilité de recours indemnitaires non pertinente
STRASBOURG
30 juin 2020
DÉFINITIF
30/09/2020
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Muhammad Saqawat c. Belgique,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :
Georgios A. Serghides, président,
Paul Lemmens,
Alena Poláčková,
María Elósegui,
Gilberto Felici,
Erik Wennerström,
Ana Maria Guerra Martins, juges,
et de Olga Chernishova, greffière adjointe de section,
Vu :
la requête susmentionnée (no 54962/18) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant bangladais, M. Hossain Muhammad Saqawat (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 14 novembre 2018,
les observations des parties,
Notant que le 15 janvier 2019, la requête a été communiquée au Gouvernement,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 juin 2020,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
La requête concerne l’impossibilité alléguée par un étranger détenu en vue de son éloignement de faire constater le caractère arbitraire de sa détention par une décision judiciaire finale. Il invoque une violation de l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention.
EN FAIT
1. Le requérant est né en 1986 et réside à Liège. Il est représenté par Mes Z. Chihaoui et J. Davila‑Ardittis, avocats à Bruxelles[1].
2. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme I. Niedlispacher, du service public fédéral de la Justice.
1. Première mesure de détention (2 décembre 2017)
3. Le 2 décembre 2017, le requérant arriva à l’aéroport de Zaventem en Belgique et introduisit une première demande d’asile à la frontière.
4. Le jour même, l’Office des étrangers (« OE ») prit une décision de refoulement ainsi qu’une décision de maintien dans un lieu déterminé (« détention ») sur fondement de l’article 74/5, § 1er, 2o de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour et l’éloignement des étrangers (« loi sur les étrangers »).
5. Le requérant fut placé en détention en centre de transit Caricole, près de l’aéroport.
6. Le 20 décembre 2017, le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (« CGRA ») adopta une décision de refus de reconnaissance du statut de réfugié et de l’octroi du statut de protection subsidiaire à l’endroit du requérant.
2. Deuxième et troisième mesures de détention (23 et 24 janvier 2018)
7. Le 23 janvier 2018, le requérant introduisit, en produisant de nouveaux documents à l’appui, une deuxième demande d’asile qui fut suivie le jour même d’une deuxième décision de refoulement et d’une nouvelle décision de détention sur fondement de l’article 74/5, § 1er, 2o de la loi sur les étrangers. Le requérant déposa une requête de mise en liberté le 24 janvier 2018. Il se plaignait du caractère stéréotypé de la décision en ce que les autorités n’avaient pas examiné sa situation individuelle pour déterminer la nécessité de le maintenir en détention.
8. Le 24 janvier 2018, le CGRA refusa de prendre en considération la demande d’asile. Le même jour, le requérant refusa d’embarquer à bord d’un vol de retour. Suite à ce dernier refus, le 24 janvier 2018, l’OE prit une troisième décision de détention sur la base de la même disposition légale. Le requérant déposa une requête de mise en liberté le 29 janvier 2018. Il faisait valoir que, dans le cas où sa précédente requête était déclarée « sans objet » en raison de la nouvelle mesure de détention, il y aurait tout de même lieu d’examiner l’illégalité de la première décision en ce qu’elle était de nature à invalider la décision subséquente.
9. Le 29 janvier 2018, le requérant introduisit également, devant le Conseil du contentieux des étrangers (« CCE »), une demande de suspension en extrême urgence de la décision de refoulement du 23 janvier 2018 ainsi qu’un recours contre la décision du CGRA du même jour.
10. Le 31 janvier 2018, la chambre du conseil du tribunal de première instance francophone de Bruxelles déclara la première requête de mise en liberté recevable et fondée et ordonna la libération du requérant. Elle considéra que la décision de détention du 23 janvier 2018, et par extension, la décision du 24 janvier 2018, en ce qu’elles se fondaient seulement sur le fait que le requérant avait voyagé sans document de voyage et sans visa, étaient motivées de manière stéréotypée sans appréciation de la situation individuelle du requérant contrairement aux exigences de l’article 74/5, § 1er, 2o de la loi sur les étrangers combiné à l’article 8 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte) (« Directive Accueil », paragraphe 32 ci‑dessous).
11. Le 5 février 2018, le CCE confirma la décision du CGRA. Le même jour, la chambre du conseil déclara irrecevable la requête de mise en liberté introduite contre la décision de détention du 24 janvier 2018 étant donné que l’ordonnance du 31 janvier 2018 avait déjà statué sur cette décision et qu’un appel était pendant.
12. Par un arrêt du 16 février 2018 (no 2018/611), la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles mit l’ordonnance du 31 janvier 2018 à néant au motif que les décisions de détention des 23 et 24 janvier 2018 constituaient des titres autonomes reposant sur des motifs distincts de détention, et que la chambre du conseil ne pouvait pas, sans violer la loi, étendre l’examen de la demande dirigée contre la première décision à la deuxième. Ensuite, appliquant la jurisprudence « sans objet » de la Cour de cassation (paragraphe 30 ci-dessous), la juridiction considéra que la requête contre la décision du 23 janvier 2018 était devenue sans objet et qu’aucune violation de l’article 5 § 4 de la Convention ne pouvait être déduite de la circonstance que la loi n’instituait des recours que contre les mesures dont l’étranger faisait l’objet.
13. Le 16 février 2018, la chambre des mises en accusation mit également à néant l’ordonnance du 5 février 2018 et déclara la demande de mise en liberté du requérant non fondée (arrêt no 2018/610). Tout en adhérant à la thèse selon laquelle l’éventuelle illégalité de la décision du 23 janvier 2018 devait s’étendre au titre de détention du 24 janvier 2018, la juridiction constata qu’aucun moyen d’illégalité n’était soulevé devant elle contre la décision du 23 janvier 2018. Elle considéra également que la tentative d’éloignement du 24 janvier 2018 n’était pas illégale et que la deuxième demande d’asile avait été introduite dans les 48 heures avant l’éloignement prévu en vue de différer celui-ci. Partant, le requérant pouvait légalement être détenu, en attendant un nouvel éloignement, sur base de l’article 8.3 d) de la Directive Accueil et de l’article 74/5, § 1er, 2o de la loi sur les étrangers (paragraphe 32 ci-dessous).
