Vu la requête enregistrée au greffe de la cour sous le n° 05BX00014, présentée pour Mme Anne-Marie Y demeurant ... par la SCP Deffieux-Garraud ;
Elle demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 30 novembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Bordeaux ( CUB ) et de la société Lyonnaise des Eaux à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi par suite de la chute sur un trottoir à Talence dont elle a été victime le 15 mai 2002 ;
- de condamner la communauté urbaine de Bordeaux et la Lyonnaise des Eaux à lui verser une indemnité de 10 000 euros ainsi qu'une somme de 2 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu l'ensemble des pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 Pluviôse an VIII ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2007 :
- le rapport de Mme Fabien, premier conseiller,
- les observations de Me Charroin pour Mme Anne-Marie X,
- les observations de Me Cambray-Deglane pour la Communauté Urbaine de Bordeaux,
- les observations de Me Othman-Farah pour la société Lyonnaise des Eaux,
- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X a été victime le 15 mai 2002, sur le trottoir situé à la hauteur du n° 144 cours Gambetta à Talence, d'une chute à la suite de laquelle elle a dû subir une énucléation de l' oeil gauche ; que l'intéressée soutient être tombée après avoir trébuché dans un trou non signalé en produisant le témoignage d'un commerçant riverain ainsi que des photographies dont l'examen met en évidence que le trottoir était, à l'emplacement litigieux, dépourvu de revêtement, laissant apparaître une dénivellation irrégulière, en faisant saillir notamment une plaque d'égout, ainsi qu'un trou d'une profondeur de plusieurs centimètres ; qu'aucun élément ne permet de douter que ces photographies ne correspondent pas à l'état des lieux existant le 15 mai 2002 alors d'ailleurs que la Communauté Urbaine de Bordeaux (CUB) ne produit pas le rapport de l'enquête à laquelle elle indiquait procéder dans son courrier adressé à l'intéressée le 5 juin 2002 ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les défectuosités du trottoir aient été liées à la réalisation de travaux effectués par la société Lyonnaise des Eaux ou pour son compte ; que la CUB, chargée de l'entretien de la voie en vertu des dispositions de l'article L 5215-20 du code général des collectivités territoriales et à laquelle il appartient de rapporter la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage public, se borne à faire valoir que la profondeur du trou dans lequel l'intéressée indique être tombée n'a pas été mesurée ; que les défectuosités du trottoir mises en évidence par les photographies excédaient, par leurs caractéristiques, leur importance et leurs effets conjugués, celles que les usagers doivent s'attendre à rencontrer sur les voies publiques et contre lesquelles ils doivent se prémunir en prenant les précautions nécessaires ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la chute de Mme X soit imputable, même partiellement, à son âge ou à la déficience visuelle importante de l'oeil gauche dont elle était atteinte alors que, d'une part, il ressort du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif qu'elle conservait néanmoins une vision suffisante pour lui permettre de se déplacer et que, d'autre part, le témoignage du commerçant riverain met en évidence les difficultés des autres passants ; qu'il ne résulte également pas de l'instruction que l'intéressée aurait manqué de prudence ; que si, en particulier, elle demeurait cours Gambetta, la CUB, qui admet que les défectuosités du trottoir ne sont pas liées au chantier du tramway, n'établit ni qu'elle aurait mis en garde, notamment par une signalisation adaptée, les usagers sur les risques particuliers liés à l'utilisation des trottoirs dans le secteur, ni que les défectuosités en cause étaient connues des riverains en raison de leur caractère habituel ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 novembre 2004, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à ce que la CUB soit condamnée à réparer les conséquences dommageables de l'accident dont elle a été victime le 15 mai 2002 ;
Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert que, compte tenu du handicap visuel préexistant de Mme X, l'invalidité permanente partielle dont elle reste atteinte à la suite de l'énucléation de son oeil gauche et étant directement imputable à sa chute doit être évaluée à 4 % ; qu'elle a subi également de ce fait une invalidité temporaire totale d'un an et une invalidité partielle temporaire de 10 % pendant 16 mois ainsi que des souffrances évaluées à 3/7 et un préjudice esthétique très léger ; qu'il sera fait une exacte appréciation de l'atteinte à son intégrité physique et des troubles dans ses conditions d'existence liés à son invalidité permanente et provisoire en condamnant la CUB à lui verser une indemnité de 9 000 euros ;
Considérant que la CPAM de la Gironde a droit au remboursement de ses débours liés à l'accident de Mme X d'un montant de 3 172,89 euros ; que la CUB doit également être condamnée à lui verser la somme non contestée de 136, 65 euros représentant le capital représentatif du traitement pharmaceutique impliqué par le port d'une prothèse de l'oeil gauche ; qu'il ressort du rapport de l'expert que cette prothèse doit être renouvelée tous les six ans et faire l'objet d'un polissage tous les six mois ; que la CUB doit en conséquence être condamnée à rembourser, au fur et à mesure de leur engagement, les dépenses de la CPAM de la Gironde liées au polissage et au renouvellement de cette prothèse ;
Considérant qu'aux termes de l'article R 761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties… » ; qu'il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Bordeaux à la charge de la CUB, partie perdante ;
Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la CUB la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'elles font également obstacle, pour la même raison, à ce que la société Lyonnaise des Eaux soit condamnée à verser à Mme Y et à la CPAM de la Gironde la somme qu'elles demandent à ce titre ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de condamner à ce titre la CUB à verser une somme de 1 300 euros à Mme X ainsi qu'une somme de 300 euros à la CPAM de la Gironde et de rejeter les conclusions présentées par la société Lyonnaise des Eaux à l'encontre de Mme Y ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 novembre 2004 est annulé.
Article 2 : La CUB est condamnée à verser une indemnité de 9 000 euros à Mme X.
Article 3 : La CUB est condamnée à verser une indemnité de 3 309,54 euros à la CPAM de la Gironde et à rembourser à cette dernière, au fur et à mesure de leur engagement, les dépenses liées au polissage et au renouvellement de la prothèse oculaire de l'oeil gauche portée par Mme X.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Bordeaux sont mis à la charge de la CUB.
Article 5 : La CUB versera une somme de 1 300 euros à Mme X et une somme de 300 euros à la CPAM de la Gironde en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Les conclusions présentées par la CUB et la société Lyonnaise des Eaux en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 05BX00014