Vu la requête enregistrée le 7 mars 2003, présentée pour la SOCIETE HERVE THERMIQUE, dont le siège est ... (37301), représentée par son président en exercice, par la société d'avocats Leloup ;
La SOCIETE HERVE THERMIQUE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée solidairement avec d'autres entreprises à verser à l'Etat 20% de la somme de 68 602,06 € ;
2°) de la mettre hors de cause en rejetant les conclusions présentées par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2006 :
- le rapport de M. Gosselin,
- les observations de Me Misserey, avocat de la SOCIETE HERVE THERMIQUE,
- les observations de Me Berrada, avocat de la société Dv construction,
- les observations de Me Bron, avocat de la société Tebag,
- les observations de Me Barrière-Eyquem, avocat de la société Amec spie,
- les observations de Me Hounieu, avocat de la société Sechaud et Bossuyt,
- les observations de Me Pottier, avocat de la société Véritas,
- les observations de Me Nazeri, avocat de Mme X... et des ayants-droit de M. Z...,
- et les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes d'un marché public conclu le 17 avril 1990, la direction départementale de l'équipement de la Gironde a confié la maîtrise d'oeuvre des travaux de restructuration du restaurant de la cité administrative de Bordeaux à un groupement constitué de M. Z..., Mme X... (architectes), la société « Séchaud et Bossuyt » (bureau d'études) et M. Y... (économiste) ; que la société CEP assurant une mission de contrôle technique, un groupement d'entreprises a été chargé des travaux, répartis en lots séparés ; que les travaux ayant été réceptionnés sans réserve le 9 mars 1992, des désordres sont apparus en 1995 et 1996, affectant les murs et cloisons des locaux humides, ainsi que les locaux situés sous les chambres froides ; que, par demande enregistrée le 1er octobre 1998 devant le tribunal administratif de Bordeaux, l'Etat a recherché la condamnation solidaire des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que la SOCIETE HERVE THERMIQUE relève appel du jugement en date du 17 décembre 2002, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée, solidairement avec les autres constructeurs à payer à l'Etat une somme de 68 602,06 € et à garantir, pour partie, les autres constructeurs ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société « Sechaud et Bossuyt », membre du groupement de maîtrise d'oeuvre, avait, par mémoire enregistré le 15 novembre 2002 devant le tribunal administratif de Bordeaux, opposé une fin de non recevoir à des conclusions dirigées contre elle alors que l'Etat n'avait pas expressément demandé sa condamnation solidaire ; que, toutefois, le tribunal, par le jugement attaqué, l'a condamnée solidairement avec les autres constructeurs à réparer les désordres en cause sans avoir examiné sa fin de non recevoir ; que, dès lors, ladite société est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'Etat devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Sur la recevabilité de la demande :
Considérant, d'une part, que, par sa demande, l'Etat a sollicité la condamnation solidaire des constructeurs à lui payer une somme de 450 000 F en réparation des désordres affectant les murs et cloisons des locaux humides et les locaux situés sous les chambres froides, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que, par suite, la société Véritas n'est pas fondée à soutenir que la requête ne serait pas chiffrée ;
Considérant, d'autre part, que la circonstance que l'Etat, alors même qu'il avait demandé une extension de l'expertise ordonnée en référé à un autre désordre, constitué par la chute de dalles marbrières en façade, n'ait pas, après la remise du rapport d'expertise, étendu ses conclusions à la réparation dudit désordre, est sans incidence sur la recevabilité de sa demande, laquelle se trouve ainsi limitée à la réparation des désordres affectant les locaux susmentionnés ;
Au fond :
En ce qui concerne les désordres des locaux situés sous les chambres froides :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les locaux situés sous les chambres froides étaient affectés par une condensation importante des plafonds entraînant la chute des isolants saturés d'eau ; que ces désordres étaient de nature à rendre ces locaux de travail impropres à leur destination ; que lesdits désordres ont été causés par l'absence d'isolation du plancher des chambres froides constituant le plafond des locaux de travail chauffés situés en dessous ; qu'il résulte de l'instruction qu'ils sont imputables à la société Sechaud et Bossuyt, à qui incombait la conception, à la SOCIETE HERVE THERMIQUE, titulaire du lot plomberie sanitaire et chauffage qui avait installé des canalisations de chauffage dans le plafond de ces locaux et au bureau de contrôle CEP qui n'a pas su déceler cette anomalie ; que l'Etat n'ayant pas demandé la condamnation de la société Sechaud et Bossuyt, il y a lieu, dès lors, de condamner solidairement la SOCIETE HERVE THERMIQUE et le bureau de contrôle CEP à réparer lesdits désordres ;