14. Le requérant introduisit un pourvoi contre cet arrêt devant la Cour de cassation. Invoquant l’article 5 § 4 de la Convention, il faisait valoir notamment que la production des conclusions qu’il avait soumises à la chambre du conseil à propos de l’illégalité de la décision du 23 janvier 2018 aurait dû faire foi. Le 21 mars 2018, la Cour de cassation rejeta le pourvoi en considérant que le moyen tiré de l’absence de réponse de l’arrêt à la défense concernant l’illégalité de la décision du 23 janvier 2018 manquait en fait.
3. Quatrième et cinquième mesures de détention (20 et 27 février 2018) et prolongation (27 avril 2018)
15. Le 20 février 2018, le requérant fit une troisième demande d’asile en joignant le reste des documents obtenus qu’il n’avait pu joindre à la précédente demande et l’OE prit une quatrième décision de détention sur fondement de l’article 74/5, § 1er, 2o de la loi sur les étrangers. Le 26 février 2018, le CGRA rendit une décision de refus de prise en considération de la demande d’asile multiple. Le jour même, un vol fut programmé pour le 27 février 2018.
16. Le 28 février 2018, la chambre du conseil constata qu’elle n’avait pas été informée des suites réservées au refoulement prévu, et par conséquent décida de se prononcer sur la légalité de la décision du 20 février 2018. Elle déclara la requête de mise en liberté contre cette décision recevable et fondée et ordonna la libération du requérant, considérant que la décision de détention n’était pas régulière car motivée de manière stéréotypée sans appréciation individualisée de la situation du requérant contrairement aux exigences de l’article 74/5, § 1er, 2o de la loi sur les étrangers combiné à l’article 8 de la Directive Accueil.
17. Entretemps, à la suite du refus du requérant d’embarquer à bord du vol de retour le 27 février 2018, l’OE avait pris ce jour une cinquième décision de maintien dans un lieu déterminé cette fois sur fondement de l’article 74/5, § 1er, 1o de la loi sur les étrangers.
18. Le 9 mars 2018, la chambre du conseil constata que la motivation de la décision du 27 février 2018 était également stéréotypée. La juridiction constata en outre que l’illégalité de la décision du 23 janvier 2018 constatée par son ordonnance du 31 janvier 2018 ayant affecté les décisions postérieures, le requérant devait être libéré conformément à l’article 5 § 4 de la Convention.
19. En raison du nouveau titre « autonome » de détention du 27 février 2018, la chambre des mises en accusation considéra, par un arrêt du 13 mars 2018, que l’appel interjeté par l’État contre l’ordonnance du 28 février 2018, relative à la mesure privative de liberté du 20 février 2018, était devenu sans objet.
20. Le 27 mars 2018, la chambre des mises en accusation rejeta l’appel interjeté par l’État contre l’ordonnance du 9 mars 2018. Elle considéra que s’il était invoqué que la première décision de privation de liberté était affectée d’une illégalité de nature à invalider une décision subséquente, il appartenait au juge saisi de l’examiner en application de l’article 5 § 4 de la Convention. En l’espèce, elle jugea, à l’instar de la chambre du conseil, que la décision de l’OE du 20 février 2018 était illégale puisque sa motivation ne visait aucune des hypothèses figurant à l’article 8.3 de la Directive Accueil et ne comportait pas d’appréciation individualisée conforme à l’article 8.2 de cette directive. Cette illégalité s’étendait à la décision de maintien du 27 février 2018.
21. Par un arrêt du 25 avril 2018, la Cour de cassation, saisie par l’État belge, cassa l’arrêt du 27 mars 2018. Elle souligna que les décisions du 20 février (rétention le temps du traitement de la demande d’asile en vue du refoulement) et du 27 février 2018 (rétention pour assurer le refoulement effectif à la suite du rejet de la demande d’asile et des refus répétés de quitter le pays) avaient des fondements différents. Elle considéra ensuite que l’article 8.3 de la Directive Accueil ne s’appliquait pas aux étrangers dont, comme en l’espèce, la demande de protection internationale avait été rejetée. Elle en déduisit que les juges d’appel, en jugeant que la décision sur la détention du 20 février 2018 était illégale à défaut d’appréciation individualisée conforme à la Directive Accueil et que cette illégalité s’étendait à la décision du 27 février 2018, n’avaient pas légalement justifié leur décision.
22. Le 27 avril 2018, l’OE prit une décision de prolongation jusqu’au 29 juin 2018 de la détention ordonnée par la décision du 20 février 2018, sur fondement de l’article 74/5 §§ 1er, 2o, et 3 de la loi sur les étrangers.
23. Suivant le renvoi de la cause concernant la décision privative de liberté du 27 février 2018 à la chambre des mises en accusation, autrement composée, le requérant y déposa des conclusions invoquant une violation de l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention. Le 14 mai 2018, la chambre des mises en accusation constata tout d’abord que la décision de maintien dans un lieu déterminé du 27 février 2018, qui constituait l’acte attaqué par la requête de mise en liberté (paragraphe 17 ci-dessus), avait expiré au plus tard le 6 mai 2018 (deux mois, augmentés du délai pour introduire un recours au CCE). Elle constata ensuite que la décision de prolongation du 27 avril 2018 visait la décision du 20 février 2018. Or, ce titre de détention avait disparu de l’ordonnancement juridique en raison de l’adoption subséquente d’un nouveau titre de détention, à savoir la décision du 27 février 2018. La décision du 27 avril 2018 visait donc à prolonger un titre de détention devenu inexistant. Il s’ensuivait, selon la chambre des mises en accusation, que le titre de détention avait expiré, sans qu’il n’ait été prolongé. Surabondamment, à supposer même que la décision de prolongation du 27 avril 2018 ait visé la décision du 27 février 2018, force serait alors de constater qu’elle reposait sur des motifs erronés (motifs tenant à la décision de maintien du 20 février 2018). Dans ces circonstances, le requérant n’était plus légalement détenu. En conséquence, la chambre des mises en accusation ordonna sa remise en liberté.
24. À la suite de cet arrêt, le requérant fut libéré.
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
1. Droit interne
1. Dispositions légales relatives à la détention des étrangers
25. L’article 74/5 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour et l’éloignement des étrangers (« loi sur les étrangers ») concerne la détention des demandeurs de protection internationale à la frontière. Les parties applicables en l’espèce sont les suivantes :
« § 1. Peut être maintenu dans un lieu déterminé, situé aux frontières, en attendant l’autorisation d’entrer dans le Royaume ou son refoulement du territoire :
(...)
