Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 28 mars 1992 présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER ;
Le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 5 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à payer à la société Immobilière Service Aquitaine la somme de 888.023 F majorée des intérêts légaux à compter du 31 décembre 1986 et de la capitalisation de ces intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de cesser les travaux de construction d'un bâtiment à usage d'habitation à la suite de l'arrêté en date du 16 novembre 1981 par lequel le maire de Biarritz a ordonné l'interruption des travaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 1994 :
- le rapport de M. CATUS, conseiller ; - les observations de ; - et les conclusions de M. LABORDE, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Biarritz ordonnant l'interruption des travaux en date du 16 novembre 1981 :
Considérant que l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose aux juridictions administratives qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions ; que, toutefois, il en va autrement lorque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale ; que, dans cette hypothèse, l'autorité de la chose jugée s'étend exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal ;
Considérant que l'arrêté du maire de Biarritz, ordonnant l'interruption des travaux, en date du 16 novembre 1981, est intervenu en application des dispositions de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme aux termes duquel "lorsqu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. L'autorité judiciaire peut à tout moment ... se prononcer sur la main levée ou le maintien des mesures prises pour assurer l'interruption des travaux. En tout état de cause l'arrêté du maire cesse d'avoir effet en cas de décision de non-lieu ou de relaxe" ; qu'il résulte de ces dispositions que la légalité de l'arrêté du maire de Biarritz était subordonnée à la condition que la réalisation des travaux dont l'interruption était ordonnée ait été constitutive d'une infraction pénale ;
Considérant que, le tribunal de grande instance de Bayonne a, par un jugement en date du 12 janvier 1984 devenu définitif, décidé que la réalisation des travaux de la société Immobilière Service Aquitaine (I.S.A.) n'était pas constitutive d'une infraction pénale ; que l'autorité de la chose jugée sur ce point s'impose à la juridiction administrative ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Pau a déclaré illégal l'arrêté précité du maire de Biarritz ;
Sur la personne publique responsable :
Considérant, que lorsqu'il exerce le pouvoir qui lui est attribué par l'article L. 480-2 précité, le maire agit en toute hypothèse en qualité d'autorité administrative de l'Etat ; que par suite c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré que l'illégalité dont est entaché l'arrêté du 16 novembre 1981 ne pouvait engager que la responsabilité de l'Etat ;
Sur le montant de la condamnation :
Considérant que le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace n'établit pas que la société I.S.A. aurait poursuivi les travaux nonobstant les décisions de rejet des demandes de permis de construire modificatifs qu'elle a présentées ; que le ministre n'est par suite pas fondé à soutenir que la société I.S.A. a contribué à la constitution du préjudice qu'elle a subi du fait de l'arrêté du maire de Biarritz ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné l'Etat à payer à la société I.S.A. la somme de 888.023 F ;
Sur l'appel incident de la société I.S.A. :
Considérant, d'une part, que la société I.S.A. n'établit pas par le rapport d'un expert comptable qu'elle produit que le préjudice qu'elle a subi du fait de l'interruption des travaux de la deuxième tranche de la résidence sise ... par le maire de Biarritz serait supérieur à l'évaluation faite par le tribunal administratif ; qu'elle ne justifie en effet ni que l'arrêté d'interruption des travaux est à l'origine d'une réduction de ses marges bénéficiaires dès lors qu'elle ne précise pas le prix de vente réel des appartements ni le caractère irrécupérable des honoraires de gestion et technique ;
Considérant, d'autre part, que l'arrêté du maire de Biarritz ne faisait obligation à la société I.S.A. d'interrompre que les travaux effectués sur la propriété sise ... ; que par suite, il n'a pu avoir que des conséquences indirectes, et donc insusceptibles d'être indemnisées, sur les autres programmes immobiliers de la société I.S.A. ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appel incident de la société I.S.A. tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 3.390.816 F doit être rejeté ;
Sur l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu de condamner l'Etat qui a la qualité de partie perdante en l'espèce à payer à la société I.S.A. la somme de 3.000 F qu'elle demande sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 8-1 ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE L'ESPACE et l'appel incident de la société Immobilière Service Aquitaine sont rejetés.
Article 2 : L'Etat est condamné sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à payer à la société Immobilière Service Aquitaine la somme de 3.000 F.