Vu la requête, enregistrée le 26 février 2007, présentée pour M. Paul X, demeurant ..., par Me Weyl ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 6 décembre 2006 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejetant implicitement sa demande en date du 29 mars 2004 de révision de sa pension de retraite en vue d'y inclure la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, d'autre part, à la réparation du préjudice subi du fait de la prise en compte tardive de sa demande de liquidation de pension et, subsidiairement, à la réparation des divers préjudices résultant de l'absence de bonification pour enfants ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites de rejet contestées ;
3°) d'enjoindre à l'administration de modifier les conditions dans lesquelles sa pension lui a été concédée, de la revaloriser rétroactivement à compter du 1er septembre 2003 et de décider que les sommes dues porteront intérêts avec capitalisation s'il y a lieu ;
4°) subsidiairement, de condamner l'Etat à réparer le préjudice résultant pour lui, d'une part, de la privation de la bonification à laquelle il était en droit de prétendre depuis l'entrée en jouissance de sa pension et, d'autre part, de la perte de supplément de pension pour l'avenir qui sera indemnisée par l'allocation d'une rente, ou, à défaut, par l'allocation d'un capital de 50 000 euros, augmenté des intérêts et de leur capitalisation ;
5°) de condamner l'Etat à lui payer les sommes de 11 203,91 euros au titre des services qu'il a effectués du 1er septembre 2003 au 19 décembre 2003, au-delà de ses obligations statutaires, de 529,12 euros au titre des pertes de rémunération sur cette même période, de 16 000 euros au titre des divers autres préjudices qu'il a subis, assortis des intérêts légaux à compter du 29 mars 2004 ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel ;
Vu le code des pensions civiles et miliaires de retraite ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2008 :
- le rapport de M. Lerner, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Doré, commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence de la cour administrative d'appel :
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 et de l'article R. 222-13 du code de justice administrative que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort dans les litiges en matière de pensions, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d'un montant supérieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; que les dispositions de l'article R. 222-14, en vigueur à la date de l'ordonnance attaquée, fixent ce montant à 8 000 euros et que l'article R. 222-15 précise que ce montant est déterminé par la valeur totale des sommes demandées dans la requête introductive d'instance ;
Considérant que M. X a demandé au Tribunal administratif de Toulouse, d'une part, l'annulation des décisions implicites de rejet opposées à sa demande de révision de pension de retraite et, d'autre part, que l'Etat soit condamné au versement d'une somme destinée à réparer les divers préjudices qu'il estimait avoir subis, supérieure au montant de 8 000 euros fixé par l'article R. 222-14 du code de justice administrative ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la requête de M. X tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Toulouse a le caractère d'un appel et relève de la compétence de la Cour administrative d'appel de Bordeaux ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : « ... Les présidents des formations de jugement peuvent, par ordonnance : ... 6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'Etat en application de l'article L. 113-1 » ;
Considérant que la demande déposée le 30 juin 2004 par M. X au Tribunal administratif de Toulouse ne présentait pas à juger des questions identiques à celles tranchées ensemble par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux dans sa décision n° 279133 du 3 mai 2006 mentionnée par l'ordonnance attaquée, dès lors qu'outre les questions relatives à la prise en compte de la bonification d'ancienneté pour enfants et l'attribution rétroactive d'une pension revalorisée, sur lesquelles le Conseil d'Etat s'était prononcé, la requête de M. X comprenait des demandes d'indemnisation des préjudices résultant du retard apporté à la concession de sa pension et de son maintien en activité, postérieurement à la date à laquelle il avait demandé la jouissance de sa pension ; qu'ainsi, le vice-président du Tribunal administratif de Toulouse ne pouvait légalement se fonder sur cette décision pour prendre une ordonnance en application des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité de l'ordonnance attaquée, M. X est fondé à en demander l'annulation ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X au Tribunal administratif de Toulouse ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a demandé le 24 avril 2003 son admission à la retraite à compter du 1er septembre 2003 avec jouissance immédiate de sa pension et le bénéfice de la bonification pour enfants prévue par le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction alors en vigueur ; que, par arrêté du 24 janvier 2004 avec effet au 1er janvier de la même année, M. X a été admis à la retraite et sa pension liquidée sans qu'il soit tenu compte de la bonification pour enfants sollicitée ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue du I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : « Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : /... b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants naturels dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat » ; qu'aux termes du II du même article 48, les dispositions mentionnées ci-dessus « s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 » ;
