Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 3 décembre 2002, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-JUNIEN, par Me Cambray-Deglane ;
Il demande à la cour :
- d'annuler le jugement en date du 3 octobre 2002 par lequel le tribunal administratif de Limoges l'a condamné à verser à la mutuelle d'assurances du corps de santé français (MACSF), la somme de 20 390, 06 euros, assortie des intérêts, en remboursement des sommes qu'elle a versées aux ayants-droit de M. X ;
- condamner la MACSF à lui verser une somme de 1 524,49 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2006 :
- le rapport de Mme Fabien, premier conseiller,
- les observations de Me Vignes pour le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-JUNIEN,
- et les conclusions de Mme Jayat , commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X a été admis au CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-JUNIEN en vue d'une exérèse du rein gauche ; que, cependant, le docteur Y a procédé le 2 janvier 1991 à l'exérèse du rein droit ; que, par son arrêt du 17 septembre 1997, la cour d'appel de Limoges l'a condamné à indemniser les ayants-droit de M. X, décédé en 1994 ; que, par le jugement attaqué du 3 octobre 2002, le tribunal administratif de Limoges a condamné le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-JUNIEN à rembourser à la mutuelle d'assurances du corps de santé français (MACSF) le quart des indemnités qu'elle a versées aux ayants-droit de M. X, pour le compte de son assuré, le docteur Y ; que le centre hospitalier demande l'annulation de ce jugement en soutenant que sa responsabilité ne saurait être engagée ; que, par la voie de l'appel incident, la MACSF demande que la part de responsabilité mise à la charge du centre hospitalier soit portée à la moitié ;
Considérant que lorsqu'une faute personnelle a, dans la réalisation d'un dommage, conjugué ses effets avec ceux d'une faute de service distincte, l'administration est tenue de couvrir l'agent pour la part imputable à cette faute de service ; que la contribution finale de l'administration hospitalière et du médecin hospitalier à la charge de la réparation du préjudice subi par la victime ou ses ayants-droit doit être réglée par le juge administratif compte tenu de l'existence et de la gravité des fautes respectives de l'agent et du service ; que l'autorité de la chose jugée s'attache aux constatations de fait opérées par le juge pénal mais non à l'appréciation portée par le juge judiciaire sur le caractère personnel de la faute commise par le praticien hospitalier ;
Considérant qu'il résulte des constatations opérées par le juge pénal et de l'instruction que le docteur Y n'a rendu aucune visite à M. X préalablement à l'opération du 2 janvier 1991 ; que le dossier médical complet de ce dernier se trouvait dans le bureau, fermé à clé, d'une secrétaire absente ; que la fiche de pré-anesthésie a été remplie à partir des seules déclarations de l'intéressé dont la préparation a été effectuée en vue d'une néphrectomie élargie droite ; que le docteur Y a procédé à l'intervention sans vérifier le dossier médical de l'intéressé, et notamment les résultats de l'échographie et du scanner réalisés en décembre 1990, et sans même qu'il demande que lui soient amenées les pièces nécessaires à ce contrôle ; que si le rein gauche était atteint d'une tumeur de 7 centimètres , le rein droit apparaissait normal sur les comptes rendus d'examen pré-opératoire ; que, malgré ses doutes sur la localisation de son intervention, le docteur Y n'a pas interrompu cette dernière alors qu'il lui était encore possible de rectifier son erreur ; que si un nodule d'environ deux centimètres a été finalement découvert dans le rein droit, son évolution probable n'aurait nécessité qu'une ablation isolée ; que le décès de M. X a été précipité par l'erreur ainsi commise ;
Considérant qu'il résulte de l'enquête du médecin inspecteur départemental que la réunion des éléments nécessaires aux interventions au sein du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-JUNIEN n'était pas pratiquée systématiquement avant le passage en salle opératoire ; que le ministre délégué à la santé a également fait état, dans un courrier du 23 janvier 1992, d'une certaine « désorganisation du service » et, notamment, de l'absence de visite quotidienne du chirurgien ;
Considérant que si la MACSF ne conteste pas que le docteur Y, en procédant à une intervention délicate et en la menant jusqu'à son terme sans s'assurer de sa localisation, notamment au regard des résultats des examens pré-opératoires, a commis une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, l'erreur dont a été victime M. X est également imputable à une faute dans l'organisation du service compte tenu de l'absence tout à la fois de visite préalable du patient par le chirurgien, de vérification lors de la prise en charge pré-opératoire de l'intervention effectivement prescrite et de mise à disposition du dossier médical de l'intéressé aussi bien lors de sa prise en charge qu'en salle opératoire ; qu'il sera fait une juste appréciation, dans les circonstances de l'espèce, des parts respectives qui peuvent être attribuées aux fautes analysées ci-dessus en condamnant l'établissement hospitalier à prendre en charge la moitié du montant des condamnations civiles prononcées à l'encontre de M. X, soit 40 780,12 euros ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 août 1998, date de réception par le centre hospitalier de la demande indemnitaire préalable de la MACSF ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, il y a lieu de rejeter la requête du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-JUNIEN et que, d'autre part, la MACSF est fondée à demander la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Limoges en ce qu'il n'a retenu la responsabilité du centre hospitalier qu'à hauteur d'un quart du montant des condamnations civiles prononcées ;
Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la MACSF, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser au CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-JUNIEN la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-JUNIEN à verser à la MACSF une somme de 1 300 euros à ce titre ;
DECIDE
Article 1er : La somme que le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-JUNIEN a été condamné à verser à la mutuelle d'assurance du corps de santé français est portée à 40 780,12 euros.
Article 2 : Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 août 1998.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 3 octobre 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La requête du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-JUNIEN est rejetée.
Article 5 : Le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-JUNIEN versera à la mutuelle d'assurance du corps de santé français une somme de 1 300 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
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N° 02BX02449