Vu 1?), sous le n? 99BX00603, la requête enregistrée au greffe de la cour le 24 mars 1999, présentée pour M. Serge Y..., demeurant ... (Gironde), par la S.C.P. d'avocats Mesplede-Saint Laurent ;
M. Serge Y... demande à la cour :
- d'annuler le jugement en date du 17 novembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat et du département de la Gironde à réparer le préjudice causé à sa propriété par un incendie de forêt qui s'est déclaré le 31 mars 1990 ;
- de condamner solidairement l'Etat et le département de la Gironde à lui verser une somme de 215 000 F avec les intérêts capitalisés depuis la date de la demande, ainsi qu'une indemnité de 50 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
- de lui allouer une provision de 100 000 F et d'ordonner une expertise pour fournir toutes précisions sur l'étendue et le chiffrage du préjudice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu 2?), sous le n? 99BX00618, la requête enregistrée au greffe de la cour le 25 mars 1999, présentée pour M. Serge Y..., demeurant ... (Gironde), par Maître Gauthier-Delmas, avocat ;
M. Serge Y... demande à la cour :
- d'annuler le jugement en date du 17 novembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat et du département de la Gironde à réparer le préjudice causé à sa propriété par un incendie de forêt qui s'est déclaré le 31 mars 1990 ;
- de condamner solidairement l'Etat et le département de la Gironde à lui verser le montant de l'indemnisation demandée le 20 octobre 1993 avec intérêts capitalisés au taux légal depuis cette date, ainsi qu'une indemnité de 50 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
- à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'instruction afin de procéder à une analyse des moyens et de la stratégie mise en place pour lutter contre l'incendie litigieux et de chiffrer le préjudice subi et de lui allouer une somme de 50 000 F à titre de provision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n? 82-213 du 2 mars 1982 modifiée ;
Vu la loi n? 83-8 du 7 janvier 1983 ;
Vu la loi n? 87-565 du 22 juillet 1987 ;
Vu le décret n? 47-539 du 25 mars 1947 ;
Vu le décret n? 53-170 du 7 mars 1953 ;
Vu le décret n? 55-612 du 20 mai 1955 ;
Vu le décret n? 88-623 du 6 mai 1988 ;
Vu le code des communes ;
Vu le code forestier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2001 :
- le rapport de M. Chemin ;
- les observations de Maître Z... de la SCP Mesplede et Saint-Laurent, avocat de M. Serge Y... ;
- les observations de Maître Gauthier-Delmas, avocat de M. Serge Y... ;
- les observations de Maître X... de la SCP Maxwell-Bertin, avocat du département de la Gironde ;
- et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de M. Y... sont dirigées contre les jugements en date du 17 novembre 1998 par lesquels le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat et du département de la Gironde à réparer le préjudice causé à sa propriété par l'incendie de forêt qui s'est déclaré le 31 mars 1990 sur le territoire de la commune de Saint-Aubin de Médoc et qui s'est étendu sur le territoire des communes de Salaunes, Saint-Hélène, Brach et Carcans ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions dirigées contre le département de la Gironde :
Considérant que le moyen tiré de ce que la défense du département de la Gironde aurait été présentée sans le ministère d'un avocat, manque en fait ;
Considérant que le requérant demande la condamnation du département de la Gironde à raison de la faute qu'auraient commise les sapeurs-pompiers forestiers pour avoir tardivement détecté l'incendie du 31 mars 1990 et donné l'alerte ;
Considérant que le service du guet et d'alerte assuré par les sapeurs-pompiers forestiers du département de la Gironde était destiné à faciliter l'exercice par les communes de leur mission de police en matière de prévention des incendies de forêt et de lutte contre ces incendies ; que, par suite, si la carence dont ce service aurait fait preuve dans l'accomplissement de ses obligations engage normalement la responsabilité des communes, la victime d'un dommage peut cependant, en application des dispositions de l'article 91 de la loi n? 83-8 du 7 janvier 1983, aujourd'hui codifiées à l'article L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales, rechercher directement la responsabilité de la personne morale dont relève ce service lorsqu'il ne dépend pas des communes pour le compte duquel il est intervenu ;
Considérant, qu'aux termes de l'article 1er du décret n? 47-539 du 25 mars 1947 portant organisation de la lutte contre les incendies de forêts dans les départements de la Gironde, des Landes et de Lot-et-Garonne : "Dans chacun des départements des Landes, de la Gironde et de Lot-et-Garonne, il est institué un corps de sapeurs-pompiers forestiers chargé essentiellement de la prévention des feux de forêts et de l'intervention immédiate lors des sinistres qui s'y déclarent" ; que l'article 3 de ce décret dispose que : "Pour leur organisation, leur administration et leur fonctionnement, les corps de sapeurs-pompiers sont considérés, sous les réserves prévues aux articles suivants, comme un élément des services départementaux d'incendie et de secours institués par application du décret-loi du 12 novembre 1938 relatif à l'administration départementale et communale" ; que si les dispositions de l'article 1er du décret n? 55-612 du 20 mai 1955 ont érigé ces services en établissement public départemental doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, appelé service départemental de protection contre l'incendie et devenu par la suite service départemental d'incendie et de secours en application de l'article 4 du décret n? 88-623 du 6 mai 1988, il