Vu le recours, enregistré le 19 janvier 1998 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour :
1? d'annuler le jugement, en date du 27 février 1997, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, en premier lieu, annulé l'arrêté, en date du 2 juin 1993, par lequel le directeur général des douanes et droits indirects a déchargé M. Y... de ses fonctions comptables, à compter du 1er juillet 1993 et l'a affecté dans l'intérêt du service à la direction interrégionale de Bordeaux à compter du 1er juillet 1993, en deuxième lieu, annulé la décision, en date du 30 juillet 1993, de la même autorité, rejetant la demande de M. Y... d'attribution d'une indemnité en compensation de la perte de la majoration de traitement de 35 %, de l'indexation de 1,138 %, de la répartition de l'octroi de mer et de la troisième fraction de l'indemnité d'éloignement, en troisième lieu, a renvoyé M. Y... devant le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE pour qu'il soit procédé au réexamen de ses droits aux indemnités demandées ;
2? de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n? 50-497 du 3 avril 1950 ;
Vu la loi n? 74-1114 du 27 décembre 1974 portant loi de finances rectificative pour 1974 ;
Vu la loi n? 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
Vu la loi n? 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
Vu le décret n? 47-1457 du 4 août 1947 ;
Vu le décret n? 49-55 du 11 janvier 1949 modifié ;
Vu le décret n? 53-1266 du 22 décembre 1953 ;
Vu le décret n? 57-333 du 15 mars 1957 ;
Vu le décret n? 74-1130 du 30 décembre 1974 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n? 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2000 :
- le rapport de M.VALEINS, rapporteur ;
- les observations de M. Y..., présent ;
- et les conclusions de M. DESRAME, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Y... exerçait les fonctions de receveur principal de première classe comptable depuis le 1er juillet 1990 au bureau des douanes du Port de la Pointe des Galets à la Réunion ; que, par un arrêté, en date du 2 juin 1993, le directeur général des douanes et droits indirects l'a, d'une part, déchargé de ses fonctions comptables à compter du 1er juillet 1993 et, d'autre part, l'a affecté à compter de cette même date à la direction régionale des douanes de Bordeaux, en qualité de receveur principal de première classe, fonctionnel, sur un emploi de fondé de pouvoir de la recette principale régionale de Bordeaux ; que, par lettre en date du 14 juin 1993, M. Y... a demandé au directeur général des douanes et droits indirects, afin de compenser la perte des indemnités liées à l'exercice de ses fonctions à la Réunion, de le faire bénéficier de l'indemnité compensatrice instituée par le décret n? 47-1457 du 7 août 1947 ; que, par une décision, en date du 30 juin 1993, cette autorité a rejeté la demande de M. Y... pour le double motif que M. Y... n'entrait pas dans le champ d'application du décret précité du 4 août 1947 et que les indemnités dont il demandait la compensation étaient liées à l'exercice de fonctions à la Réunion ; que par jugement, en date du 27 février 1997, le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, annulé l'arrêté du 2 juin 1993 et la décision du 30 juillet 1993 du directeur général des douanes et droits indirects, d'autre part, a renvoyé M. Y... devant le ministre de l'économie et des finances "pour qu'il soit procédé au réexamen de sa situation au regard de son droit à la troisième fraction de l'indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer et à l'attribution d'une indemnité en compensation de la perte de majoration de 35 %, de l'indexation de 1,138 %, de la répartition de l'octroi de mer"; que la MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande l'annulation dudit jugement ;
Sur l'appel principal du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 2 juin 1993 :
Considérant qu'à la date du 1er juillet 1993 à compter de laquelle M. Y... a été nommé sur l'emploi de fondé de pouvoir de la recette principale régionale de Bordeaux, cet emploi était occupé par M. X..., lequel n'a été admis à faire valoir ses droits à la retraite qu'à compter du 5 juillet 1993 ; que, la circonstance que M. X... se serait trouvé, à la date du 1er juillet 1993, en congés annuels, n'est pas de nature à faire regarder l'emploi qu'il occupait comme vacant à cette date, dès lors qu'il résulte des articles 33 et 34 de la loi du 11 janvier 1984 qu'un fonctionnaire demeure en activité de service pendant son congé annuel ; qu'il en est de même de la circonstance que l'arrêté par lequel M. X... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite a été édicté à une date antérieure à celle à laquelle a été pris l'arrêté de mutation de M. Y..., dès lors que la date d'entrée en vigueur de l'arrêté nommant M. Y... est antérieure à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté par lequel M. X... a été admis à faire valoir ses droit à la retraite ; que, par suite, l'arrêté, en date du 2 juin 1993, nommant M. Y... à compter du 1er juillet 1993 sur un emploi qui n'était pas vacant est illégal ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté précité du 2 juin 1993 ;
En ce qui concerne la légalité de la décision du 30 juillet 1993 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 2 du décret du 4 août 1947 : "Les fonctionnaires de l'Etat qui, par application des règles statutaires d'avancement de leur corps ou qui, à la suite d'un concours externe ou interne ou d'un examen professionnel, sont promus à un nouveau grade de ce corps ou d'un autre corps de l'Etat, perçoivent le cas échéant une indemnité compensatrice" ; qu'il est constant que, par l'arrêté précité, en date du 2 juin 1993, M. Y... qui avait le grade de receveur principal de première classe, chargé de fonctions comptables, a été nommé à la recette principale régionale de Bordeaux en qualité de receveur de première classe, fonctionnel ; que cette nomination n'a présenté à aucun titre le caractère d'un avancement de grade ; que, par suite, M. Y... n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions précitées du décret du 4 août 1947 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions combinées de la loi du 3 avril 1950 et des décrets du 22 décembre 1953 et du 15 mars 1957, les fonctionnaires de l'Etat en service