1o l’étranger, qui en application des disposition de la présente loi, peut être refoulé par les autorités chargées du contrôle aux frontières ;
2o l’étranger qui tente de pénétrer dans le Royaume sans satisfaire aux conditions fixées par l’article 2, et qui introduit une demande d’asile à la frontière ;
(...) »
26. En ce qui concerne la détention d’un étranger sur le fondement de l’article 74/5, § 1er, 2o, précité, la Cour de cassation considère qu’il ressort de la lecture combinée de cette disposition et de l’article 8 de la Directive Accueil (paragraphe 32 ci-dessous) que « le maintien d’un étranger dans un lieu déterminé est non seulement soumis aux conditions prévues à l’article 74/5, § 1er, 2o, précité, mais doit aussi faire l’objet d’un examen individualisé de sa situation, conformément à l’article 8.2 de la Directive Accueil » (Cass., 27 décembre 2017, no P.17.1244.F).
27. La durée du maintien à la frontière se limite en principe à deux mois mais peut être prolongée par période de deux mois si l’étranger fait l’objet d’une mesure de refoulement exécutoire et si les démarches nécessaires ont été entreprises dans les sept jours ouvrables de la mesure d’éloignement, qu’elles sont poursuivies avec toute la diligence requise et qu’il subsiste toujours une possibilité d’éloigner effectivement l’étranger dans un délai raisonnable (article 74/5 § 3, alinéa 1 de la loi sur les étrangers).
28. La loi sur les étrangers organise le régime de la détention qui peut accompagner la mesure d’éloignement. L’étranger maintenu dans un lieu déterminé situé aux frontières, en application de l’article 74/5 précité, peut introduire un recours contre cette mesure, en déposant une requête auprès de la chambre du conseil du tribunal de première instance du lieu où il est maintenu (article 71). La chambre du conseil vérifie « si les mesures privatives de liberté et d’éloignement du territoire sont conformes à la loi sans pouvoir se prononcer sur leur opportunité » (article 72 alinéa 2). L’intéressé, le ministère public et le ministre ou son délégué peuvent faire appel des ordonnances de la chambre du conseil devant la chambre des mises en accusation de la cour d’appel compétente (article 72 alinéa 3). Bien que non mentionné par la loi sur les étrangers, un pourvoi en cassation est possible contre les arrêts de la chambre des mises en accusation et est régi par le code d’instruction criminelle.
29. La procédure d’éloignement est suspendue tant que dure la procédure d’asile. Cela découle de l’article 39/70 de la loi sur les étrangers qui se lit comme suit :
« Sauf accord de l’intéressé, aucune mesure d’éloignement du territoire ou de refoulement ne peut être exécutée de manière forcée à l’égard de l’étranger pendant le délai fixé pour l’introduction du recours et pendant la durée de celui-ci. »
2. Jurisprudence « sans objet » de la Cour de cassation
30. En matière de détention administrative d’étrangers, la Cour de cassation estime de jurisprudence constante que « le recours de l’étranger contre une mesure privative de liberté devient sans objet lorsque, entre‑temps, il fait l’objet d’une nouvelle mesure qui ne prolonge pas la mesure initiale de privation de liberté mais qui constitue un titre autonome de privation de liberté distinct de celui visé par le recours » (voir, par exemple, Cass., 3 septembre 2008, P.08.1323.F). Ainsi, selon la Cour de cassation, « la juridiction d’instruction requise, sur la base de l’article 72 de la loi du 15 décembre 1980, pour se prononcer sur la légalité d’une décision administrative de privation de liberté d’un étranger, est tenue de constater que ce recours est sans objet si l’étranger n’est plus privé de sa liberté en vertu de cette décision, mais sur la base d’un autre titre autonome » (Cass., 16 septembre 2014, P.141289.N).
31. La Cour de cassation a apporté un tempérament à cette jurisprudence en considérant que « lorsqu’une nouvelle décision administrative se substitue, sur un fondement différent, à celle qui ordonne l’éloignement du territoire et la rétention d’un étranger, le recours judiciaire contre celle-ci devient, en principe sans objet. Toutefois s’il est invoqué que la première décision de privation de liberté est affectée d’une illégalité de nature à invalider une décision subséquente, il appartient au juge saisi de cette contestation de l’examiner en application de l’article 5 § 4 de la [Convention] » (Cass., 10 mai 2017, P.17.0447.F).
2. Droit de l’Union européenne
32. L’article 8 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte) (« Directive Accueil ») concerne le placement en rétention et est formulé comme suit :
« 1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur conformément à la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale.
2. Lorsque cela s’avère nécessaire et sur la base d’une appréciation au cas par cas, les États membres peuvent placer un demandeur en rétention, si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.
3. Un demandeur ne peut être placé en rétention que:
a) pour établir ou vérifier son identité ou sa nationalité;
b) pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu’il y a risque de fuite du demandeur;
c) pour statuer, dans le cadre d’une procédure, sur le droit du demandeur d’entrer sur le territoire;
d) lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d’une procédure de retour au titre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, pour préparer le retour et/ou procéder à l’éloignement, et lorsque l’État membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile, qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour;
e) lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige;
f) conformément à l’article 28 du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride.
Les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national.
4. Les États membres veillent à ce que leur droit national fixe les règles relatives aux alternatives au placement en rétention, telles que l’obligation de se présenter régulièrement aux autorités, le dépôt d’une garantie financière ou l’obligation de demeurer dans un lieu déterminé. »
33. L’article 2 b) de la directive définit la notion de « demandeur » comme concernant tout ressortissant de pays tiers ou tout apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement.
EN DROIT
1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION
34. Le requérant allègue que la privation de liberté qu’il a subie n’était pas conforme à l’article 5 § 1 de la Convention, ainsi libellé:
« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
(...)
f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. »
1. Sur la recevabilité
35. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
2. Sur le fond
1. Considérations liminaires
36. Le requérant a fait l’objet de cinq décisions de détention prises par l’OE. La Cour constate qu’il n’a pas exercé de recours contre la décision du 2 décembre 2017 et que cette décision ne fait pas non plus l’objet de la présente requête. En revanche, les décisions des 23 et 24 janvier 2018 et des 20 et 27 février 2018 ont fait l’objet de recours et elles font également l’objet de la requête devant la Cour.
