Vu la requête, enregistrée au greffe le 30 novembre 2007 sous forme de télécopie et en original le 3 décembre 2007, présentée pour M. Mizrak X, demeurant ... ;
M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne en date du 10 août 2007 refusant de lui délivrer un titre de séjour, assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire, et fixant le pays à destination duquel il sera renvoyé à défaut de se conformer à cette obligation ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention « salarié » dans les 15 jours de l'arrêt à intervenir avec une astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2008 :
- le rapport de M. Margelidon, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, ressortissant turc, fait appel du jugement du 22 novembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande à fin d'annulation de l'arrêté du 10 août 2007 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de se conformer à cette obligation ;
Sur la décision de refus de séjour :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse a été prise à la suite du jugement du tribunal administratif de Limoges du 19 juillet 2007 qui a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 14 juillet 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. X et qui a enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un réexamen de sa situation au regard de son droit au séjour ; qu'il ressort des motifs de la décision attaquée que le préfet a examiné la situation de M. X au regard de son droit à exercer une activité professionnelle salariée ainsi qu'au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration aurait, avant que ne soit prise la décision en litige, refusé d'instruire une nouvelle demande de carte de séjour mention « salarié » présentée par M. X ; qu'en statuant sur la situation de l'intéressé au regard de son droit à exercer une activité professionnelle salariée, le préfet ne saurait avoir commis un détournement de procédure dès lors que le requérant lui-même a revendiqué la délivrance d'une carte de séjour mention « salarié » ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle a été prise la décision en litige : « la carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. (...) » ; qu'il ne ressort pas des documents produits par le requérant, notamment du contrat de travail fourni, lequel ne mentionne pas la date à laquelle il a été conclu et n'a pas été visé par les services compétents du ministère du travail, qu'en refusant de délivrer à l'intéressé, le 17 août 2007, date de la décision contestée, une carte de séjour sur le fondement des dispositions précitées, le préfet ait méconnu ces dispositions ;
Considérant, d'autre part, que si M. X fait valoir qu'il séjourne régulièrement sur le territoire français depuis 8 années et que sa vie privée et familiale se situe en France, il ressort des pièces du dossier qu'il est entré sur le territoire français à l'âge de 37 ans, qu'il a un fils âgé de 19 ans qui vit en Turquie et que l'essentiel de sa famille se trouve dans ce pays ; que, dans ces conditions, le refus de séjour litigieux ne saurait être regardé comme ayant été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays à destination :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) » ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ;
Considérant que l'obligation de quitter le territoire français dont le préfet peut, en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortir le refus ou le retrait d'un titre de séjour est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, si la motivation de cette mesure, se confondant avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement, n'appelle pas d'autre mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet1979, c'est toutefois à la condition que le préfet ait rappelé dans sa décision l'article L. 511-1 du même code, qui l'habilite à assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ;
Considérant qu'en l'espèce le préfet de la Haute-Vienne s'est borné à viser le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans rappeler les dispositions spécifiques de ce code lui permettant d'assortir son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter la France ; qu'une telle référence est insuffisante et entache d'illégalité la décision litigieuse, et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code : « Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ; que le présent arrêt, qui annule l'obligation de quitter le territoire français concernant M. X, implique seulement mais nécessairement que ce dernier se voit remettre une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de condamner l'Etat à verser au conseil de M. X la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 22 novembre 2007 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Article 2 : Les articles 2 et 3 de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne en date du 10 août 2007 portant obligation pour M. X de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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No 07BX02426