Vu la requête, enregistrée au greffe le 24 juin 2002, présentée pour M. Eric X, demeurant ..., par la scp Dupeyron-Bardin- Courdesses-Fontan ;
M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°9802203 du 23 avril 2002 en tant que le tribunal administratif de Toulouse n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Toulouse soit condamné à lui verser les sommes de 31 198,14 F au titre de sa perte de rémunération pour la période allant de juillet 1997 à mars 1998, de 51 000 F à titre de dommages et intérêts en compensation de la gêne dans la vie courante durant la période d'incapacité temporaire totale, de 574 402,99 F au titre du préjudice professionnel en raison de la diminution de solde consécutive à la suppression des sauts en parachute et de la cessation anticipée de son engagement dans l'armée, de 80 000 F au titre du pretium doloris et de 150 000 F au titre du préjudice moral ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui verser les sommes de 5 518,37 euros au titre de sa perte de rémunération pour la période allant de juillet 1997 à mars 1998, de 7 800 euros à titre de dommages et intérêts en compensation de la gêne dans la vie courante durant la période d'incapacité temporaire totale, de 87 567,17 euros au titre de son préjudice professionnel, ainsi que de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse aux entiers dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2005 :
- le rapport de M. Margelidon,
- les observations de Me Dufour-Dutheillet, avocat pour le centre hospitalier universitaire de Toulouse,
- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué en date du 23 avril 2002, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. X une somme de 2 500 euros en raison d'une infection nosocomiale survenue à la suite d'une opération réalisée sur ce dernier le 27 octobre 1996 ; que M. X fait appel de ce jugement ; que, par voie d'appel incident, le centre hospitalier universitaire de Toulouse conteste la qualification d'infection nosocomiale que les premiers juges ont retenue au bénéfice du requérant ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que si le centre hospitalier universitaire soutient que la requête introductive d'instance souffre d'un défaut de motivation au sens de l'article R.411-1 du code de justice administrative en ce qu'elle ne contiendrait aucune critique du jugement attaqué et se bornerait à reprendre à l'identique ses moyens de première instance, il ressort de ladite requête que l'appel est motivé par la circonstance que les premiers juges auraient limité leur condamnation du centre hospitalier universitaire aux seules conséquences directes de l'infection nosocomiale en négligeant les conséquences secondaires dont il résulte un préjudice professionnel, de ce fait non pris en compte ; que cette requête doit être regardée comme contenant l'exposé des faits et moyens prévus par l'article R.411-1 du code de justice administrative et, par suite, est recevable ;
Sur la recevabilité des conclusions de la caisse nationale militaire de sécurité sociale :
Considérant que, pour la première fois en appel, la caisse nationale militaire de sécurité sociale demande que le centre hospitalier universitaire soit condamné à lui verser la somme de 5 462,24 euros correspondant aux frais de soins exposés par elle pour le compte du requérant du 31 mars 1997 au 22 août 1997 ; que, cependant, régulièrement mise à même de faire valoir ses droits devant les premiers juges, elle a omis de demander le remboursement desdits frais qu'elle a exposés antérieurement au jugement ; que, par suite, elle n'est pas recevable à en demander, pour la première fois, le paiement devant la cour ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le requérant a fait valoir devant les premiers juges sa double qualité d'assuré social et de militaire ; que si les premiers juges ont communiqué sa demande en réparation à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, ils se sont abstenus, contrairement aux obligations de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat, après que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie eut indiqué qu'il n'avait pas qualité, en l'espèce, pour agir en lieu et place du ministre concerné devant la juridiction administrative, de mettre en cause régulièrement l'Etat en communiquant la demande au ministre de la défense dont relevait M. X ; qu'ainsi, alors même que dans une procédure distincte formée par le requérant et tendant à ce que le tribunal ordonne une expertise aux fins de déterminer son préjudice, le ministre de la défense a été régulièrement mis en cause et a été destinataire du rapport d'expertise, le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Sur la responsabilité :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et, notamment du rapport d'expertise, que M. X admis aux services des urgences du centre hospitalier universitaire de Toulouse à la suite d'un accident de la circulation, a subi sous anesthésie générale une réduction orthopédique de la luxation ; qu'au cours de la même intervention, une broche trans-tibiale d'extension a été mise en place au niveau de l'extrémité supérieur du tibia droit ; que si ladite broche n'a été laissée en place que quelques jours, il s'est néanmoins produit une infection, dont la présence a été détectée 9 jours après l'opération, à l'endroit de l'orifice de la mise en place de la broche de traction trans-tibiale ; que les