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13/03/2012 | FRANCE | N°10BX00840

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 13 mars 2012, 10BX00840


Vu la décision en date du 16 mars 2010, enregistrée le 26 mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 05BX02041 en date du 17 décembre 2007 de la Cour et lui a renvoyé la requête présentée par M. Rémy A ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 octobre 2005, présentée pour M. Rémy A demeurant ..., par Me Alexandre ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement, en date du 27 juillet 2005, par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a

rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribu...

Vu la décision en date du 16 mars 2010, enregistrée le 26 mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 05BX02041 en date du 17 décembre 2007 de la Cour et lui a renvoyé la requête présentée par M. Rémy A ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 octobre 2005, présentée pour M. Rémy A demeurant ..., par Me Alexandre ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement, en date du 27 juillet 2005, par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquels il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996 ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2012 :

- le rapport de M. Lerner, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vié, rapporteur public ;

Considérant que M. A a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 1995 et 1996 ; qu'en l'absence de déclarations de revenus au titre des années vérifiées, malgré l'envoi de deux mises en demeure, il a été taxé d'office à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 66 et de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales ; que M. A fait appel du jugement du 27 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée mis en recouvrement à l'issue de cette procédure ;

Sur la domiciliation fiscale de M. A :

Considérant que, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

En ce qui concerne la loi fiscale nationale :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " ; que selon l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens des dispositions de l'article 4 A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques " ; que, pour l'application des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, qui est célibataire et sans enfant, était propriétaire d'une demeure située à Chazey-sur-Ain qu'il a vendue, le 15 octobre 1996, en déclarant dans l'acte de vente que cet immeuble constituait sa résidence principal ; qu'il occupait régulièrement cette propriété comme l'établissent ses dépenses d'électricité et de téléphone ; qu'après cette vente, il a disposé d'une autre propriété en Dordogne acquise par une société civile immobilière dont il détient 99 % des parts ; qu'il était titulaire de quatre comptes bancaires en France dont un compte épargne logement, un plan d'épargne logement et un compte chèque sur lequel il payait ses consommations courantes ; qu'il était directeur général d'une société financière dont le siège social est implanté à Paris ; que bien qu'il se soit déplacé fréquemment, notamment en Afrique, il a séjourné en France 150 jours en 1995 et 137 jours en 1996, durée qui est supérieure à celle de ses séjours en Suisse ou dans un autre pays ; qu'ainsi, au cours de ces années 1995 et 1996, il doit être regardé comme ayant eu sa résidence habituelle en France où il avait donc son foyer au sens des dispositions précitées de l'article 4 B du code général des impôts ;

En ce qui concerne la convention franco-suisse :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a. Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites ; b. Si l'Etat contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle ; c. Si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des Etats contractants ou si elle séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant dont elle possède la nationalité ; (...) " ;

Considérant que si M. A, qui est de nationalité française, fait valoir qu'il était titulaire, au cours des deux années en litige, d'une autorisation dite B probatoire délivrée par les autorités suisses puis d'un permis C de résidence fiscale définitive à partir de 1997, qu'il était salarié d'une société suisse qui assurait l'intégralité de ses revenus professionnels sur lesquels il acquittait l'impôt sur le revenu en Suisse par prélèvement à la source et qu'il n'était pas rémunéré pour son poste de directeur d'une filiale française, qu'il possédait un véhicule automobile immatriculé en Suisse et était, au titre des années litigieuses, considéré comme résident suisse par les autorités helvétiques, qu'il produit d'ailleurs une attestation de l'administration fiscale du canton de Genève selon laquelle il était assujetti de manière illimitée aux impôts dans ce canton, il n'établit pas avoir disposé en Suisse d'un domicile où il aurait résidé habituellement ; qu'ainsi M. A avait, au cours des années 1995 et 1996, avec la France des relations personnelles plus étroites qu'avec la Suisse ; qu'il doit être regardé comme ayant eu en France son foyer d'habitation permanent au sens des stipulations du 2 de l'article 4 de la convention franco-suisse ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 170 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices et de ses charges de famille (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales alors en vigueur : " Sont taxés d'office : 1° A l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...) sous réserve de la procédure de régularisation prévue par l'article L. 67 (...) " et qu'aux termes de l'article L. 67 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue au 1° (...) de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure. (...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé à M. A, le 12 janvier 1998, des mises en demeure l'invitant à déposer, dans un délai de 30 jours, pour les années 1995 et 1996, la déclaration prévue à l'article 170-1 précité ; qu'en réponse à ces mises en demeure, l'intéressé a contesté être assujetti à cette obligation déclarative et a retourné les imprimés de déclaration dépourvus de signature et de tout élément chiffré ; que, par l'envoi de ces seuls documents, M. A ne peut être regardé comme ayant rempli ses obligations déclaratives ; que, par suite, l'administration pouvait, en application des dispositions précitées, lui appliquer la procédure de taxation d'office ;

Considérant que les services fiscaux, qui n'étaient pas tenus de préciser, dans les mises en demeure, les motifs de droit ou de fait pour lesquels ils estimaient que M. A était imposable à l'impôt sur le revenu, pouvaient, sans entacher d'irrégularité la procédure de taxation d'office selon laquelle les redressements litigieux ont été établis, lui adresser lesdites mises en demeure alors même qu'ils n'avaient pas réuni, à la date de leur envoi, l'ensemble des éléments sur lesquels ils se sont fondés pour établir la domiciliation fiscale en France de M. A ;

Considérant que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L. 48, marque l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un débat contradictoire avec le contribuable sur les éléments qu'il envisage de retenir ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des courriers que lui a adressés le vérificateur les 19 juin et 7 octobre 1998, que M. A a reçu, le 31 mars 1998, un avis d'examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle au titre des impositions relatives aux années 1995 et 1996 ; que cet avis a été suivi, le 18 juin 1998, d'un premier entretien avec le vérificateur portant notamment sur la domiciliation en Suisse du contribuable, qui a fourni à cette occasion divers documents, notamment le livret pour étrangers délivré par le canton de Genève et les attestations-quittances établies par l'administration fiscale du même canton, puis d'un second entretien, le 14 septembre 1998, au cours duquel la question de la domiciliation fiscale a été à nouveau abordée, et enfin, le 7 octobre 1998, d'un courrier par lequel le vérificateur expose très complètement les éléments sur lesquels il se fonde pour considérer que le domicile fiscal de l'intéressé se situerait en France ; qu'ainsi le vérificateur doit être regardé comme ayant engagé avec M. A un dialogue contradictoire sur le pays où il est fiscalement domicilié avant que ne lui soient adressées, le 16 décembre 1998 pour l'année 1995 et le 16 août 1999 pour l'année 1996, les notifications de redressement qui ont clos l'examen de sa situation fiscale personnelle pour les années concernées ; qu'ainsi le moyen selon lequel les éléments recueillis dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. A et qui ont motivé l'application de la procédure de taxation d'office n'auraient pas fait l'objet d'un débat contradictoire doit être écarté ;

Considérant que M. A ayant été régulièrement imposé selon la procédure de taxation d'office, les moyens tirés du défaut de respect des garanties attachées à la mise en oeuvre de la procédure de redressement contradictoire et de ce que le contribuable n'aurait pas été mis en mesure de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires sont inopérants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquels il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N°10BX00840


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX00840
Date de la décision : 13/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: M. Patrice LERNER
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : ALEXANDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-03-13;10bx00840 ?
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