Considérant que l'article 6 du décret du 26 décembre 2003, pris pour l'application de l'article 48 de la loi du 21 août 2003, a remplacé l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite par les dispositions suivantes : « Le bénéfice des dispositions du b) de l'article L. 12 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, prévus par les articles 34 (5°), 54 et 54 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et les articles 53 (2°), 65-1 et 65-3 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans prévue par l'article 47 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions » ;
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du II de l'article 48 de la loi du 21 août 2003, les dispositions introduites dans le code des pensions civiles et militaires de retraite par le I du même article, telles que précisées par le décret du 26 décembre 2003, s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 ; qu'elles s'appliquent dès lors à la pension de M. X, qui a été liquidée postérieurement à cette date ;
Considérant, il est vrai, d'une part, que le droit à l'allocation d'une pension constitue, pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, un bien au sens de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont se prévaut M. X ; que, toutefois, si le II de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 prive de façon rétroactive les fonctionnaires dont la pension a été liquidée après le 28 mai 2003 du bénéfice de la bonification prévue par les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction antérieure à l'intervention de cette loi, cette rétroactivité, qui prend pour point de départ la date à laquelle le projet de loi comportant les nouvelles dispositions du b) de l'article L. 12 a été rendu public à la suite de son adoption en conseil des ministres, est justifiée, dans l'intention du législateur, par des considérations d'utilité publique tenant au souci d'éviter que l'annonce du dépôt du projet de loi ne se traduise par une multiplication des contentieux ; que cette atteinte, qui ne porte pas sur la substance du droit à pension mais seulement sur un des éléments de son calcul, est proportionnée à l'objectif ainsi poursuivi ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à se prévaloir de ces stipulations pour soutenir que sa pension aurait dû être liquidée sur le fondement des dispositions antérieurement applicables ;
Considérant, d'autre part, que si M. X avait présenté avant le 28 mai 2003 une demande tendant à ce que l'arrêté de concession de sa pension intègre la bonification d'ancienneté pour enfants, il n'avait pas engagé une action contentieuse à cette fin à la date de publication de la loi du 21 août 2003 ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à se prévaloir des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à un procès équitable pour soutenir que les dispositions litigieuses de cette loi ne lui sont pas applicables ;
Considérant, en deuxième lieu, que les nouvelles dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ouvrent aux fonctionnaires une bonification d'un an par enfant afin de compenser les inconvénients causés à leur carrière par l'interruption de leur service à l'occasion d'une naissance, d'une adoption ou de périodes consacrées à l'éducation des enfants ; que, dès lors que cet avantage est ouvert tant aux hommes qu'aux femmes, ces dispositions ne sont pas incompatibles avec le principe d'égalité des rémunérations entre hommes et femmes tel qu'il est affirmé par l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et interprété par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 29 novembre 2001 ; qu'eu égard à l'objet de la bonification ainsi instaurée par la loi, ce principe n'interdisait pas que le décret pris pour l'application de ces dispositions fixe une durée minimale de deux mois à cette interruption et prévoie, parmi les positions statutaires donnant droit à son bénéfice, le congé de maternité, alors même que de ce fait et en raison du caractère facultatif des autres congés, pour la plupart non rémunérés et dont certains n'étaient pas encore ouverts aux hommes à la date à laquelle leurs enfants sont nés, le dispositif nouveau bénéficiera principalement aux fonctionnaires de sexe féminin ; que, dans ces conditions, M. X n'est pas fondé à soutenir que les dispositions nouvelles du b) de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne seraient pas compatibles avec l'article 141 du traité instituant la Communauté ;
Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué que M. X ait interrompu son activité, dans les conditions fixées par les dispositions de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, afin de se consacrer à l'éducation de ses trois enfants ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander le bénéfice de la bonification prévue par le b) de l'article L. 12 de ce code ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que M. X demande réparation des préjudices qui lui auraient été causés par le retard prétendument fautif de l'administration dans le traitement de sa demande, en date du 23 avril 2003, d'admission à la retraite par anticipation avec jouissance immédiate de la pension à taux plein, soit après prise en compte des bonifications pour enfants, à compter du 1er septembre 2003 ; que, toutefois, dès lors qu'il n'avait demandé la liquidation de sa pension qu'à compter du 1er septembre 2003, soit postérieurement à la date du 28 mai 2003 prévue par les dispositions du II de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 pour l'application du I aux pensions liquidées, l'administration ne pouvait pas légalement faire droit à cette demande ; qu'elle n'a, par suite, commis aucune faute en lui opposant un refus implicite et en ne liquidant ses droits à pension qu'à compter du 1er janvier 2004 ; que, dès lors, les conclusions indemnitaires de M. X doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 6 décembre 2006 du Tribunal administratif de Toulouse est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Toulouse et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
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N° 07BX00428