Vu, enregistrée au greffe de la cour le 4 juillet 2000, sous le n° 00BX01481, la requête présentée pour M. Serge X demeurant ... ;
M. X demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 15 mars 2000 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, d'une part, en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de la commune de Saint Philippe au versement d'une indemnité compensatrice pour perte de salaires au titre de la période allant du 1er mai 1992 au 30 septembre 1992 et au paiement de 20 semaines de congés payés, d'autre part, en tant qu'il a limité à la somme de 137 161 F l'indemnité due au titre du préjudice financier subi du fait du non paiement de ses dettes bancaires et à la somme de 80 000 F l'indemnité correspondant au préjudice moral et aux troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis, enfin, en tant qu'il n'a fait droit à sa demande d'intérêts moratoires sur les salaires dus pour la période allant du 1er mai 1992 au 31 janvier 1996 qu'à compter du 15 avril 1996 et a rejeté sa demande de capitalisation des intérêts ;
Classement CNIJ : 36-13-03 C
- de condamner la commune de Saint Philippe à lui verser :
* la somme de 71 867,65 F au titre de l'indemnité compensatrice pour perte de salaire pour la période allant du 1er mai au 30 septembre 1992 ;
* la somme de 74 584,35 F au titre des congés payés ;
* les sommes de 201 671,71 F et de 20 421,81 F au titre du préjudice financier ;
* la somme de 380 000 F au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;
* les intérêts moratoires sur les salaires dus pour la période allant du 1er mai 1992 au 31 janvier 1996 à compter de la date à laquelle ces salaires auraient dû lui être versés ;
- d'ordonner la capitalisation des intérêts qui lui sont dus sur les sommes précitées ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 février 2004 :
- le rapport de Mme Viard ;
- les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si une partie qui ne défère pas à la mise en demeure de produire un mémoire est réputée avoir acquiescé aux faits, cette circonstance ne saurait dispenser le juge, d'une part, de vérifier que les faits allégués par le demandeur ne sont pas contredits par les autres pièces versées au dossier, d'autre part, de se prononcer sur les moyens de droit que soulève l'affaire ; que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a pu, en l'espèce, au vu du dossier qui lui était soumis et même en l'absence de réponse de la commune de Saint Philippe à la communication qui lui avait été faite de la demande de M. X, décider que cette demande n'était que partiellement fondée ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;
Au fond :
Considérant, en premier lieu, que, pour rejeter les conclusions de M. X tendant à ce que la somme de 54 000 F qui lui a été accordée en réparation du préjudice subi du fait de la perte de traitements du 1er mai au 30 septembre 1992 par le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 18 mai 1994 soit portée à 125 867,65 F, les premiers juges se sont fondés sur l'autorité de chose jugée qui s'attache à ce jugement ; qu'en se bornant à soutenir que le bénéfice de l'avancement au grade de brigadier chef de la police municipale, à compter du 16 mars 1989 ne lui a été reconnu que par le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 6 décembre 1995, M. X ne critique pas utilement la motivation du jugement attaqué ;
Considérant, en deuxième lieu, que si M. X demande une indemnité compensant les traitements qu'il n'a pu percevoir pendant les congés annuels qu'il n'a pas pu prendre en raison de son éviction illégale, il résulte toutefois de l'instruction que les indemnités allouées par le tribunal administratif couvrent toute la période pendant laquelle il a été illégalement radié des cadres, y compris les périodes de congés annuels auxquels il avait droit ; que, par suite, cette demande doit être rejetée ;
Considérant, en troisième lieu, que le tribunal administratif a partiellement rejeté les conclusions de M. X tendant à l'indemnisation du préjudice lié aux frais financiers supportés du fait de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé, en l'absence de revenus, de rembourser les emprunts bancaires qu'il avait contractés, en écartant ceux de ces frais financiers qui avaient été supportés postérieurement au versement de la provision de 500 000 F octroyée à l'intéressé par ordonnance du président du tribunal administratif en date du 10 juin 1997 ; qu'en se bornant à soutenir que cette ordonnance n'avait pas prévu que la provision accordée devait en priorité être utilisée au remboursement de ses dettes bancaires, le requérant ne critique pas utilement la motivation sur laquelle s'est fondé le tribunal administratif pour écarter lesdits frais ;
