Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2005, présentée pour la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS, dont le siège se trouve 7 rue des Vitarelles à Lespinasse (31150), par Me Lacassagne ; la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 00/2225 du 5 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 1993, 1994, 1995, 1996 et 1997 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser 4 575 euros au titre des frais de procès et non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2008 :
- le rapport de Mme Demurger, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Doré, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS, qui exerce une activité de concession de poids lourds DAF, interjette appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 1993, 1994, 1995, 1996 et 1997 ;
Sur la déduction du premier loyer afférent aux contrats de crédit-bail :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicables pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 dudit code, et selon lesquelles le bénéfice net « est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant … notamment : 1° les frais généraux de toute nature … » s'entendent, eu égard au principe de l'indépendance des exercices qui résultent des dispositions du 2 de l'article 38 dudit code, comme autorisant la déduction des charges payées par l'entreprise au cours de l'exercice dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, à l'exception de celles « constatées d'avance », c'est-à-dire correspondant au paiement d'un bien ou d'une prestation de service dont la livraison ou la fourniture n'interviendra qu'au cours d'un exercice ultérieur, sur les résultats duquel il y aura lieu de l'imputer ;
Considérant que la circonstance que la prestation fournie est continue n'implique pas, par elle-même, qu'elle soit effectuée avec une intensité constante pendant toute la durée de son exécution et que sa rémunération doive, par suite, être rattachée de manière linéaire et prorata temporis aux exercices durant lesquels cette exécution se poursuit ; que lorsque les loyers stipulés dans un contrat de location sont inégaux de période en période, il y a lieu en principe de réputer que cette inégalité des loyers stipulés correspond à une inégalité dans la valeur de la prestation fournie ; que, dès lors, pour l'application de la règle selon laquelle la rémunération de la prestation continue est rattachée aux exercices « au fur et à mesure de l'exécution » de la prestation, il convient de comptabiliser les produits correspondant aux créances de loyers en fonction des échéances contractuelles, sauf s'il résulte de l'instruction fondée notamment sur les justifications apportées par le bailleur, le locataire ou l'administration, que la répartition contractuelle des loyers ne rend pas compte correctement des avantages économiques procurés au preneur par le bien loué au cours des périodes successives de la location et que le rattachement des produits « au fur et à mesure de l'exécution » de la prestation implique que leur comptabilisation s'écarte de l'échéancier contractuel, en retenant par exemple une répartition linéaire des loyers encaissés sur toute la période de location ;
Considérant que, au cours des exercices en litige, la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS a pris en crédit-bail des camions destinés à la location ; que la durée des contrats était de trois ans et que le montant du premier loyer mensuel versé au crédit bailleur représentait jusqu'à un tiers du montant total des loyers, la valeur résiduelle étant d'environ 2 % du prix d'achat ; que l'administration a considéré que le premier loyer versé devait être regardé comme une avance sur loyer futur et l'a réparti sur la durée totale des contrats concernés ; que, si la société requérante soutient que les modalités contractuelles lui sont imposées par les établissements financiers et que les véhicules pris en crédit-bail subissent une dépréciation importante dès leur mise en circulation, il ne résulte pas de l'instruction que la majoration du premier loyer correspondrait à la rémunération d'une prestation particulière ; que, par suite, la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS n'est pas fondée à demander la décharge des redressements correspondants ;
Sur les dépenses accroissant l'actif :
Considérant que la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS conteste les redressements afférents à des dépenses de travaux, qui s'élèvent à 13 000 F (1993/1994), 159 850 F (1994/1995), 486 144 F (1995/1996) et 228 524 F (1996/1997), que l'administration a considérées comme constituant des dépenses accroissant l'actif ;
Considérant que, pour l'application des dispositions du 1° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, seuls peuvent être compris dans les frais généraux et constituer des charges d'un exercice déterminé les travaux de réparation et d'entretien qui concourent à maintenir en état d'usage ou de fonctionnement les différents éléments de l'actif immobilisé de l'entreprise ; qu'en revanche, les dépenses qui entraînent normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément immobilisé figure au bilan de l'entreprise ou qui ont pour objet de prolonger de manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de cette nature ne peuvent être portées en frais généraux ;
Considérant que l'administration fait valoir que les dépenses, faites au cours des exercices vérifiés, ont eu pour origine soit des travaux exécutés en vue de rendre les installations conformes aux normes de sécurité, soit des travaux d'agrandissement ou de réaménagement de locaux existants, et qu'elles ont ainsi eu pour contrepartie une augmentation de valeur des éléments corporels de l'actif immobilisé ; que la société n'apportant aucun élément de nature à infirmer cette analyse, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé des redressements ;
