Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 26 février 2008 sous le n° 08BX00557, présentée pour la SOCIETE BP 3000 dont le siège est sous les allées de Tourny à Bordeaux (33000), par la S.C.P. d'avocats Maxwell-Maxwell-Bertin ;
La SOCIETE BP 3000 demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0503325 en date du 5 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée solidairement avec la communauté urbaine de Bordeaux à verser la somme de 104.144 euros à M. Christophe X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) subsidiairement, de condamner la communauté urbaine de Bordeaux à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi du 28 pluviôse An VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2009,
- le rapport de M. Lafon, conseiller ;
- les observations de Me Dessang, avocat de la SOCIETE BP 3000 et de Me Joly, avocat de la communauté urbaine de Bordeaux ;
- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;
Considérant que M. X a exploité à partir du 15 mai 1998 un commerce d'articles de fumeurs, papèterie, presse, bimbeloterie et un débit de tabacs, loto et loterie situé au n° 14 du cours du Chapeau Rouge à Bordeaux ; qu'en vertu d'une convention de concession de service public consentie par la communauté urbaine de Bordeaux, des travaux ont été effectués du mois de septembre 2001 au mois de juin 2004 par la SOCIETE BP 3000 en vue de la réalisation d'un parking souterrain sous le cours du Chapeau Rouge ; que par un jugement en date du 5 décembre 2007, le Tribunal administratif de Bordeaux a condamné solidairement la communauté urbaine de Bordeaux et la SOCIETE BP 3000 à verser 104.144 euros à M. X en réparation des préjudices subis du fait de la réalisation de ces travaux ; que la SOCIETE BP 3000 interjette appel de ce jugement ; que, par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, M. X demande la réévaluation de la condamnation prononcée en première instance ; que la communauté urbaine de Bordeaux demande, par la voie de l'appel provoqué, le rejet des conclusions indemnitaires de M. X ;
Sur l'intervention en première instance de la S.E.L.A.R.L. Laurent Mayon :
Considérant que si la S.E.L.A.R.L. Laurent Mayon demande l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté son intervention, elle ne conteste pas les motifs retenus à ce titre par les premiers juges ; que ses conclusions doivent par suite être rejetées ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce : I. - Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. (...) ; que, toutefois, ces dispositions n'ont été édictées que dans l'intérêt des créanciers et, dès lors, seul le liquidateur peut s'en prévaloir pour exciper de l'irrecevabilité du dirigeant de la société dont la liquidation judiciaire a été prononcée à se pourvoir en justice ou à poursuivre une instance en cours ; que si le Tribunal de commerce de Bordeaux a, par un jugement du 16 juin 2004, prononcé la liquidation judiciaire de l'entreprise de M. X, le liquidateur de cette entreprise n'a pas excipé de l'irrecevabilité de la demande de première instance présentée le 1er septembre 2005 par M. X ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance doit être écartée ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la construction du parking souterrain sous le cours du Chapeau Rouge a constitué une opération de travaux publics à l'égard de laquelle M. X, qui exploitait son commerce à proximité immédiate du chantier, avait la qualité de tiers ; que les travaux dont s'agit, sans le rendre à aucun moment entièrement impossible, ont néanmoins entraîné pendant près de trois ans des difficultés exceptionnelles d'accès au magasin de M. X et ont ainsi été la cause, pendant cette période, d'une perte de recettes anormale qui a conduit à la liquidation judiciaire du commerce ; que, dès lors, la réalisation de l'ouvrage a soumis M. X à des sujétions excédant celles qu'un riverain de la voie publique peut être normalement appelé à supporter et était, par conséquent, de nature à lui ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, les baisses de recettes de M. X pendant cette période procèdent également de la diminution de la consommation résultant de la hausse des taxes afférentes au tabac, pour une part dont il sera fait une juste appréciation en la fixant à un tiers ; que seuls les deux tiers du préjudice de M. X doivent par suite être laissés à la charge de la SOCIETE BP 3000 ;
Considérant que les premiers juges ont évalué les pertes commerciales à 31.663 euros et la perte économique, liée à la dévalorisation du fonds de commerce, à 72.481 euros ; qu'il y a lieu de confirmer ces évaluations ; que si M. X demande, par la voie de l'appel incident, que soit incluse dans le montant de son préjudice global une somme de 31.858 euros correspondant au coût des travaux de rénovation de son fonds de commerce réalisés en 2000, il n'apporte aucun élément de nature à établir que l'éventuelle plus-value ainsi apportée à son commerce, avant qu'il ne périclite, n'aurait pas été prise en compte dans l'évaluation de l'indemnité d'éviction qui lui a été allouée ou ne demeurerait pas un actif négociable dans le cadre de la liquidation ; que s'il demande également le remboursement de frais de procédure, ceux qui se rapportent à l'action engagée contre la communauté urbaine de Bordeaux et la SOCIETE BP 3000 relèvent des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les autres ne sont pas suffisamment justifiés, tant en ce qui concerne leur acquittement que leur lien avec les faits litigieux ;
