LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, sous le n° 2018-761 DC, le 21 février 2018, par MM. Olivier FAURE, Mmes Éricka BAREIGTS, Delphine BATHO, Marie-Noëlle BATTISTEL, Gisèle BIÉMOURET, MM. Christophe BOUILLON, Jean-Louis BRICOUT, Luc CARVOUNAS, Alain DAVID, Mme Laurence DUMONT, MM. Guillaume GAROT, David HABIB, Christian HUTIN, Régis JUANICO, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Stéphane LE FOLL, Serge LETCHIMY, Mmes Josette MANIN, George PAU-LANGEVIN, Christine PIRES BEAUNE, MM. Dominique POTIER, Joaquim PUEYO, François PUPPONI, Mme Valérie RABAULT, M. Hervé SAULIGNAC, Mmes Cécile UNTERMAIER, Hélène VAINQUEUR-CHRISTOPHE, M. Boris VALLAUD, Mme Michèle VICTORY, M. Bruno-Nestor AZEROT, Mme Huguette BELLO, MM. Moetai BROTHERSON, Jean-Philippe NILOR, Gabriel SERVILLE, Alain BRUNEEL, Mme Marie-George BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Jean-Paul DUFRÈGNE, Mme Elsa FAUCILLON, MM. Sébastien JUMEL, Jean-Paul LECOQ, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Hubert WULFRANC, Mme Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Mme Caroline FIAT, MM. Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Jean-Luc MÉLENCHON, Mmes Danièle OBONO, Mathilde PANOT, MM. Loïc PRUD'HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Mmes Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, M. François RUFFIN et Mme Bénédicte TAURINE, députés.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ;
- la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social ;
- l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective ;
- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales ;
- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail ;
- l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l'exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention ;
- l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social ;
- les observations du Gouvernement, enregistrées le 12 mars 2018 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social. Ils contestent ses articles 1er, 3, 10, 17 et 18 en tant qu'ils ratifient respectivement certaines dispositions des ordonnances nos 2017-1385, 2017-1386, 2017-1387 et 2017-1389 du 22 septembre 2017 mentionnées ci-dessus et de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 mentionnée ci-dessus. Ils contestent également l'article 7 et certaines dispositions de ses articles 2, 6 et 11. Ils contestent enfin la procédure d'adoption de son article 18.
- Sur l'article 1er et certaines dispositions de l'article 2 de la loi déférée :
2. L'article 1er de la loi déférée ratifie l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017. L'article 2 de cette même loi modifie certaines des dispositions résultant de cette ordonnance.
. En ce qui concerne les articles L. 2232-21 et L. 2232-23 du code du travail, dans leur rédaction résultant de l'article 2 de la loi déférée :
3. Les articles L. 2232-21 et L. 2232-23 du code du travail permettent à l'employeur, dans une entreprise comptant moins de vingt salariés, de soumettre à la consultation des salariés, sous certaines conditions, un projet d'accord ou un avenant de révision portant sur les thèmes ouverts à la négociation collective d'entreprise.
4. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de permettre à l'employeur de soumettre à la consultation directe des salariés un projet de convention, sans négociation préalable ni a fortiori d'accord, avec les représentants du personnel. Il en résulterait une méconnaissance du principe de participation des travailleurs par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion des entreprises, ainsi qu'une atteinte disproportionnée à la liberté syndicale. Ils soutiennent en outre que les dispositions contestées seraient entachées d'incompétence négative, dans la mesure où le législateur n'aurait entouré cette consultation des salariés d'aucune garantie propre à mettre en œuvre le principe de participation.
5. Aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale ... ». Aux termes du huitième alinéa du même préambule : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ». Si ces dispositions confèrent aux organisations syndicales vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs, elles ne leur attribuent pas pour autant un monopole de la représentation des salariés en matière de négociation collective.
6. Il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical, de fixer les conditions de mise en œuvre du droit des travailleurs de participer, par l'intermédiaire de leurs délégués, à la détermination des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises.
7. En premier lieu, en permettant sous certaines conditions à l'employeur, dans les entreprises employant jusqu'à vingt salariés, de proposer un projet d'accord collectif à la consultation du personnel, le législateur a souhaité développer les accords collectifs dans les petites entreprises en prenant en compte l'absence fréquente de représentants des salariés pouvant négocier de tels accords dans ces entreprises.
8. En deuxième lieu, les dispositions contestées ne prévoient la possibilité pour l'employeur de soumettre un projet d'accord collectif à la consultation du personnel que si l'entreprise est dépourvue de délégué syndical et, dans les entreprises de onze à vingt salariés, en l'absence, en outre, de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique.
9. En dernier lieu, conformément à l'article L. 2232-22 du code du travail, le projet d'accord doit être communiqué par l'employeur à chaque salarié et un délai minimum de quinze jours doit s'écouler entre cette communication et l'organisation de la consultation. En outre, le projet d'accord n'est validé que s'il recueille une majorité des deux tiers du personnel. Enfin, les modalités d'organisation de la consultation doivent en tout état de cause respecter les principes généraux du droit électoral.
10. Il résulte de ce qui précède que les articles L. 2232-21 et L. 2232-23 du code du travail ne méconnaissent ni le principe de participation des travailleurs, ni la liberté syndicale et qu'ils ne sont pas entachés d'incompétence négative. Ces articles, qui ne sont contraires à aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l'article L. 2232-23-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'article 2 de la loi déférée :
11. L'article L. 2232-23-1 du code du travail fixe les modalités de négociation des accords d'entreprise ou d'établissement dans les entreprises dépourvues de délégué syndical comptant entre onze et quarante-neuf salariés. Les trois premiers alinéas de son paragraphe I prévoient que ces accords peuvent être négociés, conclus, révisés ou dénoncés soit par des salariés expressément mandatés par des organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, par des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel, soit par des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique. Pour être valide, l'accord négocié avec des membres de la délégation du personnel, qu'ils soient ou non mandatés, doit être signé par des membres du comité social et économique représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. S'il a été négocié par des salariés mandatés qui ne sont pas membres de la délégation du personnel du comité social et économique, l'accord doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.
