Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 août 2003, présentée pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'ENSEIGNEMENT ET DE FORMATION PROFESSIONNELLE AGRICOLE (E.P.L.A.) D'AUCH - BEAULIEU, dont le siège social est situé à Beaulieu, route de Tarbes à Auch (32020) et pour le CENTRE DE FORMATION DES APPRENTIS AGRICOLES (C.F.A.A.) DU GERS, dont le siège social est situé rue Jean Moulin à Lectoure (32700), par la SCP Prim-Geny, avocat ;
L'ETABLISSEMENT PUBLIC D'ENSEIGNEMENT ET DE FORMATION PROFESSIONNELLE AGRICOLE D'AUCH - BEAULIEU et le CENTRE DE FORMATION DES APPRENTIS AGRICOLES DU GERS demandent à la Cour :
1° à titre principal, d'annuler le jugement du 10 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Pau les a condamnés conjointement et solidairement à verser à M. X, d'une part, une somme de 3 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence subis par ce dernier du fait de l'illégalité de la décision prononçant son licenciement, d'autre part, une indemnité équivalant au montant brut des salaires qu'il aurait touchés entre la date de son éviction illégale et le 8 septembre 1997, à l'exclusion des primes et indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions et déduction faite des revenus de toute nature qu'il a pu percevoir durant cette période, et de rejeter les demandes présentées par M. X au tribunal administratif ;
2° à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en tant qu'il les a condamnés à payer les montants précités, qu'ils estiment surévalués, et de condamner l'Etat à les garantir pour moitié des conséquences du refus de titularisation de l'intéressé ;
3° de condamner M. X à leur payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 2006 :
- le rapport de M. Bayle, premier-conseiller,
- les observations de Me Douzou du cabinet d'avocats Weil-Plantureux-Porcheron pour M. X ;
- et les conclusions de M. Péano , commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par jugement du 23 janvier 1997, devenu définitif, le Tribunal administratif de Pau a annulé, d'une part, la décision du directeur de l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'ENSEIGNEMENT ET DE FORMATION PROFESSIONNELLE (EPLA) D'AUCH - BEAULIEU et de la directrice du CENTRE DE FORMATION DES APPRENTIS AGRICOLES (CFAA) DU GERS du 8 juillet 1994 prononçant le licenciement de M. X, agent contractuel recruté comme formateur auprès de ces deux établissements, d'autre part, la décision du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation du 22 mai 1996 refusant d'inscrire l'intéressé sur la liste d'aptitude à l'emploi de professeur de lycée professionnel agricole du premier grade ; que M. X a demandé au Tribunal administratif de Pau la condamnation, d'une part, de l'EPLA et du CFAA à lui payer la somme de 29 909,74 euros à titre d'indemnisation du préjudice résultant du licenciement ainsi que celle de 30 489,80 euros en réparation de la perte de chance d'être titularisé, l'ensemble augmenté des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 1996 et de la capitalisation de ces intérêts, d'autre part, de l'Etat à lui payer une somme de 67 077, 57 euros, à parfaire de 1 524,49 euros supplémentaires par mois et augmentée des intérêts à compter du 30 décembre 2000, de dommages et intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 22 mai 1996 ; que, par jugement du 10 juin 2003, le tribunal administratif a écarté la responsabilité de l'Etat, mais a condamné conjointement et solidairement l'EPLA et le CFAA à payer à l'intéressé la somme 3 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence et, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 1997 et de leur capitalisation au 28 décembre 2000, une indemnité équivalant au montant net des salaires qu'il aurait touchés entre le 8 juillet 1994 et le 8 septembre 1997, sous déduction du montant des revenus de toute nature qu'il a pu percevoir pendant cette période ; que l'EPLA et le CFAA interjettent appel de ce jugement et demandent, à titre subsidiaire, la condamnation de l'Etat à les garantir pour moitié des conséquences du refus de titularisation de l'intéressé ; que, par la voie de l'appel incident, M. X demande la condamnation, d'une part, des établissements requérants à lui payer la somme de 20 580, 62 euros en réparation du préjudice résultant du licenciement et la somme de 30 489, 80 euros à titre d'indemnisation de la perte de chance d'être titularisé, d'autre part, de l'Etat à lui verser la somme de 67 077, 57 euros, solidairement avec les établissements ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, dans