Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 janvier 2004 et 27 février 2004 au greffe de la Cour, présentés pour M. Jérôme X, domicilié ..., par la SCP Delaporte, Briard, Trichet ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0101746 du 21 octobre 2003, par lequel Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 832 458,83 euros en réparation du préjudice qu'il a subi à la suite de l'annulation, par la juridiction administrative, d'une autorisation d'ouverture d'une officine de pharmacie ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 832 458,83 euros, ainsi que les intérêts au taux légal ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros pour les frais exposés en première instance et 4 000 euros pour les frais exposés en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2006,
le rapport de M. Dudézert, président assesseur ;
les observations de Me Briard pour X ;
et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X fait appel du jugement du 21 octobre 2003, par lequel le Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'il a subi du fait de l'illégalité de l'autorisation qui lui a été accordée, à titre dérogatoire, d'ouvrir une officine de pharmacie à Horgues ( Hautes-pyrénées) ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'en statuant sur l'impossibilité de se prévaloir d'un droit tiré d'une situation illégale, le tribunal administratif s'est prononcé implicitement, pour l'écarter, sur le moyen tiré de ce que la délivrance d'une autorisation s'accompagne de l'obligation d'assurer l'exploitation de l'officine durant une période de cinq ans ; que le préjudice, à le supposer établi, résultant de la radiation de l'ordre des pharmaciens constitue un élément des troubles dans les conditions d'existence, auquel le tribunal a apporté une réponse ;
Considérant qu'en retenant le principe de la responsabilité de l'Etat, sans accorder d'indemnité, le tribunal a pu, sans entacher son jugement de contrariété des motifs, écarter les conclusions à fin d'indemnité de M. X en estimant que, compte tenu du bénéfice net d'exploitation dégagé au 31 juillet 2000, aucun préjudice réel n'avait été subi ;
Au fond :
Considérant que l'illégalité de la décision d'ouverture d'une officine de pharmacie étant de nature à engager la responsabilité de l'administration, le requérant peut prétendre à l'indemnisation du préjudice en ayant effectivement résulté pour lui et dont il lui appartient d'établir la réalité et le montant ;
Considérant que si M. X demande l'indemnisation de la charge résiduelle d'un emprunt de 600 000 francs, contracté pour l'acquisition de l'immeuble dans lequel il a exploité l'officine , il n'apporte aucun élément de nature à établir que ledit immeuble ait perdu sa valeur alors qu'il en demeure le propriétaire ;
Considérant que le requérant ne produit à l'appui de ses allégations aucune justification des dépenses réalisées pour des aménagements mobiliers, l'achat de matériel informatique et de médicaments ainsi que de diverses charges auprès de fournisseurs et pour lesquels il aurait contracté deux autres emprunts ;
Considérant que l'autorisation d'exploiter une officine de pharmacie à Horgues (Hautes-Pyrénées), ayant été jugée illégale, M. X doit être regardé comme n'ayant jamais obtenu le droit d'exploiter cette officine ; que, par suite, les revenus qu'il aurait pu tirer de cette exploitation, postérieurement à l'annulation de l'autorisation, auraient résulté d'une exploitation elle-même illégale nonobstant l'obligation faite au pharmacien bénéficiant d'une autorisation d'ouverture, d'exploiter son officine pendant au moins cinq ans ; que le requérant ne saurait dès lors prétendre à être indemnisé des pertes de revenus postérieures à l'annulation de l'autorisation d'exploiter une officine ;
Considérant que les circonstances qui ont conduit à l'annulation de l'autorisation d'exploiter ont pu causer à l'intéressé un préjudice moral important, directement lié à la faute commise par le préfet des Hautes-Pyrénées en prenant l'arrêté illégal, dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 150 000 francs ; que, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, la circonstance que l'exploitation de l'officine ait dégagé un bénéfice net d'exploitation au 31 juillet 2000 est sans incidence sur cette évaluation ; que M. X a droit aux intérêts de cette somme à compter du 28 septembre 2001, date d'enregistrement de sa demande au tribunal ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande, et à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 150 000 francs (22 870 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2001 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'Etat à verser à M. X la somme de 1 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Pau du 21 octobre 2003 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X la somme de 22 870 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2001.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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04BX00027