12. Les requérants font grief à ces dispositions de n'instituer aucune priorité en faveur des salariés mandatés par une organisation syndicale et de laisser ainsi à l'employeur le choix unilatéral de son interlocuteur pour négocier un accord d'entreprise. Il en résulterait une violation de la liberté syndicale et du principe de participation des travailleurs.
13. Si les dispositions des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 confèrent aux organisations syndicales vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs, elles ne leur attribuent pas pour autant un monopole de la représentation des salariés en matière de négociation collective. Des salariés désignés par la voie de l'élection ou titulaires d'un mandat assurant leur représentativité peuvent également participer à la détermination collective des conditions de travail dès lors que leur intervention n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à celle des organisations syndicales représentatives.
14. D'une part, les dispositions contestées ne régissent la négociation collective que dans les entreprises de onze à quarante-neuf salariés et uniquement lorsqu'elles ne comportent aucun délégué syndical. D'autre part, si, à la différence des règles applicables aux entreprises d'au moins cinquante salariés, les dispositions contestées n'instaurent pas de priorité au profit des salariés mandatés par une organisation syndicale représentative, ces dispositions n'établissent pas davantage de hiérarchie qui leur serait défavorable, dès lors que l'employeur peut négocier soit avec ces salariés mandatés, soit avec des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique.
15. Par conséquent, les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à l'intervention des organisations syndicales représentatives dans la détermination collective des conditions de travail. Les griefs tirés de la méconnaissance du principe de participation et de la liberté syndicale doivent donc être écartés. Les trois premiers alinéas du paragraphe I de l'article L. 2232-23-1 du code du travail, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont donc conformes à la Constitution.
. . En ce qui concerne les articles L. 2253-1 et L. 2253-2 du code du travail, dans leur rédaction résultant de l'article 2 de la loi déférée, l'article L. 2253-3 dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, et l'article 16 de cette ordonnance, dans sa rédaction résultant de l'article 2 de la loi déférée :
16. L'article L. 2253-1 du code du travail fixe la liste des matières soumises à la négociation collective pour lesquelles les dispositions des accords de branche ou des conventions d'un niveau supérieur prévalent sur celles des conventions d'entreprise, sauf si ces dernières assurent des garanties équivalentes. L'article L. 2253-2 fixe la liste des matières pour lesquelles cette prévalence ne vaut qu'à l'égard des conventions d'entreprises conclues postérieurement à l'accord de branche ou à la convention de niveau supérieur. L'article L. 2253-3 prévoit que, en dehors de ces matières, les stipulations de la convention d'entreprise l'emportent, quel que soit le moment où elles ont été conclues.
17. L'article 16 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 détermine les modalités selon lesquelles ces nouvelles règles s'imposent aux accords et conventions en cours et remettent en cause, le cas échéant, les clauses qui leur sont contraires. Ainsi, pour les matières relevant de l'article L. 2253-2, les clauses antérieures des accords de branche ou des conventions d'un niveau supérieur, qui interdisaient aux conventions d'entreprise d'y déroger, peuvent être maintenues, à la condition qu'un avenant en ce sens soit conclu avant le 1er janvier 2019. Le paragraphe IV de l'article 16 prévoit que, en dehors de ces matières, les accords de branche cessent de produire leurs effets à l'égard des conventions d'entreprise à compter du 1er janvier 2018, quelle que soit leur date de conclusion.
18. Les requérants reprochent à cet article 16 de porter atteinte à la liberté contractuelle et au droit au maintien des contrats légalement conclus, garantis par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi qu'au droit de participation à la détermination collective des conditions de travail. Ils dénoncent à ce titre le fait que cet article 16 ait prévu, à compter du 1er janvier 2018, l'application aux accords et conventions collectives en cours du nouveau régime juridique de prévalence entre les conventions d'entreprise et les accords ou convention d'un niveau supérieur, défini à l'article L. 2253-3 du code du travail. Ils lui reprochent également de subordonner le maintien des clauses antérieures des accords de branche ou des conventions de niveau supérieur à l'adoption d'un avenant en ce sens avant le 1er janvier 2019, interdisant aux conventions d'entreprise d'y déroger. En outre, les requérants estiment que les règles de prévalence entre les accords et conventions collectifs sont inintelligibles, tout comme le serait la notion de « garanties équivalentes » utilisée à l'article L. 2253-1 du code du travail. Enfin, le législateur aurait méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité de la loi en ne prévoyant aucune information particulière sur les normes conventionnelles applicables compte tenu de ces règles de prévalence.
19. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. Le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789, et, s'agissant de la participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail, du huitième alinéa du Préambule de 1946.
20. L'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques. Il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi.
21. En premier lieu, en prévoyant à l'article 16 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 que les nouvelles règles de prévalence entre accords collectifs s'appliqueraient aux accords et conventions en cours, le législateur a entendu garantir la sécurité juridique des normes conventionnelles en droit du travail, en évitant la coexistence de règles de prévalence différentes selon la date de conclusion de ces accords et conventions. Un tel motif d'intérêt général est de nature à justifier l'atteinte portée aux accords et conventions en cours. Au surplus, dans les matières énumérées à l'article L. 2253-2 du code du travail, le législateur a permis aux partenaires sociaux de maintenir, par avenant, les clauses de prévalence antérieurement prévues par les accords de branches ou conventions d'un niveau supérieur. Par conséquent, le grief tiré de l'atteinte portée aux exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 et du huitième alinéa du Préambule de 1946 doit être écarté.
22. En second lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ni les règles définies aux articles L. 2253-1 à L. 2253-3 du code du travail, ni la notion de « garanties équivalentes », dont le législateur a d'ailleurs précisé qu'elle s'apprécie « par ensemble de garanties se rapportant à la même matière », ne sont inintelligibles. En outre, l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi n'impose pas au législateur, lorsqu'il établit des règles définissant la façon dont s'articulent différentes normes, de prévoir, dans le même temps, un dispositif d'information destiné à préciser, pour chaque norme en cause, quelles dispositions prévalent compte tenu des autres normes applicables. Le grief tiré de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi doit donc être écarté.