sa demande au Tribunal administratif de Pau, M. X a conclu à l'indemnisation de préjudices qui relèvent des troubles dans les conditions d'existence ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux premiers juges qu'il ait renoncé, dans ses écritures ultérieures, à ces conclusions ; que le tribunal administratif n'a donc pas statué au-delà de la demande de l'intéressé, en lui accordant la somme de 3 000 euros, tous intérêts compris, pour l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence ; que, si M. X n'a pas indiqué dans sa demande aux premiers juges le montant de la perte de revenus dont il réclamait indemnisation, ses conclusions étaient suffisamment précises dès lors que les revenus étaient fixés par les établissements ; que, toutefois, le tribunal administratif, qui ne disposait pas de l'ensemble des éléments nécessaires pour fixer le montant de la réparation due à M. X au titre de ce préjudice a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, se limiter à arrêter les modalités de calcul de ladite réparation et laisser le soin à l'administration d'en déterminer le montant au vu des justificatifs des allocations perçues par l'intéressé au titre de la perte de son emploi et des revenus que lui ont procurés les activités qu'il a exercées pendant la période d'éviction ; que le tribunal administratif, qui a écarté la responsabilité de l'Etat, n'avait pas à examiner la demande tendant à la réparation du préjudice que l'intéressé aurait subi du fait d'un retard du ministre à l'inscrire sur la liste d'aptitude ; qu'ainsi, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent être écartés ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation du 22 mai 1996 refusant à M. X son inscription sur la liste d'aptitude à l'emploi de professeur de lycée professionnel agricole du premier grade, qui est fondée sur la circonstance que le requérant n'était plus en fonction depuis le 8 octobre 1994, a directement pour origine le licenciement dont l'intéressé a fait l'objet, le 8 juillet 1994 ; que, par suite, si l'intéressé est fondé à rechercher la responsabilité de la puissance publique à raison de l'illégalité de la décision ministérielle du 22 mai 1996, les conséquences dommageables de cette décision incombent aux auteurs du licenciement ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration ait pu proposer à M. X, dont le licenciement a été annulé le 23 janvier 1997, un poste d'enseignant en vue d'effectuer le stage préalable à la titularisation, avant la fin de l'année scolaire en cours ; que, dès lors, si l'administration n'a engagé la procédure de « stagiairisation » concernant M. X que le 16 juillet 1997, ce délai ne peut être regardé comme dépassant le délai raisonnable ; qu'il suit de là que les conclusions d'appel incident de M. X tendant à la condamnation de l'Etat doivent être rejetées ;
Sur les préjudices :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, qui avait été recruté comme formateur par des contrats à durée indéterminée, pour la première fois à compter du 1er septembre 1977, a subi du fait de son licenciement des troubles dans ses conditions d'existence, dont les établissements requérants ne peuvent pas sérieusement contester la réalité en se bornant à faire valoir que l'intéressé n'a pas déménagé ; qu'en allouant à M. X une somme de 3 000 euros, tous intérêts compris, le tribunal administratif n'a pas fait une évaluation inexacte de la réparation qui lui est due à ce titre ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du 8 septembre 1997, M. X a informé l'administration qu'il n'envisageait pas de reprendre son activité de formateur ; qu'il doit être regardé, par suite, comme ayant renoncé à être réintégré et inscrit sur la liste d'aptitude en vue de l'accès à un emploi d'enseignant ; qu'il ne peut demander, dès lors, réparation de la perte d'une chance d'être inscrit sur la liste dont s'agit ;
