Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 avril 2010, présentée pour la SNC BEAUJON FINANCE 33, société en nom collectif dont le siège est immeuble Agora, bâtiment C, ZAC Etang Z Abricot à Fort-de-France (97200), représentée par son gérant en exercice, par Me Bancel ; la SNC BEAUJON FINANCE 33 demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0800850 du 18 février 2010 par laquelle le président du Tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable figurant sur la facture qui lui a été délivrée à raison de l'acquisition d'un véhicule automobile destiné à la location ;
2°) de lui accorder le remboursement de la taxe en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative et notamment son article R. 222-27 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2011 :
- le rapport de Mme Madelaigue, premier conseiller ;
- les observations de Me Bancel, pour la SNC BEAUJON FINANCE 33 et de MM. Chaillé et Navarre, pour le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;
La parole ayant à nouveau été donnée aux parties ;
Considérant que la SNC BEAUJON FINANCE 33, qui a son siège en Martinique, a fait l'acquisition le 10 janvier 2008 d'un véhicule pour les besoins de son activité de location soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle a sollicité par la voie d'une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée, la récupération de la taxe non perçue récupérable figurant comme telle sur sa facture d'achat ; que le régime dit de récupération de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable permettait, en vertu d'une décision ministérielle du 2 novembre 1953, relayée par des instructions et documentations administratives de la série 3 G-1 en vigueur avant l'intervention de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 inapplicable en l'espèce, aux assujettis exerçant leur activité dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion, de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait été acquittée lors de l'importation ou de l'achat de biens si ces opérations n'avaient pas été exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée dans ces départements en vertu du 5° du 1 de l'article 295 du code général des impôts ; que le bénéfice d'un tel régime doctrinal était subordonné au respect non seulement des conditions qu'il posait mais aussi des règles générales de déduction autres que celles dont il permettait au contribuable de s'affranchir ;
Considérant que le remboursement sollicité lui a été refusé par décision du
14 novembre 2008,au motif que les véhicules conçus pour un usage mixte sont exclus du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé leur acquisition en application des dispositions visées à l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts et ne peuvent donc prétendre au bénéfice de la récupération au titre de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue mais récupérable ; que la SNC BEAUJON FINANCE 33 relève appel de l'ordonnance du 18 février 2010 par laquelle le président du Tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à ce que ce remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée lui soit accordé ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7º Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; (...) ;
Considérant que, pour contester devant le Tribunal administratif de Fort-de-France le refus de remboursement qui lui a été opposé, la société requérante s'est fondée, d'une part, sur la circonstance que son fournisseur lui a délivré une facture faisant état d'une taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable et, d'autre part, sur la faculté de déduction résultant alors de l'article 242 de l'annexe II au code général des impôts lequel faisait obstacle à l'exclusion du droit à déduction des véhicules immobilisés définie par l'article 237 de la même annexe ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la demande formée par la SNC BEAUJON FINANCE 33 doit être regardée comme fondée sur le régime particulier susmentionné de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable applicable dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion ; que ce moyen tiré de la doctrine alors en vigueur, dont l'application aurait permis à la société requérante de se prévaloir des dispositions de l'article 242 de l'annexe II du même code, n'était pas, au regard du motif du refus de remboursement, inopérant ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen concernant la régularité de l'ordonnance attaquée, en considérant que ce moyen était inopérant et en rejetant sa demande sur le fondement de l'article R. 222-1-7° du code de justice administrative, le président du Tribunal administratif de Fort-de-France a entaché son ordonnance d'irrégularité ; que, par suite, la SNC BEAUJON FINANCE 33 est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SNC BEAUJON FINANCE 33 devant le Tribunal administratif de Fort-de-France et ses conclusions présentées devant la Cour ;
Sur le terrain de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. ; qu'aux termes de l'article 237 de l'annexe II audit code, alors en vigueur : Les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, lorsqu'ils ne sont pas destinés à être revendus à l'état neuf, n'ouvrent pas droit à déduction (...) ; qu'aux termes de l'article 242 de la même annexe, alors en vigueur: Les exclusions prévues aux articles 236 et 237 ne sont pas applicables aux biens donnés en location sous réserve que la location soit soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. (...) ;
Considérant que l'article 271 précité du code général des impôts, qui n'autorise l'imputation que de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable sur la taxe applicable à cette opération ne permet pas d'imputer une taxe d'amont décomptée fictivement sur le prix d'une opération, quand bien même cette imputation est faite par un assujetti au titre de ses opérations imposables et que la mention de cette taxe fictive est portée sur la facture dont il est le destinataire ; que ne le permet pas davantage l'article 242 de l'annexe II au code général des impôts qui ne trouve à s'appliquer que pour autant que le droit à déduction réponde aux conditions de l'article 271 du même code ; qu'en outre, la circonstance, invoquée par la société requérante, que l'opérateur d'amont aurait dû soumettre la vente à la taxe sur la valeur ajoutée ne permet pas de fonder son propre droit à déduction de cette taxe ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 271 du code général des impôts et de l'article 242 de l'annexe II audit code doivent être écartés ;
Sur le terrain de la doctrine fiscale :
Considérant qu'en vertu du régime issu de la doctrine administrative dit de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable , les contribuables, qui exercent leur activité dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion, peuvent demander le remboursement de la taxe décomptée fictivement sur la valeur d'acquisition des biens et équipements destinés à être affectés durablement aux besoins de leur activité économique qui figurent sur la liste fixée par arrêtés conjoints du ministre de l'économie des finances et de l'industrie et du ministre chargé des départements d'outre-mer, codifiés aux articles 50 undecies et 50 duodecies de l'annexe IV au code général des impôts et qui sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée en application notamment des dispositions du 5° du 1 de l'article 295 dudit code ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le véhicule automobile de type 4x4, dont l'achat a donné lieu à la demande de remboursement de taxe en litige, est équipé de cinq places assises ; qu'il ne figure pas sur la liste des biens mentionnés à l'article 50 undecies de l'annexe IV au code général des impôts, laquelle ne vise que les véhicules automobiles comportant au moins 7 places assises ; que ce véhicule ne figure pas davantage au nombre de ceux mentionnés à l'article 50 duodecies de l'annexe IV au même code ; que, dès lors, la société requérante ne peut se prévaloir du mécanisme dit de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander le remboursement de la taxe en litige ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la société requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du président du Tribunal administratif de Fort-de-France de France du 18 février 2010 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la SNC BEAUJON FINANCE 33 devant le Tribunal administratif de Fort-de-France et le surplus des conclusions de sa requête devant la Cour sont rejetés.
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N° 10BX00936