Considérant, en quatrième lieu, que M. X, qui a été illégalement radié des cadres le 8 avril 1992, n'a été réintégré que par un arrêté du 14 février 1996 ; qu'il a subi du fait de cette situation un préjudice moral et d'importants troubles dans ses conditions d'existence ; qu'ainsi que le soutient à bon droit le requérant, les premiers juges ont fait une insuffisante estimation de ces préjudices en les évaluant à la somme globale de 80 000 F, soit 12 195,92 euros pour la période allant du 1er octobre 1992 au 31 janvier 1996 ; qu'il en sera fait une juste appréciation en les évaluant à la somme de 25 000 euros ;
Sur les intérêts :
Considérant que, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande, préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ;
Considérant que le requérant soutient que le point de départ des intérêts au taux légal doit être fixé à une date antérieure à celle du 15 avril 1996 retenue par le tribunal administratif ; qu'il ne saurait utilement se prévaloir, à cet effet, d'une lettre du 10 mars 1993 par laquelle le sous-préfet de Saint-Pierre a demandé au maire de Saint-Philippe d'assurer l'exécution du jugement rendu par le tribunal administratif le 14 octobre 1992, dès lors que cette lettre ne saurait être regardée comme une demande d'indemnité faisant courir les intérêts ; qu'en revanche il justifie d'une demande en date du 23 janvier 1993, reçue par la commune le 25 janvier suivant, par laquelle il a réclamé le paiement des traitements au titre de la période allant du mois de mai 1992 au mois de janvier 1993 ; que toutefois, le requérant qui, pour la partie de cette période allant du mois de mai au mois de septembre 1992, a été indemnisé au titre de ses pertes de traitements à hauteur de 54 000 F par le jugement susmentionné du 18 mai 1994, ne saurait obtenir à l'occasion du présent appel, qui ne porte pas sur ce jugement, les intérêts sur la somme octroyée par celui-ci ; que s'il est fondé à demander que l'indemnité compensatrice de la perte de traitements au titre de la période allant du mois d'octobre 1992 au mois de janvier 1993, c'est-à-dire la somme de 57 492 F, soit 8 764 euros, porte intérêts à compter du 25 janvier 1993, ces intérêts ne courront toutefois que jusqu'au 24 janvier 1994, date à laquelle l'intéressé a reçu paiement d'une provision de 70 000 F couvrant notamment la perte de traitements dont s'agit ; que, par suite, M. X n'est fondé à demander la réformation du jugement attaqué, en ce qui concerne le point de départ des intérêts, qu'en tant seulement que ceux-ci portent sur ladite somme de 8 764 euros ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que, pour l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ;
Considérant que le tribunal administratif a rejeté la demande de capitalisation des intérêts présentée par le requérant au motif qu'elle avait été présentée le 15 octobre 1996, soit moins d'un an après la date du 15 avril 1996 retenue comme point de départ des intérêts ; que le requérant conteste le jugement sur ce point en invoquant ses demandes d'indemnité préalables à celle du 9 janvier 1996 reçue par la commune le 15 avril 1996 ; que toutefois, la seule demande d'indemnité antérieure à celle du 9 janvier 1996 est celle, susmentionnée, du 23 janvier 1993 ; que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, cette demande ne justifie que le paiement des intérêts sur une somme de 8 764 euros à compter du 25 janvier 1993 et jusqu'au 24 janvier 1994, soit pour une durée inférieure à une année entière ; que, par suite, les conclusions du requérant à fin de réformation du jugement en tant qu'il statue sur sa demande de capitalisation des intérêts doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La somme que la commune de Saint-Philippe a été condamnée à verser à M. X par l'article 1er du jugement attaqué est portée à 149 584, 71 euros.
Article 2 : La commune de Saint-Philippe est condamnée à verser les intérêts au taux légal sur la somme de 8 764 euros pour la période du 25 janvier 1993 jusqu'au 24 janvier 1994.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion en date du 15 mars 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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00BX01481