23. Il résulte de ce qui précède que les articles L. 2253-1, L. 2253-2 et L. 2253-3 du code du travail et les paragraphes I, II et IV de l'article 16 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l'article L. 2254-2 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'article 2 de la loi déférée :
24. Le paragraphe I de l'article L. 2254-2 du code du travail définit les conditions dans lesquelles un accord de performance collective peut modifier certains éléments de l'organisation du travail, de la rémunération des salariés ou de leur mobilité géographique ou professionnelle afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ou en vue de préserver ou de développer l'emploi. En vertu de son paragraphe III, les stipulations de cet accord se substituent de plein droit aux clauses contraires du contrat de travail. En vertu de son paragraphe V, le salarié qui s'y oppose peut être licencié pour ce motif spécifique, qui constitue alors une cause réelle et sérieuse de licenciement.
25. Selon les requérants, ces dispositions, qui seraient entachées d'incompétence négative, méconnaîtraient la liberté contractuelle en ce qu'elles autoriseraient la modification irrévocable du contrat de travail, sous peine de licenciement, pour « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ». Par son imprécision, ce motif serait susceptible de recouvrir des justifications qui ne constituent pas un motif d'intérêt général suffisant. Il en résulterait également une violation du droit à l'emploi, dès lors que le salarié licencié qui s'est opposé à la modification de son contrat de travail ne pourrait ni contester son licenciement, dans la mesure où ce dernier repose sur un motif spécifique, prévu par la loi, ni obtenir l'annulation de l'accord de performance collective, compte tenu de l'imprécision des motifs susceptibles de justifier cet accord.
26. Selon le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ... ». Dès lors, il incombe au législateur de poser des règles propres à assurer le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre. Il lui incombe également d'assurer la mise en œuvre de ce droit tout en le conciliant avec les libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789.
27. En premier lieu, en prévoyant qu'un accord de performance collective peut être conclu s'il est justifié par des nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise, le législateur a entendu permettre aux entreprises d'ajuster leur organisation collective afin de garantir leur pérennité et leur développement. Le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait rechercher si les objectifs que s'assigne le législateur pourraient être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé. En outre, il appartient aux partenaires sociaux de déterminer, lors de la négociation de l'accord, les motifs liés au fonctionnement de l'entreprise justifiant d'y recourir et, à ce titre, de s'assurer de leur légitimité et de leur nécessité. Par ailleurs, en vertu de l'article L. 2232-12 du code du travail, l'accord, pour être adopté, doit soit être signé par des organisations syndicales représentatives majoritaires, soit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés s'il n'a été signé que par des organisations syndicales représentatives minoritaires ayant recueilli plus de 30 % des voix au premier tour des dernières élections des membres titulaires du comité social et économique. Enfin, le cas échéant, la pertinence des motifs ayant justifié l'accord peut être contestée devant le juge.
28. En deuxième lieu, si le salarié qui s'oppose à la modification de son contrat de travail par un accord de performance collective peut être licencié pour ce motif, le législateur a apporté à ce licenciement les mêmes garanties que celles prévues pour le licenciement pour motif personnel, en matière d'entretien préalable, de notification, de préavis et d'indemnités. En outre, le fait que la loi ait réputé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse n'interdit pas au salarié de contester ce licenciement devant le juge afin que ce dernier examine si les conditions prévues aux paragraphes III à V de l'article L. 2254-2 du code du travail sont réunies. Enfin, en vertu du paragraphe V de cet article, le licenciement ne peut intervenir que dans les deux mois à compter de la notification du refus par le salarié de la modification de son contrat de travail.
29. Il résulte de tout ce qui précède qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, les exigences constitutionnelles qui découlent de la liberté contractuelle ainsi que du droit d'obtenir un emploi et, d'autre part, la liberté d'entreprendre. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces deux premières exigences constitutionnelles doivent donc être écartés. Le premier alinéa du paragraphe I et les paragraphes III et V de l'article L. 2254-2 du code du travail, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne l'article L. 2262-14 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 :
30. L'article L. 2262-14 du code du travail fixe à deux mois le délai de recours en nullité contre les conventions ou accords collectifs et en détermine le point de départ.
31. Les requérants font valoir que cet article porterait atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et à la liberté syndicale en ce qu'il permettrait que ce délai commence à courir à l'égard de certaines parties sans que ces dernières aient pu avoir connaissance de la convention ou de l'accord en cause. Il porterait également atteinte, pour la même raison, à la liberté d'entreprendre des entreprises tierces susceptibles d'être affectées par cette convention ou cet accord. Enfin, en ne prévoyant pas la possibilité pour les salariés de contester cet acte à tout moment, le législateur aurait méconnu sa compétence et violé le principe de participation.
32. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif.
33. En premier lieu, en fixant à deux mois le délai de recours de l'action en nullité contre une convention ou un accord collectif, le législateur a entendu garantir leur sécurité juridique en évitant qu'ils puissent être contestés longtemps après leur conclusion.
34. En deuxième lieu, le 1° de l'article L. 2262-14 du code du travail prévoit que, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise, le délai de recours contre un accord d'entreprise court à compter de sa notification effectuée en vertu de l'article L. 2231-5 du même code. Ce dernier article prévoit que cette notification intervient à l'initiative de l'organisation signataire la plus diligente et s'adresse aux seules organisations représentatives. Il en résulte que le point de départ de ce délai de recours n'est pas opposable aux organisations syndicales non représentatives, même si elles disposent par ailleurs d'une section syndicale dans l'entreprise.
35. En troisième lieu, le 2° de l'article L. 2262-14 prévoit que, dans tous les autres cas, le délai ne commence à courir qu'à compter de la publication de l'accord collectif dans une base de données nationale. Toutefois, le deuxième alinéa de l'article L. 2231-5-1 du code du travail prévoit que les signataires de l'accord peuvent décider qu'une partie de cet accord ne fera pas l'objet de cette publication. Dans ce cas, le délai de recours contre ces parties d'accord non publiées ne saurait, sans méconnaître le droit à un recours juridictionnel effectif, courir à l'encontre des autres personnes qu'à compter du moment où elles en ont valablement eu connaissance.