37. S’agissant des décisions de détention des 23 et 24 janvier 2018, le recours contre la décision du 23 janvier 2018 a été déclaré sans objet. La procédure s’est poursuivie dans le cadre du recours contre la décision du 24 janvier 2018. La Cour constate que dans le cadre de cette dernière procédure le requérant n’a pas soulevé de grief tiré de l’article 5 § 1 de la Convention devant la Cour de cassation. La Cour constate également que devant elle le requérant n’a pas développé son grief tiré de l’article 5 § 1 à l’égard de la détention qui a suivi les décisions des 23 et 24 janvier 2018, se limitant à contester la légalité de la détention pendant cette période. S’agissant des décisions de détention des 20 et 27 février 2018, le recours contre la décision du 20 février 2018 a été déclaré sans objet. La procédure s’est poursuivie dans le cadre du recours contre la décision du 27 février 2018. Dans le cadre de ces recours le requérant a soulevé le grief tiré de l’article 5 § 1 de la Convention, et il l’a également développé dans sa requête devant la Cour.
38. Dans ces circonstances, la Cour limitera son examen à la période de détention fondée sur les décisions des 20 et 27 février 2018.
2. Thèses des parties
a) Le requérant
39. Le requérant soutient que l’illégalité de la décision de détention du 20 février 2018 a été constatée par la chambre du conseil dans sa décision du 28 février 2018 et par la chambre des mises en accusation dans son arrêt du 27 mars 2018. Il s’ensuit qu’il a subi une détention illégale, en violation de l’article 5 § 1 de la Convention.
40. Il ajoute que malgré ce constat d’illégalité il n’a pas été libéré, et cela en raison du fait que l’OE avait entretemps, le 27 février 2018, adopté une nouvelle décision qui s’est substituée à celle du 20 février 2018. En outre, son recours contre la décision du 20 février 2018 a été déclaré « sans objet » par la chambre des mises en accusation, dans son arrêt du 13 mars 2018. Saisie de la question de la compatibilité de la jurisprudence « sans objet » avec l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention dans le cas d’espèce, la Cour de cassation, dans son arrêt du 25 avril 2018 relatif à la décision du 27 février 2018, a considéré que l’illégalité de la décision du 20 février 2018 n’avait aucune incidence sur la légalité de la décision du 27 février 2018. Il se déduit de cet arrêt que l’illégalité de la décision du 20 février 2018 devait être ignorée par les juridictions, la décision du 27 février 2018 formant la seule à prendre en considération pour l’appréciation de la régularité de la détention à partir du 20 février 2018. Un titre de détention n’a pourtant des effets que pour l’avenir, de sorte que la décision du 27 février 2018 ne saurait effacer l’illégalité constatée de la décision du 20 février 2018.
b) Le Gouvernement
41. Le Gouvernement fait valoir qu’en adoptant la décision de maintien du 27 février 2018, les autorités belges se fondaient sur l’article 74/5 § 1er, 2o (lire : 1o) de la loi sur les étrangers, qui dresse un cadre légal suffisamment précis et prévisible. Le requérant ne pouvait ignorer qu’en refusant d’obtempérer en vue de son éloignement, le 27 février 2018, il s’exposait à une nouvelle mesure privative de liberté qui aurait pour effet, conformément à la jurisprudence « sans objet » de la Cour de cassation, que la décision du 20 février 2018 serait considérée comme dénuée d’objet. En prenant la décision de maintien de la détention, les autorités ont eu égard à la situation personnelle du requérant, qui refusait sciemment d’obtempérer à son éloignement à la suite du refus de prise en considération de sa troisième demande d’asile. La détention ne saurait être qualifiée d’arbitraire, l’OE ayant manifesté son intention légitime de poursuivre l’éloignement du requérant.
42. Les autres conditions requises par l’article 5 § 1 f) étaient en outre réunies du fait que le requérant n’était pas soumis à une période de détention illimitée et qu’il n’avait pas été détenu au-delà des délais prescrits par la loi. En effet, le 27 avril 2018, l’OE avait prolongé la mesure de détention du 20 février 2018. S’il est vrai que la chambre des mises en accusation a ordonné la mise en liberté du requérant le 27 mars 2018, tant qu’elle ne s’était pas prononcée de façon définitive sur la validité de la décision du 20 février 2018, le requérant ne pouvait, selon le droit interne, être effectivement mis en liberté et la procédure d’éloignement était régulièrement en cours. Or, ce n’est que le 14 mai 2018 que la décision définitive a été rendue, et le requérant a immédiatement été libéré.
3. Appréciation de la Cour
43. Les parties s’accordent à considérer que la détention du requérant entrait dans les prévisions de l’article 5 § 1 f) en ce que les autorités belges ont poursuivi, par le biais de mesures successives de détention et tout au long de celle-ci, le dessein d’empêcher le requérant de pénétrer irrégulièrement dans le territoire belge et de l’éloigner de ce territoire. La Cour note ensuite que la durée de la détention n’est pas contestée en tant que telle devant elle, pas davantage que l’adéquation des conditions dans lesquelles elle s’est déroulée.
44. Il est bien établi dans la jurisprudence de la Cour relative à l’article 5 § 1 de la Convention que toute privation de liberté doit être « régulière ». En matière de « régularité » d’une détention, y compris l’observation des « voies légales », la Convention renvoie pour l’essentiel à la législation nationale, mais également, le cas échéant, à d’autres normes juridiques applicables aux intéressés, y compris celles qui trouvent leur source dans le droit international ou européen. Dans tous les cas, elle consacre l’obligation d’en observer les normes de fond comme de procédure. Le titre de détention justifiant le maintien en détention doit donc être valable, au regard du droit interne, pendant toute la période de détention (Paci c. Belgique, no 45597/09, § 64, 17 avril 2018, et références citées).
45. L’article 5 § 1 concerne aussi la « qualité de la loi », ce qui implique qu’une loi nationale autorisant une privation de liberté soit suffisamment accessible, précise et prévisible dans son application. Les éléments à prendre en compte lorsqu’est appréciée la « qualité de la loi » – parfois appelés « garanties contre l’arbitraire » – sont notamment l’existence de dispositions légales claires pour ordonner la détention, maintenir cette mesure et fixer la durée de celle-ci, ainsi que l’existence d’un recours effectif par lequel le requérant peut contester la légalité et la durée de sa détention (J.N. c. Royaume-Uni, no 37289/12, § 77, 19 mai 2016).