dans le département de la Réunion bénéficient d'une majoration de leur traitement indiciaire de base de 35 % ; que, selon les dispositions de l'article 2 et du troisième alinéa du décret du 22 décembre 1953, les fonctionnaires de l'Etat en service dans le département de la Réunion perçoivent s'ils accomplissent une durée minimum de service de quatre années consécutives dans ce département une indemnité dénommée "indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer" ; qu'il ressort du texte même de ces dispositions que ces avantages sont liés à l'exercice effectif de fonctions à la Réunion ; que, si la mutation illégale d'un fonctionnaire constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration et à ouvrir à l'intéressé droit à réparation du préjudice qui lui a été effectivement causé, les avantages liés à l'exercice effectif de fonctions ne constituent pas un complément de traitement devant être pris en compte dans l'évaluation de l'indemnité à allouer à l'intéressé au titre de la perte de revenus subie du fait de sa mutation illégale ; que M. Y..., qui à la suite de sa mutation à la recette principale régionale de Bordeaux a cessé d'exercer ses fonctions à la Réunion, ne pouvait bénéficier ni de cette majoration de traitement ni de la troisième fraction de l'indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer ;
Considérant, en troisième lieu, que les dispositions du décret modifié du 11 janvier 1949 subordonnent l'application de l'index de correction qu'elles prévoient, notamment à la condition qu'une monnaie différente du franc métropolitain ait cours dans les départements d'outre-mer qu'elles visent ; qu'en vertu des dispositions combinées de l'article 17 de la loi de finances rectificative du 27 décembre 1974 et du décret du 30 décembre 1974, les billets et les monnaies ayant cours légal et pouvoir libératoire en France métropolitaine ont cours légal et pouvoir libératoire dans les départements de la Guadeloupe, de Guyane, de la Martinique et de la Réunion à compter du 1er janvier 1975 ; que les dispositions du décret modifié du 11 janvier 1949 ne sont, par suite plus applicables depuis cette date ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'indemnité demandée par M. Y... correspondant à la "remise", dont fait l'objet l'imposition sur les marchandises introduites à la Réunion dénommée "octroi de mer", accordée aux fonctionnaires des douanes a été instituée par une décision ministérielle non publiée ; que, par suite, ladite décision n'est pas opposable à l'administration ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le directeur général des douanes et droits indirects était tenu de refuser à M. Y... le bénéfice de l'indemnité compensatrice prévue par les dispositions précitées du décret du 4 août 1947 ainsi que le paiement d'une indemnité réparant la perte qu'aurait supportée M. Y..., du fait de sa mutation, de la majoration de traitement, de la troisième fraction de l'indemnité d'éloignement, de l'index de correction et de la "remise" sur l'octroi de mer ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision, en date du 30 juillet 1993, par laquelle le directeur général des douanes et droits indirects a rejeté la demande de M. Y... de paiement des indemnités susmentionnées et a renvoyé celui-ci devant l'administration "pour qu'il soit procédé au réexamen de sa situation au regard de son droit à la troisième fraction de l'indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer et à l'attribution d'une indemnité en compensation de la perte de majoration de 35 %, de l'indexation de 1,138 %, de la répartition de l'octroi de mer" ;
Sur les conclusions présentées en appel par M. Y... :
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'exécution du jugement du tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt" ;
Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, M. Y... présente des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE de le réintégrer dans les fonctions qu'il occupait à la Réunion; que l'annulation contentieuse d'une mutation comporte nécessairement l'obligation pour l'administration de réintégrer l'agent dans l'emploi qu'il occupait ou dans un emploi équivalent ; que, toutefois, M. Y... a été admis à faire valoir ses droit à la retraite à compter du 11 juillet 1994 et ne peut donc plus être réintégré ; que, par suite, ces conclusions doivent être rejetées ;
En ce qui concerne les conclusions tendant au versement d'indemnités :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que M. Y... n'avait pas droit, après sa mutation à Bordeaux, à bénéficier d'une indemnité correspondant à la perte de l'indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer, de la majoration de traitement de 35 %, de l'index de correction et de la remise sur l'octroi de mer ; que, par suite, les conclusions de M. Y..., tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité correspondant aux compléments de traitement précités et des intérêts compensatoires en raison du retard apporté par l'administration au paiement desdites indemnités, ne peuvent être accueillies ;
Considérant, d'autre part, que les conclusions formulées par M. Y... et tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des indemnités liées à l'occupation d'un poste comptable et de ses frais de changement de résidence de Bordeaux à La Possession (Réunion) sont présentées pour la première fois en appel ; que, par suite, elles ne sont pas recevables ;
Article 1er :Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 27 février 1997 est annulé en tant qu'il a annulé la décision, en date du 30 juillet 1993, du directeur général des douanes et droits indirects et en tant qu'il a renvoyé M. Y... devant le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE pour qu'il soit procédé au réexamen de ses droits aux indemnités demandées.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. Henri-Jean Y... devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de la décision du directeur général des douanes et droits indirects du 30 juillet 1993 et à la condamnation de l'Etat à lui verser la troisième fraction de l'indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer, les conclusions incidentes présentées par M. Y... ainsi que le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE sont rejetées. 98BX00083--