prélèvements réalisés au niveau du foyer de suppuration ont mis en évidence des colonies de staphylocoques species coagulase négative ; que le centre hospitalier n'établit nullement que lesdits staphylocoques doivent être regardés comme des germes non hospitaliers ; que la circonstance que le requérant ait été admis aux urgences en état d'alcoolémie ne permet pas de présumer la réalité de l'existence d'une diminution du mécanisme de défense de lutte contre les agents infectieux ; que, par suite, rien ne permettant de présumer que le requérant ait été porteur, avant l'opération, d'un foyer infectieux, l'infection en cause doit être regardée comme directement liée aux soins reçus au sein du centre hospitalier ; que si les traitements prodigués au centre hospitalier ont pris en compte le risque infectieux et qu'il n'y a pas eu de négligence commise dans la prescription de la thérapeutique anti-infectieuse, le seul fait qu'une telle infection ait pu se produire révèle un défaut d'organisation ou de fonctionnement du service public hospitalier de nature à engager la responsabilité de celui-ci envers M. X à raison des conséquences dommageables de l'infection ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et, notamment du rapport d'expertise que la fracture du tibia survenue le 31 mars 1997 a eu pour cause directe la reprise par l'intéressé, le 27 mars précédent, de son activité de saut en parachute qui a exercé une contrainte mécanique excessive sur une zone fragilisée ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date à laquelle le patient a été reçu en consultation au centre hospitalier pour la dernière fois avant de reprendre ses activités professionnelles, il aurait présenté des signes d'ostéite nécessitant d'autres examens ou soins que ceux qui lui ont été prescrits par l'établissement ; que les examens et les mesures préalables à la reprise par le requérant du saut en parachute ont été décidés par les autorités militaires compétentes ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée sur ce point, l'accident du 31 mars 1997 et ses conséquences dommageables, à savoir, notamment, l'impossibilité pour M. X de reprendre son activité de saut en parachute, ne peuvent être regardés comme imputables à une faute de l'établissement ;
Sur le préjudice imputable à l'infection nosocomiale :
Considérant que les experts ont évalué le pretium doloris à 3,5 sur une échelle de 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi au regard tant des troubles dans les conditions d'existence que du préjudice moral en l'évaluant à la somme de 2 500 euros ; qu'en revanche, à la suite de la première opération, le requérant a pu reprendre son activité professionnelle, tout d'abord sur un poste adapté pendant une quinzaine de jours, puis à la suite de l'accord des autorités militaires compétentes, de façon normale ; qu'en conséquence, la circonstance qu'à la suite de la seconde opération le requérant ait été déclaré inapte au saut en parachute et muté dans un autre corps ne peut être regardée comme imputable à l'infection nosocomiale résultant du premier acte opératoire ;
Sur les droits de l' Etat :
Considérant que le ministre de la défense estime à 34 097,20 euros le montant du préjudice correspondant pour lui à la période d'indisponibilité du requérant du 28 octobre 1996 au 11 avril 1998 ; qu'il résulte, cependant, de l'instruction qu'à la suite de l'opération réalisée le 27 octobre 1996, le requérant a pu reprendre son activité professionnelle le 13 janvier 1997 ; qu'en outre, en l'absence d' éléments permettant de déterminer avec précision la période d'indisponibilité imputable spécifiquement à l'infection nosocomiale en cause, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en évaluant le montant dû par le centre hospitalier à l'Etat au tiers de la solde versée par ce dernier à M. X du 28 octobre 1996 au 12 janvier 1997 ; qu'il y a donc lieu de renvoyer le ministre de la défense devant le centre hospitalier universitaire aux fins de liquidation de ses droits pour la période susmentionnée ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée en référé à la charge du centre hospitalier pour un montant de 5 701 F, soit 869,11 euros ;
Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions dudit article font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Toulouse qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner M. X à verser au centre hospitalier universitaire de Toulouse la somme qu'il demande sur ce même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 avril 2002 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Toulouse est condamné à verser à M. X une somme de 2 500 euros et à l'Etat (ministre de la défense) une somme correspondant au tiers de la solde versée à l'intéressé pendant la période allant du 28 octobre 1996 au 12 janvier 1997.
Article 3 : L'Etat est renvoyé devant le centre hospitalier universitaire de Toulouse aux fins de liquidation de ses droits pour la période du 28 octobre 1996 au 12 janvier 1997.
Article 4 : Les frais de l'expertise sont mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. X devant le tribunal et la cour est rejeté.
Article 6 : Le surplus des conclusions de l'Etat est rejeté.
Article 7 : Les conclusions de la caisse nationale militaire de sécurité sociale et le surplus des conclusions du centre hospitalier universitaire sont rejetés.
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N° 02BX01212