Considérant que, comme l'a jugé le tribunal administratif, M. X peut prétendre à une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait perçus pendant la période de son éviction illégale, soit du 8 juillet 1994 au 8 septembre 1997, date de sa renonciation à la réintégration et à l'affectation sur un poste lui permettant d'effectuer le stage préalable à la titularisation, cette indemnité devant être diminuée des diverses sommes reçues par l'intéressé en raison de la perte d'emploi, y compris l'indemnité de licenciement dont il a bénéficié, et des revenus qu'il a perçus au cours de cette période ; que M. X n'ayant pas été réintégré dans son emploi, l'indemnité doit être calculée, ainsi qu'il le soutient, sur la base de son salaire brut, comprenant les cotisations sociales, notamment en matière de pension de retraite, que les établissements requérants n'ont pas acquittées ; qu'il résulte de l'instruction que le salaire brut de M. X s'élevait au début de l'année 1996 à la somme mensuelle de 8 572 F ; que, compte tenu des trois mois de préavis que les établissements soutiennent avoir payés à M. X sans être contestés, la rémunération brute à laquelle l'intéressé aurait pu prétendre pendant la période d'éviction peut être évaluée à la somme totale de 300 019 F ; qu'il résulte de l'instruction que les établissements lui ont versé une indemnité de licenciement de 54 230 F ; que M. X justifie devant la Cour, par des états de versement d'allocations chômage et des bulletins de salaire, qui ne sont pas sérieusement contestés, d'un montant total d'allocations et de revenus pendant ladite période de 141 826 F ; que, dans ces conditions, la réparation due à M. X au titre des pertes de revenus doit être fixée à la somme de 103 963 F, soit 15 849, 06 euros ;
Sur les intérêts et la capitalisation :
Considérant que M. X ne peut prétendre aux intérêts au taux légal sur la somme de 15 849, 06 euros qu'à compter du 19 juillet 1996, date de réception de sa réclamation préalable ;
Considérant que, pour l'application de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure, sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; qu'en l'espèce, à la suite de la demande de capitalisation des intérêts présentée au tribunal administratif, et compte tenu de la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir, il y a lieu de prescrire que les intérêts échus au 28 décembre 2000 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de ladite date, pour produire eux-mêmes intérêts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EPLA et le CFAA ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Pau les a condamnés conjointement et solidairement à réparer les préjudices subis par M. X ; que M. X est seulement fondé à demander, par la voie de l'appel incident, la condamnation solidaire de ces établissements à lui payer la somme de 15 849, 06 euros en réparation des pertes de revenus subies, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 1996 et de la capitalisation des intérêts au 28 décembre 2000 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à partir de cette date ;
Sur l'appel en garantie de l'EPLA et du CFAA :
Considérant que l'EPLA et le CFAA demandent la condamnation de l'Etat à les garantir de la moitié des conséquences dommageables de la décision du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation du 22 mai 1996 refusant d'inscrire M. X sur la liste d'aptitude à l'emploi de professeur de lycée professionnel agricole du premier grade ; qu'il résulte de ce qui précède que ces conclusions, qui sont au demeurant nouvelles en appel et, par suite, irrecevables, ne peuvent être accueillies ; que, pour les mêmes motifs, la demande des établissements tendant à ce que la condamnation prononcée contre eux soit solidaire avec celle de l'Etat doit, également, être rejetée ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à l'EPLA et au CFAA la somme qu'ils demandent sur ce fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner ces établissements à verser à M. X une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'indemnité que l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'ENSEIGNEMENT ET DE FORMATION PROFESSIONNELLE (EPLA) D'AUCH - BEAULIEU et le CENTRE DE FORMATION DES APPRENTIS AGRICOLES (CFAA) DU GERS ont été condamnés à payer à M. X par jugement du Tribunal administratif de Pau du 10 juin 2003 est fixée à la somme de 15 849, 06 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 1996. Les intérêts échus au 28 décembre 2000 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à partir de cette date seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Pau du 10 juin 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La requête de l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'ENSEIGNEMENT ET DE FORMATION PROFESSIONNELLE (EPLA) D'AUCH - BEAULIEU et du CENTRE DE FORMATION DES APPRENTIS AGRICOLES (CFAA) DU GERS et le surplus des conclusions de M. X sont rejetés.
Article 4 : L'ETABLISSEMENT PUBLIC D'ENSEIGNEMENT ET DE FORMATION PROFESSIONNELLE D'AUCH - BEAULIEU et le CENTRE DE FORMATION DES APPRENTIS AGRICOLES DU GERS sont condamnés solidairement à payer à M. X une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N°03BX01706