Le Conseil constitutionnel,
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance du 15 novembre 1958, complétée par l'ordonnance du 4 février 1959 ;
Vu la requête présentée par le sieur Moreteau, demeurant à Saigon, 66, rue Nguyen-Du, ladite requête enregistrée le 14 mai 1959 au secrétariat du Conseil constitutionnel et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler l'élection des sieurs Béthouart, Gros, Carrier, Armengaud, Longchambon et Motais de Narbonne, sénateurs représentant les Français établis hors de France, élus le 5 mai 1959 par le Sénat ;
Vu les observations en défense présentées pour les sieurs Béthouart, Gros, Carrier, Armengaud, Longchambon et Motais de Narbonne, sénateurs, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 30 mai 1959 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 24, dernier alinéa, de la Constitution du 4 octobre 1958 : "Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat" et qu'en application des articles 25 et 92 de la Constitution, l'ordonnance du 15 novembre 1958 portant loi organique relative à la composition du Sénat a fixé à six le nombre des sénateurs représentant les Français établis hors de France; qu'en application des mêmes articles 25 et 92, l'ordonnance du 15 novembre 1958 relative à l'élection des sénateurs, complétée par celle du 4 février 1959, a déterminé les conditions dans lesquelles les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par le Sénat, sur présentation de candidats par le Conseil supérieur des Français de l'étranger ;
2. Considérant que, pour demander l'annulation de l'élection des sénateurs à laquelle le Sénat a procédé le 5 mai 1959, conformément aux dispositions constitutionnelles et législatives susmentionnées, le sieur Moreteau se borne à soutenir que les conditions prévues pour cette élection seraient contraires aux dispositions de l'article 3 de la Constitution, aux termes duquel : "la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum... le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret" ;
3. Considérant que si, en vertu de l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel doit exercer un contrôle de la conformité des lois organiques à la Constitution et peut être saisi, aux mêmes fins, par le Président de la République, le Premier Ministre ou le président de chacune des deux assemblées législatives, des lois ordinaires, ce contrôle ne peut être exercé par le Conseil qu'avant la promulgation des lois qui lui sont ainsi déférées ;
4. Considérant que, d'autre part, aucune disposition de la Constitution ne permet au Conseil constitutionnel d'apprécier la constitutionnalité d'un texte législatif à l'occasion d'une contestation électorale ;
5. Considérant, dès lors, que le sieur Moreteau n'est pas recevable à contester par voie d'exception et à l'occasion d'une requête tendant à l'annulation de l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France, la constitutionnalité des articles 13 et 14 de l'ordonnance susmentionnée du 15 novembre 1958, complétée par celle du 4 février 1959 ; que, par suite, sa requête ne peut être accueillie ;
Décide :
Article premier :
La requête susvisée du sieur Moreteau est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au Sénat et publiée au Journal officiel de la République française.