36. En dernier lieu, l'article L. 2262-14 ne prive pas les salariés de la possibilité de contester, sans condition de délai, par la voie de l'exception, l'illégalité d'une clause de convention ou d'accord collectif, à l'occasion d'un litige individuel la mettant en œuvre.
37. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 35, le 2° de l'article L. 2262-14 ne méconnaît pas le droit à un recours juridictionnel effectif. Il ne méconnaît pas non plus le principe de participation, la liberté syndicale ou la liberté d'entreprendre. L'article L. 2262-14, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est, sous la réserve énoncée, conforme à la Constitution.
- Sur les articles 3 et 18 de la loi déférée :
38. L'article 3 de la loi déférée ratifie l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017. Son article 18 ratifie l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017.
. En ce qui concerne la procédure d'adoption de l'article 18 de la loi déférée :
39. Les requérants reprochent à l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ratifiée par l'article 18 d'excéder le champ de l'habilitation conférée par la loi du 15 septembre 2017 mentionnée ci-dessus. Ils en déduisent que l'introduction de l'article 18 par voie d'amendement constituerait un détournement de la procédure prévue à l'article 38 de la Constitution et une méconnaissance de l'exigence de clarté et de sincérité des débats parlementaires.
40. D'une part, est inopérant à l'encontre d'une loi de ratification le grief tiré de ce que l'ordonnance ratifiée aurait outrepassé les limites de l'habilitation. D'autre part, l'exigence de clarté et de sincérité des débats parlementaires n'a pas été méconnue lors de l'adoption de l'article 18 de la loi déférée. Par conséquent, les griefs des requérants relatifs à la procédure d'adoption de cet article doivent être écartés.
. En ce qui concerne l'article L. 2312-8 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 :
41. L'article L. 2312-8 du code du travail définit les attributions du comité social et économique, lesquelles, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, reprennent celles appartenant, en l'état antérieur du droit, aux délégués du personnel, au comité d'entreprise et au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
42. Les requérants soutiennent que la suppression du comité d'hygiène et de sécurité résultant de la création du comité social et économique méconnaîtrait le droit à la protection de la santé des travailleurs. Selon eux, en confiant à une même instance représentative du personnel une compétence sur les questions économiques et sur les conditions d'hygiène et de sécurité, l'article L. 2312-8 priverait les entreprises d'une « ressource compétente » en matière de santé et subordonnerait les enjeux sanitaires aux impératifs économiques.
43. Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ... ».
44. Il résulte de l'article L. 2312-8 du code du travail que, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le comité social et économique doit notamment être informé et consulté sur les questions liées aux conditions de santé et de sécurité des travailleurs. Contrairement à ce qui est soutenu, l'absence d'une instance représentative du personnel spécifiquement dédiée aux questions d'hygiène et de sécurité ne méconnaît pas le droit à la protection de la santé. Au surplus, les articles L. 2315-36 et L. 2315-37 disposent qu'une commission santé, sécurité et conditions de travail est créée au sein du comité social et économique, entre autres, dans les entreprises d'au moins trois cent salariés et dans celles où cette mesure est nécessaire, notamment en raison de la nature des activités et de l'agencement ou de l'équipement des locaux. Le grief tiré de la méconnaissance du droit à la protection de la santé doit donc être écarté.
45. L'article L. 2312-8 du code du travail, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l'article L. 2314-5 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 :
46. L'article L. 2314-5 du code du travail détermine les modalités d'organisation des élections au comité social et économique. Ses deux premiers alinéas prévoient que les organisations syndicales sont invitées à négocier un protocole d'accord préélectoral. Le cinquième alinéa de cet article prévoit que, par dérogation, dans les entreprises comptant entre onze et vingt salariés, l'employeur n'invite les organisations syndicales à la négociation du protocole qu'à la condition qu'au moins un salarié se soit porté candidat aux élections, dans un délai de trente jours à compter de l'information par l'employeur de la tenue de ces élections.
47. Les requérants soutiennent qu'en dispensant l'employeur de mettre en œuvre le processus électoral et de négocier un protocole d'accord préélectoral lorsqu'aucun salarié ne s'est déclaré candidat, ces dispositions méconnaîtraient le principe de participation des travailleurs.
48. D'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu éviter que, dans les plus petites entreprises, l'employeur soit tenu d'entamer la négociation d'un protocole préélectoral qui, en l'absence de candidature d'un salarié déclarée dans les trente jours de l'annonce de l'élection, pourrait s'avérer sans objet. D'autre part, ces dispositions ne limitent pas la faculté pour les salariés de déclarer leur candidature, qui n'est pas conditionnée à l'existence d'un tel protocole. Enfin, en application de l'article L. 2314-8 du code du travail, dans l'hypothèse où le comité social et économique n'a pu, faute de candidatures en nombre suffisant, être mis en place ou renouvelé, tout salarié ou toute organisation syndicale peut, à l'issue d'un délai de six mois suivant l'établissement du procès-verbal de carence par l'employeur, obtenir de ce dernier qu'il engage de nouveau la procédure invitant les organisations syndicales à négocier le protocole d'accord préélectoral prévue à l'article L. 2314-5.
49. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du principe de participation des travailleurs doit être écarté. Le cinquième alinéa de l'article L. 2314-5 du code du travail, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne l'article L. 2315-7 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et l'article L. 2315-11 du même code, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 :
50. L'article L. 2315-7 du code du travail prévoit notamment que l'employeur laisse le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions aux membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique et qu'un décret en Conseil d'État fixe le nombre d'heures de délégation dont ils bénéficient. L'article L. 2315-11 du même code détermine les conditions dans lesquelles est payé comme temps de travail effectif leur temps passé aux tâches énoncées à cet article.
51. Les requérants soutiennent que ces dispositions aboutissent à une réduction du nombre d'heures de délégation dont bénéficient les représentants du personnel, qui seraient ainsi privés des moyens nécessaires à l'exercice de leur mission. Ils reprochent également au législateur de n'avoir prévu, au titre du temps consacré aux réunions du comité social et économique, aucun montant minimum d'heures déductibles des heures de délégation. Il en résulterait une méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence et une violation du principe de participation des travailleurs et de la liberté syndicale.