46. En l’espèce, la Cour constate qu’en ce qui concerne la période de détention postérieure au 20 février 2018, le requérant a d’abord été détenu sur base de la décision de l’OE du 20 février 2018, puis sur base de la décision de l’OE du 27 février 2018. Ces deux décisions ayant des fondements légaux distincts, comme constaté par la Cour de cassation dans son arrêt du 25 avril 2018, il convient d’examiner la légalité de la détention selon le titre applicable à chaque moment donné. La Cour examinera dès lors d’abord la détention du 20 au 27 février 2018, puis celle du 27 février au 14 mai 2018, cette dernière date étant celle à laquelle le requérant a été mis en liberté.
a) La détention du 20 au 27 février 2018
47. La décision du 20 février 2018 était fondée sur l’article 75, § 1er, 2o de la loi sur les étrangers. Cette disposition prévoyait la détention d’un étranger le temps de l’examen de sa demande d’asile, en vue de son refoulement éventuel. Par son ordonnance du 28 février 2018, la chambre du conseil considéra, en se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation (paragraphe 26 ci-dessus), que l’article 75, § 1er, 2o, de la loi sur les étrangers devait être lu en combinaison avec l’article 8 de la Directive Accueil. Il s’ensuivait que le maintien d’un étranger dans un lieu déterminé devait notamment faire l’objet d’un examen individualisé de sa situation, conformément à l’article 8.2 de la directive. Après avoir constaté que la décision du 20 février 2018 n’était pas fondée sur une appréciation individualisée de la situation du requérant, elle déclara cette décision illégale et ordonna la remise en liberté du requérant (paragraphe 16 ci-dessus). Cette décision de la chambre du conseil n’a pas été réformée. L’appel de l’État belge fut déclaré sans objet par la chambre des mises en accusation le 13 mars 2018, sans examen de son bien-fondé (paragraphe 19 ci-dessus).
48. Ensuite, au cours de la procédure concernant la décision du 27 février 2018, la chambre des mises en accusation considéra, le 27 mars 2018, en se référant également à la même jurisprudence de la Cour de cassation, que la motivation de la décision du 20 février 2018 ne contenait pas une appréciation individualisée de la situation du requérant et que cette décision n’était donc pas légale. Selon la chambre des mises en accusation, cette illégalité s’étendait à la décision du 27 février 2018 (paragraphe 20 ci-dessus). Cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation le 25 avril 2018 au motif que l’article 8.3 de la Directive Accueil ne s’appliquait pas aux étrangers dont la demande de protection internationale avait été rejetée et qui pouvaient faire l’objet d’une détention sur le fondement de l’article 74/5, § 1er, 1o, de la loi sur les étrangers, comme c’était le cas pour le requérant avec la décision du 27 février 2018. La Cour de cassation en conclut que l’arrêt de la chambre des mises en accusation n’était pas légalement justifié dans la mesure où il avait considéré que l’illégalité affectant la décision du 20 février 2018 s’étendait à celle du 27 février 2018 (paragraphe 21 ci-dessus). Ce faisant, la Cour de cassation n’a donc pas contredit la chambre des mises en accusation en ce qui concerne le constat d’illégalité de la décision du 20 février 2018.
49. Il résulte de ce qui précède que l’illégalité de la décision du 20 février 2018 a été constatée, directement ou indirectement, par les juridictions internes. La Cour ne perd pas de vue que, selon le droit interne, la décision du 20 février 2018 a pu continuer à être un titre valable de détention aussi longtemps qu’il n’avait pas été annulé ou réformé en appel et a, formellement, été valable jusqu’au 27 février 2018, date à laquelle la décision du 27 février 2018 lui a été substituée. Toutefois, elle est d’avis que la validité formelle du titre de détention ne peut prévaloir sur la légalité intrinsèque du titre. Or, la décision du 20 février 2018 étant contraire au droit interne lu en combinaison avec le droit de l’UE, la Cour ne peut que conclure que la détention du requérant a été irrégulière pendant la période où elle était fondée sur cette décision, c’est-à-dire du 20 au 27 février 2018.
b) La détention du 27 février au 14 mai 2018
50. La décision du 27 février 2018 était fondée sur l’article 75, § 1er, 1o de la loi sur les étrangers. Cette disposition prévoyait la détention d’un étranger pour assurer son refoulement effectif à la suite du rejet de sa demande de protection internationale et de ses refus répétés de quitter le pays. Par son ordonnance du 9 mars 2018, la chambre du conseil considéra que la motivation de la décision du 27 février 2018 était entachée du même type d’irrégularité que celle du 20 février 2018 (paragraphe 18 ci-dessus). Toutefois, ce constat n’a pas été réitéré par la chambre des mises en accusation qui, dans son arrêt du 27 mars 2018, s’est appuyée sur d’autres motifs pour conclure à l’illégalité de la décision du 27 février 2018. En effet, comme il a été rappelé ci-dessus (paragraphe 48), la chambre des mises en accusation estima que c’était l’illégalité de la décision du 20 février 2018 qui avait affecté la décision du 27 février 2018, rendant cette dernière également illégale (paragraphe 20 ci-dessus). Le raisonnement basé sur l’extension de l’illégalité d’une décision à l’autre fut rejeté par la Cour de cassation dans son arrêt du 25 avril 2018. En soulignant les différences entre les 1o et 2o de l’article 74/5, § 1er de la loi sur les étrangers, et en considérant explicitement que l’article 8.3 de la Directive Accueil ne s’appliquait pas aux étrangers dont la demande de protection internationale avait été rejetée (paragraphe 21 ci-dessus), la Cour de cassation a implicitement démenti le raisonnement adopté par la chambre du conseil. L’arrêt de la chambre des mises en accusation du 14 mai 2018, rendu suite au renvoi de l’affaire par la Cour de cassation, ne s’est plus prononcé sur cette question, constatant l’illégalité du maintien de la détention pour d’autres motifs (paragraphe 23 ci-dessus).
51. Il résulte de ce qui précède que l’illégalité de la décision du 27 février 2018 n’a pas été constatée par les juridictions internes, abstraction faite de l’ordonnance de la chambre du conseil du 9 mars 2018 dont le raisonnement n’a pas été suivi par les juridictions supérieures. Au contraire, il ressort de l’arrêt de la Cour de cassation du 25 avril 2018 que la décision du 27 février 2018 ne présentait pas l’irrégularité alléguée par le requérant quant à sa motivation. La Cour ne voit rien d’arbitraire ou de manifestement déraisonnable dans l’interprétation faite à cet égard par la Cour de cassation du droit interne lu en combinaison avec le droit de l’UE.