résulte toutefois de l'instruction que le corps des sapeurs-pompiers forestiers de la Gironde est resté, jusqu'à sa dissolution par un arrêté préfectoral du 20 janvier 1995 et la création d'un corps départemental de sapeurs-pompiers relevant du service départemental d'incendie et de secours, un service non personnalisé du département de la Gironde ; que dans ces conditions, la responsabilité du département pouvait être recherchée par M. Y..., alors même qu'aucun texte n'avait attribué compétence au département pour assurer l'organisation et le fonctionnement du service de surveillance de la forêt, de guet et d'alerte et, qu'ultérieurement à l'incendie du Médoc, cette compétence a effectivement été transférée au service départemental d'incendie et de secours ; qu e, dès lors, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions comme étant mal dirigées ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le feu a été détecté le 31 mars 1990 à 15 heures 25 par le sapeur-pompier en poste à la tour de guet de l'observatoire de Salaunes qui a immédiatement donné l'alerte ; que cette information a aussitôt été confirmée par l'observatoire de Saint-Jean d'Illac ; qu'auparavant, aucun appel signalant l'incendie n'est parvenu au centre d'alerte des sapeurs-pompiers qui centralise tous les appels ; que si l'heure de prise de service du guetteur à l'observatoire de Salaunes ainsi que dans certains autres observatoires n'a pas été relevée, le département établit par la main courante de la salle départementale que les observatoires de Le Temple, Listrac, Hourtin, Carcans et Saint-jean d'Illac situés aux alentours étaient occupés avant 14 heures 30 ; que, dans ces conditions, ni la circonstance que le rapport de synthèse de la gendarmerie mentionne que l'incendie se serait déclaré vers 15 heures alors que cette appréciation approximative n'est étayée par aucune constatation précise, ni les témoignages produits au dossier dont certains ont été établis plus de trois ans après les faits, ni même la circonstance que le feu constaté par les sapeurs-pompiers dès leur arrivée sur place quelques minutes après l'alerte avait pris une ampleur importante alors que les conditions climatiques étaient particulièrement propices au développement d'un tel sinistre, n'établissent que l'incendie se serait en réalité déclaré bien avant 15 heures 25 et que l'alerte n'aurait été donnée que tardivement ; qu'ainsi aucune faute de nature à engager la responsabilité du département de la Gironde ne peut être imputée aux sapeurs-pompiers forestiers dans la détection de l'incendie et l'alerte ; que, dès lors, M. Y... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions présentées à l'encontre du département de la Gironde ;
Sur les conclusions dirigées contre l'Etat :
Considérant qu'en vertu de l'article R. 811-10 du code de justice administrative, l'Etat, devant la cour administrative d'appel, est dispensé de ministère d'avocat soit en demande, soit en défense, soit en intervention ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le mémoire en défense du ministre de l'intérieur présenté sans ce ministère ne serait pas recevable ;
Considérant que dès lors que le tribunal administratif a rejeté les conclusions de M. Y... en raison de l'absence de faute dans l'organisation des services de lutte contre l'incendie, il n'était pas tenu, contrairement à ce que soutient le ministre, de statuer expressément sur la possibilité de mettre en jeu la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'incendie survenu en période de sécheresse s'est propagé rapidement sur un front d'environ deux kilomètres détruisant près de 6 000 ha de pinèdes ; que les opérations de lutte contre l'incendie ont commencé sans retard quelques minutes seulement après l'alerte et ont été menées avec l'ensemble des moyens en effectifs et en matériels disponibles ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, la lutte contre l'incendie a été active, et en dépit de difficultés rencontrées, notamment dans l'acheminement des unités et dans l'utilisation du réseau radio, il n'apparaît pas que l'ensemble des moyens auraient été mal utilisé ou sous-employé ou que la coordination des secours aurait été mal assurée ; que dans les conditions particulières où cet incendie s'est développé en zone d'habitat diffus, menaçant de nombreuses habitations ainsi qu'un dépôt de la société nationale des poudres et explosifs, et eu égard aux risques majeurs encourus du fait de la vitesse de propagation du feu et de son importance, il n'est pas établi qu'une seule méthode de lutte ou qu'une méthode différente aurait permis de venir à bout rapidement du sinistre ou encore que des procédés de lutte plus appropriés auraient permis de mieux contenir l'incendie ; que le commandement a pu, en particulier, sans commettre de faute, donner la priorité à la protection des habitations et de leurs occupants ainsi que des points sensibles, la conduite des opérations étant exercée non dans le seul intérêt des propriétaires sylviculteurs mais dans l'intérêt général de la population ; qu'ainsi, aucune faute dans l'organisation des opérations de lutte contre l'incendie de nature à engager la responsabilité de l'Etat n'a été commise ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le département de la Gironde et l'Etat, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer au requérant la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le requérant à verser au département de la Gironde la somme qu'il demande en application des mêmes dispositions ;
Article 1er : Les requêtes de M. Serge Y... et les conclusions du département de la Gironde tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.