Vu la requête, enregistrée le 21 juin 2008, présentée pour M. Hakim X, élisant domicile chez Me Canadas 6 place de l'Église à Cugnaux (31270), par Me Canadas ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 08/2243 du 23 mai 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Lot-et-Garonne en date du 19 mai 2008 décidant sa reconduite à la frontière et fixant l'Algérie comme pays de renvoi et, d'autre part, prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision du même jour ordonnant son placement en rétention ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 € en application des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du président de la Cour en date du 16 janvier 2009 portant désignation de M. Brunet, président de chambre, en qualité de juge habilité à statuer en matière d'appel des jugements de reconduite à la frontière ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars 2009 :
* le rapport de M. Brunet, président de chambre ;
* et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, en premier lieu, que M. X soutient que le premier juge n'a pas suffisamment tenu compte du moyen tiré de ce que le centre de ses intérêts privés est en France ; que, toutefois, le jugement attaqué mentionne que « le requérant soutient qu'il a établi [en France] le centre de ses intérêts privés en raison de la durée de son séjour en France et de ses liens avec la communauté d'Emmaüs pour laquelle il travaille » ; que le moyen soulevé par le requérant doit donc être écarté ;
Considérant, en second lieu, que le premier juge a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. X tendant à l'annulation de la décision du préfet du Lot-et-Garonne en date du 19 mai 2008 ordonnant son placement en rétention ; que, toutefois, l'ordonnance en date du 21 mai 2008 par laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé le placement en rétention de l'intéressé, n'a pas pour effet de priver d'objet la demande de M. X tendant à l'annulation de la décision ordonnant son placement en rétention ; que si cette décision avait épuisé ses effets, le requérant était cependant recevable à en contester la légalité ; que, par suite, il convient d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. X tendant à l'annulation de la décision ordonnant son placement en rétention ;
Considérant que, compte tenu de l'irrégularité partielle du jugement attaqué, il appartient au juge d'appel de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif concernant la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière et dans le cadre de l'évocation concernant la légalité de la décision ordonnant le placement en rétention ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière et de la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) » ;
Considérant que M. X, de nationalité algérienne, est entré sur le territoire national, selon ses dires, le 2 janvier 2002 avec un visa de court séjour ; qu'il s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa, sans chercher à régulariser sa situation ; qu'il relevait ainsi de la situation prévue par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige comporte les éléments de fait et de droit sur lesquels il se fonde ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ; que M. X n'est pas fondé à se prévaloir d'une circulaire dépourvue de caractère réglementaire ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) » ;
Considérant que M. X, qui est célibataire et sans enfant, qui séjourne irrégulièrement sur le territoire français depuis 2002, comme il a été dit, et ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales en Algérie, son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans, se prévaut seulement des liens étroits qu'il entretient avec la communauté d'Emmaüs ; que, par suite, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, il ne peut utilement faire valoir que la décision qu'il conteste porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière et de la décision fixant le pays de renvoi en date du 19 mai 2008 ;
Sur la légalité de la décision ordonnant le placement en rétention :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : (...) 3° Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant (...) ne peut quitter immédiatement le territoire français (...) » ; qu'en vertu de l'article L. 551-2 du même code : « La décision de placement est prise par l'autorité administrative (...). Elle est écrite et motivée » ;
Considérant que la décision en litige en date du 19 mai 2008 ordonne le placement en rétention de M. X au motif que « la reconduite à la frontière ne peut pas être exécutée immédiatement » ; que, dès lors qu'elle désigne l'un des motifs énoncés par l'article L. 551-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle vise le 3° dudit article, ladite décision satisfait à l'exigence de motivation prévue par l'article L. 551-2 du même code ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance qu'il n'a pas signé la fiche l'informant de ses droits durant la rétention, dès lors qu'il ne conteste pas que ce document, dont il produit d'ailleurs une copie, lui a été remis ;
Considérant, en troisième lieu, que si le juge des libertés et de la détention a pris une ordonnance en date du 21 mai 2008 prolongeant la rétention de M. X, il n'appartient pas au juge administratif d'en apprécier la légalité, ni les conditions dans lesquelles le juge des libertés a été saisi ; que la circonstance que M. X a déposé devant le tribunal administratif son recours contre la décision en date du 19 mai 2008 ordonnant son placement en rétention, postérieurement à l'ordonnance précitée du juge des libertés et de la détention, n'a pas eu pour conséquence de porter atteinte au respect de son droit effectif à se défendre ; que le détournement de procédure allégué n'est pas établi ;
Considérant, en dernier lieu, que M. X, qui produit uniquement un certificat d'hébergement au sein de la communauté d'Emmaüs et dont le passeport était périmé, ne disposait pas de garanties de représentation suffisantes ; que le préfet du Lot-et-Garonne n'a ainsi pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ordonnant son placement en rétention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de la décision ordonnant son placement en rétention en date du 19 mai 2008 doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme correspondant aux frais que l'avocat de M. X aurait réclamés à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 08/2243 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse en date du 23 mai 2008 est annulé en tant qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. X tendant à l'annulation de la décision ordonnant son placement en rétention.
Article 2 : Les conclusions de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière et de la décision fixant le pays de renvoi en date du 19 mai 2008 sont rejetées.
Article 3 : La demande de M. X devant le Tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de la décision ordonnant son placement en rétention en date du 19 mai 2008 est rejetée.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. X est rejeté.