Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 5 septembre 2000, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;
Le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement en date du 13 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à payer à Mme Y et M. X la somme de 20 000 F, tous intérêts confondus, en réparation des troubles dans les conditions d'existence subis par eux du fait de la faute commise par le préfet des Pyrénées-Atlantiques dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
2° de rejeter la demande présentée par Mme Y, Mme Z et M. X au tribunal administratif de Pau ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des débits de boissons ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2005,
le rapport de M. Bayle, premier conseiller ;
et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ainsi que des dispositions du code des communes qu'il reprend : La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment : ... 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; qu'aux termes de l'article L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales ainsi que des dispositions du code des communes qu'il reprend : Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel que défini au 2° de l'article L. 2212-2 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l'Etat seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les bruits de voisinage ; qu'en application de ces dispositions, il appartient au préfet de prendre les mesures appropriées pour faire cesser les troubles à la tranquillité publique dans les communes, où comme la ville de Pau, la police est étatisée ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 2-12 du code des débits de boissons : Sur avis de la commission mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 39 du présent code, les préfets peuvent prendre des arrêtés pour déterminer, dans certaines communes et sans préjudice des droits acquis, les distances auxquelles des débits de boissons à consommer sur place des 2ème, 3ème et 4ème catégories ne pourront être établis à proximité de débits de mêmes catégories déjà existants ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'installation dans le quartier dénommé Mayolis, à Pau, de plus de vingt débits de boissons entre 1993 et 1996 a été à l'origine de rassemblements nocturnes de plus en plus fréquents, jusqu'à des heures tardives ; que ces rassemblements, qui provoquaient des bruits excédant ce que doivent normalement supporter les habitants d'un quartier de centre ville, ont perturbé de manière répété le repos des résidents du quartier susnommé, dont Mme Y et M. X, et ont été, du fait en outre de divers actes de dégradation, de nature à troubler la tranquillité publique ; que l'autorité préfectorale a été informée de ces atteintes dès l'année 1993, notamment par les nombreuses plaintes des habitants du quartier ; que, si, pour faire obstacle à toute nouvelle installation, le préfet a finalement imposé une distance minimale de 100 mètres entre deux établissements, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 2-12 du code des débits de boissons, il n'a pris cette mesure que par un arrêté du 14 février 1996 ; qu'il n'est pas contesté que le préfet n'a pris aucune disposition réglementaire de nature à imposer, dans une telle situation, la fermeture des débits à une heure permettant d'assurer le repos des habitants ; qu'en jugeant qu'en n'ayant pas, ainsi, fait usage de ses pouvoirs de police pour prendre les mesures nécessaires afin d'éviter les troubles en question, le préfet avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, sans qualifier celle-ci de faute lourde, le tribunal administratif n'a ni inexactement qualifié les faits, ni commis une erreur de droit ; que, par ailleurs, si le ministre fait valoir que les services de police ont procédé à une surveillance soutenue du secteur, il résulte de l'instruction que les interventions au titre notamment du tapage nocturne, en nombre très réduit pendant les années 1995 et 1996, ont été insuffisantes pour faire cesser les troubles à la tranquillité publique dont se plaignaient les habitants ; que, dans les circonstances de l'espèce, la carence du préfet dans l'exercice de ses pouvoirs répressifs a constitué une faute de nature à engager également la responsabilité de l'Etat ; que, compte tenu des compétences propres des services de l'Etat, le ministre ne peut invoquer les fautes que le maire de la ville de Pau aurait commises dans l'exercice de ses pouvoirs de police, pour décharger l'Etat de sa responsabilité ;
Sur les préjudices :
Considérant qu'en évaluant à la somme de 20 000 F, soit 3 048, 98 euros, les troubles subis par Mme Y et M. X dans leurs conditions d'existence, le tribunal n'a pas fait une appréciation exagérée de la réparation qui leur était due à ce titre ;
Considérant que Mme Y, Mme Z et M. X demandent, par la voie de l'appel incident, la condamnation de l'Etat à leur payer une somme supplémentaire de 3 000 euros au titre des troubles subis depuis le jugement du tribunal administratif ; que, toutefois, ils ne démontrent pas que les atteintes à la tranquillité publique aient perduré ;
Considérant qu'il résulte de tout de qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à payer à Mme Y et M. X la somme de 3 048, 98 euros et que les intéressés ne sont pas fondés à demander, par la voie de l'appel incident, une augmentation de cette réparation ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à Mme Y, Mme Z et M. Y la somme globale de 600 euros qu'ils demandent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR et les conclusions d'appel incident de Mme Y, Mme Z et M. X sont rejetés.
Article 2 : L'Etat versera à Mme Y, Mme Z et M. X la somme globale de 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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No 00BX02139