Vu, la requête, enregistrée le 25 août 2009, présentée pour Mme Yescibell Carolina X chez Me Germany 93 rue Victor Sévère à Fort-de-France (97200), son avocat, par la SELARL Germany Conseil et Défense ;
Mme X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901280 du 28 juillet 2009 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2009 par lequel le préfet de la région Martinique a ordonné sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler lesdites décisions pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision en date du 1er octobre 2009 portant désignation de Mme Flécher-Bourjol en qualité de juge en matière d'appel des jugements de reconduite à la frontière ;
Vu l'accord franco-vénézuélien relatif à la suppression de l'obligation de visa de court séjour sous forme d'échange de lettres signées à Caracas le 25 janvier 1999 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir, au cours de l'audience publique du 23 juin 2010, présenté son rapport et entendu les conclusions de M.Vié, rapporteur-public ;
Considérant que Mme X est entrée en France le 24 janvier 2009 sans visa et est repartie au Venezuela le 21 avril 2009 ; qu'elle est à nouveau entrée en France sans visa le 2 juin 2009 ; que par arrêté du 23 juillet 2009, le préfet de la région Martinique a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que le signataire des observations présentées en défense au nom de l'Etat devant le tribunal administratif de Fort-de-France, dont le requérant a eu communication et tendant uniquement au rejet de la requête, n'aurait pas disposé d'une délégation de signature régulière est sans incidence sur la solution du litige ; que, par conséquent, Mme X n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière ;
Sur le fond :
Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que l'arrêté comporte la mention des considérations de droit et de faits relatives à la situation personnelle de Mme X qui le fondent ; qu'il est donc suffisamment motivé ; qu'il ressort de ces mentions et des autres éléments du dossier que le préfet s'est livré à un examen de la situation particulière de la requérante ;
Considérant qu'aux termes de l'accord passé entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Venezuela relatif à la suppression de l'obligation de visa de court séjour sous forme d'échange de lettres signées à Caracas le 25 janvier 1999 : Les ressortissants de la République du Venezuela pourront accéder aux départements français, métropolitains et d'outre mer, sans visa, sur présentation du passeport national diplomatique, de service ou ordinaire en cours de validité, pour des séjours d'une durée maximale de trois mois tous les six mois ; qu'aux termes de l'article R. 312-3 du code de justice administrative : Le tribunal administratif territorialement compétent pour connaître d'une demande principale l'est également pour connaître de toute demande accessoire, incidente ou reconventionnelle ressortissant à la compétence des tribunaux administratifs ; il est également compétent pour connaître des exceptions relevant de la compétence d'une juridiction administrative ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2°) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;
Considérant que l'accord franco-vénézuélien signé le 25 janvier 1999 a été régulièrement publié au journal officiel par décret n° 99-351 du 29 avril 1999 ; qu'en l'absence de disposition particulière cette publication est suffisante ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que Mme X n'aurait pas eu connaissance de l'existence de cet accord ne saurait être accueilli ;
Considérant que les formalités retenues par les gouvernements au stade de la négociation et de la conclusion des accords internationaux sont laissées à la libre appréciation de ces derniers et ne sauraient être utilement contestées devant le juge ; dès lors, le moyen tiré de la nullité de l'accord doit être écarté ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que Mme X est entrée sur le territoire français dépourvue de visa le 24 janvier 2009 et qu'elle en est repartie le 21 avril 2009 ; qu'à cette dernière date, elle n'était plus autorisée à entrer sans visa sur le territoire français avant l'écoulement d'une période de 6 mois ; que, toutefois, elle est revenue en France le 2 juin 2009 dépourvue de visa ; que, dès lors, son entrée sur le territoire français sans visa le 2 juin 2009 doit être regardée comme irrégulière ; que, dans ces circonstances, Mme X n'entrait pas dans la catégorie de l'étranger qui s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou qui, n'étant pas soumis à l'obligation de visa, s'est maintenu au-delà d'un délai de trois mois sans être titulaire d'un premier titre de séjour ; que par suite l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de Mme X ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressée ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier ;
Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée motivée par l'irrégularité du séjour de Mme X trouve son fondement légal dans les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles du 2° du même article dès lors, en premier lieu, qu'étant entrée sur le territoire dépourvue de visa à une date à laquelle elle ne bénéficiait plus de la dispense de visa, Mme X se trouvait dans la situation où, en application du 1° du II de l'article L. 511-1, le préfet pouvait décider qu'elle serait reconduite à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver Mme X d'aucune garantie et, en troisième lieu, que le préfet de la région Martinique disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que si Mme X, entrée en France le 2 juin 2009, soutient être fiancée avec un ressortissant de nationalité française, elle n'apporte au dossier ni l'identité de ce dernier, ni aucun élément de nature à établir l'existence de cette relation ; qu'en tout état de cause, eu égard au caractère très récent de son entrée en France, aux conditions de son séjour et au fait qu'elle n'établit pas être dépourvue de tous liens de famille au Venezuela, l'arrêté par lequel le préfet de la région Martinique a ordonné la reconduite à la frontière de Mme X n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale ; que, pour les mêmes motifs, il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'il emporte sur la situation personnelle de Mme X ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'en décidant que Mme X serait reconduite à destination de tout pays dans lequel elle est légalement admissible, le préfet de la région Martinique doit être regardé comme ayant décidé que la requérante pourrait notamment être reconduite à destination du Venezuela ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 28 juillet 2009 le magistrat désigné par le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2009 par lequel le préfet de la région Martinique a ordonné sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme Yescibell Carolina X est rejetée ;
Article 2 : Le surplus des conclusions est rejeté ;
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N° 09BX02068