52. Le respect du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 impose que les représentants des salariés bénéficient des moyens nécessaires pour que soit assurée la participation du personnel à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion de l'entreprise.
53. En premier lieu, il ressort de l'article L. 2315-7 du code du travail que, s'il a renvoyé à un décret en Conseil d'État le soin de préciser le nombre d'heures de délégation des représentants du personnel, le législateur a prévu que ce nombre doit être fixé en fonction des effectifs de l'entreprise et du nombre de membres de la délégation du personnel du comité social et économique. Il a également garanti que le nombre d'heures de délégation fixé par le pouvoir réglementaire ne peut être inférieur à dix heures par mois dans les entreprises de moins de cinquante salariés et à seize heures dans les autres entreprises. En outre, l'article L. 2315-8 permet aux membres du comité social et économique de reporter d'un mois sur l'autre les heures de délégation dont ils disposent, selon des modalités précisées par voie réglementaire. Enfin, l'article L. 2315-9 prévoit que, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État, les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent, chaque mois, répartir entre eux et avec les membres suppléants le crédit d'heures de délégation dont ils disposent.
54. En second lieu, en application de l'article L. 2315-11 du code du travail, le temps passé, par les membres de la délégation du personnel du comité social et économique, « à la recherche de mesures préventives dans toute situation d'urgence et de gravité » et « aux enquêtes menées après un accident du travail grave ou des incidents répétés ayant révélé un risque grave ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel grave » est considéré comme du temps de travail effectif et n'a pas à être déduit du quota d'heures de délégation des membres titulaires. Il en va de même du temps passé aux réunions du comité social et économique et de ses commissions. Si, dans ce dernier cas, le 2° de l'article L. 2315-11 fixe une limite à ce principe, sous forme d'un plafond d'heures au-delà duquel le temps passé à ces réunions est déduit des heures de délégation, ces dispositions ne privent pas les représentants du personnel des moyens nécessaires à l'exercice de leur mission. En outre, la circonstance que le législateur n'ait pas fixé lui-même ce plafond, mais renvoyé à un accord d'entreprise ou à défaut à un décret en Conseil d'État, n'entache pas d'incompétence négative les dispositions contestées.
55. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées sont assorties des garanties nécessaires pour assurer le respect du principe de participation des travailleurs. Les griefs tirés de sa méconnaissance et de l'incompétence négative du législateur doivent ainsi être écartés.
56. Les articles L. 2315-7 et L. 2315-11 du code du travail, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté syndicale ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l'article 6 de la loi déférée :
. En ce qui concerne le 9° de l'article 6 de la loi déférée :
57. Le 9° de l'article 6 de la loi déférée modifie l'article L. 2314-10 du code du travail. Cet article L. 2314-10 définit les conditions dans lesquelles des élections partielles doivent être organisées par l'employeur afin de pourvoir les sièges vacants au sein de la délégation du personnel du comité social et économique. Dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, le premier alinéa de cet article impose la tenue de telles élections si un collège électoral au sein du comité n'est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel est réduit au moins de moitié, sauf si ces événements interviennent moins de six mois avant la fin du mandat. Les dispositions du 9° de l'article 6 de la loi déférée introduisent une dérogation à ces règles. Elles dispensent l'employeur de l'obligation d'organiser des élections partielles lorsque l'absence de représentation d'un collège électoral ou la vacance d'au moins la moitié des sièges au sein du comité social et économique sont la conséquence de l'annulation de l'élection de membres de ce comité prononcée par le juge en application des troisième et avant-dernier alinéas de l'article L. 2314-32, c'est-à-dire en cas de méconnaissance des règles tendant à une représentation équilibrée des femmes et des hommes.
58. Les requérants reprochent à ces dispositions de priver durablement de leurs sièges au sein du comité social et économique les organisations syndicales n'ayant pas respecté les règles visant à assurer la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein de la délégation du personnel. Ils soutiennent que ces dispositions entraînent également la diminution du nombre des représentants des salariés pour toute la durée du mandat restant à courir. En n'ayant pas prévu que les sièges ainsi devenus vacants soient pourvus par des élections partielles, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence et contrevenu au principe de participation des travailleurs.
59. Selon le troisième alinéa de l'article L. 2314-32 du code du travail, la constatation par le juge, après l'élection, de la méconnaissance, par une liste de candidats aux élections des représentants du personnel au sein du comité social et économique, des prescriptions imposant à chaque liste de comporter un nombre de femmes et d'hommes proportionnel à leur part respective au sein du collège électoral entraîne l'annulation de l'élection « d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter ». Selon l'avant-dernier alinéa du même article, la constatation par le juge, après l'élection, de la méconnaissance par une liste des prescriptions imposant l'alternance d'un candidat de chaque sexe entraîne l'annulation de l'élection des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions. Dans ces deux cas, les dispositions contestées dispensent l'employeur d'organiser des élections partielles visant à pourvoir les sièges devenus vacants à la suite de l'annulation des élections.
60. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, d'une part, éviter que l'employeur soit contraint d'organiser de nouvelles élections professionnelles alors que l'établissement des listes de candidats relève des organisations syndicales et, d'autre part, inciter ces dernières à respecter les règles contribuant à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du comité social et économique.
61. Toutefois, les dispositions contestées peuvent aboutir à ce que plusieurs sièges demeurent vacants au sein de la délégation du personnel du comité social et économique, pour une période pouvant durer jusqu'à quatre ans, y compris dans les cas où un collège électoral n'est plus représenté au sein de ce comité et où le nombre des élus titulaires a été réduit de moitié ou plus. Ces dispositions peuvent ainsi conduire à ce que le fonctionnement normal du comité social et économique soit affecté dans des conditions remettant en cause le principe de participation des travailleurs.
62. Par conséquent, même si les dispositions contestées visent à garantir, parmi les membres élus, une représentation équilibrée des femmes et des hommes, l'atteinte portée par le législateur au principe de participation des travailleurs est manifestement disproportionnée. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, le 9° de l'article 6 de la loi déférée est contraire à la Constitution.