Considérant que la réparation de ces désordres s'élève à la somme non contestée de 54 478,71 €, représentant 43% du coût total des réparations ; qu'à raison du montant de la condamnation demandée par l'Etat, soit 68 602,06 €, il y lieu de fixer à la somme de 29 669,46 € (soit 43% de la condamnation demandée par l'Etat) la réparation desdits désordres que les constructeurs susmentionnés devront solidairement supporter ;
En ce qui concerne les murs et cloisons des locaux humides :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les faïences des locaux humides se sont décollées ; que la chute de ces faïences entraînait l'apparition de moisissures et rendait difficile le nettoyage et l'entretien de ces locaux ; que ces désordres étaient également de nature à les rendre impropres à leur destination et, par suite, à engager la responsabilité décennale des constructeurs ; qu'il résulte de l'instruction qu'ils sont imputables tant à un défaut de conception confiée à la maîtrise d'oeuvre que de contrôle et de réalisation, mettant en cause la société Grigoletto Aquitaine qui, titulaire des lots gros-oeuvre et plâtrerie a réalisé les travaux, à la société Tebag, titulaire du lot étanchéité, et à l'entreprise Serge Saye, titulaire du lot revêtements collés qui a posé les faïences ; qu'il y a lieu de condamner solidairement M. Z..., Mme X..., M. Y..., la société Véritas, venant aux droits de la société CEP, la société Dv construction, venant aux droits de la société Grigoletto Aquitaine, la société Tebag et l'entreprise Serge Saye à réparer lesdits désordres ;
Considérant que la réparation de ces désordres s'élève à la somme non contestée de 71 487,56 € TTC, représentant 57% du coût total des réparations ; qu'à raison du montant de la condamnation demandée par l'Etat, il y a lieu de fixer à la somme de 38 932,60 € la réparation de ces désordres que les constructeurs susmentionnés devront solidairement supporter ;
Sur les appel en garantie :
Considérant, d'une part, que l'appel en garantie formé par la société Dv construction venant aux droits de la société Grigoletto Aquitaine contre la société Mag TP et la compagnie d'assurance Abeille, s'agissant d'un litige entre personnes unies par un contrat de droit privé, doit être regardé comme présenté devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que, par suite, il y a lieu de le rejeter ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction qu'en ce qui concerne la chute des carreaux de faïence, les sociétés en cause ont chacune manqué à leurs obligations, contribuant à la formation des désordres en litige, Mme X... et M. Z..., architectes, pour un défaut de vérification des spécifications techniques et de surveillance des travaux, M. Y..., métreur vérificateur, en commettant des erreurs dans la rédaction des documents techniques et des plans de l'ouvrage, la société Véritas venant aux droits de la société CEP, bureau de contrôle, en s'abstenant de contrôler les spécifications techniques des plans et l'exécution de ces travaux, la société Tebag pour une exécution défectueuse des travaux d'étanchéité, la société Dv construction venant aux droits de la société Grigoletto Aquitaine pour une mauvaise exécution des travaux de plâtrerie et l'entreprise Serge Saye pour avoir posé les carrelages et de faïences sur des supports défectueux ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en répartissant les responsabilités ainsi encourues pour les désordres affectant les carreaux de faïence à raison de 5% pour Mme X..., de 5% pour les ayants-droit de M. Z..., de 10% pour M. Y..., de 10% pour la société Véritas venant aux droits de la société CEP, de 30% pour la société Dv construction venant aux droits de la société Grigoletto Aquitaine, de 30% pour la société Tebag et de 10% pour la société d'exploitation des établissements Serge Saye ; que lesdits constructeurs sont fondés à s'appeler réciproquement en garantie dans la limite de leurs parts respectives de responsabilité ;
