Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 février 2015 par le Conseil d'État (décision n° 386505 du même jour ), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour M. et Mme Jean-Claude P., par Me Edouard Fraignieau, avocat au barreau de Bordeaux, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 3° du 7 du paragraphe III de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Fraignieau, enregistrées les 10 et 16 mars 2015 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 mars 2015 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Fraignieau pour les requérants et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 21 avril 2015 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'en vertu du 7 du paragraphe III de l'article 150-0 A du code général des impôts, sont, sur option expresse, exonérés d'impôt sur le revenu les gains retirés de cessions à titre onéreux de parts ou actions de sociétés qui bénéficient du statut de jeune entreprise innovante réalisant des projets de recherche et de développement défini à l'article 44 sexies-0 A du même code ; que, parmi les conditions de cette exonération, le 3° du 7 du paragraphe III de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, subordonne le bénéfice de cette exonération à la condition que : « Le cédant, son conjoint et leurs ascendants et descendants n'ont pas détenu ensemble, directement ou indirectement, plus de 25 % des droits dans les bénéfices de la société et des droits de vote depuis la souscription des titres cédés » ;
2. Considérant que, selon les requérants, cette disposition institue une différence de traitement injustifiée entre les associés d'une jeune entreprise innovante qui peuvent ou non, selon le niveau de leur participation, bénéficier de l'exonération fiscale de la plus-value de cession, et méconnaît ainsi les principes d'égalité devant la loi et les charges publiques garantis respectivement par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant qu'en vertu de l'article 13 de la Déclaration de 1789, la contribution commune aux charges de la Nation « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que, pour des motifs d'intérêt général, le législateur édicte, par l'octroi d'avantages fiscaux, des mesures d'incitation au développement d'activités économiques en appliquant des critères objectifs et rationnels en fonction des buts recherchés ;
5. Considérant qu'en adoptant la disposition contestée, le législateur a entendu, par l'octroi d'un avantage fiscal, favoriser le financement des jeunes entreprises innovantes par des personnes physiques susceptibles d'accompagner le développement de ces entreprises et de contribuer à leur croissance sans néanmoins déterminer leurs décisions ; qu'il a ainsi poursuivi un but d'intérêt général ; que, pour réserver le bénéfice de l'exonération aux investisseurs ne déterminant pas les décisions d'une jeune entreprise innovante, le législateur a retenu un plafond de détention, directe ou indirecte, par le cédant, ensemble son conjoint et leurs ascendants et descendants, de 25 % des droits dans les bénéfices de la société et des droits de vote depuis la souscription des titres cédés ; qu'il s'est ainsi fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l'objet de la loi ; que, dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 doivent être rejetés ;
6. Considérant que le 3° du 7 du paragraphe III de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le 3° du 7 du paragraphe III de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 mai 2015, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Lionel JOSPIN et Mme Nicole MAESTRACCI.