. En ce qui concerne l'article L. 2315-80 du code du travail, dans sa rédaction résultant du 18° de l'article 6 de la loi déférée :
63. L'article L. 2315-80 du code du travail fixe les règles de financement de l'expertise à laquelle le comité social et économique peut recourir dans les entreprises d'au moins cinquante salariés. Il énumère les cas dans lesquels les frais d'expertise sont pris en charge intégralement par l'employeur et ceux où l'expertise est cofinancée, à hauteur de 20 %, par le budget de fonctionnement du comité social et économique.
64. Les requérants soutiennent que ces dispositions, en ce qu'elles instituent un dispositif de cofinancement par le comité social et économique, dont les modalités seraient insuffisamment précises, méconnaîtraient les exigences constitutionnelles de participation des travailleurs ainsi que de protection de la santé. Elles contreviendraient également au principe d'égalité devant la loi, au détriment des comités sociaux et économiques dont le budget est modeste.
S'agissant des griefs tirés de la méconnaissance du principe de participation des travailleurs et du droit à la protection de la santé :
65. En premier lieu, en application du 2° de l'article L. 2315-80 du code du travail, certaines expertises commandées par le comité social et économique doivent être financées par ce dernier à hauteur de 20 %, le reste étant à la charge de l'employeur. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu souligner la responsabilité du comité social et économique en matière de recours à l'expertise.
66. En second lieu, d'une part, le principe du cofinancement par le comité social et économique ne s'applique pas aux expertises mentionnées au 1° de l'article L. 2315-80, pour lesquelles les frais sont intégralement pris en charge par l'employeur. Tel est le cas de l'expertise relative à la consultation sur la situation économique et financière de l'entreprise, de l'expertise-comptable sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, de l'expertise-comptable en cas de licenciements collectifs pour motif économique, de l'expertise relative à un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, ainsi que de l'expertise visant à préparer la négociation sur l'égalité professionnelle.
67. D'autre part, même dans les cas où un cofinancement par le comité social et économique est en principe exigé, le 3° de l'article L. 2315-80 prévoit une prise en charge intégrale par l'employeur si le budget de fonctionnement du comité, au moment où il décide de recourir à l'expertise, s'avère insuffisant pour couvrir le coût de l'expertise, à la condition qu'aucun excédent annuel n'ait été transféré au budget destiné aux activités sociales et culturelles au cours des trois années précédentes.
68. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance du principe de participation des travailleurs et du droit à la protection de la santé doivent être écartés.
S'agissant du grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi :
69. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Si, en règle générale, ce principe impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes.
70. En établissant les règles de cofinancement décrites ci-dessus, les dispositions contestées traitent de manière identique tous les comités sociaux et économiques, quel que soit le niveau de leur budget de fonctionnement. Le législateur n'ayant ainsi institué aucune différence de traitement, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté.
71. Il résulte de tout ce qui précède que l'article L. 2315-80 du code du travail, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l'article 7 de la loi déférée :
72. L'article 7 de la loi déférée abroge l'article 64 de la loi du 8 août 2016 mentionnée ci-dessus. Cet article 64 prévoit, sous certaines conditions, la mise en place, dans les réseaux d'exploitants d'au moins trois cents salariés en France, liés par un contrat de franchise, d'une instance de dialogue social commune à l'ensemble du réseau.
73. Les députés soutiennent que l'article 7 aurait été adopté selon une procédure non conforme à la Constitution dès lors qu'il excède le champ de l'habilitation conférée par la loi du 15 septembre 2017. Par ailleurs, en privant les salariés des réseaux de franchise d'une représentation adéquate, cet article porterait atteinte au principe de participation des travailleurs.
74. En premier lieu, le champ d'une loi d'habilitation ne s'impose pas au législateur lors de l'adoption de la loi de ratification.
75. En second lieu, la suppression d'une instance de dialogue social au sein d'un réseau de franchise, lequel ne constitue pas une communauté de travail, n'affecte pas les modalités de droit commun de la représentation du personnel au sein des franchisés et du franchiseur et ne méconnaît pas, en tout état de cause, le principe de participation des travailleurs.
76. L'article 7 de la loi déférée, qui a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution et ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l'article 10 et certaines dispositions de l'article 11 de la loi déférée :
77. L'article 10 de la loi déférée ratifie l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. L'article 11 modifie certaines des dispositions résultant de cette ordonnance.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction résultant du 3° du paragraphe I de l'article 11 de la loi déférée :
78. L'article L. 1233-3 du code du travail définit le licenciement pour motif économique comme le licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, des mutations technologiques ou à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. Le douzième alinéa de cet article précise : « Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude ».
79. Les requérants soutiennent que le douzième alinéa de l'article L. 1233-3 méconnaîtrait le droit à l'emploi et « l'objectif de valeur constitutionnelle de développement de l'emploi sur le territoire national » en ce qu'il permettrait à une entreprise française, filiale d'un groupe implanté au niveau mondial, de procéder à des licenciements pour motif économique alors même que ce groupe réalise des bénéfices. En outre, en ne prévoyant pas de dérogation à la prise en compte de la situation économique au seul niveau national lorsqu'une entreprise a artificiellement placé sa filiale dans une situation difficile afin de délocaliser ses activités, le législateur aurait méconnu ces mêmes exigences constitutionnelles et l'étendue de sa compétence.
80. Selon le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ... ». Dès lors, il incombe au législateur de poser des règles propres à assurer le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre.
81. D'une part, en prévoyant que la cause économique d'un licenciement dans une entreprise appartenant à un groupe peut être appréciée au niveau des entreprises appartenant au même groupe, situées sur le territoire national et relevant du même secteur d'activité, le législateur n'a pas méconnu le droit à l'emploi. D'autre part, il résulte des termes mêmes de la loi que cette appréciation cantonnée au territoire national ne s'applique pas en cas de fraude, quelle qu'en soit la forme, notamment l'organisation artificielle de difficultés économiques au sein d'une filiale. Le grief tiré de l'atteinte au droit à l'emploi doit donc être écarté.
