Vu le recours, enregistré le 19 novembre 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600216-0600217 en date du 3 août 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de la Sarl Garage Semenadisse tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des périodes comprise entre le 1er janvier 2000 et le 30 juin 2003 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamées au titre des exercices clos les 31 décembre 2000 à 2002 ;
2°) de rétablir la Sarl Garage Semenadisse au rôle de l'impôt sur les sociétés, à raison des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamées au titre des exercices clos les 31 décembre 2000 à 2002 ;
3°) de rétablir la Sarl Garage Semenadisse à l'imposition en matière de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des périodes comprises entre le 1er janvier 2000 et le 30 juin 2003, à l'exception des montants notifiés au titre de la taxation des acquisitions intra-communautaires, des ventes opérées sur le prix de vente total au lieu et place de la marge et des amendes prévues à l'article 1740 ter du code général des impôts ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2012 :
- le rapport de Mme Madelaigue, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;
Considérant que la société Garage Semenadisse, qui exerce une activité de vente et de réparation de véhicules à Valence d'Agen (Tarn-et-Garonne), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2000 et le 30 juin 2003 en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 août 2010 qui a prononcé la décharge des suppléments d'impositions mis à la charge de la société Garage Semenadisse, à l'exception, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, des montants notifiés au titre de la taxation des acquisitions intra-communautaires, des ventes opérées sur le prix de vente total au lieu et place de la marge et des amendes prévues à l'article 1740 ter du code général des impôts ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. " ; qu'aux termes de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction issue de l'article 103 de la loi n° 89-936 du 29 décembre 1989 : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l'administration fiscale peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable. Celui-ci peut demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies seront produites sur un support informatique fourni par l'entreprise, répondant à des normes fixées par arrêté (...) " ; que si ces dispositions assurent à la société contrôlée les garanties prévues par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales lorsque l'administration souhaite conduire des investigations sur le fonctionnement des systèmes informatisés qu'elle utilise, elles ne font pas obstacle à ce que, en dehors de cette procédure, l'administration demande, dans le cadre d'une vérification de comptabilité, sur le fondement de l'article L. 13 précité du même livre, une copie des données issues de tels systèmes, y compris sur support informatique, pour les consulter et analyser, à partir de ses propres outils, leur cohérence avec les déclarations fiscales de cette société ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que lors des opérations de contrôle de la comptabilité de la société requérante, il est apparu que certaines pièces comptables obligatoires manquaient, que certaines opérations présentaient des anomalies importantes et que la comptabilité ne reflétait pas la réalité des opérations réalisées ; qu'eu égard aux nombreuses insuffisances affectant la comptabilité papier présentée par la société, la vérificatrice a souhaité consulter la comptabilité dématérialisée ; qu'en l'absence d'informaticien dans l'entreprise, elle a sollicité l'assistance d'un vérificateur de la brigade des contrôles informatisés afin de pouvoir accéder à cette comptabilité ; que celui-ci a constaté que les données informatiques comptables des exercices 2000, 2001, 2002 et du premier semestre 2003 n'étaient pas présentes ; qu'il n'est pas contesté que les vérificateurs sont alors intervenus, le 24 novembre 2003, chez l'expert comptable où ils ont été reçus par le comptable salarié du cabinet et qu'il a été procédé à l'exportation des écritures des journaux " achats ", " ventes ", " à nouveau ", " opérations diverses " pour les données 2000, d'une partie des données 2001 et des données 2002 ; qu'une copie des fichiers a été effectuée sur disquette appartenant à l'administration ; que, s'agissant de l'exercice 2002, le cabinet comptable a créé trois fichiers qui ont été envoyés par messagerie à la brigade de vérification des comptabilités informatisées ; que si ces fichiers contenaient des informations qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux au sens de l'article L. 13 précité du livre des procédures fiscales, la vérificatrice, qui s'est bornée à lire les fichiers des disquettes et à faire des contrôles de cohérence, sous forme de totalisations, pour s'assurer de la concordance avec la balance papier et de la réalité de la conservation des données sur support informatique, n'a pas fait usage de la possibilité que lui confèrent les dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales de demander au contribuable d'effectuer des traitements informatiques au sens de ces dispositions et n'a pas réalisé de traitement informatique au sens de cet article ; que, dès lors, et nonobstant la circonstance que la société requérante avait été avisée, par lettre du 27 juin 2003, de ce que le vérificateur serait assisté dans les opérations de vérification de sa comptabilité par un inspecteur attaché à la 5ème brigade de contrôle des comptabilités informatisées de la direction des vérifications nationales et internationales et la notification de redressement ne révélant pas non plus que les redressements en litige résulteraient d'un traitement informatique spécifique, le moyen tiré de ce que la société requérante n'aurait pas bénéficié des garanties de procédure prévues par les dispositions de l'article L. 47 A précité est inopérant ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour accorder la décharge des impositions contestées ;
Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Garage Semenadisse tant devant le tribunal administratif que devant la cour à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des impositions en litige ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que si aux termes des dispositions susrappelées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, l'administration est tenue de restituer au contribuable avant la mise en recouvrement des impositions les copies des traitements informatiques éventuellement fournies par l'entreprise dans le cadre des opérations de contrôle, il résulte de ce qui vient d'être dit que la société, en se bornant à présenter au vérificateur une édition sur support numérique de sa comptabilité informatisée, ne lui a pas remis la copie de traitements informatiques au sens des dispositions précitées ; que, par suite, le moyen ainsi soulevé doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les documents emportés par l'administration fiscale ne sont que la copie des documents comptables, effectuée sur support numérique ; que la prise et la conservation de copies de documents comptables ne s'analysent pas comme un emport de documents ; que si la société requérante soutient que l'administration a procédé à un emport irrégulier de documents comptables, les copies des fichiers ayant été réalisées sans son accord préalable, s'agissant de la copie de fichiers informatiques, cet emport, à le supposer établi, est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par courrier en date du 28 octobre 2004, l'administration a adressé au liquidateur judiciaire de la société les documents de transports dits CMR qu'elle lui avait remis pour établir la réalité de livraisons intracommunautaires ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de restitution desdits documents manque en fait et doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que deux sommes de 100 000 francs( 15 244,90 euros) ont pour origine des prêts souscrits par la compagne de M. auprès de deux organismes de crédits et qu'elles ont été portées au crédit de la société Semenadisse les 31 mars et 30 avril 2000 ; que, toutefois, l'examen des comptes bancaires de la société n'a révélé aucun virement en provenance des organismes de crédits cités ni remise de chèque au nom de la société ; qu'ainsi, la société n'établit pas que ces emprunts, dont l'existence n'est pas contestée, auraient été encaissés sur ses comptes courants dès lors qu'aucun lien n'est établi entre les sommes prétendument empruntées et les sommes portées sur ses comptes bancaires ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 262 ter du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " I. - Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons intracommunautaires de biens est notamment subordonnée à la condition, d'une part, que l'acquéreur desdits biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas dans l'Etat membre dans lequel elle est établie d'un régime dérogatoire l'autorisant à ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ses acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un autre Etat membre ; que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ; que, s'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, pour l'application de la disposition précitée, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur ;
Considérant que pour justifier l'existence de livraisons intracommunautaires, la société soutient qu'elle a fourni des lettres de voitures (dites CMR) établies par la SA Agen Auto comportant l'identification du donneur d'ordre, la Sarl Garage Semenadisse, et du destinataire, la société Coche Presencia, établissant la réalité du transport des véhicules en cause ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'exercice du droit de communication auprès du centre technique de la gendarmerie nationale a permis d'établir que les véhicules ont été immatriculés en France et qu'à la suite de mutations, ils ont continué à l'être ainsi qu'en atteste le défaut de radiation du fichier national des automobilistes ; qu'un droit de communication exercé auprès des préfectures sur les certificats de cession a permis de constater que les véhicules avaient été cédés à des clients français par les sociétés Semenadisse ou Lomi, cette dernière société étant gérée par la soeur de M. ; qu'il résulte également de l'instruction que la société requérante avait connaissance du destinataire réel du véhicule puisqu'un compte était ouvert à son nom dans ses écritures comptables et qu'elle enregistrait les paiements de certains véhicules par la clientèle française sans les comptabiliser dans ses produits ; qu'ainsi, et quelle que soit la régularité des lettres de voiture, les véhicules en cause ne peuvent être regardés comme ayant été effectivement livrés en Espagne et, par suite, comme ayant fait l'objet d'une livraison intracommunautaire entrant dans le champ de l'exonération prévue par les dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts ;
Sur les pénalités :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les sanctions pour absence de bonne foi appliquées aux redressements notifiés en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2001 et 2002 sont motivées dans les propositions de rectifications des 19 décembre 2003 et 30 juillet 2004 par les montants régulièrement encaissés sur le compte courant de la société et qui auraient dû être comptabilisés, la mise en évidence par une enquête judiciaire du caractère intentionnel des minorations commises de façon répétitives et l'existence de minorations de recettes qui trouvent leur origine dans des pratiques comptables irrégulières dont le caractère répété et la gravité se vérifient sur l'ensemble de la période vérifiée ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation des pénalités pour absence de bonne foi doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, que l'administration a assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux livraisons intracommunautaires non justifiées de pénalités pour manoeuvres frauduleuses sur le fondement des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ; que l'administration s'est fondée sur le fait que les ventes étaient effectuées en France et non en Espagne puisque les certificats de cession faisaient apparaître le nom et l'adresse de clients français et que les factures de vente mentionnaient un faux nom, que les versements des clients réels sur des comptes de tiers s'imputaient sur le compte du client fictif à travers des écritures complexes ; que, dans ces conditions, et sans que la circonstance que le ministre ait chiffré dans un tableau récapitulatif de sa requête que les montants en droits restant en litige n'ait pour effet de rendre irrecevables ses conclusions tendant au rétablissement des pénalités, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence de manoeuvres destinées à masquer la réalité afin d'égarer le pouvoir de contrôle de l'administration ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de la société Garage Semenadisse ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Garage Semenadisse au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0600216-0600217 en date du 3 août 2010 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : Les impositions dont la décharge a été prononcée, à l'exception, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, des montants notifiés au titre de la taxation des acquisitions intracommunautaires, des ventes opérées sur le prix de vente total au lieu et place de la marge et des amendes prévues à l'article 1740 ter du code général des impôts, sont remises à la charge de la société Garage Semenadisse.
Article 3 : Les conclusions de la société Garage Semenadisse tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
''
''
''
''
6
N° 10BX02858