Considérant enfin en ce qui concerne la réparation des désordres relatifs à la condensation dans les locaux sous les chambres froides, que la SOCIETE HERVE THERMIQUE, en sa qualité d'entreprise titulaire du lot « plomberie-sanitaire-chauffage », ne pouvait accepter d'effectuer des travaux dans ces locaux sans s'assurer que les conditions d'isolation du plancher étaient satisfaisantes ; que la société Sechaud et Bossuyt, en tant que bureau d'étude technique de la maîtrise d'oeuvre a manqué à ses obligations en ne prévoyant pas l'isolation du plancher des chambres froides ; que, par contre la société Véritas, venant aux droits de la société CEP, bureau de contrôle, avait prévenu des risques liés à la solution d'isolation par flocage des plafonds des locaux situés sous les chambres froides et préconisé une autre solution ; que n'ayant pas manqué à ses obligations, elle est fondée à appeler la société Sechaud et Bossuyt sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, à la garantir des condamnations prononcées contre elle, quand bien même le maître d'ouvrage n'a pas présenté de conclusions contre ladite société ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en répartissant les responsabilités ainsi encourues pour les désordres affectant les chambres froides entre la SOCIETE HERVE THERMIQUE à concurrence de 20% et la société Sechaud et Bossuyt à concurrence de 80% ; que lesdites sociétés sont fondées à s'appeler réciproquement en garantie dans la limite de leurs responsabilités respectives ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, et eu égard au caractère frustratoire de la demande d'extension par l'Etat de l'expertise aux dalles extérieures, il y a lieu de mettre 80% des frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 4 846,42 €, soit 3 877,13 €, à la charge des constructeurs susmentionnés, le solde restant à la charge de l'Etat ; que la charge de cette condamnation sera répartie à raison de 1/9e chacun entre Mme X..., les ayants-droit de M. Z..., M. Y..., la société Véritas venant aux droits de la société CEP, la société Dv construction venant aux droits de la société Grigoletto Aquitaine, la société Tebag, la SOCIETE HERVE THERMIQUE, la société Sechaud et Bossuyt et la société d'exploitation des établissements Serge Saye ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par Mme X..., les ayants-droit de M. Z..., M. Y..., la société Véritas venant aux droits de la société CEP, la société Dv construction venant aux droits de la société Grigoletto Aquitaine, la société Tebag, la SOCIETE HERVE THERMIQUE, la société Sechaud et Bossuyt ;
Considérant, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, l'Etat versera une somme de 1 000 € à la société Amec spie, venant aux droits de la société Spie trindel au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 décembre 2002 est annulé.
Article 2 : Mme X..., les ayants-droit de M. Z..., M. Y..., la société Véritas venant aux droits de la société CEP, la société Dv construction venant aux droits de la société Grigoletto Aquitaine, la société Tebag, et la société d'exploitation des établissements Serge Saye sont condamnés solidairement à payer à l'Etat la somme de 38 932,60 €.
Article 3 : La SOCIETE HERVE THERMIQUE et la société Véritas, venant aux droits de la société CEP, sont condamnées solidairement à payer à l'Etat la somme de 29 669,46 €.
Article 4 : Les frais d'expertise, dans la limite de 3 877,13 €, sont mis à la charge de Mme X..., des ayants-droit de M. Z..., de M. Y..., de la société Véritas, venant aux droits de la société CEP, de la société Dv construction venant aux droits de la société Grigoletto Aquitaine, de la société Tebag, de la SOCIETE HERVE THERMIQUE, de la société Sechaud et Bossuyt et de la société d'exploitation des établissements Serge Saye dans la proportion de 1/9 chacun.
Article 5 : La charge finale de la condamnation solidaire prononcée à l'article 2 est répartie à concurrence de 5% pour Mme X..., de 5% pour les ayants-droit de M. Z..., de 10% pour M. Y..., de 10% pour la société Véritas venant aux droits de la société CEP, de 30% pour la société Dv constructions venant aux droits de la société Grigoletto Aquitaine, de 30% pour la société Tebag et de 10% pour la société d'exploitation des établissements Serge Saye. Lesdits constructeurs se garantiront mutuellement à raison de leurs responsabilités respectives.
Article 6 : La charge finale de la condamnation solidaire prononcée à l'article 3 est répartie à concurrence de 20% pour la SOCIETE HERVE THERMIQUE et de 80% pour la société Sechaud et Bossuyt. La SOCIETE HERVE THERMIQUE et la société « Séchaud et Bossuyt » se garantiront mutuellement à raison de leurs responsabilités respectives. Lesdites sociétés garantiront la société Véritas venant aux droits de la société CEP des condamnations prononcées contre elle.
Article 7 : Le surplus des appels en garantie est rejeté.
Article 8 : Les conclusions de la société Véritas venant aux droits de la société CEP, de M. Y..., DE M. X..., des ayants-droit de M. Z..., de la société Dv construction venant aux droits de la société Grigoletto Aquitaine et de la société Sechaud et Bossuyt tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 9 : L'Etat versera à la société Amec spie, venant aux droits de la société Spie trindel une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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No 03BX00574