Vu la requête, enregistrée le 1er octobre 2010, présentée pour Mme Jacqueline X, demeurant ..., M. Richard X, demeurant ... et M. Thierry X, demeurant ..., par la SCP Deffieux-Garraud ;
Les requérants demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701259 en date du 2 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département des Pyrénées-Atlantiques à leur verser une indemnité de 198 461 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à la suite des opérations de remembrement menées dans la commune de Sault-de-Navailles pour l'aménagement de la déviation de la route départementale 933 et a mis à leur charge les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif ;
2°) de condamner le département des Pyrénées-Atlantiques à leur verser une indemnité de 198 461 euros en réparation de leurs préjudices, de mettre à sa charge les frais de l'expertise ordonnée en première instance ainsi que le versement à leur profit de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de la justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2012 :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- les observations de Me Maillet, avocat des CONSORTS X et de Me Achou-Lepage, avocat du département des Pyrénées-Atlantiques ;
Considérant que les CONSORTS X relèvent appel du jugement du 2 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département des Pyrénées-Atlantiques, sur le fondement des dispositions de l'article L. 123-26 du code rural, à leur verser une indemnité de 198 461 euros en réparation des préjudices subis par eux à la suite des opérations de remembrement menées dans la commune de Sault-de-Navailles pour l'aménagement de la déviation de la route départementale n° 933 ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que dans leur mémoire introductif d'instance devant le tribunal administratif, les CONSORTS X se référaient aux demandes préalables d'indemnisation qu'ils avaient adressées en 2006 et en 2007 au maître d'ouvrage ; que leurs conclusions devaient ainsi être regardées comme tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils estimaient avoir subis ; que si des conclusions tendant à une condamnation pécuniaire doivent être chiffrées devant les juges de première instance, cette irrégularité est régularisable même après l'expiration du délai de recours contentieux tant qu'il n'a pas été statué sur la demande ; qu'en l'espèce, par un mémoire complémentaire enregistré le 19 mai 2010, les CONSORTS X ont précisé qu'ils sollicitaient une indemnité de 198 461 euros ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande de première instance doit être écartée ;
Au fond :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-26 du code rural alors en vigueur : " Lorsqu'un aménagement foncier est réalisé en application de l'article L. 123-24, les dispositions des articles L. 123-1 à L. 123-34 sont applicables. Toutefois, dès lors que tout ou partie des apports d'un propriétaire sont situés dans le périmètre perturbé par l'ouvrage, sont autorisées les dérogations aux articles L. 123-1 et L. 123-18 qui seraient rendues inévitables en raison de l'implantation de l'ouvrage et des caractéristiques de la voirie mise en place à la suite de sa réalisation. Les dommages qui peuvent en résulter pour certains propriétaires et qui sont constatés à l'achèvement des opérations d'aménagement foncier sont considérés comme des dommages de travaux publics. Dès lors que tout ou partie des apports d'un propriétaire sont situés dans le périmètre perturbé par l'ouvrage, sont également autorisées, dans le cas où l'emprise de l'ouvrage est incluse dans le périmètre d'aménagement foncier , les dérogations aux dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 123-4 qui seraient rendues inévitables en raison de la nature des terres occupées par l'ouvrage ; le défaut d'équivalence dans chacune des natures de culture est alors compensé par des attributions dans une ou plusieurs natures de culture différentes " ; qu'aux termes de l'article L. 123-1 du même code : " L'aménagement foncier agricole et forestier (...) a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis (...) Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre d'exploitation principale, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire " ; que l'article L. 123-18 dudit code dispose : " Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 123-1, la distance moyenne entre les lots attribués à un propriétaire et leurs voies de desserte ne peut être plus longue que la distance moyenne entre les lots apportés par ce propriétaire et leurs voies de desserte initiales, sauf accord de l'intéressé. Toutefois, cette distance peut être majorée de 10 % au maximum dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire. Dans le cas d'une compensation entre parcelles forestières et parcelles agricoles, les parcelles forestières attribuées peuvent être plus éloignées des centres d'exploitation ou des voies de desserte existantes que les parcelles agricoles apportées " ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert commis en référé, que pour des apports constitués de trois ilots, les CONSORTS X ont reçu quatre ilots dont l'un est constitué de la seule parcelle cadastrée ZB 37, que sa conformation rend difficilement exploitable ; qu'ainsi, les requérants ont subi, au terme des opérations de remembrement, une aggravation des conditions d'exploitation de leur propriété constitutive d'une dérogation au principe de regroupement posé par l'article L. 123-1 précité de nature à engager la responsabilité du département des Pyrénées-Atlantiques dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 123-26 du code rural ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en fixant à 6 000 euros la somme destinée à le réparer ;
Considérant que les chefs de préjudice dont l'article L. 123-26 du code rural prévoit l'indemnisation par le maître d'ouvrage sont ceux subis par les propriétaires des biens concernés par les dérogations aux dispositions des articles L. 123-1 et L. 123-18 du même code qu'il autorise ; que les premiers juges ont estimé que la moindre valeur de productivité des terres attribuées à l'issue des opérations de remembrement, la valeur des parcelles constructibles apportées, l'impossibilité d'exploiter une parcelle pendant les travaux et les frais engagés pour la remise en culture et le débroussaillage de certaines parcelles n'étaient pas au nombre des dommages entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 123-26 du code rural ; qu'il y a lieu, par adoption de ce motif, de rejeter la demande d'indemnisation présentée sur ce fondement par les CONSORTS X ;
Considérant, en second lieu, qu'il appartient à la cour de rechercher d'office si la responsabilité sans faute du département des Pyrénées-Atlantiques peut être engagée à raison des dommages anormaux et spéciaux subis par les CONSORTS X, qui ont la qualité de tiers par rapport aux travaux publics d'aménagement de la déviation routière ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'ensemble de la propriété des requérants aurait subi une perte de valeur vénale constitutive d'un préjudice anormal et spécial de nature à leur ouvrir droit à indemnité ; que les frais de remise en état des parcelles ZD 3 et ZD 6, d'un montant de 2 258 euros, et les dépenses exposées pour le débroussaillage de la parcelle ZB 37, d'un montant de 240 euros, ne sont pas la conséquence directe et nécessaire des travaux publics ; qu'en revanche, les requérants ont subi, du fait des pertes de récolte imputables à l'exécution de ces travaux, qui doivent être évaluées, comme l'a estimé l'expert, à 10 000 euros, un préjudice anormal et spécial qui engage la responsabilité du maître d'ouvrage ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les CONSORTS X sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué et la condamnation du département des Pyrénées-Atlantiques à leur verser une indemnité de 16 000 euros ;
Sur les dépens et les frais de procès non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Pau, liquidés et taxés à la somme de 2 905,32 euros, à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des CONSORTS X, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département des Pyrénées-Atlantiques demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner sur le même fondement le département des Pyrénées-Atlantiques à verser la somme de 1 500 euros aux requérants ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 2 juillet 2010 est annulé.
Article 2 : Le département des Pyrénées-Atlantiques est condamné à verser aux CONSORTS X la somme de 16 000 euros en réparation de leurs préjudices.
Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le président du ²tribunal administratif de Pau, s'élevant à la somme de 2 905,32 euros, sont mis à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques.
Article 4 : le département des Pyrénées-Atlantiques versera aux CONSORTS X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête des CONSORTS X et les conclusions du département des Pyrénées-Atlantiques présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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N°10BX02513