Vu, enregistrée au greffe de la cour le 30 décembre 2003, la requête présentée, par Me Saint-Cricq, pour M. et Mme Tourabaly X, demeurant ...;
M. et Mme X demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 octobre 2003 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1995 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme correspondant aux frais irrépétibles qu'ils ont été amenés à exposer au cours de l'instance augmentée de 30 euros pour frais de timbre en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 octobre 2006 :
- le rapport de M. Margelidon, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. et Mme X font appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 1995, à raison de la réintégration dans leurs revenus imposables d'une somme de 1 100 000 F (167 693,92 euros) perçue à l'occasion du licenciement de M. X ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a adressé aux intéressés, par un courrier en date du 25 juin 1998, une première notification de redressements à laquelle ces derniers ont répondu au fond par un courrier en date du 24 juillet 1998 ; que le 24 août 1998, l'administration a adressé aux intéressés une seconde notification de redressements qui portait en en-tête la mention « cette notification annule et remplace celle du 25 juin 1998 » ; que les intéressés y ont répondu par un courrier en date du 7 septembre 1998 qui portait uniquement sur la procédure suivie par l'administration ; que le 7 octobre 1998, l'administration adressait aux intéressés une « Réponse aux observations du contribuable » dans laquelle elle répondait, principalement, aux arguments développés par les contribuables dans leur courrier du 7 septembre 1998 ;
Considérant que la notification de redressements du 24 août 1998, adressée aux contribuables, dans le délai de reprise, reprend de manière plus développée les éléments présents dans le courrier du 25 juin 1998 et ce, dans la limite des redressements initialement notifiés ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à l'administration de procéder à une telle substitution dès lors, comme c'est le cas en l'espèce, que les bases ayant servi à l'établissement des droits en litige ont été limitées aux montants initialement notifiés;
Considérant que la notification de redressements en cause précise qu'elle fonde les rehaussements litigieux tant sur la doctrine administrative dont elle précise les références que sur la jurisprudence administrative dont elle donne des exemples ; qu'elle conclut son analyse en mentionnant le fait que les sommes litigieuses seront imposées dans la catégorie des traitements et salaires en application de l'article 79 du code général des impôts ; qu'ainsi, ladite notification doit être regardée comme indiquant avec suffisamment de précision les motifs de droit fondant les rehaussements litigieux et de nature à permettre au contribuable d'engager utilement une discussion;
Considérant que la seconde notification de redressements a rouvert un délai de 30 jours afin de permettre aux contribuables de faire connaître leurs observations ; qu'ils y ont, d'ailleurs, répondu par courrier en date du 7 septembre ; que, dans sa réponse aux observations du contribuable du 7 octobre, l'administration répond aux arguments des contribuables notamment eu égard à la régularité de la procédure suivie ainsi que sur le fond ; qu'à supposer qu'il faille regarder le courrier du 7 septembre comme renvoyant implicitement aux considérations de fond développées par les intéressés dans leur courrier du 24 juillet, lesdites observations, ayant donné lieu à une réponse suffisamment motivée dans la notification du 24 août 1998, n'apportaient plus, dès lors, aucun élément nouveau de nature à être discuté après cette seconde notification ;que, dans ces conditions, la réponse aux observations du contribuable en date du 7 octobre 1998 doit être regardée comme suffisamment motivée;
Considérant que la notification de redressements mentionne l'identité et la fonction de l'agent des impôts qui en est l'auteur et comprend sa signature manuscrite ; que la circonstance que ne figure pas le grade dudit agent sur la notification n'est pas de nature à vicier la procédure dès lors qu'il résulte de l'instruction que ledit document a bien été signé par un agent compétent ;
Considérant que dans la réponse aux observations du contribuable la mention pré-imprimée relative à la saisine de la commisison des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires était barrée ; qu'il ressort, toutefois, des dispositions de l'article L.59 du livre des procédures fiscales délimitant les matières pour lesquelles ladite commission est compétente que la catégorie des traitements et salaires n'entre pas dans son champ ; que, par suite, la circonstance que les contribuables n'ont pas été informés de la possibilité de saisir ladite commission est sans influence sur la régularité de la procédure ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'une indemnité versée à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail ne peut être regardée comme ayant le caractère de dommages et intérêts que si elle a pour objet de compenser un préjudice autre que celui résultant de la perte d'un revenu ;
Considérant que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'alinéa II de l'article 80 duodecies du code général des impôts, issues de la loi n°99-1172 du 30 décembre 1999, qui ne sont susceptibles de s'appliquer qu'aux indemnités de rupture de contrat de travail perçues depuis le 1er janvier 1999 ;
Considérant qu'il a été mis fin aux fonctions de directeur général qu'occupait M. X dans les sociétés Sogecore et Ecore par décisions du 31 janvier 1995 des conseils d'administration desdites sociétés ; qu'au titre de la société Sogecore, il a été décidé de lui allouer, outre la somme de 250 000 F déclarée par l'intéressé, un « dédommagement » de 750 000 F destiné à compenser « l'important préjudice financier et moral » subi par M. X ; qu'au titre de la société Ecore, il a été décidé de lui allouer, outre la somme de 150 000 F déclarée par l'intéressé, une somme de 350 000 F justifiée selon les mêmes termes ; qu'il résulte de l'instruction que l'attribution desdites sommes a fait l'objet d'un accord transactionnel dans le but d'éviter tout recours contentieux de l'intéressé ;
Considérant qu'alors même que le juge de l'impôt n'est pas lié par la qualification que les parties au contrat de travail ont donné auxdites indemnités, il résulte de l'instruction que le requérant a passé plus de vingt ans comme cadre dans la société Sogecore dont il est le directeur général depuis le 1er octobre 1986, qu'à la date de son licenciement il était âgé de 57 ans et qu'il n'a jamais pu retrouver de travail faute de tout diplôme ; que le fait que lesdites indemnités correspondraient aux salaires qu'aurait perçus l'intéressé jusqu'à l'âge de la retraite n'est pas, en soi, de nature à les faire regarder comme ayant pour seul objet de compenser une perte de revenus ; que dans ces conditions et eu égard au trouble résultant de la perte d'une certaine situation sociale, il sera fait une exacte appréciation des circonstances de l'affaire en fixant au tiers du montant total des indemnités perçues par M. X à l'occasion de son licenciement, soit à la somme de 500 000 F, la part de l'indemnité dont l'objet n'était pas de réparer une perte de revenus ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X sont fondés, dans cette mesure, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté intégralement leur demande;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de ne condamner l'Etat à verser à M. et Mme X que la somme de 30 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens dès lors que la demande de remboursement de ces derniers n'est assortie d'aucune autre prétention dûment chiffrée ;
DÉCIDE :
Article 1er :La base du supplément d'impôt sur le revenu auquel M. et Mme X ont été assujettis au titre de l'année 1995 est réduite de 500 000 F.
Article 2 : M. et Mme X sont déchargés de la différence entre le montant du supplément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 1995 et celui qui résulte de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme X une somme de 30 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 21 octobre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté.
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N° 03BX02478