Vu la requête enregistrée au greffe de la cour en télécopie le 19 janvier 2011, sous le n° 11BX00196, et en original le 21 janvier 2011, présentée pour M. Charles A, demeurant ... ; M. A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0501221 en date du 10 novembre 2010 du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il a limité à la somme de 3 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la société France Télécom au titre du préjudice subi par lui du fait du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement et qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions dont celles à fin d'injonction ;
2°) d'annuler la décision de rejet implicite de sa réclamation préalable ;
3°) de condamner France Télécom à lui verser la somme de 51 144 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis majorée des intérêts au taux légal décomptés à partir du 28 juillet 2004 ;
4°) d'enjoindre à l'Etat et à France Télécom de reconstituer sa carrière, en termes d'avancement d'échelon ou de grade et de promotion sociale ;
5°) de mettre à la charge de France Télécom le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 et n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
Vu le décret n° 90-1234 du 31 décembre 1990 ;
Vu le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2012 :
- le rapport de Mme D. Boulard, président assesseur ;
- et les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; qu'aux termes de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 : 1. Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de l'entreprise nationale France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi. / L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité (...) ;
Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ;
Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de France Télécom de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification , ne dispensait pas le président de France Télécom, avant le 1er janvier 2002, de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ;
Considérant, d'autre part, que le législateur, en décidant par les dispositions précitées de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, résultant de la loi du 26 juillet 1996, que les recrutements externes de fonctionnaires par France Télécom cesseraient au plus tard le 1er janvier 2002, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement , en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, sont devenus illégaux à compter de la cessation des recrutements externes le 1er janvier 2002 ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés après cette date, le président de France Télécom a, de même, commis une illégalité ; que des promotions internes pour les fonctionnaires reclassés non liées aux recrutements externes ne sont redevenues possibles, au sein de France Télécom, que par l'effet du décret du 26 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que France Télécom a eu, à l'égard des fonctionnaires reclassés , un comportement fautif de nature à entraîner sa responsabilité ; que cette société ne peut utilement se prévaloir pour s'exonérer de sa responsabilité, ni de la faute de l'Etat, ni de la circonstance qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à des promotions dans les corps de reclassement ; que, toutefois, ce comportement n'ouvre droit à réparation au profit du requérant qu'à la condition qu'il soit à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par lui ;
Considérant que M. A, dont il résulte de l'instruction qu'il appartenait au corps des agents de service de France Télécom avant sa mise à la retraite, n'apporte pas plus en appel qu'en première instance, de précision quant à sa situation administrative personnelle ; qu'il n'indique pas même le grade auquel il souhaitait être promu ou le corps auquel il souhaitait accéder ; que, dans ces conditions et comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, il ne saurait être regardé comme établissant un préjudice de carrière, lequel s'apprécie en fonction de données propres à l'agent dans le cadre des emplois de reclassement et non en fonction d'une comparaison globale entre ces emplois et ceux de reclassification ;
Considérant, cependant, que le comportement fautif de France Télécom relevé plus haut, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, est la source d'un préjudice moral subi par le requérant dont le jugement admet à juste titre l'existence ; que le tribunal a accordé, dans son dispositif, une indemnité pour réparer ce chef de préjudice d'un montant de 3 000 euros intérêts compris ; que, compte tenu de la nature des troubles qu'il recouvre, résultant de l'atteinte portée aux droits du requérant, et de la durée pendant laquelle ces troubles ont été subis, la somme destinée à réparer le préjudice moral doit être portée à 5 000 euros tous intérêts confondus ;
Considérant que le comportement fautif de France Télécom ayant causé, dans son entier, le dommage que l'indemnité de 5 000 euros répare, cette société n'est pas fondée à demander que la charge indemnitaire pèse sur l'Etat ;
Considérant que les prétentions indemnitaires de M. A ne permettent pas d'accueillir ses conclusions tendant à la reconstitution de sa carrière ; qu'en tout état de cause, la réparation de son préjudice moral ne suffit pas à justifier sa demande à fin d'injonction ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander la réformation du jugement attaqué en ce qu'il n'évalue pas à 5 000 euros l'indemnité qu'il condamne France Télécom à lui verser ; que cette société n'est pas fondée à demander la réformation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : L'indemnité que France Télécom a été condamnée à verser à M. A par l'article 1er du jugement n° 0501221 en date du 10 novembre 2010 du tribunal administratif de Toulouse est portée à la somme de 5 000 euros tous intérêts confondus.
Article 2 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. A est rejeté.
Article 4 : Les conclusions reconventionnelles de la société France Télécom, de même que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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No 11BX00196