52. La décision du 27 février 2018 pouvait donc, aux yeux de la Cour, constituer un titre légal de la détention du requérant à partir de cette date.
53. Encore fallait-il que ce titre demeure valable pendant toute la durée de cette période de détention. Or, le 14 mai 2018, la chambre des mises en accusation constata, d’une part, que la décision du 27 février 2018 avait expiré au plus tard le 6 mai 2018, et d’autre part, qu’elle n’avait pas valablement été prolongée au-delà par la décision du 27 avril 2018. En effet, selon la chambre des mises en accusation, cette dernière décision visait la décision du 20 février, laquelle avait toutefois disparu de l’ordonnancement juridique en raison précisément de l’adoption de la décision du 27 février 2018 (paragraphe 23 ci-dessus).
54. Force est donc de conclure qu’à partir du 6 mai 2018 et jusqu’à la remise en liberté du requérant le 14 mai 2018, sa détention ne reposait plus sur un titre valable de détention justifiant son maintien.
c) Conclusion
55. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention pour les périodes de détention du 20 au 27 février 2018 et du 6 au 14 mai 2018.
2. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION
56. Le requérant se plaint que l’adoption de décisions de détention successives et l’application de la jurisprudence « sans objet » de la Cour de cassation l’ont privé du droit à un contrôle effectif de la légalité de sa détention. Il invoque une violation de l’article 5 § 4 de la Convention, qui est ainsi libellé :
« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »
1. Sur la recevabilité
57. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
2. Sur le fond
1. Thèses des parties
a) Le requérant
58. Le requérant soutient que la jurisprudence de la Cour énoncée dans l’arrêt Firoz Muneer c. Belgique (no 56005/10, 11 avril 2013) est transposable à la présente affaire étant donné qu’à l’instar des circonstances de cette affaire, il a été détenu trois mois et vingt jours à compter de la première requête de mise en liberté sans obtenir de décision définitive statuant sur la légalité des titres de détention des 23 janvier et 20 février 2018 alors que, sur les quatre procédures entamées en vue de sa mise en liberté, trois ont donné lieu à des décisions ordonnant sa libération précisément en raison de l’illégalité de ces titres. Cette situation résulte, selon le requérant, de la combinaison de l’adoption par l’autorité de titres de détention subséquents et de l’application par les juridictions de la jurisprudence « sans objet » de la Cour de cassation.
59. Plus précisément, le requérant estime que si la jurisprudence « sans objet » n’avait pas été appliquée et que son droit à un recours effectif avait été respecté dans le cadre des recours intentés contre les décisions de détention des 23 janvier 2018 et 20 février 2018, le juge aurait constaté l’illégalité de sa détention et ordonné sa libération. La légalité des titres de détention du 24 janvier 2018 et du 27 février 2018 était donc forcément, selon le requérant, affectée par l’illégalité des décisions qui les précédaient puisqu’elles reposaient directement sur une période de détention illégale qui aurait dû prendre fin par une libération si un recours effectif avait été accordé. Si, finalement il a été libéré par l’arrêt de la chambre des mises en accusation du 14 mai 2018, cela ne résulte pas d’une constatation de l’illégalité de l’une ou l’autre des décisions de détention mais uniquement en raison de l’erreur de l’État dans la prolongation du titre de détention.
60. Tout en ne contestant pas que les juridictions se soient chaque fois prononcées dans des délais courts, le requérant se plaint que la majorité des procédures se soit soldée par une absence d’examen de la régularité de la détention en raison de la jurisprudence « sans objet », le privant au final de l’effectivité du recours garanti par l’article 5 § 4. Il faut tenir compte, selon lui, du fait que l’ensemble des titres de détention, même s’ils étaient formellement distincts, étaient fondés sur la même base au regard de la Convention, à savoir l’article 5 § 1 f), et poursuivaient le même objectif de garantir son éloignement. Il est difficilement justifiable au regard des exigences de l’article 5 § 4 que les juridictions valablement saisies d’un recours contre une décision illégale aient dû renoncer à statuer sur l’objet du recours au motif de l’existence d’un nouveau titre de détention n’ayant pas pour effet de purger l’illégalité de la détention.
b) Le Gouvernement
61. Le Gouvernement fait valoir qu’à chacun des stades de la procédure, les juridictions saisies ont agi à bref délai compte tenu de la complexité de l’affaire et de la spécificité du recours extraordinaire en cassation diligenté in fine. En l’espèce, c’est l’attitude du requérant qui a conduit à la durée de sa détention : à chaque nouvelle demande d’asile, et à chaque refus d’obtempérer à son éloignement, l’administration a été contrainte de prendre une nouvelle mesure privative de liberté, l’obligeant à réexaminer sa situation. S’il est vrai que l’ensemble de sa détention a poursuivi l’objectif de garantir l’éloignement du requérant, elle était surtout caractérisée par l’adoption d’une multitude de titres distincts fondés sur des motivations distinctes. En effet, conformément à la réglementation européenne, lorsqu’un étranger en séjour illégal demande l’asile alors qu’il est détenu dans le cadre d’une procédure d’éloignement, l’administration doit s’assurer qu’il existe des motifs qui justifient qu’il soit maintenu en détention. Ces motifs doivent faire l’objet d’une décision spécifiquement motivée afin de permettre à l’étranger d’en connaître les raisons, de pouvoir les contester et de permettre à la juridiction d’en vérifier la légalité. Ce réexamen de la situation de l’étranger doit être réalisé à chaque demande lors de demandes d’asile multiples, tout comme le CGRA doit motiver chaque décision de refus de prise en considération. C’est la succession de ces décisions, selon le Gouvernement, qui a obligé les juridictions saisies à appliquer la jurisprudence « sans objet » et par conséquent à déclarer sans objet les recours introduits contre les titres de détention périmés. Bien qu’il connaissait les conséquences de l’application de cette jurisprudence bien établie, le requérant a persisté à mener vainement des procédures sans se désister en cours d’instance pour attaquer la légalité des titres de détention actualisés.