Sur les provisions :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant … notamment : … 5°) les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables … » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire de ses bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées par elle qu'ultérieurement, à la condition qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice, qu'elles soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante et que, si la provision tend à permettre ultérieurement de réaliser certains travaux d'entretien ou de réparation, ceux-ci excèdent, par leur nature et par leur importance, les travaux d'entretien ou de réparation dont le coût entre dans les charges annuelles et normales de l'entreprise ;
Considérant, en premier lieu, que, si la société soutient que la provision pour grosses réparations d'un montant de 200 000 F, constituée le 31 mars 1997, était destinée à faire face à des charges d'une importance exceptionnelle et était l'objet d'une programmation détaillée, il résulte de l'instruction que lesdits travaux consistaient en la réalisation de nouveaux agencements, lesquels doivent faire l'objet d'une immobilisation, et que les devis produits par la requérante, dont les montants diffèrent sensiblement de la provision comptabilisée, ne permettent d'établir ni que les travaux en cause étaient évalués avec une précision suffisante, ni que les charges correspondantes apparaissaient comme probables ; que, par suite, la provision litigieuse ne répond pas aux conditions posées par les dispositions précitées du code général des impôts ;
Considérant, en deuxième lieu, que la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS a constitué, à la clôture de chacun des exercices vérifiés, des provisions pour réparation des véhicules loués s'élevant aux sommes de 80 000 F (1993/1994), 130 000 F (1994/1995), 140 000 F (1995/1996) et 140 000 F (1996/1997) ; que le vérificateur a considéré que les travaux courants d'entretien ou de réparation des véhicules donnés en location incombaient aux locataires et ne pouvaient donc pas faire l'objet d'une provision, et que les dépenses de gros entretien ou de réparation ne pouvaient pas davantage être provisionnées dès lors qu'elles n'avaient pas été programmées et que leur caractère probable n'était pas établi ; qu'en se bornant à soutenir que les provisions litigieuses ont été déterminées en fonction du montant des réparations réalisées l'année précédente, la société n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que les charges correspondantes présentaient un caractère probable ;
Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que, si les véhicules d'occasion vendus ne faisaient pas l'objet d'une garantie contractuelle, la société requérante constituait, à la clôture de chaque exercice, une provision pour garantie au motif que, en cas d'avarie survenant dans les trois premiers mois, elle prenait en charge, à titre de geste commercial, le prix des pièces incluses dans la réparation ; qu'en se bornant à soutenir qu'elle « a constitué, au titre de 1996/1997, une provision de 100 000 F au vu notamment des éléments statistiques dégagés au cours de l'exercice 1995/1996 », la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS ne justifie ni du caractère probable des charges correspondantes, ni de la pertinence du mode de calcul des provisions litigieuses ;
Sur l'indemnité perçue à l'occasion de la rupture du contrat de concession :
Considérant qu'un contrat de concession commerciale ou de distribution exclusives, même s'il est devenu une source régulière de profits pour le concessionnaire ou le distributeur, ne constitue cependant, pour l'intéressé, un élément incorporel de son actif immobilisé qu'à la condition, notamment, que l'entreprise puisse, eu égard aux liens de droit et aux rapports de fait l'unissant à son cocontractant, escompter normalement la poursuite de l'exécution du contrat pendant une assez longue période ;
Considérant qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société DAF France, le contrat de concession passé entre cette société et la société requérante a été résilié, le 25 mars 1993 ; qu'il résulte de l'instruction que ledit contrat avait été conclu pour une durée illimitée et ne pouvait être résilié qu'en respectant un préavis d'un an ; que, dans ces conditions, la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS pouvant escompter normalement la poursuite de l'exécution du contrat pendant une assez longue période, le contrat conclu avec la société DAF constituait un élément incorporel de son actif immobilisé ; que, par suite, l'indemnité de 2 500 000 F perçue en 1995 par la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS à titre de réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat doit être regardée comme une plus-value à long terme imposable au taux de 19 % et non comme recette d'exploitation passible de l'impôt sur les sociétés au taux normal de 33,33 % ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions en décharge au titre de la plus-value constatée sur la perte du contrat de concession ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement, à la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS, d'une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS est déchargée des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1995 à raison de la plus-value sur la perte du contrat de concession.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 5 juillet 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE TOULOUSE SERVICES VEHICULES INDUSTRIELS est rejeté.
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N° 05BX01930