82. Le douzième alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail, qui n'est pas entaché d'incompétence négative et ne contrevient à aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction résultant du 7° du paragraphe I de l'article 11 de la loi déférée :
83. L'article L. 1235-3 du code du travail prévoit que, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et en l'absence de réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie à ce dernier une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des minimums et des maximums fixés par ce même article. Ces minimums et maximums varient en fonction de l'ancienneté du salarié. Par ailleurs, les minimums diffèrent selon que l'entreprise emploie onze salariés ou plus ou moins de onze salariés. Dans une entreprise employant au moins onze salariés, l'indemnité minimale va de zéro à trois mois de salaire brut ; dans une entreprise de moins de onze salariés, elle est comprise entre zéro et deux mois et demi de salaire brut. L'indemnité maximale est comprise entre un et vingt mois de salaire brut. Ces indemnités sont cumulables avec les indemnités prévues en cas d'irrégularité de procédure dans la conduite du licenciement ou en cas de non-respect de la priorité de réembauche, dans la limite des montants maximaux précités.
84. Les députés soutiennent que les deuxième à septième alinéas de l'article L. 1235-3 du code du travail, qui instituent un barème d'indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, seraient contraires à la Constitution. Ils estiment tout d'abord que ces dispositions contreviendraient à la garantie des droits dès lors que la faiblesse des plafonds d'indemnisation prévus serait insuffisamment dissuasive et qu'elle permettrait, en conséquence, à un employeur de licencier un salarié de manière injustifiée. Ils considèrent ensuite que serait également méconnu le principe d'égalité devant la loi dans la mesure où le barème fixé par le législateur prend en compte, en ce qui concerne le salarié, le seul critère de l'ancienneté à l'exclusion d'autres critères tels que l'âge, le sexe ou les qualifications, caractérisant son préjudice. Enfin, ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée au droit à être indemnisé d'un préjudice, garanti par l'article 4 de la Déclaration de 1789. En effet, d'une part, les plafonds fixés pourraient conduire, lorsque l'ancienneté du salarié est faible, à une indemnisation dérisoire au regard de la réalité de son préjudice. D'autre part, ils ne permettraient pas d'indemniser justement les préjudices subis, dès lors que les indemnités dues par l'employeur en cas d'irrégularité de procédure dans la conduite du licenciement ou en cas de non-respect de la priorité de réembauche se cumulent, dans la limite de ces plafonds, avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
85. En premier lieu, aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Il résulte de ces dispositions qu'en principe, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. La faculté d'agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle. Toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée. Il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'actes fautifs.
86. D'une part, en fixant un référentiel obligatoire pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le législateur a entendu renforcer la prévisibilité des conséquences qui s'attachent à la rupture du contrat de travail. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.
87. D'autre part, l'indemnité ainsi encadrée a pour objet de réparer le préjudice né d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, le cas échéant, celui né de l'absence de respect de la priorité de réembauche et de la méconnaissance des procédures de consultation des représentants du personnel ou d'information de l'autorité administrative ou de l'obligation de mise en place d'un comité social et économique. Les montants maximaux de cette indemnité fixés par la loi varient, selon l'ancienneté du salarié, entre un et vingt mois de salaire brut. Il ressort des travaux préparatoires que ces montants ont été déterminés en fonction des « moyennes constatées » des indemnisations accordées par les juridictions. Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail, ces maximums ne sont pas applicables lorsque le licenciement est entaché d'une nullité résultant de la violation d'une liberté fondamentale, de faits de harcèlement moral ou sexuel, d'un licenciement discriminatoire ou consécutif à une action en justice, d'une atteinte à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de la dénonciation de crimes et délits, de l'exercice d'un mandat par un salarié protégé ou des protections dont bénéficient certains salariés.
88. Il résulte de ce qui précède que la dérogation au droit commun de la responsabilité pour faute, résultant des maximums prévus par les dispositions contestées, n'institue pas des restrictions disproportionnées par rapport à l'objectif d'intérêt général poursuivi.
89. En second lieu, d'une part, le législateur peut, sans méconnaître le principe d'égalité, moduler l'indemnité maximale due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse dès lors qu'il retient, pour cette modulation, des critères présentant un lien avec le préjudice subi. Il en est ainsi du critère de l'ancienneté dans l'entreprise. D'autre part, le principe d'égalité n'imposant pas au législateur de traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes, il n'était pas tenu, de fixer un barème prenant en compte l'ensemble des critères déterminant le préjudice subi par le salarié licencié. En revanche, il appartient au juge, dans les bornes de ce barème, de prendre en compte tous les éléments déterminant le préjudice subi par le salarié licencié lorsqu'il fixe le montant de l'indemnité due par l'employeur.
90. Dès lors, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi.
91. Il résulte de tout ce qui précède que les deuxième à septième alinéas de l'article L. 1235-3 du code du travail, qui ne méconnaissent pas non plus la garantie des droits ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions des articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1251-12 et L. 1251-35 du code du travail dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
92. Les articles L. 1242-8, L. 1251-12, L. 1243-13 et L. 1251-35 du code du travail permettent à une convention ou à un accord de branche étendu de fixer la durée totale et le nombre maximal de renouvellements possibles du contrat de travail à durée déterminée et du contrat de mission.
93. Les requérants soutiennent qu'en investissant une convention ou un accord collectif du pouvoir de fixer de telles règles, le législateur n'aurait pas épuisé sa compétence.
94. Il ressort de l'article 34 de la Constitution et du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 que, s'il est loisible au législateur de confier à la convention collective le soin de préciser les modalités concrètes d'application des principes fondamentaux du droit du travail, il lui appartient d'exercer pleinement la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution.
95. D'une part, les articles L. 1242-2 et L. 1251-6 du code du travail énumèrent limitativement les cas dans lesquels il peut être recouru au contrat à durée déterminée et au contrat de mission. D'autre part, les dispositions contestées précisent que la durée totale et le nombre maximal de renouvellements de ces contrats tels que fixés par une convention ou un accord collectif ne peuvent « avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ». Dans ces conditions, en confiant à un accord collectif le soin de fixer la durée totale et le nombre maximal de renouvellements possibles d'un contrat de travail à durée déterminée et d'un contrat de mission, le législateur a seulement confié aux accords collectifs le soin de préciser les modalités concrètes d'application des principes fondamentaux du droit du travail. Par suite, le grief tiré de l'incompétence négative du législateur doit être écarté.
