Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 décembre 2002, présentée pour la société GENET, dont le siège social est situé ..., par Me Y... ;
La société GENET demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du 16 octobre 2002 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du groupement de commandes des établissements publics de santé des Deux-Sèvres en date du 1er juin 2001 prononçant la résiliation du marché à elle confié le 31 mai 2001 et à la condamnation du groupement à lui verser la somme de 500 000 F en réparation du préjudice subi ;
2° d'annuler la décision de résiliation précitée ainsi que la décision implicite du groupement rejetant sa demande indemnitaire ;
3° de condamner le groupement à lui payer les sommes de 137 089, 32 euros et de 60 979, 61 euros en réparation de, respectivement, la perte de bénéfices et le préjudice commercial qu'elle a subis du fait de la résiliation fautive du marché ;
4° de condamner le groupement à lui verser la somme de 6 098 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 sepembre 2005,
- les observations de Mme X..., directeur adjoint du centre hospitalier de Niort .
- le rapport de M. Bayle, premier conseiller ;
et les conclusions de M. Péano , commissaire du gouvernement
Considérant que le groupement de commandes des établissements publics de santé des Deux-Sèvres a lancé, le 24 mars 2001, un appel d'offres ouvert pour un marché composé de deux lots, le premier relatif à la collecte et à l'élimination de déchets d'activités de soins et assimilés provenant ou regroupés sur les sites producteurs de chaque établissement de santé adhérent au groupement, le second portant sur le transport de ces déchets depuis les sites producteurs jusqu'à un centre d'élimination agréé ; que, dans sa séance du 21 mai 2001, la commission d'appel d'offres a retenu la proposition formulée le 9 mai précédent par la société GENET, devenue société SITA CENTRE-OUEST ; qu'à la suite d'une lettre de la société GENET en date du 29 mai 2001 informant le groupement de l'impossibilité dans laquelle elle était de fournir avant plusieurs semaines, pour la collecte des déchets, des conteneurs conformes aux stipulations du cahier des clauses administratives particulières, le groupement a prononcé, par décision du 1er juin 2001, la résiliation du marché, qui avait été notifié le 30 mai ; que, par jugement du 16 octobre 2002, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les demandes de la société GENET tendant à l'annulation de la décision précitée du groupement de commandes des établissements publics de santé des Deux-Sèvres et à la condamnation des personnes responsables à lui payer une somme de 500 000 F à titre d'indemnisation des préjudices subis ;
Considérant que la société GENET a demandé réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis, d'une part, à raison des fautes commises par le groupement dans la procédure de passation et l'exécution du marché résilié, d'autre part, du fait de son éviction du marché que le groupement a conclu ultérieurement avec la société qui en était précédemment titulaire ; que les premiers juges se sont abstenus de statuer sur ces dernières conclusions de la société GENET, tendant à la mise en cause de la responsabilité quasi-délictuelle du groupement ; qu'ils ont, ainsi, entaché leur jugement d'une omission propre à en motiver l'annulation sur ce point ; qu'il y lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de la société GENET tendant à réparation sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle et, par la voie de l'effet dévolutif, sur les conclusions de la requête tendant à l'indemnisation des fautes contractuelles commises par le groupement à l'égard de la société GENET, qui ne reprend pas, dans ses dernières écritures, sa demande d'annulation de la décision du 1er juin 2001 ;
Sur la responsabilité contractuelle :
Considérant qu'aux termes de l'article 28. 1 du cahier des clauses administratives générales fournitures courantes et services , auquel renvoie le cahier des clauses administratives particulières joint au marché : Le marché peut (...) être résilié aux torts du titulaire sans que celui-ci puisse prétendre à indemnité et, le cas échéant, avec exécution des prestations à ses frais et risques... : ... e) Lorsque le titulaire déclare, indépendamment des cas prévus à l'article 27, ne pas pouvoir exécuter ses engagements ; f) Lorsque le titulaire ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais prévus ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le cahier des clauses administratives particulières joint au règlement de la consultation lancée par le groupement pour le marché dont s'agit fixait clairement au 1er juin 2001 le début d'exécution des prestations ; que la société a été informée oralement, le 21 mai suivant, le jour même de la réunion de la commission d'appel d'offres, que cet organisme avait retenu sa proposition ; qu'ainsi qu'il a été dit, la société, dont il n'est pas contesté qu'elle n'avait pas signalé dans sa proposition ne pas être détentrice des conteneurs spécifiques nécessaires à l'exécution des prestations, a informé le groupement de l'impossibilité pour elle de disposer de ce matériel avant six semaines, par lettre du 29 mai 2001 ; que le 1er juin 2001, la société n'avait toujours pas procuré les conteneurs en question, malgré la mise en demeure du groupement d'avoir à les fournir le 31 mai, avant 12 heures, compte tenu de l'extrême urgence résultant de l'obligation réglementaire