Vu la requête enregistrée au greffe de la cour sous le n° 04BX00680, présentée pour M. et Mme Michel X, demeurant ... par Me Barbieri ;
Ils demandent à la cour :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 février 2004 en tant qu'il rejette leur demande tendant à l'annulation du refus implicite du préfet de la Gironde d'abroger partiellement l'arrêté du 14 mai 1999 relatif aux modalités de calcul du prix des baux à ferme en Gironde ;
- d'enjoindre au préfet de la Gironde de prendre un nouvel arrêté prenant en considération les spécificités des premiers grands crus classés ;
- de condamner l'Etat à leur verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu l'ensemble des pièces du dossier ;
Vu le 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2006 :
- le rapport de Mme Fabien, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par courrier en date du 28 octobre 2002, M. et Mme X, propriétaires à Pessac de deux parcelles, d'une superficie totale de 1 hectare 31 ares et 57 centiares, louées à la société exploitant le premier grand cru classé « château Haut-Brion », ont demandé au préfet de la Gironde de procéder à l'abrogation partielle de son arrêté du 22 mai 1987 relatif au prix des baux à ferme en contestant l'absence de prise en considération de la spécificité des premiers crus classés ; que, par jugement du 26 février 2004, non contesté sur ce point, le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que leur courrier du 28 octobre 2002 devait être regardé comme tendant à l'abrogation de l'arrêté préfectoral du 14 mai 1999, s'étant substitué à celui du 22 mai 1987, et a jugé que leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés, devenus définitifs, ainsi que leur demande tendant à l'annulation du refus implicite d'abroger l'arrêté du 22 mai 1987 étaient irrecevables ; que M. et Mme X demandent l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette leur demande tendant à l'annulation du refus implicite du préfet d'abroger partiellement l'arrêté du 14 mai 1999 ;
Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 411-11 du code rural : « Le prix de chaque fermage est établi en fonction, notamment, de la durée du bail, compte tenu d'une clause de reprise éventuellement en cours de bail, de l'état et de l'importance des bâtiments d'habitation et d'exploitation, de la qualité des sols ainsi que de la structure parcellaire du bien loué… Le loyer des terres nues et des bâtiments d'exploitation est fixé en monnaie entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative… Par dérogation aux dispositions précédentes, le loyer des terres nues portant sur des cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles et agrumicoles et des bâtiments d'exploitation y afférents peut être évalué en une quantité de denrées comprises entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative… » ; que l'article L 411-12 du même code dispose : « Le prix du bail est payable en espèces. Toutefois, pour les cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles ou agrumicoles et par accord entre les parties, le prix du bail est payable en nature ou partie en nature et partie en espèces… » ; qu'aux termes de l'article R 411-1 du même code : « Pour l'application de l'article L 411-1, le préfet fixe, par arrêté publié au recueil des actes administratifs de la préfecture : …3° Les quantités maximales et minimales de denrées qui, dans les différentes régions naturelles agricoles du département, représentent les valeurs locatives normales des terres nues portant des cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles et agrumicoles et des bâtiments d'exploitation y afférents. Les denrées dont les quantités sont ainsi indiquées doivent être choisies en fonction des différents types d'exploitation existant dans les régions » ;
Considérant qu'il résulte des dispositions seules contestées de l'article 7 de l'arrêté préfectoral du 14 mai 1999 relatives aux vignes et exploitations viticoles produisant des vins à appellation d'origine contrôlée (AOC) que ces dernières sont classées en trois catégories en fonction notamment de l'âge, de l'état d'entretien de la vigne et du nombre de pieds manquants ; que les quantités minimales et maximales des vins à AOC, retenues pour base de règlement des fermages, fixées à l'hectolitre, à l'hectare et par an, varient de 9 à 12 hectolitres pour la première catégorie, de 5 à 9 hectolitres pour la deuxième et de 3 à 5 hectolitres pour la troisième ; que, cependant, pour la catégorie exceptionnelle des vins de crus classés ou de crus bourgeois, ou dont la notoriété est reconnue, située dans des régions aux conditions pédo-climatiques privilégiées quant à la qualité des sols et du climat, ces minima et maxima sont plafonnés au coefficient 2 de leur catégorie ; que le prix de l'hectolitre de vin AOC est fixé annuellement par la commission départementale des baux ruraux sur la moyenne annuelle des cotations de ladite AOC dans les conditions prévues à l'article 7-3 du même arrêté ;
Considérant que, pour soutenir que l'arrêté précité ne prendrait pas suffisamment en considération la valeur locative réelle des parcelles sur lesquelles sont produits les cinq premiers grands crus de la Gironde classés depuis 1855, et au nombre desquels figure le château Haut-Brion, les requérants se prévalent principalement de l'importante différence de prix à la bouteille existant entre ces premiers crus et les autres crus classés, du chiffre d'affaires supposé de la société à laquelle ils louent leurs parcelles et des charges fiscales afférentes à la propriété desdites parcelles ; que, cependant, ils n'apportent aucun élément de nature à démontrer que la différence de valeur commerciale des premiers grands crus classés serait avant tout dépendante de la qualité du sol et du climat spécifiques aux parcelles concernées alors que l'administration indique avoir tenu compte de ce que la qualité du vin est essentiellement liée à l'élevage, au traitement et à la valorisation du vin ; que, dans ces conditions, ils n'établissent pas que, en fixant les quantités de référence du prix du fermage des vignes produisant des crus classés et bourgeois entre 6 et 24 hectolitres selon l'état de la vigne, soit le double du prix prévu pour les autres vins AOC, et en ne prévoyant pas une catégorie spécifique aux premiers grands crus classés, le préfet de la Gironde aurait méconnu les dispositions des articles L 411-11 et R 411-1 du code rural ou commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la valeur locative réelle des parcelles affectées à la production de premier grand cru classé ;
Considérant que, si les requérants font valoir que leur fermier refuserait de payer le fermage en vin Haut-Brion, cette circonstance, liée à un éventuel litige relevant de la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux, est sans influence sur la légalité de l'arrêté du 14 mai 1999 ; que les dispositions de cet arrêté n'ont pas pour objet ou pour effet d'interdire la possibilité pour les parties, prévue de manière dérogatoire par L 411-12 du code rural, d'instituer pour les « cultures permanentes viticoles », un paiement du fermage en nature et notamment en quantités de denrées produites sur les parcelles faisant l'objet du bail ;
Considérant, enfin, que les requérants ne justifient pas que les charges fiscales afférentes à la propriété des parcelles affectées à la production de premier cru classé seraient supérieures au revenu résultant du prix du fermage calculé selon les modalités prévues par l'arrêté du 14 mai 1999 alors d'ailleurs que les dispositions de l'article L 415-3 du code rural prévoient que le preneur est redevable de 20 % de la taxe foncière ; qu'en conséquence, et en tout état de cause, ils n'établissent pas que les dispositions de l'arrêté du 14 mai 1999 les priveraient des fruits de leur propriété et porteraient ainsi une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété en méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a, par le jugement attaqué, rejeté leur demande tendant à l'annulation du refus implicite du préfet de la Gironde d'abroger partiellement les dispositions de l'arrêté préfectoral précité du 14 mai 1999 ; que, dès lors, leurs conclusions tendant à l'annulation de ce jugement ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de prendre de nouvelles dispositions spécifiques aux premiers grands crus classés doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. et Mme X la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par le ministre de l'agriculture et de la pêche ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de l'agriculture et de la pêche en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 04BX00680