96. Le premier alinéa des articles L. 1242-8 et L. 1243-13 et les articles L. 1251-12 et L. 1251-35 du code du travail, qui ne sont contraires à aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l'article L. 3122-15 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
97. L'article L. 3122-15 du code du travail permet à des accords collectifs de mettre en place ou d'étendre le travail de nuit dans une entreprise. Son dernier alinéa institue, en faveur de la convention ou de l'accord collectif, une présomption de conformité aux conditions de recours au travail de nuit.
98. Les requérants soutiennent que cette présomption rendrait plus difficile la contestation des accords collectifs en matière de travail de nuit, en méconnaissance du droit à la protection de la santé.
99. Les dispositions contestées se bornent à instituer une présomption simple, qui peut être renversée. Elles ne modifient pas les conditions de recours au travail de nuit posées par l'article L. 3122-1 du code du travail ni ne dispensent les accords collectifs du respect de ces conditions. Le grief tiré de la méconnaissance du droit à la protection de la santé doit donc être écarté.
100. Le dernier alinéa de l'article L. 3122-15 du code du travail, qui n'est contraire à aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l'article 17 de la loi déférée :
101. L'article 17 de la loi déférée ratifie l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l'article L. 4163-5 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 :
102. L'article L. 4163-5 du code du travail est relatif à l'ouverture et à l'abondement du compte professionnel de prévention des salariés. Il résulte du deuxième alinéa de cet article, combiné avec le paragraphe I de l'article L. 4163-1 du même code, que les manutentions manuelles de charges, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les agents chimiques dangereux, mentionnés au 1° et au a du 2° de l'article L. 4161-1 du même code, sont exclus des risques professionnels ouvrant droit à l'acquisition de points dans le compte professionnel de prévention.
103. Les requérants soutiennent qu'en excluant ces quatre facteurs de risques professionnels du bénéfice d'un dispositif préventif, le législateur aurait méconnu le droit à la protection de la santé.
104. Le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Ainsi, il ne lui appartient pas de remettre en cause l'appréciation portée par le législateur sur les facteurs de risques professionnels susceptibles d'être retenus dans le cadre d'un dispositif de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, ainsi que sur les modalités de cette prise en compte, dès lors que ceux-ci ne sont pas manifestement inappropriés à l'objectif visé. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du droit à la protection de la santé doit être écarté.
105. Le deuxième alinéa de l'article L. 4163-5 du code du travail, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l'article L. 4163-21 du code du travail dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 :
106. L'article L. 4163-21 du code du travail prévoit que les dépenses engendrées par le compte professionnel de prévention et par sa gestion sont couvertes par la branche « accidents du travail et maladies professionnelles » de la sécurité sociale.
107. Les requérants soutiennent qu'en retenant ce mode de financement, qui a pour effet de mutualiser les coûts entre les employeurs, le législateur aurait réduit l'incitation de ces derniers à limiter l'exposition des salariés aux facteurs de risques professionnels. Il en résulterait une méconnaissance du droit à la protection de la santé.
108. Toutefois, le droit à la protection du droit de la santé n'impose pas que le financement du compte professionnel de prévention repose sur un mécanisme incitatif. En tout état de cause, le financement du compte professionnel de prévention par la branche « accidents du travail et maladies professionnelles » de la sécurité sociale préserve le caractère incitatif du dispositif, le taux de la cotisation majorée étant fonction du nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles de l'entreprise ou du secteur d'activité. Ainsi, le grief tiré de la méconnaissance du droit à la protection de la santé doit être écarté.
109. L'article L. 4163-21 du code du travail, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur la place d'autres dispositions dans la loi déférée :
110. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».
111. L'article 9 de la loi déférée prévoit que deux députés et deux sénateurs siègent au sein du conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié.
112. L'article 12 aménage les règles relatives aux bonus perçus par les preneurs de risque travaillant dans un établissement financier et au calcul de leurs indemnités en cas de licenciement irrégulier.
113. L'article 14 porte à soixante-treize ans la limite d'âge des médecins engagés par l'office français de l'immigration et de l'intégration.
114. L'article 20 attribue à l'union nationale des professions libérales des crédits du fonds paritaire de financement du dialogue social.
115. Introduites en première lecture, les dispositions des articles 9, 12, 14 et 20 de la loi déférée ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur les autres dispositions :
116. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social :
- le 9° de l'article 6 ;
- les articles 9, 12, 14 et 20.
Article 2. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 35, l'article L. 2262-14 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, est conforme à la Constitution.
Article 3. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :
- le douzième alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi déférée ;
- les deuxième à septième alinéas de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi déférée ;
- le premier alinéa des articles L. 1242-8 et L. 1243-13 du code du travail, dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;
- les articles L. 1251-12 et L. 1251-35 du code du travail, dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;
- les articles L. 2232-21 et L. 2232-23 du code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi déférée ;
- les trois premiers alinéas du paragraphe I de l'article L. 2232-23-1 du code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi déférée ;
- les articles L. 2253-1 et L. 2253-2 du code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi déférée ;
- l'article L. 2253-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 ;
- le premier alinéa du paragraphe I et les paragraphes III et V de l'article L. 2254-2 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi déférée ;
- l'article L. 2312-8 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
- le cinquième alinéa de l'article L. 2314-5 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
- l'article L. 2315-7 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
- l'article L. 2315-11 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ;
- l'article L. 2315-80 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi déférée ;
- le dernier alinéa de l'article L. 3122-15 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;
- le deuxième alinéa de l'article L. 4163-5 et l'article L. 4163-21 du code du travail, dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 ;
- les paragraphes I, II et IV de l'article 16 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, dans sa rédaction résultant de la loi déférée ;
- l'article 7 de la loi déférée.
Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 mars 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.