de collecte et de destruction des déchets en cause dans un délai de soixante douze heures ; qu'ainsi, en déclarant ne pas pouvoir exécuter ses engagements et en ne s'étant pas acquittée de ses obligations dans le délai prévu, la société a commis deux fautes de nature à justifier, en application des stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales fournitures courantes et services , la sanction de la résiliation ; que la société GENET, qui était informée, quand elle a présenté sa candidature, de la date du début des prestations et de l'obligation de fournir des conteneurs spécifiques dès le 1er juin 2001, compte tenu du traitement particulier auxquels sont soumis les déchets concernés, ne peut imputer sa carence à la circonstance que le marché lui a été notifié le 30 mai 2001 ; qu'elle ne peut utilement faire valoir, pour s'exonérer de sa responsabilité contractuelle, que le groupement aurait dû exiger du précédent prestataire de laisser à la disposition des établissements hospitaliers les conteneurs en question jusqu'à la date à laquelle elle aurait disposé des siens propres ;
Considérant que, si la société GENET soutient qu'elle n'a pas été informée préalablement de la sanction, et qu'elle n'a pas été mise en demeure, après le 1er juin 2001, d'exécuter le marché dans un délai déterminé, ces irrégularités, à les supposer établies, ne sont pas de nature à lui ouvrir droit à indemnisation dès lors que, compte tenu de son comportement, la résiliation est justifiée au regard des stipulations du cahier des clauses administratives générales applicable ;
Considérant que la société GENET, qui a reconnu, le 29 mai 2001, ne pouvoir disposer des conteneurs imposés par les documents contractuels avant six semaines, ne saurait invoquer les stipulations du 2° alinéa de l'article XIX du cahier des clauses administratives particulières selon lesquelles la résiliation prend effet un mois après sa notification ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'absence de fourniture de conteneurs étanches et dotés d'un système de fermeture conforme à la réglementation visée par le cahier des clauses administratives particulières empêchait, outre la collecte des déchets d'activités de soins et assimilés, leur transport des sites de production jusqu'au centre d'élimination ; que, dans ces conditions, le groupement de commandes des établissements publics de santé des Deux-Sèvres était fondé à procéder à la résiliation du marché dans son ensemble, sans faire un sort particulier au lot portant sur le seul transport ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société GENET n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation du groupement de commandes des établissements publics de santé des Deux-Sèvres à l'indemniser des conséquences préjudiciables de la résiliation du marché dont s'agit ;
Sur la responsabilité quasi-délictuelle :
Considérant que, lorsqu'une entreprise demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière d'un marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter ledit marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ;
Considérant qu'il est constant qu'à la suite de la résiliation du contrat passé avec la société GENET, le groupement de commandes des établissements publics de santé des Deux-Sèvres a confié le marché en cause au précédent prestataire ; que, si la société GENET soutient que ce marché a été conclu sans mise en concurrence préalable, en violation des dispositions de l'article 104 du code des marchés publics alors applicable, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société requérante était dans l'impossibilité de mettre immédiatement à disposition des établissements hospitaliers adhérents au groupement les conteneurs spécifiques indispensables à la collecte et au transport des déchets d'activité de soins et assimilés et, par suite, de présenter une offre valable ; que, dans ces conditions, elle n'avait aucune chance de remporter ce second marché ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de la société fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle du groupement de commandes des établissements publics de santé des Deux-Sèvres, sa demande tendant à la réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait de son éviction irrégulière du marché conclu après la résiliation de celui dont elle était titulaire ne peut qu'être rejetée ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les adhérents du groupement de commandes des établissements publics de santé des Deux-Sèvres, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer à la société GENET, devenue société SITA CENTRE-OUEST, la somme qu'elle demande sur ce fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner la société SITA CENTRE-OUEST à payer aux adhérents du groupement des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 octobre 2002 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la demande de la société GENET, devenue société SITA CENTRE-OUEST, recherchant la responsabilité quasi-délictuelle du groupement de commandes des établissements publics de santé des Deux-Sèvres.
Article 2 : Les conclusions susmentionnées de la demande présentée au tribunal administratif de Poitiers par la société GENET, le surplus de la requête de la société GENET et les conclusions du groupement de commandes des établissements publics de santé des Deux-Sèvres tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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02BX02666