Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2002, présentée pour M. Alain X, demeurant ..., par Me Quennehen ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 février 2002 qui a rejeté, d'une part, ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 9 juin 1998 par laquelle le ministre de la défense a refusé sa candidature à la préparation au grade de lieutenant et sa nomination à ce grade au 1er août 1998 dans le cadre de l'avancement au choix et, d'autre part, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 538.000 F en réparation du préjudice subi dans le déroulement de sa carrière ;
2°) d'annuler la décision litigieuse ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 85.073,74 € ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1.200 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 modifiée ;
Vu le décret n° 75-1209 du 22 décembre 1975 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2005 :
- le rapport de Mme Aubert ;
- les observations de M. X ;
- et les conclusions de M. Valeins , commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision du 9 juin 1998 :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 modifiée : Le recrutement des officiers s'effectue : ...Soit au choix, parmi les officiers de réserve et les sous-officiers qui en font la demande... ; qu'aux termes de l'article 6 du décret n° 75-1209 du 22 décembre 1975 : Les officiers de gendarmerie sont recrutés... 2° Au grade de lieutenant... b) Au choix... parmi les majors, adjudants-chefs et adjudants de gendarmerie qui réunissent à la date de leur nomination plus de dix-huit ans de service dont deux années au moins depuis la date de promotion au grade d'adjudant et qui sont âgés de quarante ans au moins et de quarante-six ans au plus au 1er janvier de l'année de leur nomination ;
Considérant que par une décision en date du 9 juin 1998, le ministre de la défense a rejeté le recours hiérarchique formé par M. X contre la décision du chef des ressources humaines de la direction générale de la gendarmerie nationale du 8 janvier 1998 refusant sa candidature à la préparation au grade de lieutenant et sa nomination à ce grade au 1er août 1998 ; que le requérant soutient, d'une part, que pour prendre cette décision de refus, l'administration s'est essentiellement fondée sur la notation initialement établie au titre de l'année 1996 et ultérieurement annulée par le tribunal administratif de Bordeaux en raison de l'erreur manifeste d'appréciation dont elle était entachée et, d'autre part, en s'appuyant sur l'ensemble des autres fiches de notation relatives aux années 1993 à 1998, que ses mérites sont au moins égaux à ceux de l'ensemble de ses collègues majors et adjudants-chefs, nés comme lui en 1951, et qui ont tous été promus au grade de lieutenant ;
Considérant que si la décision du 9 juin 1998 mentionne comme seul motif du refus opposé au requérant le fait, au demeurant erroné, qu'il ne remplit pas la condition d'âge pour être nommé officier, il ressort des pièces du dossier que l'administration s'est principalement fondée, pour prendre la décision attaquée, sur la notation initialement attribuée au requérant au titre de l'année 1996 et qui a été annulée par le tribunal administratif de Bordeaux par jugement du 12 avril 2001 ; que cette notation étant entachée d'erreur manifeste d'appréciation, la décision en date du 9 juin 1998 est illégale et doit être annulée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense en date du 9 juin 1998 et à demander l'annulation de cette décision ;
Sur la responsabilité :
Considérant que par décision en date du 9 juin 1998, le ministre de la défense a refusé d'indemniser M. X du préjudice de carrière que ce dernier mentionne dans le courrier qu'il lui a adressé le 23 mars 1998 ; que, dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de réclamation préalable doit être écartée ;
Considérant qu'en refusant de faire droit à la candidature de M. X à la préparation au grade de lieutenant et de le promouvoir à ce grade dans les conditions susmentionnées, de nature à établir que l'intéressé présentait les qualités professionnelles requises pour y être nommé, le ministre de la défense a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant que M. X établit par les pièces qu'il produit qu'il avait une chance sérieuse d'avancement au grade de lieutenant ; qu'il n'établit pas en revanche qu'ayant été nommé lieutenant, il aurait été promu, quatre ans plus tard, au grade de capitaine ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'il a subi en l'évaluant à la somme de 25 000 euros ;
Considérant que M. X a droit aux intérêts au taux légal à compter de la réception par le ministre de la défense de sa réclamation préalable du 23 mars 1998 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 2 août 2004 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, les intérêts sur la somme de 25.000 euros échus à la date du 2 août 2004 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1.200 euros que demande M. X au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux du 7 février 2002 et la décision du ministre de la défense du 9 juin 1998 sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X la somme de 25.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable du 23 mars 1998. Les intérêts échus à la date du 2 août 2004 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. X la somme de 1.200 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la requête est rejeté.
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N° 02BX00621