62. Quant à la jurisprudence « sans objet » de la Cour de cassation, le Gouvernement explique qu’elle vise à assurer le respect du principe général de la sécurité juridique et de la prévisibilité de la loi et que son application était parfaitement justifiée en l’espèce. À la différence de l’affaire Firoz Muneer dans laquelle la chambre des mises en accusation avait erronément prononcé un défaut d’objet en raison d’une décision de prolongation de la détention, le cas d’espèce concerne de nouvelles mesures autonomes reposant sur des titres et des motivations différents, et dont la légalité ne pouvait donc pas être affectée par l’illégalité éventuelle de mesures distinctes antérieures. Le Gouvernement fait observer que lorsque le titre de détention de l’étranger est « périmé » en raison d’un nouveau titre autonome comme en l’espèce, la juridiction ne peut que constater que la procédure devient sans objet puisque le titre « périmé » a disparu de l’ordonnancement juridique et ne fonde plus la détention de l’intéressé. Soutenir le contraire n’aurait pas de sens puisqu’en réalité le recours du détenu a abouti, en ce sens que la détention fondée sur le titre contre lequel il a introduit une requête de mise en liberté a été levée. De plus, cela n’apporterait rien au détenu puisque sa détention serait désormais justifiée par un autre titre dont la légalité n’a pas encore été analysée, et ce d’autant plus que les juridictions d’instruction ne disposent pas de la compétence d’octroyer des dommages et intérêts sur la base d’un constat d’irrégularité du titre antérieur.
2. Appréciation de la Cour
63. La Cour rappelle qu’en garantissant un recours aux personnes arrêtées ou détenues, l’article 5 § 4 de la Convention consacre aussi le droit pour celles-ci d’obtenir, dans un bref délai à compter de l’introduction du recours, une décision judiciaire concernant la régularité de leur détention et mettant fin à leur privation de liberté si elle se révèle illégale (Mooren c. Allemagne [GC], no 11364/03, § 106, 9 juillet 2009, Idalov c. Russie [GC], no 5826/03, § 154, 22 mai 2012, Khlaifia et autres c. Italie [GC], no 16483/12, § 131, 15 décembre 2016, et Ilnseher c. Allemagne [GC], nos 10211/12 et 27505/14, § 251, 4 décembre 2018).
64. En l’espèce, le requérant a été placé en détention lors de son arrivée en Belgique dans l’attente de l’examen de sa demande d’asile « frontière » par décision de l’OE du 2 décembre 2017 contre laquelle il n’a pas introduit de requête de mise en liberté. La première requête de mise en liberté date du 24 janvier 2018 lorsque le requérant a saisi la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles à propos de la décision de détention prise la veille à la suite du refus de prise en considération de sa deuxième demande d’asile. Il a finalement été libéré à la suite de l’arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles du 14 mai 2018.
65. La Cour relève qu’il n’est pas contesté devant elle qu’à chaque étape des procédures suivies, les juridictions ont agi avec célérité. Toutefois, les exigences de l’article 5 § 4 vont au-delà de ce constat. La question de savoir si l’exigence d’une décision « à bref délai » a été respectée s’apprécie dans le cadre d’une évaluation globale des données, en tenant compte des circonstances de l’espèce, en particulier à la lumière de la complexité de l’affaire, des particularités éventuelles de la procédure interne ainsi que du comportement du requérant au cours de celle‑ci (Khlaifia et autres, précité, § 131).
66. Le Gouvernement invite à cet égard la Cour à tenir compte de la spécificité du système belge qui prévoit plusieurs niveaux de juridiction y compris un recours en cassation. La Cour rappelle toutefois que si l’article 5 § 4 de la Convention n’astreint pas les États à instaurer plusieurs niveaux de juridiction, dans l’hypothèse où un État se dote d’un tel système, il ne saurait en résulter une protection moindre au titre de l’article 5 § 4 (voir, mutatis mutandis, Ilnseher, précité, § 254).
67. Le Gouvernement attribue la durée globale des procédures à l’attitude procédurale du requérant. La Cour constate que ce dernier a fait l’objet de cinq décisions de détention et a initié quatre procédures judiciaires pour en contester la légalité. Il a obtenu sa libération à deux reprises en première instance et une fois en appel. Toutefois, à chaque occasion, l’État belge a introduit un recours contre ces décisions. Dans ces conditions, elle estime que le Gouvernement est malvenu de critiquer l’attitude du requérant qui a été de faire contrôler la conformité de sa privation de liberté avec l’article 5 § 4 de la Convention. La circonstance que les décisions de détention se soient succédées en raison de la poursuite par le requérant de la procédure d’asile afin que les instances compétentes prennent en considération l’ensemble des documents qu’il souhaitait fournir à l’appui de sa demande de protection internationale n’altère pas ce constat.
68. Le Gouvernement reproche ensuite au requérant de ne pas s’être désisté des procédures alors qu’il connaissait les implications de la jurisprudence « sans objet » de la Cour de cassation. La Cour remarque que, dès que la situation s’est présentée (paragraphe 8 ci-dessus), le requérant s’est plaint de l’application de cette jurisprudence. S’il est vrai que, finalement, la thèse du requérant concernant l’extension de l’illégalité d’une décision antérieure à la décision subséquente semble avoir été rejetée par la Cour de cassation (paragraphe 21 ci-dessus), les juridictions de première instance et d’appel l’ont, à plusieurs reprises, suivie (paragraphes 10, 18 et 20 ci-dessus). Il ne saurait donc davantage lui être reproché d’avoir poursuivi les procédures jusqu’à leur terme.
69. Le requérant se plaint d’avoir été privé d’un recours effectif « à bref délai » voulu par l’article 5 § 4 en ce sens que malgré plusieurs décisions judiciaires constatant l’illégalité des périodes de détention fondées sur les titres de détention du 23 janvier et du 20 février 2018, il n’a pas été libéré et n’a même pas pu obtenir qu’une juridiction statue de manière définitive sur la légalité de ces titres de détention.
