Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 avril 2005, présentée pour M. et Mme Antonio X, demeurant ..., par Me Lembezat-Réal ;
M. et Mme Antonio X demandent à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 041420, en date du 8 février 2005, par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil général de la Gironde du 5 mars 2004 leur refusant l'agrément en vue de l'adoption d'un enfant ;
2° d'annuler ladite décision ;
3° d'ordonner avant dire droit une expertise psychologique et, en tant que de besoin, une nouvelle enquête sociale ;
4° de faire injonction au président du conseil général de la Gironde de leur délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, l'agrément en vue de l'adoption d'un enfant ;
5° de condamner le département de la Gironde à leur verser la somme de 1300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2007,
le rapport de M. Zupan, premier conseiller ;
les observations de Me Ferrer substituant Me Lembezat-Real pour M. et Mme X ;
et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. et Mme X font appel du jugement, en date du 8 février 2005, par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil général de la Gironde du 5 mars 2004 leur refusant l'agrément en vue de l'adoption d'un enfant ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que M. et Mme X ne se sont pas bornés, dans leur mémoire introductif d'instance, à reproduire intégralement et exclusivement leurs écritures de première instance, mais y ont développé une critique du jugement attaqué ; que la requête satisfait ainsi aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicables à la procédure d'appel en vertu de l'article R. 811-13 du même code, et en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé de faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge ;
Sur la légalité de la décision contestée :
Considérant que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le président du conseil général de la Gironde, tel qu'il est développé, notamment, dans les mémoires complémentaires des requérants enregistrés les 15 novembre 2005 et 14 mars 2006, ne repose pas sur une cause juridique distincte de celle à laquelle se référaient leurs écritures de première instance et leur mémoire introductif d'instance en appel ; que ce moyen est donc recevable ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 225-2 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée, également applicable à l'adoption d'un enfant étranger en vertu de l'article L. 225-15 du même code : « Les pupilles de l'Etat peuvent être adoptés (...) par des personnes agréées à cet effet (...). L'agrément est accordé, pour cinq ans, dans un délai de neuf mois à compter du jour de la demande, par le président du conseil général, après avis d'une commission (...) » ; qu'aux termes de l'article 4 du décret n° 98-771 du 1er septembre 1998 relatif à l'agrément des personnes qui souhaitent adopter un pupille de l'Etat ou un enfant étranger, alors en vigueur : « Avant de délivrer l'agrément, le président du conseil général doit s'assurer que les conditions d'accueil offertes par le demandeur sur le plan familial, éducatif et psychologique correspondent aux besoins et à l'intérêt d'un enfant adopté. A cet effet, il fait procéder, auprès du demandeur, à des investigations comportant notamment : - une évaluation de la situation familiale, des capacités éducatives ainsi que des possibilités d'accueil en vue d'adoption d'un enfant pupille de l'Etat ou d'un enfant étranger ; cette évaluation est confiée à des assistants de service social (...) ; - une évaluation, confiée à des psychologues territoriaux ou à des médecins psychiatres, du contexte psychologique dans lequel est formé le projet d'adopter » ;
Considérant que, par la décision contestée du 5 mars 2004, le président du conseil général de la Gironde a rejeté la demande d'agrément présentée par M. et Mme X aux motifs que leur projet, « très tardif dans l'histoire de [leur] couple, après 25 ans de vie commune, était peu élaboré », et qu'ils vivaient douloureusement l'absence d'enfant, sans avoir renoncé à en concevoir un, ce qui ne leur permettait pas, « pour le moment, d'appréhender les besoins spécifiques d'un enfant abandonné ayant subi des traumatismes » ; que, toutefois, si la psychologue et l'assistante sociale qui ont mené les investigations prévues par les dispositions précitées du décret du 1er septembre 1998 ont émis, pour les motifs ainsi repris par la décision contestée, des avis réservés sur le projet d'adoption des requérants, leurs rapports ne font pas apparaître en quoi la circonstance qu'il ont conçu ce projet après 25 ans de vie commune, qu'ils vivraient douloureusement l'absence d'enfant ou qu'ils n'auraient pas fait le « deuil de l'enfant biologique », traduirait un manque de réflexion de leur part quant aux enjeux particuliers de l'adoption ; qu'il ressort de l'ensemble des pièces du dossier, et en particulier de ces rapports, que M. et Mme X, qui forment un couple uni, animé d'un réel et profond désir d'adoption, et dont les conditions de vie matérielle sont stables, présentent les garanties requises, sur les plans familial, éducatif et psychologique, pour accueillir un enfant adopté ; que ni le handicap dont souffre Mme X, ni les difficultés qu'elle a éprouvées à surmonter le décès de sa mère, ni les multiples déplacements professionnels auxquels M. X est astreint ne sont, dans les circonstances de l'espèce, de nature à remettre en cause ces garanties ; qu'ainsi, en refusant l'agrément sollicité, le président du conseil général de la Gironde a fait une inexacte application des dispositions législatives et réglementaires précitées ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise qu'ils demandent, M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision contestée ; que ce jugement et cette décision doivent, par suite, être annulés ;
Sur les conclusions en injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative: « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;
Considérant que, compte tenu des motifs pour lesquels elle est prononcée, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation de M. et Mme X aurait été substantiellement modifiée depuis la date de la décision contestée, l'annulation de cette dernière implique que, en application des dispositions précitées du code de justice administrative, le président du conseil général de la Gironde délivre aux intéressés l'agrément en vue de l'adoption ; qu'il y a lieu, dès lors, de lui adresser une injonction en ce sens, à laquelle il devra satisfaire dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette mesure de l'astreinte prévue par l'article L. 911-3 du même code ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et Mme X, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à verser au département de la Gironde la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le département de la Gironde à verser à M. et Mme X la somme de 1 300 euros qu'ils réclament sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux du 8 février 2005 et la décision du président du conseil général de la Gironde du 5 mars 2004 sont annulés.
Article 2 : Il est fait injonction au président du conseil général de la Gironde de délivrer à M. et Mme X, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, l'agrément en vue de l'adoption d'un enfant. Le département de la Gironde informera immédiatement la Cour des mesures prises pour satisfaire à cette injonction.
Article 3 : Le département de la Gironde versera à M. et Mme X la somme de 1300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête, ainsi que les conclusions du département de la Gironde tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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05BX00717