Considérant que M. X demande enfin, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice moral ; qu'il n'établit cependant pas la réalité de ce préjudice en se bornant à faire état, sans plus de précision, du retentissement psychologique qui serait nécessairement induit par la perte de son fonds de commerce ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice total s'élève à la somme de 104.144 euros ; qu'eu égard à la part de responsabilité laissée à la charge de la SOCIETE BP 3000, il y a lieu de ramener le montant de sa condamnation à la somme de 69.430 euros ;
Considérant que l'admission de l'appel principal de la SOCIETE BP 3000 aggrave la situation de la communauté urbaine de Bordeaux, qui se trouve seule exposée, à raison de la solidarité, à devoir payer à M. X la différence entre la somme de 104.144 euros allouée à celui-ci par le Tribunal administratif de Bordeaux et la somme de 69.430 euros, laissée à la charge de la SOCIETE BP 3000 ; qu'elle est dès lors recevable à former appel provoqué contre l'ensemble de la condamnation prononcée à son encontre par le jugement attaqué ;
Considérant que le concessionnaire est seul responsable à l'égard des tiers des dommages causés par l'existence ou le fonctionnement des ouvrages concédés, la responsabilité de la collectivité concédante ne pouvant être engagée de ce fait qu'à titre subsidiaire, en cas d'insolvabilité du concessionnaire ; qu'il n'est pas allégué que la SOCIETE BP 3000 soit insolvable ; que, par suite, la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Bordeaux contre la communauté urbaine de Bordeaux était mal dirigée ; que c'est donc à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont condamné la communauté urbaine de Bordeaux solidairement avec la SOCIETE BP 3000 à indemniser M. X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE BP 3000 est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à verser à M. X une somme supérieure à 69.430 euros ; que la communauté urbaine de Bordeaux est fondée à soutenir, par la voie de l'appel provoqué, que c'est à tort que le Tribunal administratif de Bordeaux a accueilli les conclusions indemnitaires dirigées contre elle ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident ou provoqué, que le Tribunal administratif de Bordeaux a procédé à une évaluation insuffisante de la somme qui lui est due ;
Sur les appels en garantie :
Considérant d'une part, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les conclusions de la communauté urbaine de Bordeaux tendant à ce que la SOCIETE BP 3000 la garantisse des condamnations prononcées contre elle étaient dépourvues d'objet ; que, dès lors, la SOCIETE BP 3000 est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à garantir la communauté urbaine de Bordeaux des condamnations prononcées contre elle ;
Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 8.1.1 de la convention de concession de service public signée par la communauté urbaine de Bordeaux et la SOCIETE BP 3000 : Le délégataire assumera seul la responsabilité des dommages causés du fait des travaux de construction ou de réhabilitation, au préjudice de tous les tiers y compris les riverains des ouvrages (...) Le délégataire supportera également seul la réparation des dommages non accidentels de travaux publics trouvant leur origine dans les travaux visés ci-dessus (...) ; qu'il résulte de ces stipulations que la SOCIETE BP 3000 s'est engagée à prendre seule en charge la réparation des dommages liés, comme en l'espèce, aux difficultés d'accès aux commerces riverains des travaux de construction du parking souterrain ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à ce que la communauté urbaine de Bordeaux la garantisse des condamnations prononcées contre elle ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SOCIETE BP 3000 et la communauté urbaine de Bordeaux, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, soit condamnées à verser à M. X et à la S.E.L.A.R.L. Laurent Mayon la somme qu'ils réclament sur leur fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accorder à la communauté urbaine de Bordeaux le bénéfice de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement en date du 5 décembre 2007 du Tribunal administratif de Bordeaux sont annulés.
Article 2 : La SOCIETE BP 3000 est condamnée à verser à M. Christophe X la somme de 69.430 euros.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. Christophe X et par la SOCIETE BP 3000 contre la communauté urbaine de Bordeaux sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions d'appel incident de M. Christophe X et de la S.E.L.A.R.L. Laurent Mayon sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions présentées par M. Christophe X, la S.E.L.A.R.L. Laurent Mayon et la communauté urbaine de Bordeaux tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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No 08BX00557