70. La Cour observe que la décision de la chambre du conseil du 31 janvier 2018 constatant l’illégalité du titre de détention du 23 janvier 2018 en raison de son caractère stéréotypé et ordonnant la libération du requérant (paragraphe 10 ci-dessus), a été réformée en appel, le 16 février 2018, par la chambre des mises en accusation au motif que le recours initial était devenu « sans objet » à cause d’une nouvelle décision de détention intervenue le 24 janvier 2018 (paragraphe 12 ci-dessus). Entretemps, le requérant avait tenté de faire appliquer le tempérament à la jurisprudence « sans objet » et constater l’illégalité de la décision nouvelle au motif qu’elle était affectée de l’illégalité du titre initial (paragraphe 8 ci-dessus). La chambre des mises en accusation a toutefois jugé, par un autre arrêt du 16 février 2018, que la référence aux conclusions déposées en première instance ne suffisait pas à démontrer que le requérant avait soulevé devant elle un moyen tiré de l’illégalité de la décision initiale, et que la décision subséquente était, quant à elle, légalement justifiée par la référence aux dispositions légales dont celle‑ci avait fait application (paragraphe 13 ci-dessus).
71. S’agissant de la décision du 20 février 2018, le même scénario s’est reproduit mais, dans ce cas, la chambre des mises en accusation, saisie à propos de la légalité du titre subséquent du 27 février 2018, a confirmé le 27 mars 2018 la libération que le requérant avait obtenue en première instance (paragraphes 18 et 20 ci‑dessus). La suite de la procédure a toutefois avorté puisque le 25 avril 2018, la Cour de cassation a cassé l’arrêt considérant que les juges d’appel n’avaient pas légalement justifié leur décision étant donné que les décisions des 20 et 27 février 2018 avaient des fondements distincts et que les dispositions du droit de l’Union européenne (« UE ») fondant leur raisonnement ne s’appliquaient pas dans le cas du requérant dont la demande d’asile n’était plus pendante mais avait été rejetée (paragraphe 21 ci‑dessus).
72. Les parties s’accordent à dire que la situation décrite aux paragraphes 70 et 71 ci-dessus résulte de l’application de la jurisprudence « sans objet » de la Cour de cassation. Toutefois, le Gouvernement soutient qu’un recours déclaré sans objet est en réalité un recours qui a abouti conformément à l’article 5 § 4, en ce sens que le titre de détention litigieux est purgé de son éventuelle illégalité en disparaissant de l’ordonnancement juridique.
73. La Cour n’est pas convaincue par cette analyse. Elle estime que l’ordre juridique interne qui ne permet pas à l’étranger détenu d’obtenir sa libération malgré plusieurs constats d’illégalité de cette détention au regard du droit interne lu en combinaison avec le droit de l’UE et ce pour le seul motif qu’un nouveau titre de détention est venu fonder sa détention, et, l’empêche ensuite de faire valoir devant le juge que le nouveau titre de détention serait affecté par l’illégalité du titre initial, ne présente pas les garanties d’effectivité et de célérité requises par l’article 5 § 4 de la Convention.
74. Or, à compter de la première requête de mise en liberté introduite le 24 janvier 2018, le requérant a été détenu trois mois et vingt jours sans obtenir de décision finale sur la légalité de sa détention fondée sur les titres des 23 janvier et 20 février 2018 alors même qu’il avait entamé quatre procédures en vue de sa mise en liberté qui avaient donné lieu à plusieurs décisions favorables et que ces décisions ont soit été réformées en appel soit cassées par la Cour de cassation pour des motifs ne tenant pas à leur justification légale.
75. Certes, le requérant a été remis en liberté au terme de la procédure de mise en liberté concernant la décision de détention du 27 février 2018. Toutefois, la Cour rappelle que ce n’est que si un détenu est relâché « à bref délai » avant tout contrôle judiciaire de sa détention (Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni, 30 août 1990, § 45, série A no 182) ou avant toute décision définitive sur la légalité de sa détention (Firoz Muneer, précité, § 86, et M.D. c. Belgique, no 56028/10, § 44, 14 novembre 2013) que la Cour pourrait conclure qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention. Or, en l’espèce, le requérant, qui a été mis en liberté le 14 mai 2018 suite à une décision de la chambre des mises en accusation fondée sur des motifs étrangers à la légalité interne des titres qu’il contestait (paragraphe 23 ci-dessus), ne l’a précisément pas été « à bref délai ».
76. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que le requérant n’a pas pu obtenir qu’un tribunal statue définitivement et à bref délai sur la légalité de sa détention (voir, mutatis mutandis, Firoz Muneer, précité, § 87, et M.D. c. Belgique, précité, § 46, et, parmi d’autres, V.R. c. Croatie, no 55102/13, §§ 31-34, 13 octobre 2015). La circonstance évoquée par le Gouvernement que le système belge offre encore la possibilité au requérant de demander aux juridictions ordinaires de constater l’irrégularité de sa détention et de lui octroyer des dommages et intérêts sur cette base n’est pas de nature à altérer ce constat étant donné l’exigence de célérité.
77. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention.
3. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
78. Aux termes de l’article 41 de la Convention :
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
1. Dommage
79. Le requérant demande 7 500 euros (EUR) au titre du dommage moral qu’il estime avoir subi pour n’avoir jamais pu pendant près de quatre mois obtenir de décision définitive statuant sur la légalité de sa détention.
80. Le Gouvernement fait valoir que le requérant n’a établi la réalité d’un dommage moral et qu’en tout état de cause le montant réclamé n’est pas raisonnable.
81. Statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, la Cour octroie la totalité du montant réclamé par le requérant au titre du préjudice moral, soit 7 500 EUR.
2. Frais et dépens
82. Le requérant réclame, justificatifs à l’appui, 6 000 EUR au titre des frais et dépens qu’il a engagés dans le cadre de la procédure menée devant la Cour.
83. Le Gouvernement souligne que le requérant aurait pu demander à bénéficier de l’aide juridique gratuite, ce qu’il n’a pas fait.
84. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.
85. En l’espèce, prenant aussi en considération le fait que le requérant n’a eu gain de cause que pour une partie de sa requête, la Cour estime raisonnable de lui accorder la somme de 1 600 EUR, plus tout montant pouvant être dû par lui sur cette somme à titre d’impôt, pour les frais et dépens engagés devant la Cour.
3. Intérêts moratoires
86. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention pour les périodes de détention du 20 au 27 février 2018 et du 6 au 14 mai 2018 ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :
1. 7 500 EUR (sept mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;
2. 1 600 EUR (mille six cents euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 30 juin 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Olga ChernishovaGeorgios A. Serghides
Greffière adjointePrésident
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[1] Rectifié le 23 août 2020 : le texte était le suivant : « Il est représenté par Me Z. Chihaoui, avocat à Bruxelles. »